Lésions buccales et VIH
Rev Mens Suisse Odontostomatol, vol. 107: 10/1997
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Le médecin-dentiste en pratique privée se trouve en première
ligne du diagnostic primaire d’un grand nombre de lésions buc-
cales en rapport avec ou causées par des maladies systémiques.
Etant donné que les infections par le VIH peuvent se manifes-
ter par des affections parfois pathognomoniques au niveau de
la sphère buccale, il est fondamental que les praticiens aigui-
sent leur sens d’observation et de diagnostic stomatologiques.
Cette démarche nécessite une approche systématique (fig. 1),
composée en premier lieu d’une anamnèse complète (médi-
cale, bucco-dentaire, sociale, sans oublier celle de la lésion
spécifique), suivie d’un examen approfondi tant intra- qu’ex-
trabuccal. En fonction du diagnostic différentiel présumé, des
examens complémentaires devront être effectués, soit par le
médecin-dentiste lui-même, soit par un spécialiste, afin d’éta-
blir un diagnostic précis et une décision thérapeutique en
conséquence.
Parmi les lésions les plus fréquentes, observées chez des pa-
tients infectés par le VIH, figurent les lésions blanches des mu-
queuses. Dès lors, il s’agira en premier lieu de différencier
entre la présence d’une candidose ou celle d’une leucoplasie
villeuse. La première, bien qu’appartenant aux mycoses buc-
cales, peut dans des évolutions chroniques prendre un aspect
hyperkératinisé. Outre l’anamnèse positive, indiquant des
symptômes de sensations de brûlure, de douleurs ou de dé-
mangeaisons, l’examen microscopique ou la mise en culture
d’un échantillon direct obtenu par grattage de la lésion per-
mettent en général d’en établir le diagnostic. De l’autre côté,
la leucoplasie villeuse, causée par le virus d’Epstein-Barr
(EBV), nécessite le prélèvement d’une biopsie. Il est impor-
tant de rappeler que ces deux types de lésions blanches peu-
vent parfois s’accompagner d’un aspect rougeâtre ou rouge
franc, tel qu’il s’observe dans les erythroleucoplasies précan-
céreuses ou le lichen plan. Des investigations histologiques
complémentaires seront alors nécessaires. (cf. tab. I)
Tant la présence d’une candidose que de celle d’une leucopla-
sie villeuse indiquent en général une atteinte du système im-
munologique; alors que l’infection par l’EBV ne nécessite à
priori aucun traitement, la candidose peut être circonscrite ou
éradiquée (sauf récidive) par des médicaments antifongiques.
Pour leur part, les lésions ulcéreuses des muqueuses buccales,
autre entité pathologie fréquente chez les patients atteints par
le VIH, sont le plus souvent accompagnées de symptômes dou-
loureux, pouvant même représenter la raison principale ayant
motivé la consultation médico-dentaire. Dans ce contexte éga-
lement, seul un diagnostic précis permet l’instauration d’un
traitement adéquat, voire de la prévention d’une dissémination
systémique ou d’une transmission à autrui, lorsque la lésion
est d’origine infectieuse.
Il faut relever que les infections herpétiques, notamment celles
par Herpès simplex (HSV) sont la cause la plus fréquente des
lésions ulcéreuses des muqueuses buccales observées chez les
patients infectés par le VIH. Bien que la sévérité de la symp-
tomatologie et la persistance de l’infection par HSV puissent
être similaires à celles des patients immunocompétents, l’évo-
lution de l’affection dépend souvent du degré de la déplétion
immunologique du patient. Parmi les autres agents patho-
gènes, outre le virus varicelle-zona (VZV), il faut noter que le
cytomégalovirus (CMV) peut provoquer, à partir des mu-
queuses de la cavité buccale, les lésions gravissimes atteignant
la sphère oro-pharyngée ou l’œsophage, voire une dissémina-
tion systémique nécessitant alors l’hospitalisation d’urgence
du patient. Le diagnostic différentiel des lésions ulcéreuses
d’origine virale se fonde en premier lieu sur l’examen histo-
pathologique d’une biopsie, complété, le cas échéant, par une
mise en culture appropriée.
Alors que les lésions herpétiques touchent surtout les régions
kératinisées des muqueuses buccales, les ulcérations aphteuses
se situent en général au niveau des zones non kératinisées. Le
diagnostic est essentiellement fondé sur la clinique et lors de
l’investigation, il faut rechercher des traumatismes récents, la
prise de médicaments systémiques ou un contexte de leuco-
pénie.
Finalement, la présence d’ulcérations persistantes isolées doit
inciter le praticien à une recherche active d’une tumeur ma-
ligne. Parmi celles-ci, le carcinome épidermoïde est de loin la
tumeur la plus fréquente, et en cas de suspicion anamnestique
ou clinique, cette possibilité devrait toujours faire l’objet d’in-
vestigations approfondies.
(Pour un aperçu complet des lésions ulcéreuses voir tab. II)
LÉSIONS BUCCALES
ET VIH
Eléments du diagnostic différentiel – un résumé destiné au praticien exerçant en cabinet privé
CESAR A. MIGLIORATI et ERICA K. J. MIGLIORATI
(Résumé français de Thomas Vauthier) (Bibliographie, tableaux et figures voir texte anglais, pages 861–868)
Dans le cadre de la prise en charge des patients infectés par le VIH, tant le diagnostic que le trai-
tement des lésions survenant dans la sphère buccale sont d’une grande importance. Les patholo-
gies observées au niveau des muqueuses buccales permettent non seulement d’apprécier le stade
de l’évolution de l’infection par le VIH et de la déplétion immunologique, mais également de dé-
terminer la nécessité ou, le cas échéant le moment le plus propice, de l’instauration d’un traite-
ment anti-VIH, voire de la prévention d’éventuelles surinfections par des germes opportunistes.
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