TRAVERSER LA ZONE ÉCOLOGIQUE TROUBLE DE L'OMBRE COLLECTIVE - THOMAS HÜBL

TRAVERSER LA ZONE ÉCOLOGIQUE
TROUBLE DE L’OMBRE COLLECTIVE
THOMAS HÜBL
Extrait de ‘’Healing collective trauma :
a process for integrating our intergenerational and cultural wounds’’
Thomas Hübl est un mystique contemporain,
un enseignant spirituel et un médiateur
reconnu, dont le travail intègre les intuitions
fondamentales des grandes traditions de
sagesse avec les découvertes de la science
contemporaine.
Ses enseignements orent une approche
unique pour vivre en tant que mystique au
cœur du marché moderne de l'activité
humaine. Il a développé une méthode pour
promouvoir une transformation individuelle
profonde dans le contexte favorable de la
présence et des témoignages de groupes –
équilibrant intégration individuelle et
apprentissage collectif. Son travail combine
des pratiques de conscience somatique, des
pratiques méditatives avancées, une analyse
très ne de l'architecture culturelle, et des
processus de transformation qui
appréhendent l'ombre humaine et les
traumatismes personnels et collectifs. Ses
enseignements visent à guider les praticiens
vers un niveau plus profond de conscience de soi — depuis la vision égocentrique du
monde à une vie d'expression authentique, de service et de concorde.
Depuis 2004, Thomas a travaillé avec des dizaines de milliers de personnes dans le
monde entier, dirigeant des ateliers internationaux, des programmes de formation
pluriannuels et des événements et des festivals à grande échelle. Conseiller recherché
par les entrepreneurs sociaux, les chefs d'entreprise, les organisations, les thérapeutes,
les coachs, les consultants et les aspirants spirituels, il intervient régulièrement au
cours de conférences et d'ateliers dans le monde entier. En 2020, il s'est vu décerner un
doctorat honorique par l'université Ubiquity. Il a aussi fondé The Academy of Inner
Science, The School of Collective Trauma Integration et The Pocket Project.
Thomas est originaire d'Autriche et il réside actuellement à Tel Aviv, en Israël, et à
Oldenburg, en Allemagne, avec sa femme, Yehudit Sasportas, une artiste et une
enseignante israélienne renommée, et leur lle, Eliya.

Mon être participe de votre être et de celui de tous les êtres. Cela va au-delà de
l'interdépendance —- notre existence même est relationnelle.
- Charles Eisenstein, Notre cœur sait qu’un monde plus beau est possible
Nous vivons une époque entre deux visions du monde, créative mais désorientée, une
ère de transition où l'ancienne vision culturelle ne tient plus, et où la nouvelle se
dessine. Mais, nous ne sommes pas sans signes de ce à quoi la nouvelle pourrait
ressembler.
- Richard Tarnas, Cosmos and psyche
Les défenses psychologiques déclenchées par les traumatismes sont des mécanismes
de protection qui nous permettent de vivre avec une tension psychologique réduite face
à des événements traumatisants. Mais lorsque nous nous habituons à ces stratégies sur
le long terme, elles deviennent mal adaptées aux personnes et aux communautés. Nous
avons forgé ces défenses sur des centaines de milliers d'années, et elles continuent de
se transmettre et de se renforcer d'une génération à l'autre. En eet, même nos cellules
chantent les récits de la douleur de nos ancêtres, que nous en reconnaissions ou pas
les paroles.
Les traumatismes verticaux et horizontaux de l'humanité, dont les couches sont de
nature presque géologique, ont créé l'illusion de la séparation à partir de laquelle nous
fonctionnons. La vase épaisse ou la sédimentation de notre passé non résolu déforme
et fausse le temps, en nous piégeant dans la matrice obscure d'un après perpétuel. Une
telle distorsion brouille notre perception du ‘’passé’’ et du ‘’futur’’ et compromet notre
libre arbitre. Nous projetons des images déformées des autres sur une toile froissée et
froncée, ce qui a pour eet de ltrer et de limiter ce que nous pouvons percevoir comme
réel ou de le goner à l’extrême. On désigne comme "ennemi", comme "rival" et comme
le "mal" ce qui ne sont que des variantes raciales ou nationales de nous-mêmes.
Dans ce champ du traumatisme, nos choix inconscients - même ceux que nous croyons
faire librement – sont réalisés pour nous par la destinée karmique.
C'est comme si nous fonctionnions automatiquement à partir du script programmé d'un
algorithme récursif qui nous maintient liés à des simulations codées d'événements
antérieurs. Ses diverses itérations sont sans n, mais les thèmes essentiels se répètent.
Nous interrompons rarement le programme pour remettre en question sa conception ou
sa fonctionnalité. Il est peu probable que la réalité consensuelle soit une simulation
technologique créée par une cabale obscure ou par un agenda extraterrestre
diabolique ; c'est nous qui avons généré la matrice du traumatisme.
À la n de la révolution industrielle, des progrès scientiques, médicaux et
technologiques rapides avaient entraîné une prise de conscience massive du public en
matière de sécurité, d'hygiène et de santé. Il en résulta que de nombreux changements
pratiques furent mis en place pour les reéter, même pour les pauvres et les classes
ouvrières. Bien sûr, il fallait que le public soit mieux informé avant que des changements
tangibles ou durables ne soient apportés aux conditions de travail ou aux infrastructures

