Khôlle - III.Kang Youwei et Liang Qichao, Réformateurs de la Chine

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ILLY Méwenn HK
Pour le Mardi 10 Mai 2022
18h30, H. Fraslin
Histoire : Khôlle
Sujet : Kang Yuwei et Liang Qichao, Réformateurs de la
Chine
« S’inspirer des barbares pour vaincre les barbares », c’est l’expression que reprend
Zeng Guofan dans sa lettre sur les « Propositions pour manufacturer les instruments
étrangers » de 1861 pour qualifier sa politique d’« auto-renforcement ». En effet, au début de
la seconde moitié du XIXème siècle, certains haut fonctionnaires chinois prennent conscience
de la nécessité de moderniser le pays afin de pouvoir lutter contre la colonisation étrangère en
vigueur depuis 1842 et la signature du traité de Nankin. Cette première génération de
réformateurs entame donc une modernisation industrielle et militaire du pays. Mais cette
politique prend la forme d’un cuisant échec lors de la Première Guerre sino-japonaise pendant
laquelle la Chine, malgré son armée modernisée, se fait écraser par la puissance japonaise, qui
avait débuté sa modernisation bien avant. Une nouvelle génération d’intellectuels accuse le
pouvoir impérial d’avoir entravé cette tentative de modernisation, ils en viennent à établir que
finalement, ce serai ce système politique en lui-même qu’il faudrait réformer. Parmi ces
jeunes lettrés, deux figures se démarquent et prennent la tête du mouvement : Kang Yuwei et
Liang Qichao. Yuwei, en 1958, est issu d’une famille de hauts fonctionnaires chinois. Il
mène de brillantes études au cours desquelles il a l’occasion de voyager à travers la Chine, et
notamment de se rendre dans les concessions territoriales faites aux Occidentaux le long du
littoral. Liang Qichao quant à lui, naît en 1873 dans une famille paysanne, mais parvient à
s’extraire de sa classe sociale grâce à son génie littéraire. Il réussit notamment le second degré
des examens provinciaux à l’âge de 16 ans, ce qui fait de lui le plus jeune diplômé de ce
concours de sa génération. Il devient rapidement le disciple de Yuwei.
Problématique : Ainsi, à la lumière de ces deux personnalités marquantes de l’époque
moderne chinoise, comment se traduisent les mouvements de forme faisant suite à l’échec
de la politique de l’« auto-renforcement » ? Kang Yuwei et Liang Qichao sont-ils parvenus à
mettre en œuvre leurs idéaux politiques ?
Plan :
I/Kang Yuwei et Liang Qichao, ces intellectuels révolutionnaires face à l’échec d’une
Chine qui n’a pas su se moderniser
A) Une génération d’intellectuels responsabilisés politiquement
-1895 = Constat alarmant - 3ème grande défaite de la Chine face à une puissance étrangère. Gouvernement composé d’élites
incompétentes et un peuple trop peu cultivé pour prendre la tête d’un nouveau mouvement culturel, les étudiants et lettrés
n’ayant pas accédé à la classe mandarinale s’emparent du problème. Kang Yuwei à 21 ans : « Dans un grand éclair
d’illumination, je me suis vu comme un sage » = se perçoivent comme les nouveaux guides de la Chine
-Kang rédige un mémoire auquel Liang participe, adressé directement au trône. Il y demande des réformes politiques
(organisations méritocratiques, luttes contre la corruption, mise en place d’une économie d’Etat, fin de la dépendance
économique vis-à-vis de l’Occident)
-Mémoire signé par 1200 autres lettrés = consensus politique inouïe. Yuwei et Qichao fondent des journaux, des sociétés
d’études et des groupes de réunion (rappelle les clubs révolutionnaires français) pour diffuser, discuter et uniformiser les
idées = Ralliement des intellectuels sous de mêmes idées formatrices, un deuxième mouvement de modernisation bien
mieux organisé (rappel de Li Hong Zhang et Zeng Guofan sur leur désaccord sur la création de chemins de fer).
-> Une pensée politique est développée et organisée par des intellectuels se plaçant comme les sauveurs de la nation chinoise
avec Yuwei à leur tête.
B) Les nouveaux réformateurs, remettre en question la modernisation superficielle des
partisans de l’Auto-renforcement
-Des intellectuels conscients des causes de l’échec du premier mouvement de modernisation (Manque de soutien de la part du
pouvoir étatique, opposition virulente de la part des autres mandarins, corruption des sous-fonctionnaires en charge
d’appliquer les réformes) = à cause du système. Ces intellectuels sont des réformateurs politiques ; Qichao accuse l’Empereur
d’être un monarque égoïste, que sa primauté sur tout ne repose sur rien. Veulent une monarchie constitutionnelle.
