AVONS-NOUS TOUS DES CERVEAUX CONFINÉS A LIBÉRER? Mustapha HMIMOU De prime abord, Idriss Aberkane est sûrement connu pour faire partie des prodiges dans son genre. Il est doté d’un savoir académique et encyclopédique fascinant. Et il sert d’un assez bon modèle à suivre par toute la jeunesse d’aujourd’hui. Une jeunesse dont une partie croissante court à vue d’œil et plus que jamais le risque d’avoir un cerveau bel et bien confiné et de pâtir du mal être dit stress et de l’inefficacité dans la vie de tous les jours qui en découlent. Partie de la jeunesse déjà accro aux diverses drogues ou en passe de l’être, violente, incivique et insolente. Partie de la jeunesse qui dérange et perturbe l’ordre public et donne du fil à retordre aux forces publiques. Sauf qu’Idriss Aberkane dit dans son ouvrage intitulé LIBEREZ VOTRE CERVEAU, que le cerveau collectif de l’humanité est confiné, parce que le cerveau individuel des humains est confiné. Il ne dit pas je pense que… mais il a l’air de dire je sais que… Il avance son assertion comme une vérité bien avérée et qu’il n’a rien à y redire. Et pour expliquer cette vérité bien à lui, il dit que nous n’utilisons pas bien notre cerveau à l’école, au travail, en politique, parce que nous ne l’utilisons pas ergonomiquement et ainsi les corrélats nerveux s’en trouvent loin d’être optimaux. Et il finit par dire que les conséquences de ce mauvais usage du cerveau sont diverses, et ont en commun le mal-être, la pétrification mentale et l’inefficacité. Or partout au monde et depuis toujours, jamais l’humanité ne s’est sentie toute et tous azimuts ni mal dans sa peau ni inefficace. Mal être et inefficacité symptômes d’après sa vérité d’un cerveau confiné. Tout au contraire, il y avait toujours et il y aura tout le temps des gens bien heureux et efficaces à l’école, au travail, en politique et partout dans la vie. Des gens qui utilisent donc bien leur cerveau avec des corrélats nerveux bel et bien optimaux. A commencer par lui-même quand il fascine toujours bien un grand public cultivé par son grand savoir académique et encyclopédique, sa grandiloquence manifeste et sa manière intelligente de s’en servir dans ses multiples conférences, ses entretiens et ses écrits. Il se sent sûrement bien efficace et c’est sûrement ce qu’il veut, il en jouit et s’en sent assez bien dans sa peau. Quoi de plus patent comme exemple d’un cerveau plutôt bel et bien libre et bien épanoui et non pas du tout confiné comme il le prétend. Et c’est le cas de tous ceux qui, comme lui et assez nombreux, se sentent satisfaits de leur carrière et de la réussite de leur vie sociale. Et tout ce beau monde dont il fait partie n’a donc pas de cerveau confiné à libérer parce qu’il y distribue efficacement le poids de la connaissance, de l’information et de l’expérience. Et le résultat est à la fois profond et spectaculaire, selon le cerveau libre ainsi défini par Aberkane. Idriss donne par contre le cas des prodiges qui réussissent des calculs mentaux fascinants, comme modèles des gens dotés exceptionnellement de cerveaux libérés. Or pour rien au monde les gens heureux et efficaces dans leur vie, comme lui-même, ne voudraient être à leur place. Pourquoi ? Parce que si ces prodiges ne savent que réussir ces calculs mentaux captivants ils seraient plutôt eux qui auraient des cerveaux bel et bien confinés. Sinon les diverses calculatrices qui sont infiniment plus performantes auraient des cerveaux libérés. Absurde, n’est-ce pas ! Or ces machines ont été inventées par des cerveaux humains vraiment libérés pour libérer le reste des cerveaux humains de telles corvées qui, comme les outils de travail archaïques, enchainaient le développement du travail humain. Et si ces prodiges que cite Aberkane sont heureux et efficaces dans leur vie de tous les jours c’est parce qu’ils ont d’autres activités bien épanouissantes grâce à un cerveau libéré pour de bon. Sinon, ils doivent être malheureux et partout inefficaces. Dire que le cerveau collectif de l’humanité est confiné, parce que le cerveau individuel des humains est confiné ramène donc le genre humain au rang des primates et fait table rase de toutes ses sciences et toutes ses inventions accumulés depuis la nuit des temps jusqu’à la conquête de l’espace et l’intelligence artificielle de nos jours et grâce auxquelles nous en menons une vie plus facile. Le cerveau de l’humanité a plutôt et toujours été de plus en plus libre et tout indique qu’il le sera à jamais et bien davantage