Lésions blanches buccales: revue clinique et prise en charge pour médecins

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Vol 71: JANUARY | JANVIER 2025 | Canadian Family Physician | Le Médecin de famille canadien e7
Révision clinique
Exclusivement sur le Web
Lésions blanches courantes
dans la cavité buccale
Revue des tableaux cliniques et prise en charge
Philippe Harris DMD Caroline Bissonnette DMD MS FRCDC DipABOMP
Paul Tabet MD MSc FRCSC René Wittmer MD CCMF
Points de repère
du rédacteur
Cette revue décrit une approche
générale pour l’investigation et la
prise en charge des lésions buccales
blanches en insistant sur les lésions
cancéreuses et précancéreuses dans
le contexte des soins primaires.
Il faut passer attentivement en
revue les antécédents médicaux
du patient, notamment ses
facteurs de risque associés, y
compris la consommation active
ou antérieure de tabac et d’alcool.
Il faut effectuer une évaluation
clinique de la lésion suspecte par
un examen visuel et tactile.
Les paramètres cliniques liés à un
risque accru de cancer incluent le
site anatomique de la lésion; sur la
langue, la lésion présente le risque
le plus élevé, tandis que sur la
muqueuse du palais dur, le risque
est le moins élevé. La présence de
composantes rouges (érythroplasie
ou érythroleucoplasie), d’une
induration ou d’un site non
homogène avec une apparence
verruqueuse ou mouchetée devrait
accroître le degré de suspicion. Des
marges bien définies et une surface
supérieure à 200mm2 sont aussi
des caractéristiques inquiétantes.
Si une lésion réactive est
soupçonnée, l’élimination des
facteurs de causalité potentiels,
comme le tabagisme ou des rebords
de dents tranchants, constitue la
première étape. Un suivi à court
terme des lésions non suspectes
est nécessaire pour évaluer la
régression, la persistance ou
la progression. La persistance et
la progression justifient une
demande de consultation en
vue d’une biopsie.
Résumé
Objectif Présenter aux médecins de soins primaires une revue des lésions buccales
blanches courantes, de même qu’un algorithme pratique de prise en charge.
Sources de l’information Entre janvier et avril 2024, une recension des lignes
directrices de pratique clinique et des ouvrages scientifiques pertinents a été
effectuée en utilisant la base de données PubMed MEDLINE sans limites de dates.
Message principal Il existe de nombreux diagnostics différentiels pour les lésions
blanches dans la cavité buccale. Les infections fongiques; les proliférations liées
au virus du papillome humain; les lésions réactives secondaires à des blessures
d’origine physique, thermique ou chimique; et les entités cliniques précancéreuses
et cancéreuses peuvent toutes se présenter sous forme de lésions blanches.
Une reconnaissance précoce et une prise en charge appropriée sont donc
importantes. Dans certains cas, un suivi à court terme des lésions non suspectes
peut être envisagé pour évaluer la régression, la persistance ou la progression.
D’autres lésions exigent des investigations et des traitements en temps opportun.
En outre, il est d’une importance capitale de fournir aux patients un counseling
adéquat concernant les facteurs de risque liés au mode de vie, notamment la
consommation de tabac et d’alcool.
Conclusion Les lésions blanches dans la cavité buccale sont fréquentes
et peuvent être observées couramment en milieu de soins primaires. La
reconnaissance des problèmes les plus communs et le perfectionnement de
leur prise en charge clinique améliorent les soins aux patients. Les médecins
de soins primaires peuvent jouer un rôle crucial dans la détection précoce des
pathologies buccales. Un triage approprié des lésions suspectes peut, par la
suite, contribuer à diminuer les temps d’attente pour voir un spécialiste et à
éviter des visites médicales inutiles aux patients.
