que notre conscience n'est pas absorbée par des pensées obsessionnelles et
est donc libre d'expérimenter toute la gamme des sensations corporelles et
émotionnelles. Bien que les pensées continuent de jaillir, elles ne nous
subjuguent pas, et notre attention est disponible pour le riche éventail de
sensations que la vie nous offre. Notre appréciation sensorielle s'intensifie
dans l'état d'éveil et se raffine de plus en plus.
Une telle sensorialité diffère d'un attachement glouton ou affamé au monde
des plaisirs des sens, comme on l'associe parfois à certaines représentations
de la sensualité. Ce que l'on recherche souvent au nom du plaisir des sens,
c'est le moyen de noyer le tumulte d'un esprit troublé, les gens s’efforçant
parfois de manière téméraire et désespérée de détourner leur attention de
leurs projections mentales et de leurs histoires déprimantes.
Un jour, dans un train reliant la campagne à Londres, j'étais assise en face
d'un jeune homme qui portait des écouteurs stéréo. Le bruit provenant de
son casque, destiné à ses seules oreilles, était suffisamment fort pour que
tout le monde dans le wagon puisse l'entendre, un bruit crissant comme une
foreuse dentaire juste à côté de ses oreilles. Je me demandais si le jeune
homme n'était pas partiellement sourd. Quand il a parlé via son téléphone
portable, j'ai réalisé qu'il n'était pas sourd, mais je me suis dit qu'il le serait
bientôt. Je me suis ensuite demandée ce que le pauvre garçon essayait de
submerger dans son esprit en utilisant un niveau de décibels aussi extrême.
Lorsque nous sommes très bruyants à l'intérieur, nous avons besoin d'une
amplification externe pour nous distraire du tumulte intérieur, et nous
recherchons souvent cette amplification au moyen des sens. Au fur et à
mesure que la cacophonie intérieure et extérieure augmente, nous devenons
encore plus insensibles, et il nous faut un déluge de sensations encore plus