avec le temps. Cela n’exclue pas pour autant qu’il y a et qu’il y aura toujours partout au monde des gens qui ont bel et bien un cerveau d’une manière ou d’une autre bien confiné, mais sans s’en rendre compte et sans donc se sentir ipso facto ni malheureux ni inefficaces. L’ouvrage d’Idriss renferme des recettes qui valent ce qu’elles valent pour ceux d’entre eux qui en sont bien conscients, s’en sentent malheureux et inefficaces et qui lui cherchent des remèdes. Voyons à présent l’autre assertion qu’Aberkane pense cette fois-ci être vraie. Pourrions-nous tous être des prodiges ? Pourrions-nous tous être des prodiges ? En réponse à cette question, Aberkane a eu cette fois-ci la prudence et la sagesse requises de dire qu’il pense que oui. Autrement dit il croit que oui et non pas il sait que oui. Or comme prodiges il nous a déjà cité les génies en calcul mental. Il doit sûrement exister d’autres candidats autoproclamés qui ont bien voulu les imiter et ont fait tout ce qu’il convient de faire pour y arriver, sinon plus. Sont-ils devenus tous aussi des prodiges comme le croit Aberkane. On ne peut le vérifier. Mais l’ex-Union Soviétique, qui était en conflit avec l’Occident, fut pendant soixante-dix ans un immense laboratoire en la matière. Ils réunissaient toutes les conditions requises pour fabriquer de son immense population des génies dans tous les domaines. Et grâce à cela il est passé directement d’une économie pour l’essentiel paysanne à un immense conglomérat industriel qui n’a rien à envier à celui de l’Occident. En plus de la production de l’armement le plus sophistiqué, y compris le nucléaire, il a été le premier à commencer la conquête de l’espace. Et il raflait un gros lot de médailles d’or et d’argent à chaque session des jeux olympiques. Et tout cela grâce à ses multiples et diverses pépinières de production des prodiges dans divers domaines. Or en amont, les candidats à toute formation, bien motivés et présélectionnés un peu partout dans l’immense pays, devaient être nombreux. Mais en aval ils ne s’avèrent pas tous des génies comme le croit Aberkane. Et ce malgré le plus grand souhait des autorités et la plus grande volonté des encadreurs et instructeurs, récompensés sûrement au prorata du nombre des lauréats. Preuve que tout le monde n’est pas prédisposé intrinsèquement et d’une manière innée à devenir des génies malgré l’existence de tous les atouts pour l’être. Cela pour dire que les humains qui en principe doivent être égaux en droits et en devoirs, ne sont nullement nés égaux ni physiquement ni mentalement. Comme les corps bien visibles, les cerveaux ont beau avoir le même volume et le même nombre de cellules et de neurones n’ont manifestement pas le même potentiel cognitif. Deux jumeaux monozygotes, par exemple, ayant mené exactement la même vie, comme s’ils étaient une même personne, peuvent ne pas avoir des cerveaux avec le même potentiel cognitif. L’un peut devenir par exemple facilement un brillant médecin alors que le second malgré tous ses efforts et toute sa bonne volonté ne réussit qu’à être un travailleur manuel. Or il y a un hiatus entre le temps nécessaire et l’attention requise pour faire l’un ou l’autre métier. N’est donc pas prodige ou génie qui veut, comme le croit Aberkane. De ce fait tous les empans quantitatifs pour mesurer le potentiel cognitif du cerveau ne sont pas des outils désuets et juste bons à faire confiner les cerveaux des humains. Le QI et l’école qui note ses élèves sont plutôt nécessaires et indispensables pour donner à chaque élève l’opportunité de choisir à bon escient le parcours scolaire le mieux adapté au potentiel cognitif particulier de son cerveau. Bien sûr, pour les très rares génies précoces, comme Idriss Aberkane, l’école devait être un carcan étouffant. Pour le garçon qui a passé et réussi le bac à l’âge de onze ans l’école et ses notes devaient être des insultes manifestes pour son cerveau et pour son égo. C’est comme mettre en compétition un jeune champion nationale dans une discipline sportive donné avec ses camardes de classe à l’école. Il en sort ipso facto le premier. Et alors ? C’est sûr que par respect bien légitime pour son égo il ne participe pas à une telle mascarade. Ceci devait être le cas du garçon exceptionnel qui a passé et réussi le bac en France à onze ans. Si l’on veut le soumettre aux mêmes exercices notés dans une classe primaire parmi des élèves du même âge revient à insulter son QI exceptionnel. Et cela a dû être le cas