Les lésions dans la cavité buccale sont communes et englobent différents
problèmes de causes diverses. Parmi ces lésions figurent les leucopla-
sies buccales (LB), qui méritent une attention spéciale parce qu’elles sont
associées à un potentiel risque de transformation en cancer. Selon la définition
de l’Organisation mondiale de la Santé, la LB désigne une plaque blanche sur
la muqueuse buccale dont le risque est discutable1,2 et elle ne constitue pas un
diagnostic définitif en elle-même. Au cours des dernières années, l’épidémio-
logie des cancers de la tête et du cou a changé. On a observé une augmenta-
tion de l’incidence des carcinomes épidermoïdes oropharyngés liés au virus du
papillome humain et une baisse simultanée des cas de LB et de carcinomes
épidermoïdes buccaux (CEB) où le virus du papillome humain n’était pas en
cause3. Par ailleurs, dans le cas des LB et des CEB, le tabagisme et la consom-
mation d’alcool demeurent les plus importants facteurs de risque4-8.
Cette revue a pour but de présenter les lésions buccales blanches les plus
courantes et d’offrir un algorithme de prise en charge clinique qui peut être
utilisé en milieu de soins primaires.
e8 Canadian Family Physician | Le Médecin de famille canadien Vol 71: JANUARY | JANVIER 2025
Révision clinique Lésions blanches courantes dans la cavité buccale
Description du cas
Un homme de 76 ans se présente en clinique de
soins primaires pour une visite périodique. Le patient
signale qu’il a récemment remarqué une ulcération
sur la langue. Il mentionne un léger inconfort, mais
il est capable de manger et de boire normalement.
Ses antécédents médicaux ne sont pas révélateurs.
Le patient n’est pas fumeur et ne boit de l’alcool
qu’à l’occasion. À l’examen, une importante érythro-
leucoplasie (plaque rouge et blanche) sur le bord
latéral gauche de la langue est observée (Figure 1).
Dans l’ensemble, la lésion est hétérogène, mais
une grande surface présente une mince leucoplasie
homogène. Des bords bien démarqués sont évidents
dans les portions inférieures et antérieures de la
lésion. L’érythroleucoplasie ne comporte pas d’indu-
ration à la palpation. Il n’y a pas non plus de lympha-
dénopathie à la palpation de la tête et du cou.
Sources de l’information
Une recherche documentaire a été effectuée entre jan-
vier et avril 2024 dans la base de données PubMed
MEDLINE sans limites de dates. Les mots clés MeSH en
anglais oral leukoplakia et practice guidelines ont été uti-
lisés de manière indépendante, de même que des recen-
sions par mots distincts en anglais leukoplakia, candidia-
sis, frictional keratosis, oral lichen planus, oral cancer et
proliferative verrucous leukoplakia.
Message principal
Une évaluation rigoureuse des patients qui présentent
une lésion blanche dans la cavité buccale, y compris un
bilan médical, un bilan social et un examen complet de
la tête et du cou, peut fournir des renseignements dia-
gnostiques utiles pour la prise en charge ultérieure.
Candidose. La candidose buccale, communément
appelée muguet, est une infection fongique causée par
les espèces Candida. La forme la plus courante de la
candidose est la candidose érythémateuse chronique9.
Elle se présente comme un érythème buccal largement
répandu, qui touche habituellement la langue dorsale et
le palais dur. Une stomatite liée aux prothèses dentaires
est associée au port d’un dentier et se présente comme
un érythème mettant en cause les surfaces sous les pro-
thèses, et les résultats de la culture confirment typique-
ment la présence des espèces Candida9. La candidose
pseudomembraneuse se caractérise par des membranes
blanches (Figure 2A) qui peuvent être raclées pour
exposer une base érythémateuse9. Les professionnels
des soins primaires devraient faire la distinction entre
une langue saburrale caractérisée par une accumula-
tion de kératine sur la surface dorsale et la candidose
buccale (Figure 2B). Parmi les facteurs de risque d’une
candidose buccale figurent l’immunodépression, comme
un diabète mal contrôlé, des cancers hématolymphoïdes
Figure 1. Bord latéral gauche de la langue montrant une
mince plaque blanche homogène (flèches noires) avec
une ulcération (flèche blanche)
Figure 2. Candidose comparée à une accumulation de kératine:
A) Candidose sur le palais mou et le palais dur postérieur
se présentant comme des pseudomembranes blanches.
