Les insuffisants cardiaques ont un risque élevé d

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Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
Les insuffisants cardiaques ont un risque élevé
­d’interactions médicamenteuses
E v a Fra n z , M a r i a n n e B e u t l e r, Ku r t H e r sberger
L’ibuprofène, le diclofénac, le napro­
xène et l’AAS sont des AINS disponibles sans ordonnance. En outre, on
peut obtenir l’ibuprofène à des doses
jusqu’à 400 mg et l’AAS à des doses
jusqu’à 500 mg sans devoir consulter
un professionnel du milieu médical.
Ceci donne l’impression que les AINS
sont des médicaments inoffensifs
pour tout un chacun. Plusieurs études montrent cependant qu’il n’en est
rien. Les AINS peuvent être particulièrement dangereux pour les patients
qui souffrent d’une insuffisance cardiaque chronique. La CMPS a élaboré,
sous une forme concise, des bases et
des informations pratiques pour une
activité de conseil responsable en
pharmacie.
Environ 150 000 personnes en Suisse
souffrent d’insuffisance cardiaque chroni­
que. Il vaut donc la peine d’identifier ces
patients, qui sont aussi des clients de la
pharmacie, et de leur donner s’il y a lieu
les instructions nécessaires pour un traite­
ment antalgique sûr. Une brève présenta­
tion générale des caractéristiques clini­
ques et du traitement de l’insuffisance
cardiaque chronique, suivie de la discus­
sion d’un exemple de cas, a pour but de
préparer le personnel des pharmacies à
procéder de manière appropriée en cas
d’interactions possibles impliquant des
AINS chez des patients insuffisants car­
diaques.
Insuffisance cardiaque chronique
L’insuffisance cardiaque est une maladie
dans laquelle le cœur (malgré un afflux
veineux suffisant) n’est pas en mesure de
produire une force de pompage suffisante
pour faire circuler le sang dans l’organis­
me. La perfusion sanguine du myocarde,
des reins et des muscles squelettiques en
souffre tout particulièrement.
L’insuffisance cardiaque chronique
est le stade final d’un grand nombre de
pharmaJournal 04 | 2.2007
processus pathologiques divers. Ses cau­
ses les plus fréquentes dans les pays occi­
dentaux sont la cardiopathie coronarienne
et l’hypertension artérielle. D’autres cau­
ses possibles sont p. ex. l’abus d’alcool, un
défaut valvulaire, une myocardite, un
trouble du rythme cardiaque non traité,
des défauts cardiaques congénitaux ou
acquis et l’anémie. Le pronostic, très défa­
vorable, n’est pas meilleur que pour bien
des tumeurs malignes: 35% des patients
nouvellement diagnostiqués décèdent
dans les cinq ans. La qualité de vie des
malades se détériore avec la progression
de la maladie et se retrouve souvent for­
tement diminuée.
P hysiopathologie
Une fonction cardiaque diminuée pour
diverses raisons active le système rénineangiotensine-aldostérone ainsi que le
sympathique (activation neurohormonale).
Cela entraîne une vasocontriction systé­
mique et rénale, une hausse de la contrac­
tilité myocardique, une expansion volu­
mique et une augmentation de la réab­
sorption rénale de sodium. Ces mécanis­
mes de compensation du système
cardiovasculaire et de l’équilibre hydroélectrolytique stabilisent rapidement la
fonction cardiaque et l’irrigation sanguine
des organes vitaux, mais s’ils restent acti­
vés en permanence, ils contribuent à dé­
tériorer la fonction cardiaque jusqu’à l’ap­
parition d’une insuffisance cardiaque avec
son tableau clinique caractéristique:
1. Augmentation de la volémie et de la
pression de remplissage:
R Stase veineuse dans la circulation
générale R Formation d’œdèmes
avec lésions de stase (p. ex. dans le
foie)
R Stase veineuse dans la circulation
pulmonaire R Œdème pulmonaire
avec dyspnée (difficultés respiratoires)
et toux
2. Ralentissement du débit cardiaque:
R Fatigue rapide, tachycardie, cyanose
3. Diminution de la pression de perfu­
sion:
R Moins bonne perfusion des reins
R Insuffisance rénale
Clinique
Les symptômes directeurs de l’insuffi­
sance cardiaque chronique sont les dysp­
nées, les œdèmes et la fatigue. D’autres
symptômes sont la nycturie, la tachycar­
die et la cyanose.
L’insuffisance cardiaque chronique
est une maladie progressive. La sévérité
d’une insuffisance cardiaque est classée
selon le système de la «New York Heart
Association» (NYHA) qui distingue qua­
tre stades I-IV (cf. tableau 1).
Une insuffisance cardiaque avancée
peut diminuer la perfusion rénale et pro­
voquer une insuffisance rénale. Cette der­
Tableau 1: Sévérité de l’insuffisance cardiaque chronique selon la
­c lassification NYHA
Stade
Gêne fonctionnelle
NYHA
I
Pas de dyspnée, capacité d’effort normale, mais des examens cardiologiques révèlent
l’existence d’une insuffisance cardiaque
II
Dyspnée à l’effort, capacité d’effort diminuée
III
Forte dyspnée à l’effort normal, capacité d’effort considérablement diminuée
IV
Dyspnée au repos, tout effort physique provoque une gêne fonctionnelle
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nière est caractérisée par une capacité in­ Tableau 2: Signes d’aggravation d’une insuffisance cardiaque chronique
suffisante des reins à éliminer les déchets
Augmentation des phénomènes de rétention d’eau, se manifestant par:
du métabolisme, ainsi que par une moins
1. prise rapide de poids, œdèmes aux jambes et aux chevilles. La pesée quotidienne est l’un des
bonne régulation des échanges hydriques,
principaux paramètres de surveillance de l’insuffisance cardiaque. Le patient qui constate une
de l’équilibre acido-basique et de certai­
prise de plus de deux kilos en trois jours doit consulter rapidement un médecin.
