L’ÉTHIQUE NATURELLE CATHERINE INGRAM (Extrait de ‘’Passionate Presence’’) ‘’La moralité s’enracine dans la pureté de nos cœurs.’’ - Mohandas K. Gandhi L’amour qui accompagne la Conscience éveillée réclame une plus grande sensibilité en matière de comportement que n’importe quel code d’éthique qui existe. Si nos actions émanent de l’amour, nous n’avons besoin d’aucun code moral, parce que nous savons naturellement ce qui blesse et ce qui aide. L’amour est attentif à ne pas causer de peine, et il ne se réjouit pas de celle de quelqu’un. Au contraire, l'amour souffre avec quelqu'un qui souffre, et il n'augmenterait donc pas cette douleur de quelque manière que ce soit, puisque cela augmenterait sa propre souffrance. L'amour n'a pas besoin d'un livre de règles, de récompenses, ou de menaces de punition pour le savoir. Il le sait sans effort, dans le tréfond du cœur. Pour être authentique, il faut y vivre - et être prêt à endurer la sensibilité aiguë de cette demeure. Dans la Conscience éveillée, notre sens de la communauté s'élargit naturellement, car nous ressentons une familiarité accrue avec tous les êtres vivants. En regardant dans les yeux d'un serpent, par exemple, quelque chose, dans notre propre cerveau reptilien, pourrait se souvenir, même si des parties plus récentes de notre cerveau se révulsent ! Toutefois, dans cet instant de légère reconnaissance, nous devenons plus réticents à tuer le serpent. De même, en faisant l'expérience de la familiarité avec tout être vivant - et ce sentiment se manifeste plus systématiquement dans la Conscience éveillée - nous répugnons à toute action qui pourrait lui nuire. Dans notre authenticité, nous sommes disposés à être honnêtes par rapport à l'impact de notre comportement sur les autres dans la trame / sur la toile 1 de la vie. Il devient impossible d'être exclusivement préoccupé par une récompense ou une perte pour soi-même ou de justifier son égocentrisme, en pensant qu'il est socialement acceptable de viser à être le numéro un et à se distinguer à tout prix. Au lieu de cela, dans la Conscience éveillée, nous sommes en phase avec les coûts les plus subtils de notre existence dans le monde, et nous cherchons à réduire ces dépenses partout où c’est possible. Nous sommes très consciencieux dans notre comportement envers les autres, non pas en fonction de ce que l'on nous a enseigné, mais en honorant notre propre bonté authentique, qui demande ce genre de considération. Nous ne pouvons pas tromper les gens dans l’optique d'obtenir ce que nous voulons, puisque l'inconfort de vivre avec la tromperie est plus grand que le plaisir obtenu. Nous ne pouvons pas nous contenter de dire techniquement la vérité, tout en présentant les situations d'une manière qui induit en erreur... Il devient également impossible d'ignorer le manque de produits de première nécessité chez les autres, tout en prenant davantage pour nous-mêmes. De même qu’il ne nous viendrait pas à l'idée de faire main basse sur tant de mets pour nousmêmes à une tablée comptant tous nos amis proches et nos parents, de sorte qu'il ne reste plus rien à manger pour eux, nous partageons avec les autres, parce que nous nous préoccupons d'eux. Notre sens du fair-play n'est pas seulement une coutume sociétale, c'est une impulsion née d’une empathie universelle.2 Pourtant, dans la Conscience éveillée, nous réalisons également que la vie se nourrit de la vie. Nos vies humaines, par exemple, réclament fréquemment une stimulation physique, émotionnelle, intellectuelle et spirituelle. Nous sommes des animaux affamés à de nombreux niveaux - affamés d'expériences et affamés de choses. Mais nous devenons plus attentifs à cet appétit, quand nous réalisons à quel point il peut nuire aux autres êtres vivants. Le maître bouddhiste Thich Nhat Hanh souligne, par exemple, qu'en lisant simplement le journal, nous participons à 1 Les deux traductions sont possibles et se complètent admirablement, surtout si on songe à tout ce qu’on ‘’partage’’ sur les réseaux sociaux…, NDT. 2 C’est naturellement le dharma de partage-pdf.webnode.fr, qui s’efforce de nourrir spirituellement ceux et celles qui le souhaitent depuis sa mise en ligne en janvier 2017, avec des enseignements et des exemples de première qualité qui sont souvent introuvables ailleurs en français, et ce gracieusement, NDT. une industrie qui utilise une forêt pour chaque grand quotidien dans le monde. Quand nous pensons aux milliers de journaux quotidiens, nous pouvons être estomaqués par la quantité d'arbres que cette seule industrie représente. Le livre que vous tenez actuellement représente aussi un coût énorme en bois. Il est donc important que l'écrivain et que l'éditeur gardent à l'esprit ce coût écologique et honorent au mieux les arbres utilisés dans la production du livre. Un membre de notre communauté de Los Angeles a travaillé jadis comme directeur artistique dans la publicité, et ses plus gros contrats provenaient de l'industrie du tabac. Parce qu'il gagnait beaucoup d'argent et parce qu'il utilisait son propre argent pour des activités et des causes saines, il trouva légitime de rester dans ce secteur pendant un certain temps, mais avec sa propre conscience qui s'approfondissait, ou son intelligence innée qui s’éveillait, il lui est devenu impossible de continuer à travailler dans ce secteur. Il a commencé à faire intérieurement la grimace, en entendant parler de décès dus au cancer du poumon aux informations ou en