B) Langue saburrale non liée à une candidose buccale.
et le VIH/sida; la sécheresse buccale ou l’hyposaliva-
tion en raison de médicaments ou de l’âge; ou une uti-
lisation antérieure d’antibiotiques ou de corticostéroïdes
inhalés ou topiques9. Les patients souffrant d’asthme qui
prennent des corticostéroïdes inhalés sont à risque plus
élevé de candidose, qui touche surtout le palais mou et
le palais dur postérieur. Le traitement consiste habituel-
lement en un médicament antifongique topique ou systé-
mique pendant 7 à 14 jours et un suivi 2 semaines après
la thérapie antifongique9. Certains patients peuvent avoir
besoin d’un prolongement du traitement antifongique
allant jusqu’à 4 semaines. Même si les lignes directrices
de 2016 de l’Infectious Diseases Society of America sur
la candidose ne recommandent pas de dépister systéma-
tiquement le VIH chez les adultes atteints de candidose,
les cliniciens devraient envisager un dépistage chez les
patients ayant des facteurs de risque d’immunodéficience
ou ceux qui ont des récurrences inexpliquées9. On devrait
conseiller aux patients qui portent des prothèses den-
taires ou d’autres appareils buccaux de les enlever et de
les faire tremper dans une solution antifongique, car, à
défaut de ce faire, le traitement pourrait échouer.
Kératose de frottement. L’irritation chronique provoque
un épaississement de la couche cornée (hyperkératose)
qui se manifeste sous forme de plaques blanches dont
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Lésions blanches courantes dans la cavité buccale Révision clinique
les bords sont irréguliers et généralement entremêlés.
Les lésions traumatiques buccales sont associées aux
dents opposées et affectent donc souvent le trigone rétro-
molaire et les joues. Les patients qui ont l’habitude de se
mordiller la joue (morsicatio buccarum) présentent une
hyperkératose touffue, avec de petits fragments occa-
sionnels d’épithélium qui se détachent de la muqueuse
(Figure 3A). Les patients ayant des zones édentées sur
le bord alvéolaire peuvent aussi développer des plaques
blanches irrégulières en raison de la friction chronique
(Figure 3B), surtout à cause de la mastication des ali-
ments10. La kératose de frottement est un problème bénin,
et le traitement se limite à éviter les traumatismes chro-
niques par friction.
Leucœdème. Le leucœdème se présente comme un
changement gris-blanc sur la surface de la muqueuse
buccale (intérieur de la joue). Un œdème intracellulaire
intervient dans son apparition, sans qu’il y ait une évi-
dence de cancer11. C’est pourquoi le leucœdème n’est
pas considéré comme une entité pathologique, mais plu-
tôt une variante de l’anatomie normale. Il est plus fré-
quent chez les patients d’origine africaine, chez ceux qui
mastiquent de la chique de bétel et chez les fumeurs11,12.
Le diagnostic du leucœdème peut être confirmé en éti-
rant la muqueuse touchée, ce qui atténue ou fait dispa-
raître complètement la couleur blanche11.
Leucoplasie buccale chevelue (LBC). La leucopla-
sie buccale chevelue est une condition bénigne qui se
manifeste par des plaques blanches striées et parallèles
qui se trouvent habituellement sur les bords latéraux de
la langue13. Parmi les autres sites touchés, on peut men-
tionner les surfaces dorsales et ventrales de la langue
et, dans de rares cas, la muqueuse buccale. Elle peut se
présenter unilatéralement ou bilatéralement. La cause
soupçonnée est la réactivation du virus d’Epstein-Barr
et une réinfection des cellules épithéliales14. La plupart
des cas ont été signalés chez des patients immunodépri-
més, y compris des patients ayant une infection au VIH
et particulièrement dans le contexte du sida, mais ils se
sont aussi produits chez des patients immunocompé-
tents15,16. En effet, il y a eu de nombreux rapports de LBC
chez des patients immunocompétents et des patients
ayant une immunodépression locale (p. ex. causée par
des corticostéroïdes topiques). Par conséquent, la LBC
devrait être envisagée quelle que soit la compétence
immunitaire du patient17. Cette lésion ne pose pas de
risque de transformation maligne en un CEB14. Toute-
fois, une biopsie est nécessaire pour exclure un chan-
gement dysplasique ou un CEB. Puisque la LBC est un
problème bénin, un traitement n’est indiqué que pour
des raisons esthétiques ou dans de rares cas d’inconfort.
