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LE DIDAC’DOC – Service éducatif des archives départementales de la Manche – Septembre 2009
ÉCLAIRAGES
Extrait de « L’aryanisation des biens juifs sous Vichy : les cas comparés de la France et de
l’Allemagne »
Mais, s’il existe bien un antisémitisme français, ayant ses racines au XIX
e
siècle, et qui ne demande qu’à se
manifester concrètement, Antoine Prost, en accord avec les autres spécialistes de la période, distingue nettement
une politique antisémite spécifique de l’État français de la politique d’exclusion économique d’inspiration
allemande. L’initiative, en matière d’aryanisation – comme le prouve le mot même – est indubitablement
allemande puisque « le premier texte d’aryanisation économique fut la deuxième ordonnance allemande
concernant les mesures contre les Juifs du 18 octobre » 1940. « Jusqu’en avril 1941, précise Jean-Marc Dreyfus,
les législateurs français se contentèrent d’avaliser les textes allemands, par des consignes administratives ou par
des lois. Le 26 avril 1941, deux textes, l’un allemand et l’autre français, furent promulgués. Il ne s’est pas agi d’une
simple coïncidence, mais de la meilleure coordination entre administrations des décisions antijuives ». Point
culminant, la loi d’aryanisation du 22 juillet 1941, qui ordonne la mise sous administration provisoire de tous les
biens juifs non encore bloqués, étendant aux deux zones les procédures d’aryanisation, est d’initiative purement
vichyssoise. Contrairement au reste des pays européens sous la botte nazie, où les administrateurs provisoires
des biens juifs sont des Allemands, la France conserve cependant le droit de désigner des administrateurs
français. Les Français prennent donc en main le processus. Ainsi que le soulignent Marrus et Paxton, « Vallat
voulait prouver aux Allemands qu’il était capable d’organiser une épuration économique aussi efficace que la
leur ». S’y ajoute la volonté évidente de soustraire au maximum les secteurs prestigieux de l’économie française à
l’influence allemande, plus particulièrement en zone non occupée. Le gouvernement de Vichy a certes bataillé
pour que le patrimoine spolié reste entre des mains françaises, mais il s’est parfaitement désintéressé du sort des
victimes, comme le montre le travail de Philippe Verheyde. Comme le souligne à son tour avec pertinence
Antoine Prost dans sa contribution au rapport de la mission Matteoli : « Nous sommes surpris, un demi-siècle plus
tard, de constater que les atteintes au statut des personnes ont alors semblé moins graves que celles au statut
des biens. » Le mépris des personnes se lit, de manière constante, dans l’intérêt administratif tatillon pour les
catégories de biens alors que les personnes sont abandonnées à leur sort sans bruit aucun.
Alya A
GLAN
, Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 49, 2002/4
Chronologie de la persécution des Juifs en France
1940
10 mai : Offensive allemande en France.
23 mai : 9 000 ressortissantes allemandes et autrichiennes, dont 50 % de juives, sont internées par les Français au
camp de Gurs avec leurs enfants.
22 juin : signature de l'armistice.
10 juillet : le maréchal Pétain devient chef de l'État français.
22 juillet : création de la commission pour la révision des 900 000 naturalisations effectuées entre 1927 et 1940 :
15 154 Français d'origine étrangère, dont 6 307 Juifs sont déchus de leur nationalité française.
27 août : abrogation de la loi interdisant la propagande raciste et antisémite dans la presse.
27 septembre : ordonnance allemande pour le recensement des Juifs en zone occupée. À la suite de cette
ordonnance allemande, un fichier des Juifs est établi dans chaque préfecture. Les Juifs doivent marquer
« entreprise juive » sur leurs vitrines.
3 octobre : promulgation du premier statut des Juifs par le gouvernement de Vichy. Les Juifs sont exclus de tout
poste dans la fonction publique, la presse et le cinéma ; est définie comme juive « toute personne issue de
trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents de même race, si son conjoint lui-même est
juif ».
4 octobre : loi autorisant l'internement des « étrangers de race juive » dans des camps spéciaux. En 1941, ils sont
près de 50 000 Juifs étrangers dans des camps en zone non occupée.
7 octobre : abrogation du décret Crémieux du 24 octobre 1870 ; les Juifs d’Algérie ne sont plus citoyens français.
18 octobre : ordonnance allemande imposant le recensement des entreprises juives en zone occupée et la
désignation d’un commissaire-administrateur. 30 000 sociétés sont mises sous tutelle. Début de
l’aryanisation économique.
21 octobre : interdiction de certaines professions aux Juifs (enseignants et assimilés).