
L'accumulation du capital
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conséquence de ce que le capital croît plus vite que la force de travail qu'il met en
mouvement et qui, seule, produit la plus-value.
Les schémas du second volume du Capital, dans lequel Marx a présenté les
conditions d'équilibre entre les deux branches de la production, ont par la suite très
fortement influencé la littérature économique russe. Celle-ci s'est posée la question
de savoir, si le capitalisme était, pour la Russie également, une "nécessité transi-
toire" ; si, comme le soutenaient les Zapadniki ("Occidentalistes"), la Russie devait
aussi adopter les institutions économiques, sociales et politiques de l'Europe de
l'Ouest et centrale ou si, comme le pensaient les Slavophiles, elle devait conserver
son caractère et son originalité nationale ; exprimé en termes socialistes : si, en Rus-
sie aussi, la concentration du capital, la prolétarisation des masses, la lutte de clas-
ses entre la bourgeoisie et le prolétariat constituaient les conditions préalables du
socialisme, comme les sociaux-démocrates l'enseignaient ou bien si la Russie, sans
avoir à emprunter la voie du capitalisme, pouvait construire une communauté socia-
liste sur la base du mir, la communauté villageoise de paysans, comme les Narodni-
ki ("populistes") et leurs successeurs, les socialistes révolutionnaires, le suggéraient.
Dans le cadre de ce débat, la question s'est donc posée de savoir si le capitalisme
pourrait absolument s'établir en dehors de l'aire de l'Europe centrale et de l'Ouest ;
si le développement d'une production capitaliste à l'Est ne devrait pas avorter, en
raison de l'impossibilité de vendre les marchandises produites par l'appareil produc-
tif élargi. Dans le combat contre les Narodniki les marxistes ont montré, en s'ap-
puyant sur les schémas de Marx, que le capitalisme pouvait s'étendre de plus en plus
et l'appareil productif être démesurément multiplié sans qu'il manque aux capitalis-
tes le marché pour leurs produits, et que, alors, l'équilibre entre la production de
moyens de production et la production de biens de consommation est continuelle-
ment renouvelé par les mécanismes capitalistes.
Le conflit entre les Narodniki et les marxistes en Russie a été tranché par l'his-
toire. Mais à présent, Rosa Luxemburg soulève de nouveau la thèse de l'épuisement
du capitalisme, certes dans des perspectives très différentes. Son livre L'accumula-
tion du capital : une contribution à l'analyse économique du capitalisme (Berlin,
Vorwärts, 1913), offre une nouvelle version du problème qui est récurrent depuis
Sismondi.
Supposons dans un premier temps une reproduction simple : la totalité de la
plus-value est consommée et aucune part n'est accumulée. Dans ce cas, selon Marx,
la production totale peut être présentée comme suit :
I. Industries des moyens de production :
Capital constant (c) + Capital variable (v) + Plus-value (m)
II. Industries des biens de consommation :
Capital constant (c1) + Capital variable (v1) + Plus-value (m1)
© L'Harmattan | Téléchargé le 07/01/2024 sur www.cairn.info via Université de Picardie (IP: 194.57.107.113)
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