Il a été démontré qu’un traitement antirétroviral ciblant
le virus d’Epstein-Barr avait réduit la LBC chez des
patients immunodéprimés. Cependant, il ne s’agit pas
d’une thérapie curative, parce que les lésions reviennent
habituellement lorsque cesse le traitement18. Pareille-
ment, une thérapie antirétrovirale a été associée à une
réduction de la prévalence de la LBC chez des patients
porteurs du VIH qui participaient à des unités d’essais
cliniques aux États-Unis et à Haïti, mais ce n’est pas une
cure19. Avant de commencer un traitement, il y a lieu de
discuter avec le patient des résultats attendus du traite-
ment par rapport aux effets secondaires possibles.
Lichen plan buccal (LPB). Le lichen plan buccal est
une lésion médiée par une anomalie immunitaire qui
se présente surtout sous forme de stries réticulaires
blanches (stries de Wickham) sur une base érythéma-
teuse (Figure 4). Les sites courants des lésions dans
la bouche se trouvent bilatéralement sur la muqueuse
buccale, la langue et les gencives20. Une ulcération peut
se développer dans le cas d’un lichen plan érosif et cau-
ser de la douleur, surtout s’il y a exposition à des ali-
ments épicés, acides ou chauds. Autrement, le LPB se
présente comme des lésions blanches linéaires, annu-
laires ou papuleuses. Des plaques blanches avec des
bords diffus peuvent être observées sur la surface dor-
sale de la langue. Le lichen plan peut aussi affecter la
peau, les muqueuses génitales et, dans de rares cas,
Figure 3. Kératose de frottement: A) Morsicatio buccarum
sur la muqueuse buccale gauche. B) Kératose bénigne de
la crête alvéolaire du trigone rétromolaire droit.
Figure 4. Lichen plan buccal: Stries réticulaires blanches,
de même que des surfaces d’érythème sur la muqueuse
buccale droite.
e10 Canadian Family Physician | Le Médecin de famille canadien Vol 71: JANUARY | JANVIER 2025
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la muqueuse œsophagienne. Il a été signalé que de
nombreux médicaments, y compris des antihyperten-
seurs et des statines, produisaient des réactions liché-
noïdes, dont l’apparition peut être immédiate ou tardive.
Une lésion lichénoïde isolée en contact avec une restau-
ration dentaire, surtout si elle a été faite avec de l’amal-
game, peut évoquer une réaction lichénoïde au matériau
dentaire21. Le potentiel d’une transformation cancéreuse
d’un LPB et des lésions lichénoïdes de la muqueuse buc-
cale fait toujours l’objet de controverses22. Selon les esti-
mations actuelles, les taux de transformation varient de
1,4 à 4,9%, et les lésions sur la langue et les sous-types
de lésions érosives et atrophiées sont associés aux taux
les plus élevés de transformation en cancer23-26. Puisque
le LPB est une maladie chronique, un traitement s’im-
pose pour les lésions symptomatiques, parce qu’il peut
falloir le suivre pendant des mois ou même des années.
Le traitement de première intention du LPB est un corti-
costéroïde topique comme le fluocinonide à 0,05% (gel,
onguent ou crème), le clobétasol à 0,05% (gel, onguent
ou crème) et 0,5mg/5mL d’élixir de dexaméthasone27.
Louisy et ses collègues ont présenté un algorithme cli-
nique détaillé et complet sur le traitement du LPB27. S’il
s’agit d’une lésion lichénoïde isolée, si la présentation
est atypique ou si les lésions ne s’améliorent pas avec
les corticostéroïdes, il y a lieu de procéder à une biop-
sie pour étayer le diagnostic clinique d’un LPB et exclure
une dysplasie épithéliale. Un suivi clinique à long terme
est aussi recommandé.
Diagnostics différentiels. Le nombre de diagnos-
tics différentiels des lésions blanches est considérable.