nes fonctions hormonales (régulation de
2. aggravation de la dyspnée, toux au coucher, nycturie plus prononcée
la tension artérielle, stimulation de la pro­
3. fatigue, confusion chez les patients âgés
duction d’érythrocytes, de métabolisme
4. hausse ou baisse de la tension artérielle, tachycardie
du calcium, métabolisme osseux).
Signes et symptômes évocateurs d’une
insuffisance rénale:
1. Élévation de la créatinine sérique
Tableau 3: Suivi médical d’une insuffisance cardiaque chronique
2. Fatigue, dyspnées, œdèmes (mêmes
Anamnèse intermédiaire
symptômes que l’insuffisance car­
Surveillance du poids
diaque chronique)
Tension artérielle, fréquence cardiaque, rythme cardiaque
3. Augmentation lente de la tension
Inspection des veines du cou, auscultation du cœur et des poumons
artérielle
Laboratoire: créatinine sérique, sodium, potassium, BNP
4. Au stade avancé: tachycardie, colo­
R Fréquence des contrôles selon les besoins individuels
ration brune de la peau du fait de
l’accumulation de produits du méta­
bolisme qui ne peuvent être éliminés
Traitement
La stratégie thérapeutique consiste à ré­
primer le système rénine-angiotensinealdostérone activé ainsi que le sympathi­
que. Elle vise trois objectifs:
1. Empêcher la progression de l’insuffi­
sance cardiaque
2. Réduire les symptômes
3. Allonger la survie
Le traitement standard actuel consiste à
associer un IEC ou un antagoniste de
l’angiotensine II à un bêta-bloquant et à
un diurétique. Les IEC et les bêta-blo­
quants améliorent les symptômes et le
pronostic de la maladie. Les diurétiques
servent à réduire la volémie plasmatique
et contribuent au contrôle des symptô­
mes. La digoxine peut être ajoutée pour
améliorer les symptômes et la capacité
d’effort physique, mais n’allonge pas le
temps de survie. Dans les cas d’insuffi­
sance cardiaque grave, l’administration
supplémentaire d’un antagoniste de l’al­
dostérone (spironolactone, éplérénone)
peut avoir un effet favorable sur la fré­
quence des hospitalisations et la mortalité.
Si les diurétiques thiazidiques suffisent à
contrôler la volémie plasmatique dans les
premiers stades de l’insuffisance cardia­
que chronique, seuls les diurétiques de
l’anse sont efficaces à un stade avancé de
la maladie.
Chez les patients intolérants à un
IEC, on recommande de le remplacer par
un antagoniste des récepteurs de l’angio­
tensine II (sartan).
pharmaJournal 04 | 2.2007
Pour que leur traitement soit efficace et diminution de la fonction rénale. Les ef­
leur état de santé stabilisé au mieux, il est fets des AINS chez les patients insuffi­
important que les patients prennent ré­ sants cardiaques sont discutés en détail
gulièrement leurs médicaments, se ren­ dans l’exemple d’interactions qui suit. z
dent périodiquement aux visites de
contrôle chez le médecin et surtout, qu’ils
surveillent eux-mêmes les changements Cet article a été rédigé sur mandat de la CMPS par
intervenus dans leur état (cf. tableaux 2 et Eva Franz, pharmacienne, Berne
3). Ainsi, on pourra remédier à une péjo­ Dr Marianne Beutler, directrice CMPS, Egg
ration de leur état de santé par un ajuste­ Dr sc. nat. Kurt Hersberger, Institut de pharmacologie clinique,
ment précoce de leur traitement et préve­ Université de Berne
nir ainsi une décompensation future. Le
pharmacien peut aider le patient en lui Nous remercions le Dr R. Mordasini, cardiologue FMH à
fournissant les informations nécessaires Berne, pour son conseil spécialisé et le Dr P. Weiss,
et en l’interrogeant sur l’efficacité du trai­ ­cardiologue FMH à Bâle, pour la relecture du manuscrit.
tement et l’évolution de sa maladie.
Insuffisance cardiaque chronique et
interactions
Adresse de correspondance
Les effets indésirables des associations
médicamenteuses sont moins le résultat
de modifications de la concentration des
médicaments dans le plasma ou sur le
récepteur que la conséquence de leur ac­
tion défavorable sur la physiopathologie
de l’insuffisance cardiaque. Ainsi, l’insuf­
fisance cardiaque peut être aggravée p. ex.
par les antiarythmiques, les anesthési­
ques locaux, le diltiazem, le vérapamil et
l’itraconazole, qui exercent un effet ino­
trope négatif, et par la clozapine, qui dé­
clenche des arythmies.
Les AINS, avec leurs effets indésira­
bles sur le système vasculaire et les reins,
sont particulièrement concernés. Ils sont
fréquemment à l’origine d’une exacerba­
tion de l’insuffisance cardiaque et d’une
3001 Berne
Commission des médicaments des pharmaciens suisses CMPS
Case postale 5247
Tél. 01 994 75 63
Fax 01 994 75 64
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