Thomisme – Augustinianisme – Molinisme – Jansénisme 
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 Arnauld, dans l’analyse de la chute de saint Pierre, insinue que c’est par une suspension, un 
défaut de miséricorde du côté de Dieu par rapport à l’âme juste. Pour les thomistes, c’est parce que 
l’âme juste, par sa faute, a dérogé aux conditions prérequises pour que la grâce efficace soit accordée. 
 
 
 Autre forme de la thèse janséniste 
 • Tous les justes, ayant l’amour de Dieu, ont le pouvoir suffisant de faire le bien, en général et 
absolument parlant ; mais ils n’ont pas toujours le pouvoir suffisant relativement à tel commandement, 
dans telles circonstances, face à telles tentations... 
 C’est  à ce  propos  que  l’on parle  de  « petite  grâce » ;  l’École augustinienne retiendra  cette 
notion, tout en s’efforçant de se démarquer de l’erreur janséniste. 
 
 • En réalité, c’est la négation de la suffisance de la grâce et de la liberté : si la grâce n’apporte 
pas un pouvoir proportionné au devoir présent, on ne peut dire en vérité qu’elle suffit, qu’elle apporte 
un pouvoir suffisant. 
 
 • En fait on retombe dans la première des cinq propositions condamnées de Jansénius : 
  "1.  Aliqua  Dei  praecepta  hominibus  iustis  volentibus  et  conantibus,  secundum 
praesentes quas habent vires, sunt impossibilia; deest quoque illis gratia, qua possibilia fiant." 
 
 Si l’on veut cerner l’erreur radicale de ces thèses, qui touche la liberté, il faut pousser 
plus loin l’analyse. 
 – Arnauld accorde : 
 dans le cas d’une « petite grâce » [= faible charité], l’homme cède à la tentation, parce 
qu’il n’a pas voulu ; s’il avait voulu, il aurait pu. 
 – On insiste : 
 il n’a pas voulu, parce qu’il n’a pas pu vouloir. 
 – Arnauld répond : 
 non, mais parce que son esprit était aveuglé par l’ignorance, ou sa volonté retenue par 
la glu de quelque amour  dépravé ; de cette affection, il n’y a pas d’autre cause que la volonté 
défectueuse elle-même, cause première du péché. 
 
 → C’est bien, mais à condition que la volonté soit en défaut dans et par son propre 
libre  choix,  non  si  elle  est  en  défaut  par  suite  d’un  état  d’impuissance  qui  ne  dépend  pas 
d’elle. Car la défectuosité de la volonté peut se concevoir de deux façons : 
 a) la  volonté  se porte  librement,  en vertu  de son  choix, à  un  acte  défectueux plutôt 
qu’à l’opposé qu’elle pouvait vouloir ; 
 b) la volonté comme puissance volitive est dans un état défectueux ne lui laissant pas 
le pouvoir de préférer l’acte bon. 
  Autrement dit :  
 en (a) la volonté agit défectueusement « quia vult deficienter » ; 
  en (b) la volonté agit défectueusement « qui est deficienter ». 
 
 Bien comprendre 
 On  peut  admettre  que  la  volonté  va  toujours  vers  ce  qui  l’attire  le  plus  [la  volition 
actuelle porte sur ce qui est préféré] mais : 
 a) cette  prédominance de l’attrait peut  être dans l’objet  présentement voulu  comme 
un effet de la volonté subjective qui entre deux biens la sollicitant, et vers lesquels elle pouvait 
se porter, a décidé d’aller de préférence vers l’un ; 
 b)  cette  prédominance  peut  se  trouver  dans  l’objet  comme  cause  productrice, 
adéquate, nécessitante du mouvement subjectif de la volonté. 
 En  (a)  la  volonté  est  libre  et  responsable,  en  (b)  non.  Cf.  De  Malo  q1  a3  cité  par 
Guillermin, RT 1902, 58. 
 (b) c’est la « délectation victorieuse » des Jansénistes.