Les autres lésions blanches courantes incluent les
brûlures thermiques et chimiques, qui se présentent
comme des pseudomembranes blanchâtres qui peuvent
être raclées, exposant ainsi une base érodée. Le den-
tifrice et le rince-bouche peuvent causer des réactions de
contact et entraîner un pelage superficiel de la muqueuse
(Figure 5A). La prise en charge se fonde sur la sélec-
tion de produits d’hygiène buccale doux et un suivi des
symptômes après 2 semaines, quoique certaines lésions
irritatives puissent prendre jusqu’à 1 ou 2 mois à se
résorber28,29. Des présentations semblables de muqueuses
érythémateuses peuvent être causées par des réactions
de contact avec des produits comme la menthe et la
cannelle30. Le virus du papillome humain peut causer
des proliférations épithéliales bénignes de formes papu-
leuses ou verruqueuses (p. ex. papillome malpighien ou
verrue vulgaire), que les personnes de tout âge ont cou-
ramment durant leur vie31 (Figure 5B). Il convient de
signaler que d’autres maladies infectieuses peuvent pré-
senter des lésions buccales blanches. La syphilis devrait
être envisagée dans les diagnostics différentiels d’une
leucoplasie, compte tenu de la présente ascension de
son incidence au Canada32. La syphilis secondaire peut
avoir comme signes des plaques de blanches à rosâtres
(plaques muqueuses) sur la surface latérale de la langue
et les muqueuses des lèvres et de la bouche33,34.
Lésions cancéreuses et précancéreuses. La leucopla-
sie buccale est un diagnostic clinique défini par l’Orga-
nisation mondiale de la Santé comme étant une plaque
blanche dont le risque est douteux après avoir exclu
d’autres problèmes connus (Figure 1 [flèches noires]
et Figure 6A)1,2. Ses bordures sont habituellement bien
démarquées et visibles à l’examen clinique. La préva-
lence de la LB varie entre 2,6 et 4,0%35,36. Ce problème
revêt de l’importance parce qu’une transformation en
cancer se produit dans 7,2 à 9,8% des cas8,37. Des lésions
persistantes chez des non-fumeurs ont tendance à avoir
des taux plus élevés de transformation cancéreuse et
des issues plus défavorables que des lésions semblables
chez des fumeurs. La leucoplasie buccale sans dysplasie
épithéliale confirmée à la biopsie comporte quand même
un risque de transformation en cancer, quoique plus
faible, et exige un suivi clinique. L’érythroleucoplasie
(Figure 6B) et la leucoplasie proliférative (aussi appelée
leucoplasie verruqueuse proliférative) ont été associées à
un risque plus élevé de transformation cancéreuse que
les LB. Selon les estimations, le taux de transformation
en cancer de la leucoplasie proliférative varie entre 50 et
70% avec le temps26,38.
La leucoplasie proliférative (LP) se présente d’abord
sous forme de plaques blanches minces et homogènes;
elle progresse lentement vers une présentation multifo-
cale (Figures 7A et 7B). Les plaques blanches peuvent
se développer en une structure verruqueuse, bien que
cela ne soit pas toujours présent ou prépondérant, selon
un ratio femme-homme de 2,72:139. Pour poser le dia-
gnostic, il faut une biopsie afin d’évaluer la présence
d’une dysplasie. Malheureusement, la LP est difficile à
traiter, et son taux de récurrence est élevé. Parmi les
stratégies thérapeutiques communes figurent l’excision
chirurgicale, l’ablation au laser40 et la cryothérapie39.
Par ailleurs, aucun de ces traitements ne s’est révélé effi-
cace pour réduire considérablement le risque de transfor-
mation en cancer avec le temps. Un étroit suivi clinique
des lésions à tous les 3 à 4 mois est essentiel, quelles
que soient les interventions chirurgicales ou pharma-
cologiques effectuées. Quelques essais randomisés
contrôlés expérimentaux ont fait valoir certains résultats
prometteurs d’une immunothérapie avec l’imiquinod
et le nivolumab41-43. Toutefois, plus de recherches sont
nécessaires pour évaluer les risques à long terme de
récurrence et de transformation cancéreuse.
Investigations générales et prise en charge. Cette
revue des lésions buccales blanches porte sur des pré-
sentations cliniques courantes, mais il existe de nom-
breuses autres entités cliniques. Cette section décrit une
approche générale pour investiguer et prendre en charge
des lésions buccales, en insistant particulièrement sur
Vol 71: JANUARY | JANVIER 2025 | Canadian Family Physician | Le Médecin de famille canadien e11
Lésions blanches courantes dans la cavité buccale Révision clinique
Figure 5. Diagnostics différentiels: A) Pelage superficiel
de la muqueuse. B) Papillome squameux sur la surface
dorsolatérale gauche de la langue.
