35Kinesither Rev 2009;(88):32-6
Kinésithérapie
la revue
Dossier
taux circulant de facteur VIII de 2 % et le taux de facteur
IX de 0,8 à 1 %.
Dans l’hémophilie A mineure, un traitement par la des-
mopressine permet d’augmenter le taux de facteur VIII cir-
culant de 2 à 6 fois chez les sujets répondeurs.
En dehors du traitement substitutif, un suivi de kinésithé-
rapie est indispensable à chaque épisode aigu, mais égale-
ment tout au long de la prise en charge régulière des hé-
mophiles.
Chaque patient est porteur d’une carte où sont inscrits le
type, la sévérité de l’hémophilie et l’existence ou non d’un
inhibiteur; l’hémophile possède également un carnet où
les accidents et leurs traitements sont répertoriés.
Le traitement substitutif peut être pratiqué ponctuelle-
ment à chaque épisode hémorragique, c’est le traite-
ment à la demande. Pour être efficace, il doit être dé-
buté le plus précocement possible après le début du
saignement et être poursuivi selon l’importance de l’hé-
morragie, de son évolution et du risque de récidive. Les
études rétrospectives et prospectives [6, 7] ont montré
les limites de ce type de traitement sur la prévention de
l’arthropathie hémophilique. Il a donc été proposé un
traitement préventif par injections régulières de FAH du-
rant la petite enfance et au moins jusqu’à l’adolescence
[8, 9]. Il s’agit du traitement prophylactique. Les tra-
vaux du groupe international sur la prophylaxie (IPSG)
confirment les bénéfices de la prophylaxie et proposent
un schéma de traitement prophylactique en 3 étapes se-
lon les tranches d’âge des patients hémophiles [10]. Du-
rant les 10 premières années, la prophylaxie doit être
initiée soit dès les 2 premières hémarthroses, soit même
avant la première (prophylaxie primaire). Durant la
deuxième décade, la poursuite de la prophylaxie pri-
maire est fortement recommandée, compte tenu cette
période de croissance.
Le problème soulevé est celui de l’observance à obtenir
chez des patients adolescents qui auront acquis la possi-
bilité de l’auto-traitement. L’éducation thérapeutique
des patients prend ici toute sa place dans l’essai de réso-
lution de cette difficulté (voir l’article suivant). Au cours
de la troisième décade, la prophylaxie est souhaitable
mais il est possible pour ces patients de revenir à un trai-
tement à la demande selon le profil du risque hémorra-
gique.
Un traitement prophylactique débuté tardivement (pro-
phylaxie secondaire), ne permet pas d’éviter les atteintes
articulaires mais en ralentit l’évolution [11].
Les traitements substitutifs sont à l’origine de complica-
tions. L’apparition d’un inhibiteur est la complication la
plus redoutée actuellement. Les patients atteints peuvent
être traités par des médicaments court-circuitant les étapes
des facteurs VIII ou IX. Mais ce sont des traitements diffi-
ciles à utiliser, toujours en liaison étroite avec des centres
spécialisés.
Malgré la sécurité réelle des médicaments actuels mis à dis-
position, le risque de complications infectieuses reste une
préoccupation.
Des études sont en cours pour améliorer les médicaments
anti-hémophiliques: facteurs à demi-vie plus longue qui
faciliteraient les traitements
prophylactiques en dimi-
nuant le nombre d’injec-
tions, médicaments moins
immunogènes qui rédui-
raient le risque d’apparition
des inhibiteurs, enfin la pos-
sibilité d’une thérapie gé-
nique.
Les médicaments anti-hé-
mophiliques sont extrême-
ment coûteux et leur utili-
sation est problématique dans les pays en voie de
développement.
En pratique, compte tenu des complications secondaires
aux problèmes hémorragiques, essentiellement articu-
laires, génératrices de handicap fonctionnel et de difficultés
d’insertion sociale pour les adultes, de l’angoisse générée
par le mode de transmission, l’hémophilie nécessite une
prise en charge pluridisciplinaire qui doit comporter au mi-
nimum un médecin spécialiste de l’hémophilie, une infir-
mière, un kinésithérapeute, un secrétariat. La collabora-
tion d’un travailleur social et d’un psychologue est
indispensable. Une coordination est obligatoire pour le
suivi de l’ensemble des problèmes à résoudre: annonce du
diagnostic, prise en charge
du traitement substitutif,
gestion des urgences, réédu-
cation, suivi des complica-
tions infectieuses lors-
qu’elles existent, éducation
thérapeutique du patient et
de sa famille, conseil géné-
tique, difficultés psycholo-
giques, etc.
L’organisation des soins aux hémophiles en France a été
mise en place dès 1989 au niveau de centres hospitaliers:
les centres régionaux de traitement de l’hémophilie
(CRTH). Depuis 2006, la prise en charge de l’hémophilie a
été intégrée au plan national des maladies rares. Un centre
national de références a été labellisé. Des centres de
compétence ont été reconnus.
Le maillage sur le territoire national doit être complété par
la désignation de centres associés. Ces structures ont pour
objectif de permettre une prise en charge globale et cohé-
rente pour l’ensemble des patients. Une association de ma-
lades, l’Association Française des Hémophiles, participe ac-
tivement à l’organisation des soins et au soutien des
familles.
L’hémophilie aujourd’hui
La répétition des hémarthroses
sur une même articulation
entraîne très tôt des lésions
irréversibles de la synoviale et
du cartilage qui aboutissent à
la destruction de l’articulation,
avec rétractions tendineuses et
amyotrophie.
Certains hématomes mettent
en jeu le pronostic vital:
hématome intracérébral,
localisation dans la sphère ORL
ou hématome rétro-péritonéal.