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véritable juridiction statuant de façon indépendante. Ainsi est née la dualité de
juridictions.
Le principe de séparation, affirmé par les textes, sera confirmé en 1873 par
un arrêt célèbre du Tribunal des Conflits : l’arrêt Blanco. Aux termes de cet arrêt,
les tribunaux judiciaires ne peuvent connaître de la responsabilité de
l’Administration lorsque celle-ci assume une mission de service public. D’autre
part, énonce l’arrêt Blanco, les règles applicables à l’Administration ne sont pas et
ne doivent pas être celles du droit privé, lesquelles sont des règles faites pour régir
les rapports de particulier à particulier.
Positivement, l’Administration a ses règles propres, distinctes de celles du
droit privé. Ces règles sont autonomes, spéciales, dérogatoires au droit commun.
Elles tiennent compte de la nécessité de concilier les droits de l’Etat avec les
droits des personnes privées. Ce droit administratif est un droit qui était, au
départ, fondamentalement jurisprudentiel, avant de devenir, aujourd’hui, un droit
largement légiféré. C’est donc un droit à l’élaboration duquel le juge administratif,
et notamment le Conseil d’Etat ainsi que le Tribunal des Conflits, juge répartiteur
des compétences, ont joué et continuent de jouer un rôle essentiel. Les grands
principes du droit administratif sont l’œuvre du juge administratif, éclairée par les
brillantes conclusions des Commissaires du gouvernement dont voici quelques
noms : David, Romieu, Pichat, Léon Blum, Guy Braibant, Ségalat, Matter, Corneille,
Chardenet, Rivet, Latournerie, Chenot, Odent, Letourneur, Gazier, Long, Fournier,
Heumann, Kahn.
Ainsi, le droit administratif se présente comme un droit qui doit beaucoup à la
juridiction administrative autant qu’à la doctrine qui a joué un rôle éminent dans
l’élaboration du droit administratif. A l’apport des Commissaires du gouvernement,
il convient donc de joindre celui des professeurs de droit qui, par leurs travaux,
leurs critiques, leurs propositions et leurs suggestions, ont influencé aussi bien
l’œuvre du juge que celle des autorités chargées de légiférer en matière
administrative. On peut citer, à cet égard, Edouard Laferrière, Maurice Hauriou,
Léon Duguit, Gaston Jèze, André de Laubadère, Georges Vedel, Marcel Waline,
Jean Rivero, Charles Eisenmann...
Le droit administratif français, ainsi présenté, va pénétrer l’espace ivoirien au
moyen des institutions établies par le colonisateur. En effet, pendant la période
coloniale, un Conseil du contentieux administratif avait été créé pour l’Afrique
occidentale française (AOF). Son siège était fixé à Dakar. Ce Conseil du contentieux
administratif avait compétence pour connaître de certains litiges administratifs
auxquels il appliquait les règles et principes du droit administratif, contenus, soit
dans des décrets coloniaux pris par le président de la République française,