SUR LES NOMBRES TRANSFINIS.
627
infinité d'autres. C'est en cela que gît la principale difficulté, quand on essaie de
réaliser une correspondance entre hypercomplexes transfinis et réels.
Pour la surmonter, il faut définir autrement l'égalité des hypercomplexes. Par
exemple, deux hypercomplexes seront dits égaux si, à partir d'un indice déter-
miné n,
d'ailleurs
aussi grand que l'on voudra, ils ont les mêmes coordonnées. Ils
seront réputés inégaux, si cette identité des coordonnées correspondantes ne finit
pas par être réalisée à partir d'un indice assignable. Quant à la question : Peut-on,
en modifiant convenablement la définition de l'égalité, établir une correspondance
univoque
avec les hypercomplexes transfinis et arriver par cette voie à faire du
continu un ensemble bien ordonné? elle est encore ouverte pour le moment.
Il faudra scruter le domaine presque inexploré des divers systèmes possibles de
nombres hypercomplexes. En particulier, on est amené à étudier les systèmes avec
une
transfinite
de coordonnées, en définissant convenablement l'égalité de ces objets
et en adoptant pour l'addition une définition analogue à celle des hypercomplexes
réels.
Ces systèmes-là, en effet, formeront en quelque sorte un pont entre nombres
réels et nombres ordinaux transfinis.
[5] Les considérations précédentes mettent en lumière quelques points souvent
discutés. Le premier concerne la nature essentiellement symbolique des nombres
réels.
En les envisageant comme nombres hypercomplexes, ce qui n'est qu'une autre
formulation du point de vue de Méray-Cantor, on voit que rien, dans la définition
d'un nombre réel, ne permet de
se
le représenter comme correspondant parfaitement
à une grandeur mesurable. Les hypercomplexes réels forment un vaste système de
symboles construit à priori, et les calculs effectués sur eux n'ont pour objet que ces
symboles eux-mêmes. Il faut donc un postulat pour les relier aux vecteurs, ou aux
points d'une droite.
Le point de vue ici adopté permet de jeter encore un petit rayon de lumière dans
le domaine du transfini. La notion de nombre implique deux espèces de relations
très différentes et qui trouvent leur expression verbale dans les termes de nombre
cardinal et nombre ordinal. Pour les ensembles finis, on peut ignorer cette diffé-
rence, pourtant fondamentale des points de vue philosophique et psychologique.
Cela tient à ce que, du point de vue mathématique, nombres ordinaux finis et nom-
bres cardinaux finis obéissent aux mêmes lois de calcul. Mais ce n'est plus le cas
pour les ensembles infinis. La différence psychologique et philosophique se mani-
feste aussi mathématiquement; nombres ordinaux et cardinaux transfinis demandent
à être traités séparément. Cela s'explique par le fait que les nombres ordinaux ont,
du point de vue philosophique, un degré de généralité de moins que les cardinaux.
Ces derniers sont basés sur les trois notions de :
i)
élément; 2) ensemble; 3) corres-
pondance univoque, ou équivalence ou puissance, alors que les ordinaux impliquent
en outre 4) une loi de succession. Cette spécification plus avancée est sans doute