Figure 6. Leucoplasie et érythroleucoplasie buccales
cancéreuses et précancéreuses: A) Mince leucoplasie
homogène sur la surface latéroventrale droite de la
langue. B) Érythroleucoplasie sur la surface latérale
gauche de la langue.
Figure 7. Leucoplasie proliférative montrée sous forme de
plaques homogènes blanches et multifocales affectant
A)les gencives antérieures inférieures et la muqueuse
de la lèvre inférieure et B) les gencives antérieures
supérieures et la muqueuse de la lèvre supérieure
Encadré 1. Facteurs de risque de cancer, sites
à risque élevé des lésions et caractéristiques
cliniques évocatrices d’un cancer possible
Facteurs de risque
Âge avancé (p. ex. hommes de  à  ans et femmes
de  à  ans)
• Tabagisme
Consommation d’alcool
Consommation de chique de bétel, de pan masala ou
de gutkha
Immunodépression (certains syndromes
d’immunodépression primaire, infection au VIH,
troubles iatrogènes)
Antécédents de cancer de la tête et du cou
Troubles buccaux préexistants potentiellement cancéreux
Sites à risque élevé des lésions
Langue (risque le plus élevé)
Plancher de la bouche
Palais mou
• Gencive
Muqueuse buccale
Muqueuse des lèvres
Palais dur (risque le plus faible)
Caractéristiques cliniques préoccupantes
Apparence non homogène (verruqueuse, mouchetée, etc.)
Composante rouge (érythroplasie ou érythroleucoplasie)
Surface de la lésion de mm
Ulcération chronique sans guérison
• Induration
Lymphadénopathie à la tête et au cou
Autres signes et symptômes: paresthésie, hypomotilité
de la langue, douleur, dysphagie, odynophagie
Données tirées de Mortazavi et coll., Mello et coll., Guan et coll.,
Speight et coll., Warnakulasuriya et Ariyawardana et Mashberg
et Samit.
les lésions cancéreuses et précancéreuses dans des
contextes de soins primaires.
Il faut passer en revue les antécédents médicaux du
patient, y compris ses facteurs de risque associés, dont sa
consommation active ou antérieure de tabac et d’alcool.
La lésion doit être cliniquement évaluée par un examen
visuel et tactile de la surface. LEncadré 1 présente les
paramètres cliniques liés à un risque accru de cancer35-37,44-46.
Ces paramètres incluent le site anatomique de la lésion, la
langue présentant le plus grand risque, et la muqueuse du
palais dur, le risque le moins élevé. La présence de com-
posantes rouges (érythroplasie ou érythroleucoplasie) et
une induration devraient accroître la suspicion d’un can-
cer. Des marges bien définies et une surface supérieure
à 200mm2 sont aussi des caractéristiques inquiétantes.
Toutefois, l’absence de ces observations cliniques ne sig-
nifie pas l’absence d’entités buccales précancéreuses ou
cancéreuses, parce que toutes les lésions peuvent être can-
céreuses ou précancéreuses où qu’elles soient et même
sans facteur de risque.
Si une lésion réactive est soupçonnée, l’élimina-
tion des facteurs potentiels de causalité et des irritants,
comme le tabagisme ou des bords de dents aigus, peut
être la première étape. Un suivi à court terme des lésions
non suspectes est nécessaire pour évaluer la régression,
la persistance ou la progession47. La persistance ou la
progression lors des suivis signalent la nécessité de pro-
céder à une biopsie.
Des lignes directrices de pratique clinique de 2016
par Shaw et Beasley rapportent un manque de données
probantes de haut niveau étayant la prise en charge des
LB, mais offrent des recommandations consensuelles
en faveur d’une biopsie et d’une évaluation histopatho-
logique plus approfondie48. La biopsie demeure le test
critère standard pour le cancer, car un diagnostic histo-
pathologique définitif éclairera les étapes subséquentes
pour le patient et son équipe médicale20. Le Tableau 1
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