C’est cette restauration de la paix autant que sa victoire à la guerre qui légitime la divinisation
d’Auguste (divus filii) : Auguste est à la fois celui restaure la concorde, qui fait fermer les
portes du temple de Janus, il est aussi celui qui célèbre avec faste ses triomphes (13,14 et 15
août 29 av. J.-C.). Il est donc imperator, c’est-à-dire le général victorieux auquel le Sénat
décerne un triomphe : le droit de pénétrer dans l’enceinte sacrée de Rome (pomerium) en
arme, avec ses troupes et son butin, ses captifs : homme de guerre et pacificateur à la fois. La
guerre sert donc à imposer la paix comme l’écrit Virgile : « souviens toi Romain que tu es
fait pour commander aux peuples. Imposer les règles de la paix, pardonner aux vaincus et
châtier les superbes, ce sont là tes beaux-arts » (Tu regere imperio romane, memento.
Pacisque imponere morem, parcere subjectis et debellare superbos , hae tibi artes erunt).
Cette paix est aussi une paix armée : la guerre est repoussée au limes, mais les légions veillent
toujours sur Rome en poursuivant des opérations militaires aux confins de l’Empire…
2) La paix de Dieu et le rôle pacificateur de l’Eglise. Au Moyen-Âge,
l’idéal chevaleresque de la guerre entre aussi en contradiction avec l’idéal chrétien de non
violence (tu ne tueras point), d’autant que les guerres féodales (la faide) menacent parfois les
grands domaines ecclésiastiques, ceux des monastères. D’où les serments de paix étudiés par
Dominique Barthélémy dans L’An mil et la paix de Dieu (Fayard, 1999) et le mouvement de
la paix de Dieu qui interdit la guerre du vendredi au dimanche et demande aux chevaliers de
protéger les biens de l’Eglise, les hommes de Dieu ainsi que la veuve et l’orphelin. Le
mouvement de la paix de Dieu a incontestablement pacifié la société féodale mais a aussi
contribué à rejeter le guerre au-delà de la Chrétienté et a nourri l’esprit de croisade qui se
développe avec l’appel de Clermont d’Urbain II (1095) et la première croisade (1099). Mais à
la guerre privée se substitue, avec la formation des Etats, les guerres entre rois. Par exemple,
les guerres entre la monarchie française et les rois d’Angleterre : guerres entre Philippe
Auguste et Jean Sans Terre puis Richard Cœur de Lion, guerre de Cent ans de 1337 à 1453…
Celles-ci s’avèrent bientôt plus dévastatrices que les guerres féodales car elles reposent sur la
mobilisation d’armées de professionnels de la guerre (les « grandes compagnies » du XIV°
siècle français) qui vivent sur le pays dès qu’elles sont « débandées ». Facteur de guerre à ses
débuts, l’Etat moderne va cependant progressivement se faire pacificateur
3) L’Etat pacificateur. Avec la renaissance de l’Etat, au XV° et XVI°
siècle, c’est de plus en plus le roi qui garantit la paix. Ainsi au terme de trente ans de guerres
de religion, c’est l’édit de tolérance de Nantes (1598) du « bon roi Henri IV » qui instaure la
paix religieuse entre catholiques et huguenots. Un demi siècle plus tard, Richelieu démantèle
les châteaux forts. Après la Fronde, Louis XIV, roi de guerre par excellence (37 années de
guerre sur 44 années de règne personnel !), pacifie l’intérieur du royaume. La guerre est alors
rejetée aux frontières, au-delà de la « ceinture de fer » des forteresses royales construites par
Vauban. Certes, pendant les deux tiers du règne de Louis XIV la France est en guerre, mais,
hormis quelques brèves périodes d’invasion à la fin du règne (victoire de Villars à Denain,
1712), la guerre a lieu à l’extérieur ou aux frontières du royaume. Roi de guerre en Europe,
Louis XIV est paradoxalement celui qui fait respecter l’ordre intérieur et assure la paix civile
dans le royaume… Les conséquences des guerres sont essentiellement économiques et
démographiques : les prélèvements fiscaux combinés aux aléas climatiques (Grand Hiver
1709) aboutissent à une catastrophe démographique. La France perd 2 millions d’habitants
sur 20 entre le début des années1690 et 1715. Néanmoins durant tout le XVIII° siècle, l’Etat
assure la paix intérieure : la guerre est une affaire lointaine, elle se déroule sur mer ou aux
frontières (Guerre de Sept Ans). Durant la Révolution, la guerre civile réapparaît notamment
durant la terreur : Vendée, chouannerie, soulèvement fédéraliste… C’est justement parce qu’il
a restauré la paix civile (notamment par le Concordat, mais aussi en créant la gendarmerie
nationale) que Bonaparte est resté aussi populaire. La légende napoléonienne se nourrit aussi
bien sûr de l’épopée militaire popularisée par les vieux grognards dont on trouve la trace dans