1. La spiritualité est la science qui enseigne à progresser dans la vertu et particulièrement
dans l’amour divin. Elle diffère de la morale, science qui nous enseigne nos devoirs. La
morale nous apprend quelles sont les obligations qu’on ne peut violer sans faire de péché,
elle apprécie la gravité des fautes. La spiritualité laissant de côté la question des
obligations de conscience, expose les moyens pratiques de combattre les défauts,
d’acquérir les vertus et particulièrement d’accroître la charité ; elle guide l’âme dans le
travail de sa sanctification.
C’était ce travail de sa sanctification que saint Paul recommandait à Timothée : " Exerce-
toi à la piété ; la piété est utile à tout ; elle a des promesses pour la vie présente et pour la
vie à venir " (I Tim iv, 7-9) La piété est donc la disposition d’une âme qui s’applique à sa
sanctification ; une âme qui ne vise qu’à éviter le péché et à faire son salut, et qui
absorbée par ses sollicitudes temporelles, ne se préoccupe pas de son avancement
spirituel, est une âme chrétienne, mais non une âme pieuse.
Le mot piété peut être pris dans des sens différents ; nous ne l’entendons pas ici dans le
sens d’une vertu spéciale, celle qui, nous dit saint Thomas, nous porte à rendre à nos
parents et à notre patrie nos devoirs d’amour et de dévouement (2.2, q.101, a.3,c). Nous
n’entendons pas non plus une application plus parfaite aux pratiques de la religion,
comme l’entend le vulgaire, mais ce que saint François de Sales appelle la dévotion et qui
d’après lui et d’après saint Thomas et les théologiens est l’amour de Dieu assez fort pour
nous faire opérer " soigneusement, fréquemment et promptement ".
La piété ne consiste donc pas dans les pratiques extérieures ; toute personne qui récite de
longues formules de prières n’est pas pieuse pour cela ; si elle ne travaille ni à corriger
ses défauts, ni à perfectionner ses vertus, si elle ne veut pas lutter contre sa nature, mais
lui accorder tout ce que celle-ci réclame, à l’exception des fautes graves, sa piété n’est
qu’une fausse piété. Mais si les pratiques de piété ne constituent pas l’essence de la piété,
ils sont les moyens que l’âme pieuse emploie pour obtenir son avancement, on ne peut
avoir une vraie piété si on néglige toute pratique.
2. La piété naît de la foi ; elle se nourrit et se développe par la pensée des grandes vérités:
grandeurs, droits souverains, bienfaits de Dieu, son amour infini, œuvres et perfections de
Jésus, laideur du péché, beauté et nécessités des vertus, intérêts éternels de l’âme. La
piété repose donc sur le dogme ; l’âme qui connaît mal sa religion ne peut être solidement
pieuse ; une connaissance plus parfaite des vérités que la foi enseigne aide, au contraire, à
l’affermissement et à l’accroissement de la piété.
Il est presque superflu de dire qu’elle suppose avant tout le minimum de vie chrétienne
obligatoire pour tous et par conséquent l’observation des commandements ; celui qui les
viole gravement d’une façon fréquente ne peut être rangé parmi les chrétiens pieux.
3. Nous avons cité la parole célèbre de saint Paul exaltant les avantages de la piété. Cette
parole inspirée par le Saint-Esprit mérite toute foi et tout respect. Il est, du reste, facile de
comprendre quels sont ces fruits précieux que fait recueillir la piété en cette vie et en
l’autre.
En cette vie la piété nous rend plus aisés les sacrifices qu’exige la pratique de nos devoirs
et nous aide à nous en acquitter avec plus de fidélité et de perfection ; par le soin qu’elle
nous fait apporter à corriger nos défauts et à acquérir des vertus, elle nous fait éviter un