des zones métropolitaines et des villes périphériques en pleine expansion. La théorie
des miasmes - la croyance persistante selon laquelle les maladies étaient causées par
le ‘’mauvais air’’ - dut céder la place à de nouvelles connaissances scientiques d'après
lesquelles les maladies sont transmises par des agents infectieux.
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Pour que l'humanité puisse utiliser ces nouvelles données, la société dut se
transformer. Les communautés durent être soutenues d'une nouvelle manière, les
institutions publiques (en particulier les hôpitaux) durent prendre des mesures
adéquates et les citoyens ordinaires durent apprendre l'importance de l'action
préventive pour prendre soin de leur propre santé et de celle de leur famille. La
sensibilisation du public ne fut pas chose aisée, mais en un laps de temps relativement
court, l'espérance de vie humaine et les taux de mortalité infantile s'améliorèrent
considérablement, et beaucoup d’autres changements positifs se produisirent.
Alors que nous entrons dans une nouvelle ère de complexité, la société doit à nouveau
se transformer. Des évolutions critiques de la conscience, fondées tant sur la science
que sur la spiritualité, sont nécessaires. Pour améliorer la santé et le bien-être de tout le
monde et de la planète qui nous héberge, nous devons sensibiliser le public à la nature
et à l'impact des traumatismes collectifs. Traiter uniquement les symptômes extérieurs
ne permet nullement de s'attaquer à la cause. Nous devons agir comme des chirurgiens
de la conscience et nous intérioriser en nous occupant directement de notre passé
karmique global et collectif, en intégrant les auteurs, comme les victimes, les témoins
et les descendants. Chacun de nous.
Les humains ne vivent pas ‘’sur’’ la Terre, séparés et à part ; nous lui appartenons.
L'Esprit et la Conscience sont des propriétés innées de la matière, dans toutes les
dimensions et à toutes les échelles de notre cosmos, et l'expression la plus élevée
de chaque ensemble/partie révèlera sa raison d'être. Si nous nous alignons en
cohérence avec l'Esprit, la résistance cesse. Les énergies stagnantes des décisions
inconscientes et contraires à l'éthique commencent à se transformer et à circuler,
et nous commençons à percevoir et à ressentir les énergies résiduelles de ceux qui
furent les victimes d'atrocités antérieures. Où que nous allions dans le monde, une
conscience relationnelle plus profonde nous rend présents à nos propres
expériences et à celles des autres, bien que nous n'ayons pas besoin de voyager
pour ressentir la réalité de notre connexion, même avec ceux qui se trouvent à
l'autre bout du monde. Nous ne manquons plus de percevoir ou de ressentir l'état
désastreux de notre environnement ou le danger qui pèse sur les systèmes vivants
à toutes les échelles ; nous le ressentons dans notre propre corps, comme s'il
s'agissait d'une partie de nous-mêmes.
La douleur du village global est un cri d'alarme destiné à nous éveiller à la vérité du
fait qu'il n'y a plus de ‘’là-bas’’, mais que tout se trouve ‘’ici’’. Au début, c'est
terrible. Soudain, nous pouvons sentir les toxines, les poisons, les déchets
nucléaires et autres qui inondent le marché à travers toute la chaîne alimentaire,
en touchant nos communautés, nos foyers et nos corps. Qu'il s'agisse de
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Stephen Halliday, “Death and Miasma in Victorian London: An Obsnate Belief,” Brish Medical Journal 323
(December 2001): 1469–71.

pesticides, de microplastiques ou de métaux lourds, nous sommes responsables
d'avoir saturé nos paysages de déchets. Le reconnaître nous permet de choisir la
guérison et la réparation.
Se réunir avec l'objectif d'intégrer les traumatismes collectifs, c'est de l'activisme
environnemental. Avant de pouvoir inverser toutes les extinctions massives
provoquées par l'homme ou de résoudre la crise climatique galopante, il faut nous
remettre en question. Quel que soit le nombre de résolutions internationales
signées, les traumatismes du passé non résolus et non traités feront en sorte que
certains des signataires ne respecteront pas les accords conclus. Et quel que soit
le nombre d'entreprises qui acceptent d'adopter des normes plus propres, la
rétribution karmique assure que certaines seront malhonnêtes et que d'autres
refuseront tout simplement de le faire. Nous devons adopter des pratiques
concrètes en matière d'assainissement et de protection de l'environnement, mais
pour intégrer pleinement ces changements de manière durable ou systémique,
nous devrons traverser la zone écologique trouble de l'ombre collective…
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