voyant des connaissances qui fumaient être atteintes d'emphysème. Il ne pouvait plus séparer sa participation à la publicité du résultat final, à savoir l'incitation à fumer. Il ne pouvait plus se détacher de la souffrance et de la mort qu'engendre le tabagisme. Cette souffrance ne concernait plus des inconnus, mais elle nous concernait, nous. En renonçant à ce secteur, il a dû s'adapter à des revenus moindres, mais il est maintenant en paix. L'authenticité de son cœur réclamait un alignement entre ce qu'il ressentait et ce qu'il faisait.3 Parfois, notre éthique naturelle réclame que nous allions à l'encontre des règles de la société ou de la religion. J'ai toujours aimé l'histoire de ces deux moines zen qui s'apprêtaient à traverser un ruisseau, lorsqu'ils remarquèrent une jolie jeune fille qui ne pouvait pas traverser sans mouiller son kimono. Le plus âgé des deux moines la prit dans ses bras, traversa le ruisseau et la déposa sur l’autre rive. Les deux moines poursuivirent leur chemin, mais le plus jeune était visiblement perturbé. Après avoir marché en silence pendant un certain temps, le jeune moine dit au plus âgé : "Nous, les moines, nous ne sommes pas censés toucher des femmes, et surtout pas les jeunes et jolies !" Le moine plus âgé répondit : "J'ai déposé la fille là-bas. Et toi, tu la portes toujours ?" Si nos motivations sont pures, il y a peu de remous dans l'esprit, même si nous avons enfreint les règles. En fait, dans la Conscience éveillée, l'absence de remous dans l'esprit est un bon baromètre indicateur de l’harmonie entre les paroles et les actes. Si notre esprit est agité et plein de regrets, c'est généralement parce que nous avons dit ou fait quelque chose de blessant pour une autre personne, quelque chose de contraire aux principes de notre bonté fondamentale ou qui est venu d'un moment de confusion. Dans la Conscience éveillée, du regret n'apparaît pas 3 L’enseignement spirituel de base de vérité prône l’unité entre le cœur, l’esprit, la parole et l’action, NDT. nécessairement, quand on enfreint les règles de moralité de la société.4 Le regret apparaît, lorsqu’il y a eu un manque de bonté. En fait, nous n'avons pas besoin de la moralité, si nous avons de la compassion à la place. Les sociétés auront toujours leurs règles et, pour la plupart, elles sont nécessaires au bon fonctionnement de grandes populations de personnes. Il est nécessaire que les règles soient étudiées et respectées par ceux qui n'ont pas encore une grande ouverture du cœur. Autrement, ce monde serait dans un désordre encore plus grand qu'il ne l'est actuellement. Mais pour ceux dont l'intelligence est éveillée, il est possible de se reposer uniquement sur l'éthique naturelle. Il ne s'agit pas d'une étude que l'on trouve dans des livres ou que l'on récite dans des églises. L'éthique naturelle s’inscrit dans le cœur authentique de chacun, qui sait, en toute simplicité, comment aimer. C atherine Ingram est une enseignante internationale du dharma qui a des adeptes aux États-Unis, en Europe et en Australie. Depuis 1992, elle dirige les ‘’Dialogues du Dharma’’, des événements publics qui encouragent l'utilisation intelligente de la conscience dans la vie personnelle et dans la communauté. Catherine dirige également chaque année de nombreuses retraites silencieuses associées aux dialogues sur le Dharma. Elle est présidente de Living Dharma, une organisation éducative à but non lucratif fondée en 1995. Catherine a fait l'objet de nombreuses interviews dans la presse écrite, à la télévision et à la radio et figure dans plusieurs anthologies consacrées aux enseignants spirituels occidentaux. Ancienne journaliste spécialisée dans les questions de conscience et d'activisme, Catherine est également l’autrice de plusieurs livres sur l’activisme spirituel et social. (Elle a notamment fait partie des équipes de rédaction du New Age Journal, du East West Journal et du Yoga Journal.) Depuis 1976, Catherine a contribué à l'organisation et à la direction d'institutions consacrées à la méditation et à l’auto-investigation et, plus récemment, aux droits de l'homme et des animaux. Elle est cofondatrice de l'Insight Meditation Society à Barre, Massachusetts (1976). Elle a également cofondé l'Organisation des Nations et des Peuples Non Représentés (UNPO) à La Haye, aux Pays-Bas (1991) et elle est membre du Comité des 100 pour le Tibet. Pendant six ans (1988-1994), Catherine a également siégé au conseil d'administration du Burma Project, consacré à la sensibilisation internationale à la lutte pour la démocratie en Birmanie. Elle siège maintenant au conseil d'administration de la Global Animal Foundation, qui œuvre en faveur des animaux du monde entier. Partage-pdf.webnode.fr 4 Sur ce thème et d’autres thèmes connexes, le lecteur ou la lectrice peut également consulter l’article suivant : ‘’Le swadharma ou devoir personnel de l’homme dans la Bhagavad Gita’’, de Swami Abhayananda, NDT. (Soit dit en passant, quand on voit la pédophilie qui gangrène l’Eglise catholique depuis des dizaines d’années un peu partout dans le monde et très souvent en toute impunité, on est en droit de se poser pas mal de questions sur sa notion ou son concept de l’éthique et sur son application. Et la sphère politique ne montre généralement pas non plus l’exemple dans ce domaine, et cette absence d’éthique, pour ne pas dire cette corruption, déteint fatalement sur la société et sur la planète et l’impacte négativement.)