
e10 Canadian Family Physician | Le Médecin de famille canadien Vol 71: JANUARY | JANVIER 2025
Révision clinique Lésions blanches courantes dans la cavité buccale
la muqueuse œsophagienne. Il a été signalé que de
nombreux médicaments, y compris des antihyperten-
seurs et des statines, produisaient des réactions liché-
noïdes, dont l’apparition peut être immédiate ou tardive.
Une lésion lichénoïde isolée en contact avec une restau-
ration dentaire, surtout si elle a été faite avec de l’amal-
game, peut évoquer une réaction lichénoïde au matériau
dentaire21. Le potentiel d’une transformation cancéreuse
d’un LPB et des lésions lichénoïdes de la muqueuse buc-
cale fait toujours l’objet de controverses22. Selon les esti-
mations actuelles, les taux de transformation varient de
1,4 à 4,9%, et les lésions sur la langue et les sous-types
de lésions érosives et atrophiées sont associés aux taux
les plus élevés de transformation en cancer23-26. Puisque
le LPB est une maladie chronique, un traitement s’im-
pose pour les lésions symptomatiques, parce qu’il peut
falloir le suivre pendant des mois ou même des années.
Le traitement de première intention du LPB est un corti-
costéroïde topique comme le fluocinonide à 0,05% (gel,
onguent ou crème), le clobétasol à 0,05% (gel, onguent
ou crème) et 0,5mg/5mL d’élixir de dexaméthasone27.
Louisy et ses collègues ont présenté un algorithme cli-
nique détaillé et complet sur le traitement du LPB27. S’il
s’agit d’une lésion lichénoïde isolée, si la présentation
est atypique ou si les lésions ne s’améliorent pas avec
les corticostéroïdes, il y a lieu de procéder à une biop-
sie pour étayer le diagnostic clinique d’un LPB et exclure
une dysplasie épithéliale. Un suivi clinique à long terme
est aussi recommandé.
Diagnostics différentiels. Le nombre de diagnos-
tics différentiels des lésions blanches est considérable.
Les autres lésions blanches courantes incluent les
brûlures thermiques et chimiques, qui se présentent
comme des pseudomembranes blanchâtres qui peuvent
être raclées, exposant ainsi une base érodée. Le den-
tifrice et le rince-bouche peuvent causer des réactions de
contact et entraîner un pelage superficiel de la muqueuse
(Figure 5A). La prise en charge se fonde sur la sélec-
tion de produits d’hygiène buccale doux et un suivi des
symptômes après 2 semaines, quoique certaines lésions
irritatives puissent prendre jusqu’à 1 ou 2 mois à se
résorber28,29. Des présentations semblables de muqueuses
érythémateuses peuvent être causées par des réactions
de contact avec des produits comme la menthe et la
cannelle30. Le virus du papillome humain peut causer
des proliférations épithéliales bénignes de formes papu-
leuses ou verruqueuses (p. ex. papillome malpighien ou
verrue vulgaire), que les personnes de tout âge ont cou-
ramment durant leur vie31 (Figure 5B). Il convient de
signaler que d’autres maladies infectieuses peuvent pré-
senter des lésions buccales blanches. La syphilis devrait
être envisagée dans les diagnostics différentiels d’une
leucoplasie, compte tenu de la présente ascension de
son incidence au Canada32. La syphilis secondaire peut
avoir comme signes des plaques de blanches à rosâtres
(plaques muqueuses) sur la surface latérale de la langue
et les muqueuses des lèvres et de la bouche33,34.
Lésions cancéreuses et précancéreuses. La leucopla-
sie buccale est un diagnostic clinique défini par l’Orga-
nisation mondiale de la Santé comme étant une plaque
blanche dont le risque est douteux après avoir exclu
d’autres problèmes connus (Figure 1 [flèches noires]
et Figure 6A)1,2. Ses bordures sont habituellement bien
démarquées et visibles à l’examen clinique. La préva-
lence de la LB varie entre 2,6 et 4,0%35,36. Ce problème
revêt de l’importance parce qu’une transformation en
cancer se produit dans 7,2 à 9,8% des cas8,37. Des lésions
persistantes chez des non-fumeurs ont tendance à avoir
des taux plus élevés de transformation cancéreuse et
des issues plus défavorables que des lésions semblables
chez des fumeurs. La leucoplasie buccale sans dysplasie
épithéliale confirmée à la biopsie comporte quand même
un risque de transformation en cancer, quoique plus
faible, et exige un suivi clinique. L’érythroleucoplasie
(Figure 6B) et la leucoplasie proliférative (aussi appelée
leucoplasie verruqueuse proliférative) ont été associées à
un risque plus élevé de transformation cancéreuse que
les LB. Selon les estimations, le taux de transformation
en cancer de la leucoplasie proliférative varie entre 50 et
70% avec le temps26,38.
La leucoplasie proliférative (LP) se présente d’abord
sous forme de plaques blanches minces et homogènes;
elle progresse lentement vers une présentation multifo-
cale (Figures 7A et 7B). Les plaques blanches peuvent
se développer en une structure verruqueuse, bien que
cela ne soit pas toujours présent ou prépondérant, selon
un ratio femme-homme de 2,72:139. Pour poser le dia-
gnostic, il faut une biopsie afin d’évaluer la présence
d’une dysplasie. Malheureusement, la LP est difficile à
traiter, et son taux de récurrence est élevé. Parmi les
stratégies thérapeutiques communes figurent l’excision
chirurgicale, l’ablation au laser40 et la cryothérapie39.
Par ailleurs, aucun de ces traitements ne s’est révélé effi-
cace pour réduire considérablement le risque de transfor-
mation en cancer avec le temps. Un étroit suivi clinique
des lésions à tous les 3 à 4 mois est essentiel, quelles
que soient les interventions chirurgicales ou pharma-
cologiques effectuées. Quelques essais randomisés
contrôlés expérimentaux ont fait valoir certains résultats
prometteurs d’une immunothérapie avec l’imiquinod
et le nivolumab41-43. Toutefois, plus de recherches sont
nécessaires pour évaluer les risques à long terme de
récurrence et de transformation cancéreuse.
Investigations générales et prise en charge. Cette
revue des lésions buccales blanches porte sur des pré-
sentations cliniques courantes, mais il existe de nom-
breuses autres entités cliniques. Cette section décrit une
approche générale pour investiguer et prendre en charge
des lésions buccales, en insistant particulièrement sur