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Bases anatomiques et
neurobiologiques de l’anxiété
Anatomy and neurobiology of anxiety
MICHEL BOURIN
Université de Nantes, Neurobiologie de l’anxiété et de la dépression, 98, rue
Joseph Blanchart 44100 Nantes.
Résumé : Deux concepts importants soulignent l’anatomie fonctionnelle de l’anxiété. Le
premier concept implique un système particulier pour chaque type d’anxiété. Ceci inclut
le système de défense et le système d’inhibition comportemental ainsi que d’autres sys-
tèmes responsables d’autres phénomènes. Le deuxième concept implique une organisa-
tion en différents niveaux des circuits neuronaux de l’anxiété. Par exemple, les réponses
automatiques simples sont médiées par des structures inférieures comme la PAG, le locus
coeruleus ou l’hypothalamus alors que ce sont des structures intermédiaires (amygdale et
système septo-hippocampique) qui permettent l’apparition de réponses plus élaborées. Les
régions corticales plus hautes (cortex paralimbique) seraient impliquées dans des situations
impliquant des composantes plus cognitives. L’amygdale possède de nombreuses connexions
avec le cortex, le thalamus, ainsi que d’autres structures limbiques et le locus coeruleus, se
projetant vers le striatum, le mésencéphale et le tronc cérébral pour contrôler des réponses
à des stimuli aversifs.
Mots clés : neurobiologie de l’anxiété, amygdale, substance grise périaqueducale, hippo-
campe, locus coeruleus.
Summary : The anatomy of anxiety is born through experimental studies in animal models
of rodents (mainly stimulation or lesion studies). From these studies were built the network
of the brain circuitry of fear and anxiety. The main sites are amygdala, periaqueductal gray,
hippocampus, locus coeruleus.
Key words : neurobiology of anxiety, amygdala, periaqueductal gray, hippocampus, locus
coeruleus.
1. Neuroanatomie de l’anxiété
Le fondement de la neuroanatomie de l’anxiété provient d’études expéri-
mentales animales (comprenant également des études de stimulations ou de
lésions). En effet, la majeure partie de nos comportements est déterminée par
l’accumulation d’une longue liste de peurs conditionnées acquises tout au long
PSN volume 11, n° 3/2013
NEUROSCIENCES
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de notre vie. Cette peur conditionnée est retrouvée dans de nombreuses espèces,
elle a donc été largement étudiée dans les laboratoires de recherche.
Chez l’Homme les études d’imagerie anatomique par la technique de réso-
nance magnétique nucléaire (IRM) et d’imagerie fonctionnelle (par tomogra-
phie d’émission de positon [PET]/tomographie d’émission monophotonique
informatisée [SPECT] nous renseignent sur la genèse des troubles anxieux.
Deux concepts importants soulignent l’anatomie fonctionnelle de l’anxiété
[34]. Le premier concept implique un système particulier pour chaque type
d’anxiété. Ceci inclut le système de défense et le système d’inhibition com-
portemental ainsi que d’autres systèmes responsables d’autres phénomènes. Le
deuxième concept implique une organisation en différents niveaux des circuits
neuronaux de l’anxiété. Par exemple, les réponses automatiques simples sont
médiées par des structures inférieures comme la substance grise périaqueducale
(PAG), le locus coeruleus ou l’hypothalamus alors que ce sont des structures
intermédiaires (amygdale et système septo-hippocampique) qui permettent
l’apparition de réponses plus élaborées. Les régions corticales plus hautes
(cortex paralimbique) seraient impliquées dans des situations impliquant des
composantes plus cognitives.
L’amygdale possède de nombreuses connexions avec le cortex, le thalamus,
ainsi que d’autres structures limbiques et le locus coeruleus, se projetant vers le
striatum, le mésencéphale et le tronc cérébral pour contrôler des réponses à des
stimuli aversifs. Des lésions étendues et des études neurochimiques impliquent
l’amygdale dans l’expression, le conditionnement (un centre d’apprentissage
des nouvelles peurs) et l’extinction de la peur [11, 22, 21, 10]. L’amygdale reçoit
des informations sensorielles hautement développées de toutes sortes par ses
noyaux latéraux et basolatéraux [4]. A leur tour, ces noyaux se projettent vers
le noyau central de l’amygdale qui se projette ensuite dans toute une variété de
régions cibles hypothalamiques et du tronc cérébral lesquelles médient direc-
tement les signes spéciques de peur et d’inquiétude [11, 8, 10].
L’hippocampe a été identié comme faisant partie d’un système de com-
paraison qui détecte si une menace ou son contexte est familier, exigeant une
réponse autonome conditionnelle ou originale et à partir de là, un processus
d’ordre plus élevé [17]. Le septum, le cingulaire postérieur et les noyaux thala-
miques apparentés ont aussi été impliqués dans ces systèmes. Différents aspects
de l’inhibition comportementale peuvent impliquer des régions différentes. Le
septum médian ou l’hippocampe dorsal peuvent être impliqués dans le com-
portement d’évitement, ceci explique que des lésions de ces régions libèrent
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ce comportement dans les tâches conditionnées. Le septum latéral et l’hippo-
campe dorsal peuvent traiter les signaux de sécurité qui sont des signaux liés à
l’environnement indiquant une diminution du danger et permettant l’approche
[18]. Ces résultats expérimentaux sont étayés par des études d’imagerie par
résonance magnétique montrant des anormalités du lobe temporal (surtout les
régions parahippocampales droites), chez des malades souffrant de troubles
paniques [16]. Chez l’animal, un stress constant provoque une dégénérescence
au niveau de l’hippocampe par l’intermédiaire d’un taux élevé chroniques de
glucocorticoïdes [35]. Un fonctionnement altéré de cette région a des répercus-
sions sur le conditionnement aux signaux de l’environnement [20]. Des études
menées sur des vétérans du Vietnam souffrant d’état de stress post-traumatique
(PTSD) ont montré une réduction de 8 % du volume de l’hippocampe. Ceci
fait naître l’idée intéressante que de hauts niveaux d’anxiété pourraient induire
des dégâts structurels, ou réciproquement [5].
