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I. La Question d’Orient et les Tanzimat
La Question d’Orient est un ensemble d’événements qui se sont déroulés entre 1774, année de
la promulgation du traité de Kütchük-Kaynardja qui met fin à la guerre russo-turque de 1768-
1774, et 1923, année de la création de la Turquie moderne, établie par le traité de Lausanne.
Durant cette longue période, perdant de la crédibilité, l’empire ottoman devient la proie des
ambitions des puissances occidentales. La rivalité entre les grandes puissances s’accroît en
vue d’établir leur contrôle ou leur influence sur l’Europe balkanique et les pays riverains de la
Méditerranée orientale (jusqu’au golfe Persique et à l’océan Indien) et méridionale.
Face à
cette situation, les Ottomans sont obligés de se réformer afin de rattraper leurs retards sur tous
les plans et revenir dans le concert des grands empires européens. Ce sera la période des
Tanzimat.
L’intervention des grandes puissances est accentuée, sinon facilitée, par l’émergence des
nationalismes, surtout au milieu du XIXe siècle, dans cet empire mosaïque. La quasi totalité
des guerres menées par les Ottomans durant ce siècle seront perdues, les poussant à chaque
fois un peu plus au second rôle sur le plan international et abandonnant à chaque fois un peu
plus l’Europe. Leur retrait de cette région avait certes commencé bien avant ces années-là et
leurs dépouilles seront partagées à la fin de la première guerre mondiale. Mais le XIXe siècle
reste le siècle de l’amputation occidentale pour l’empire ottoman. Scandé par des guerres
meurtrières, l’empire s’asphyxie. Il y a, d’une part, le contact avec les grandes puissances qui
le pousse à se rénover, et, de l’autre, ses composantes intérieures qui le poussent à se réformer
sinon à changer. Tiraillé des deux côtés, l’empire court au bord du gouffre. Néanmoins, si
l’empire ottoman se maintient jusqu’au début du XXe siècle, c’est non seulement grâce à ses
tentatives de réformes, mais également à la protection des Anglais et Français, qui préfèrent la
survie d’un empire faible qu’un éparpillement de petits États. Ces deux puissances auront un
comportement contradictoire vis-à-vis d’une autre puissance qui ne partage pas la même
vision sur l’empire ottoman : l’empire russe. Tantôt elles le laisseront faire, tantôt elles
contrecarreront ses projets expansionnistes.
Quant à l’empire ottoman, conscient de son retard, il commence à entreprendre des réformes.
Cette période de réformes, dite les Tanzimat, voit alors une importation massive aussi bien
MANTRAN, Robert (sld) : Histoire de l’empire ottoman, Fayard, 1989, p. 421.