THÉORÈME DE D'ALEMBERT Théorème Tout polynôme P non constant de [X] admet au moins une racine dans . Les démonstrations données ci-dessous font appel au raisonnement par l'absurde. Plus précisément : si on suppose l'existence d'un polynôme P non constant et sans racines, alors on aboutit à une contradiction. Démonstration 1 : utilisant l'identité de Taylor pour les polynômes Soit P ∈ [X] avec P non constant et sans racines (dans ). On note encore P l'application polynomiale de dans associée au polynôme P. Comme P est non nul (puisque non constant), on peut noter n = deg P avec n ∈ * . n P= Notons également : avec an ≠ 0 ak X k k =0 → ϕ: Considérons l'application : z ∗ + |P(z)| On a : (1) : ϕ est continue sur . (2) : lim ϕ(z) = +∞. z → +∞ (3) : ϕ est minorée sur et atteint son minimum Preuve : (1) : L'application P de dans est continue car polynomiale. L'application "module" : |.|: → ∗ + l'est également. En effet, nous savons que : ∀(x, y) ∈ Soient ε ∈ ∗ + et (x, y) ∈ 2 , ||x| − |y|| 2 |x − y| . Si |x − y| ε alors ||x| − |y|| |x − y| ε On a donc bien : ∀ε ∈ ∗ +, ∃η ∈ ∗ + (à savoir η = 1), ∀(x, y) ∈ , (|x − y| 2 η ||x| − |y|| ε) Ce qui prouve que l'application "module" est uniformément continue, donc continue sur . Par composition d'applications continues, on déduit la continuité de ϕ. (2) : Comme n ∈ , car P est supposé non constant, on peut écrire, pour z ≠ 0: * an + P(z) = zn Or, on sait que : Théorème de D'Alembert ∀(x, y) ∈ 1 zn , |x + y| n −1 ak z k k =0 2 Page 1 ||x| − |y|| G. COSTANTINI D'où : |P(z)| n −1 |z|n an − ak n−k z k =0 ak lim z → +∞ n −1 k =0 n −1 Et comme n − k > 0, on a : |z|n an − z n−k =0 z n−k k =0 ak an : 2 Par conséquent, en choisissant ε = ∃A ∈ ∗ +, ∀z ∈ , (|z| n −1 ak A z k =0 D'où: |z| |P(z)| A |z|n n−k an ) 2 an 2 lim |z|n = +∞ Enfin, comme : z → +∞ lim |P(z)| = +∞ On déduit, par comparaison : z → +∞ lim ϕ(z) = +∞ D'où (2) : z → +∞ (3) : Le résultat (2) s'écrit encore : ∀A ∈ En particulier pour A = ϕ(0) : ∗ + ∃B ∈ D'après (1), ϕ est continue sur ∃B ∈ ∗ +, ∗ +, ∀z ∈ , (|z| ∀z ∈ , (|z| ϕ(z) B donc sur le compact D = {z ∈ ϕ(z) B ϕ(0)) tels que |z| A) B}. Donc ϕ est bornée sur D et atteint ses bornes : ∃z0 ∈ D, ϕ(z0) = inf ϕ(z) z∈ D Comme 0 ∈ D, on a donc : ∀z ∈ , (|z| ϕ(z) B ϕ(0) ϕ(z0)) ϕ(z0) = inf ϕ(z) D'où : z∈ ϕ est minorée sur Ce qui prouve (3) : et atteint son minimum Venons-en maintenant au cœur de la démonstration. Nous allons montrer qu'il existe un complexe z tel que ϕ(z) < ϕ(z0). Appliquons l'identité de Taylor pour les polynômes : ∀h ∈ , P(z0 + h) = P(z0) + P'(z0)h+ ... + P(z0) ≠ 0 Comme P est supposé sans racines : P (z0) = n! an ≠ 0 (n) En outre, comme P est de degré n : Les nombres P(j)(z0), pour 1 j n, ne sont donc pas tous nuls. Soit k le plus petit entier tel que P(k)(z0) ≠ 0. (Cet entier existe car n On a alors : Théorème de D'Alembert ∀h ∈ P ( n ) ( z0 ) n h n! * , 1 puisque P est non constant) P ( z 0 + h) P ( k ) ( z0 ) k P ( n ) ( z0 ) n =1+ h + ... + h P( z0 ) P ( z0 ) k ! P( z0 ) n ! Page 2 G. COSTANTINI Posons, pour j ∈ k, n : aj = ∀h ∈ Ainsi : * , P ( j ) ( z0 ) P ( z0 ) j ! n P ( z 0 + h) = 1 + a kh k + P( z0 ) a jh j j = k +1 Distinguons deux cas : Cas 1 : k < n h = ρ e iθ et ak = rk eiαk (avec ρ > 0 et rk > 0 car P(k)(z0) ≠ 0) Écrivons : Ainsi : ∀ρ ∈ ∗ +, P( z0 + ρeiθ ) = 1 + rkρk ei ( kθ+αk ) + P ( z0 ) ∀θ ∈ [0, 2π[, L'idée est de choisir θ tel que : Par passage au module : rj ρ j e i ( j θ+ α j ) j = k +1 kθ + αk = π ∀ρ ∈ Ainsi : n ∗ +, ∀ρ ∈ P( z0 + ρeiθ ) = 1 − rkρk + P ( z0 ) ∗ +, ϕ( z0 + ρeiθ ) ϕ( z0 ) n rj ρ j e i ( j θ+ α j ) j = k +1 n |1 − rkρk| + rj ρ j j = k +1 Posons M = max r j , ainsi : k +1 j n ∀ρ ∈ ϕ( z0 + ρeiθ ) ϕ( z0 ) ∗ +, n |1 − rkρk| + M j = k +1 ρ k +1 1− ρ n En choisissant ρ inférieur à 1, on a : ρj j = k +1 D'où, pour ρ ∈ ]0, 1[ : ϕ( z0 + ρeiθ ) ϕ( z0 ) Comme rk > 0 et ρ > 0, on a : |1 − rkρk| + ρj M ρ k +1 1− ρ |1 − rkρk| < 1 Par ailleurs : lim ρ→ 0 Et en choisissant ρ assez petit, on a donc : M ρ k +1 =0 1− ρ M ρ k +1 <1 1− ρ |1 − rkρk| + ϕ(z0 + ρ e iθ ) < ϕ(z0) D'où Cas 2 : k = n Alors, en reprenant les notations ci-dessus : ϕ( z0 + ρeiθ ) ϕ( z0 ) D'où Dans tous les cas, on a contredit la condition : |1 − rkρk| < 1 ϕ(z0 + ρ e iθ ) < ϕ(z0) ϕ(z0) = inf ϕ(z) z∈ D'où le théorème de D'Alembert. Théorème de D'Alembert Page 3 G. COSTANTINI Démonstration 2 : utilisant un développement en série entière Lemme : (formules de Cauchy) Soit ƒ la somme d'une série entière de rayon de convergence R > 0 : ∞ ƒ(z) = an z n n =0 ∀n ∈ On pose : , ∀r ∈ ]0, R[, In(r) = π 1 2π −π ƒ (re iθ ) e − inθ dθ In(r) = anrn Alors : Preuve du lemme : ∞ an z n convergeant uniformément sur le disque de centre 0 et da rayon r, on peut permuter les La série entière n =0 symboles et d'où : In(r) = 1 2π π −π −π π Or, ∞ π 1 2π ƒ (re iθ ) e − inθ dθ = −π ak r k e ikθ e − inθ dθ = k =0 1 2π ∞ ak r k k =0 π −π e i ( k − n ) θ dθ e i ( k − n ) θ dθ = 2πδkn In(r) = anrn D'où I0(r) = a0 En particulier : Ce qui prouve le lemme. Corollaire : (Théorème de Liouville) Soit ƒ la somme d'une série entière de rayon de convergence R = +∞ : Si ƒ est bornée sur , alors ƒ est constante ! Preuve : Si ƒ est bornée sur , alors on peut définir : ||ƒ||∞ = sup |ƒ(z)| z∈ Dans ce cas, on a : ∀n ∈ , ∀r ∈ +, |In(r)| 1 × ||ƒ||∞ 2π π −π e − inθ dθ = ||ƒ||∞ C'est-à-dire, d'après le lemme : ∀n ∈ Donc, pour n , ∀r ∈ +, anrn ||ƒ||∞ 1, en faisant tendre r vers +∞, il apparaît que : ∀n ∈ * an = 0 ∀z ∈ , ƒ(z) = a0 D'où Donc ƒ est constante sur . Théorème de D'Alembert Page 4 G. COSTANTINI On en déduit le théorème de D'Alembert : Soit P ∈ [X] non constant et sans racines. On peut alors définir la fraction rationnelle ƒ = 1 . P D'après nos hypothèses, ƒ est bornée car P est supposé sans racines. De plus, comme P ne s'annule pas, ƒ est dérivable sur , donc holomorphe donc analytique. Donc ƒ est développable en série entière avec R = +∞. Et d'après le théorème de Liouville, ƒ et donc P est constant. Contradiction. Théorème de D'Alembert Page 5 G. COSTANTINI