Le cortex paralimbique (orbitofrontal, insulaire, temporal antérieur, cingu-
laire antérieur) relie les aires d’associations sensorielles, pré-motrices et exécu-
tives avec les systèmes de défense et d’inhibition comportementale, médiant des
Neuroanatomie de l’anxiété et de la peur (d’après [11]).
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inuences émotives sur le processus cognitif et des réponses plus exigeantes.
Les malades ayant des lésions au niveau des aires du cortex paralimbique pre-
sentent une anxiété diminuée [9].
Les régions du tronc cérébral sont responsables de la corrélation physio-
logique entre anxiété, peur et panique. Deakin et Graeff [12] ont suggéré que
la PAG est le site principal de la coordination de la réponse défense/fuite aux
stimuli aversifs non conditionnés. La PAG reçoit des afférences descendantes
du cortex paralimbique et du système limbique, ainsi que des afférences ascen-
dantes de structures sensorielles profondes. La stimulation de la PAG ven-
trolatérale provoque l’immobilisation, une hypotension, une bradycardie, une
analgésie et une adaptation à une blessure profonde. La stimulation de la PAG
latérale au niveau caudal induit un comportement de fuite et au niveau rostral
de la peur, accompagnés de tachycardie et d’une augmentation de la pression
sanguine.
L’hypothalamus reçoit des « inputs » très répandus du système limbique et
du LC. Il peut activer le système sympatho-adrénergique et libérer des peptides
ainsi que des hormones, tels que la corticotrophine (« corticotrophin relea-
sing factor, CRF »), la vasopressine, l’ocytocine et l’hormone de croissance
en réponse à des facteurs stressants.
Le LC, un noyau noradrénergique localisé latéralement par rapport à la
PAG, possède des afférences nombreuses vers le cortex, les aires limbiques
et le thalamus [1]. Des études pharmacologiques ont montré que le LC a été
largement impliqué dans la genèse de la panique. La stimulation directe du LC
chez l’animal abouti à des comportements similaires à l’anxiété humaine [31]
qui peuvent être bloqués par des lésions du LC, par des molécules anti-adréner-
giques et des substances anxiolytiques. L’activation du LC par le stress et les
stimuli aversifs et son rôle dans le conditionnement [30], indiquent que le LC
est fondamental dans l’orchestration du système de réponse à une peur [7]. Les
études de stimulation électrique et d’ablation chez le primate suggèrent égale-
ment un rôle pour le LC dans l’anxiété avec des répercussions existantes entre
le LC et NRD. Alors que les projections sérotoninergiques du NRD inhibent la
décharge du LC, l’innervation noradrénergique du LC excite les neurones du
NRD. Un équilibre 5-HT/NA affecte donc le taux de décharge des neurones du
LC. Le LC peut stimuler indirectement la PAG par des projections excitatrices
de l’amygdale.
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2. Neurobiologie de l’anxiété
L’amygdale est une structure composée de 13 petits groupes cellulaires
(ou noyaux) qui reçoivent des afférences de différentes aires cérébrales. Les
informations sensorielles provenant de différentes aires corticales aboutissent
au noyau latéral et au noyau basolatéral de l’amygdale qui en retour projettent
vers le noyau central de l’amygdale. Ce noyau central envoie des projections
vers l’hypothalamus et d’autres aires qui interviennent dans les signes spéci-
ques de l’anxiété et de la peur. Il semble donc que l’amygdale et ses efférences
forment le système cérébral de la peur impliquant l’expression et l’acquisition
de la peur conditionnée et que l’ensemble des noyaux formant l’amygdale est
le site d’une interface entre les stimuli sensoriels externes et la réponse motrice
importante pour l’apprentissage et la mémoire de la peur ainsi que pour les
réponses comportementales induites par la peur [11].
Cible anatomique Tests comportementaux ou signes
de peur ou d’anxiété
Noyau central de l’amygdale
Hypothalamus latéral Tachycardie,dilatation pupillaire,
élévation de la pression sanguine
Noyau dorsal du vague, Noyau
ambiguus Ulcère, bradycardie, défécation
Noyau parabrachial Détresse respiratoire, halètement
Noyau basal de l’amygdale
Noyau tegmental dorso-latéral Eveil, vigilance augmentée
Noyau caudé réticulaire pontique Sursaut augmenté
PAG Prostration, test de conit, interaction
sociale, hypoalgésie
Noyaux du nerf moteur facial et
trigeminal Expression faciale de peur
Noyau paraventriculaire de
l’hypothalamus Libération de corticostéroïdes
Représentation des nombreuses projections du noyau central de l’amygdale
vers des aires pouvant intervenir dans les conséquences comportementales,
autonomiques et électrophysiologiques de la peur et de l’anxiété.
(BLA = noyau basal de l’amygdale ; CeA = noyau central de l’amygdale)
D’après [39].
Les projections directes de l’amygdale vers l’hypothalamus [28] semblent
impliquées dans l’activation du système nerveux sympathique observée durant
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