d’Aberkane qui devait en garder un mauvais souvenir et devait croire que ce fut le cas de tous les élèves de sa classe. Comme il le dit lui-même l’on apprend bien quand on aime ce qu’on apprend. L’on apprend quand on s’amuse. Et l’on s’amuse quand on joue. L’on apprend donc bien quand on joue. Et ce qu’on aime surtout dans le jeu c’est quand on est gratifié par des notes ou des points. C’est là le secret que note bien Aberkane et qui fait le succès et l’engouement pour les jeux électronique. Et ceci, seulement quand l'adversaire est l'égale en compétence et en performance du joueur prodige. Sinon il s'amuse aussi bien seulement quand il joue et se mesure avec soi-même. J’en ai fait les frais de l’amère expérience quand j’ai pris part à une partie d’échec sur le net avec un joueur que je ne voyais pas et donc sans savoir qu’il était bien rompu en la matière. Il m’a couvert d’insultes quand il s’est vite rendu compte que j’étais un novice qui lui faisait perdre son temps. N’est-ce pas le cas de notre ami Aberkane qui trouvait l’école, ses cours et ses notes très en dessous du potentiel cognitif exceptionnel de son cerveau et qui ne se rendait pas compte que ce n’était pas le cas du reste des écoliers de la même classe qui avaient chacun un potentiel cognitif ordinaire. Tel que j'ai appris à le connaître en visionnant ses conférences, je l’imagine aussi s’ennuyer le long de son parcours d’étudiant. Avec sa culture encyclopédique exceptionnelle à un âge si précoce, il devait en savoir bien plus que chaque prof. Et ses profs qui s’en rendaient compte devaient s'en sentir embarrassés et ne pouvaient supporter sa présence pendant leurs cours, car ils devaient se dire que c’était lui qui était en train de les juger et de les noter et devaient craindre qu’il ne le dise aux reste de leurs étudiants. Pour lui et les très rares prodiges comme lui, n’importe quel niveau d’études de leur âge devaient leur sembler une boite fort exigüe par rapport au potentiel cognitif exceptionnel de leur cerveau. De là à le généraliser, il y a un pas qu’il convient de ne pas franchir pour ne pas induire en erreur et complexer pour rien ses lecteurs qui sont en général des gens bien ordinaires. Lire le reste de son ouvrage me confirme l'idée qu'Idriss Aberkane tel que j'ai appris à le connaître à travers ces multiples conférence est manifestement un génie, mais qui ne voit les gens ordinaires comme moi qu'à travers le prisme de son cerveau extraordinaire. Imaginez un médecin de quartier qui prend ses patients d'en haut et leur dit vous auriez pu tous être des médecins comme moi si vous avez suivi le même parcours scolaire et académique. Un tel toubib n'existe pas. Parce que tout médecin sait que bon nombre de jeunes ont rêvé aussi et tout fait comme lui pour l'être mais sans succès. Et ce, comme tout champion olympique qui sait pertinemment que les champions nationaux avec qui il a disputé l'épreuve finale n'ont rien épargné pour être à sa place, mais en vain. Il sait qu'il a quelque chose de plus qu'eux, qu'il ne peut lui-même s'expliquer et il ne va nullement leur dire libérez votre corps et votre cerveau pour avoir ce même plus qu'il ignore lui-même et qui en fait le champion. Ainsi Idriss Aberkane me semble dans tout son ouvrage parler avec soimême pour se dire qu'il ne faut jamais suivre les chemins des autres, car leur monde est trop exigu pour lui même. Et il croit qu'il suffit aux autres de se dire la même chose et de sortir des sentiers battus, comme quitter l'école par exemple et compter sur eux-mêmes pour apprendre, pour devenir des génies comme lui. Il me semble s'obstiner à ne pas savoir que, comme tout champion et tout génie, la nature l'a doté de quelque chose d'exceptionnel que les gens ordinaires n'ont pas et qui le dispense de suivre leurs sentiers battus pour briller de son bel éclat. Il me semble s'obstiner à croire qu'il y a une recette, ou plutôt sa recette, à suivre pour que tout un chacun devienne un génie, alors qu'il n'y en a pas, sinon tout le monde ou la majorité des gens seraient des génies et des champions depuis de belles lurettes. Et il faut avoir un cerveau bel et bien confiné pour le croire, le suivre et se trouver ainsi pour de bon embourbé dans une voie ou un labyrinthe sans issue. Avec tout le respect dû à son intelligence géniale, à sa culture extraordinaire, j'ai envie de lui dire que n'est pas génie et prodige qui veut, sinon il y aurait autant de docteurs que de prix nobles depuis que ce sésame existe.