-Yuwei tente alors de trouver une justification idéologique, identitaire et culturelle à leurs idéaux politiques. Héritier du New
Text Movement = accuse la profusion extrême des strates interprétatives développées pendant des millénaires, ainsi que
l’altération, si ce n’est la destruction, des écrits originaux sous différents empereurs, d’avoir perdu le véritable enseignement
confucéen.
-1891 : Examen des faux Classiques de l’Ecole de la dynastie Xin Liu Xin aurait par exemple voulu légitimer le règne de
l’Empereur de son temps (Wang Mang) en inventant la théorie de l’« Illustre régent » (monarque aux pouvoirs illimités,
suprêmement vertueux par essence par rapport à ses sujets) - Kang remet donc en question le principe même de monarchie
absolue et fait de Confucius au fil de ses autres ouvrages un penseur du changement social et du libéralisme.
->Ces nouveaux réformateurs veulent remodeler le système politique chinois qui bloque la modernisation du pays, mais le
but est d’ancrer leurs idées dans les fondements de la culture chinoise : la philosophie confucéenne, afin de convaincre le
pouvoir en place.
C) « Connaître les barbares pour vaincre les barbares »
-Des intellectuels parfaitement instruits sur la culture étrangère = partisans du libéralisme occidentale, Qichao a dirigé le
bureau des traductions à Shanghai (Datong Yishu Ju) créé en 1897 avec Kang Yuwei
-Des intellectuels parfaitement conscients du monde extérieur - Darwinisme sociale d’Herbert Spencer (la lutte constante des
nations entre elle pour leur survie). Ils prennent les exemples de la Turquie et de l’Inde, tombées en disgrâce car n’ayant pas
réussi à suivre le mouvement mondial.
-Utilisent ces théories pour montrer la nécessité de redynamiser la société chinoise par des réformes institutionnelles radicales
afin que le pays réussisse à rivaliser à nouveau face aux nations étrangères.
-> Cette deuxième génération de modernisateurs sont bien plus ouverts sur le Monde que leurs prédécesseurs. Ces lettrés
chinois se réapproprient une histoire dont ils ont été exclus, plus ou moins involontairement, pendant des siècles si ce n’est
des millénaires, et ici pour servir un but national.
II/La mise en place des réformes de Kang Yuwei et Liang Qichao, une réussite ?
A) Les plus modérés des radicaux
-En 1898, Kang Yuwei est convié à s’entretenir avec l’empereur Guangxu pendant plus de cinq heures, ce qui en fait
l’entretien officiel le plus long de l’Histoire de l’humanité, signe de l’importance de la teneur de cet échange. Comment
expliquer cette acceptation de Yuwei au sein de la cité interdite alors qu’il n’a cessé d’être censuré (3 fois en 10 ans pour son
Examen des faux Classiques de l’Ecole de la dynastie Xin), interdit de publication (pour ses journaux avec Qichao), et ses
réunions étudiantes dissoutes ?
-A la suite de l’humiliation de la défaite contre le Japon en 1895, Guangxu prend conscience de la nécessité d’accentuer la
modernisation de la Chine, alors, face à une cour mandarinale conservatrice, il choisit de s’entourer des plus modérés des
radicaux - La dualité existante au sein de cette nération de modernisateurs : Kang Yuwei et Liang Qichao, ces
« réformateurs constitutionnels » qui s’opposent aux « révolutionnaires républicains » de Sun Yat Sen.
-Yuwei parvient à convaincre et à inspirer confiance auprès de l’Empereur et des mandarins car c’est un personnage
charismatique, très sûr de lui, issu de la même classe sociale qu’eux, et il reste un confucéen orthodoxe.
B) Décentraliser par le haut pour éviter un délitement par le bas
-La forme des Cent Jours est lancée en 1898 par Guangxu avec Yuwei à sa tête. Liang y participe mais reste en arrière-
plan face à d’autres grandes personnalités comme Tan Sitong, qui est l’un des « Six gentlemen de la Réforme ».
-Le but est de redynamiser l’appareil politique, administratif et institutionnel chinois, et les réformes promulguées rejoignent
les revendications du mémoire de 1895 = remplacement des examens mandarinaux classiques par des épreuves scientifiques.
-Le but de cette vague de modernisation : monarchie constitutionnelle = décentraliser par le haut un système politique
impérial afin d’éviter qu’il ne se délite par le bas bas à la suite de la colonisation de la Chine et des révoltes internes, le
pouvoir politique n’est plus que l’ombre de lui-même (ce qui explique la grande liberté des gouverneurs de province de
l’auto-renforcement qui ont pu mettre en place leurs réformes malgré l’opposition de la cour impérial), il faut le renforcer et
en faire l’acteur principal de la modernisation de l’Empire par un système le peuple à plus de poids et se sent davantage
représenter (éviter l’éclatement de l’Empire à cause de la misère sociale).
C) Vouloir bousculer la tyrannie en s’étant jeté sur son épée
-Droit dans la gueule du loup : les protestations farouches d’une cour impérial dominée par le Parti de Purs
-Manque de diplomatie : les réformes sont trop rapides, brutales et radicales – on menace de supprimer les postes de
gouverneurs du Hubei, du Guangdong et du Yunnan - si bien que les quelques mandarins favorables à une transition de la
Chine vers la modernité en viennent à leur tour à lutter contre la Réforme
-Un trop plein d’orgueil ? : à aucun moment le soutien ou les conseils des réformateurs de l’auto-renforcement n’est sollicité,
ils sont même écartés du mouvement, alors que Li Hong Zhang possède une grande influence et expérience.
-Coup d’Etat de Cixi en 1898 qui vient mettre un terme à la Réforme
->Un mouvement isolé, trop radical pour une entité politique qui n’est pas capable de supporter de tels changements.
III/L’après Réforme des Cent Jours : exil, évolutions idéologiques et séparation du
maître et de l’élève
A) Exilés, le combat continue
-Exilés afin d’échapper à la peine de mort que leur réserve Cixi, Kang Yuwei et Liang Qichao continuent d’être influents : Ils
fondent la Société pour la protection de l’Empereur.
-Leur combat continue et le but est de maintenant mobiliser et rassembler les exilés politiques chinois autour d’une lutte
commune : Yuwei fonde une entreprise internationale du commerce, des écoles et des journaux aux Etats-Unis, au Mexique,
au Japon et en Asie du Sud-Est.
-Yuwei fomente un coup d’Etat contre Cixi en 1900 qui échoue.
-Cette mobilisation est un échec, étant donné que la restauration politique qu’ils prônent (monarchie constitutionnelle)
s’oppose aux révolutionnaires républicains, devenu bien plus populaires depuis l’échec de la Réforme.
B) Kang Yuwei : le réformateur déchu devenu, ou le fou cherchant « à pêcher des poissons
dans les arbres »
-Yuwei est une personnalité qui a refusé d’adapter ses idéaux aux faits « Dans un grand éclair d’illumination, je me suis vu
comme un sage » (personne orgueilleuse). Alors qu’il déclarait lors de son entretien avec l’Empereur que vouloir s’appuyer
sur les conservateurs pour moderniser la Chine était comme « vouloir chercher des poissons dans les arbres », il semble bien
qu’après l’échec de la Réforme, il soit devenu la parodie de ses propres opinions.
-Il n’est plus en phase avec son époque : tente de restaurer la royauté au côté de Zhang Xu en replaçant sur le trône Puyi en
1917 / dans sa Grande Unité il se place comme un nouveau Confucius et partage des pensées utopiques et universelles qui ne
correspondent plus au nationalisme montant dans le pays.
->Kang Yuwei, le reflet tragique de cette génération de réformateurs constitutionnelles qui ne sont jamais parvenus à
accorder leurs idées avec leur époque, trop tôt pour entamer la transition de l’Empire vers la modernité (rappel des réformes
de Cixi en 1901), trop tard pour restaurer le système politique qu’ils défendaient à la suite de la révolution républicaine de
1911.
C) Liang Qichao : le disciple sorti de l’ombre, ou l’échec de la réforme par le haut, la
réussite de l’influence par le bas
-De Yokohama, Qichao se démarque de la figure de son maître en se faisant un grand nom dans la presse : il fonde le
« Journal des discussions pures », le « Mélange du peuple nouveau », le « Journal du temps » etc.
-En parallèle il s’atèle à la traduction des Lumières tels que Hobbes, Rousseau, Adam Smith etc.
-Qichao après l’échec des réformes politiques auprès de la classe dirigeante, à la différence de son maître, prend conscience
que le nœud de la modernisation de la Chine réside dans la réforme culturelle du peuple. Ainsi, par ses journaux et ses
traductions il diffuse les idées révolutionnaires, le nationalisme chinois, l’importance de l’égalité homme-femme,
l’émancipation du peuple etc.
-Il est le véritable penseur chinois du journalisme en tant que pouvoir politique.
-Ainsi, il s’émancipe totalement de Yuwei en désapprouvant sa tentative de coup d’Etat en 1917, mais surtout en fusionnant
son parti politique défenseur de la monarchie constitutionnelle : le « Parti démocratique », avec celui des républicains en
1911 pour former le « Parti progressiste ».
Sources :
-John King Fairbank : La Grande Révolution chinoise (1800-1989), 1989
-Roger Darrobers : « Kang Yuwei, du confucianisme réformé à l’utopie universelle », Etudes chinoises, 2000
-Natasha Wittinghoff : « Ewald Heck, Wang Kangnian und die Shiwu Bao » Compte-rendu, 2002
-Léon Wandermeersch : « Vérité historique et langage de l’Histoire en Chine », 1987
-Céline Wang : « La Presse moderne chinoise de 1815 à 1921 », 2020
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