reconnaître soi-même », etc...), que nous pouvons opérer un dédoublement et une
distanciation de soi à soi-même (cf Rimbaud : « Je est un autre », formule célèbre
présente dans la « Lettre du Voyant », envoyée à son professeur de français G.
Izambard le 13 mai 18713). Par la csce de soi ordinaire, je m'identifie moi-même
comme une (et une seule) entité psychologique dotée de caractéristiques que je
désigne comme miennes, mais vis-à-vis desquelles je puis opérer malgré tout une
distanciation réflexive. Lorsque je m'étonne de ce que je suis, ou bien lorsque je veux
comprendre ou changer quelque chose en moi (comprendre le monde que je perçois à
travers mes perceptions sensibles, ou changer quelque chose de mon comportement
qui me déplaît), la réflexion me conduit à une distanciation bien plus grande,
puisqu'elle semble me faire « changer de Moi », même si je dois, en toute rigueur,
nécessairement présupposer une unité de la csce ou du Sujet (on pourrait dire, d'une
manière toute cartésienne, que c'est le Moi empirique qui change, mais pas le Moi
métaphysique, en vertu duquel c'est toujours le même sujet qui perdure, même s'il y
a, en Moi, une succession de « personnalités » ou de personnes – persona désigne le
masque en latin).
Mais cette distanciation semble avoir aussi un rôle très positif, et même déterminant,
pour définir l'homme par rapport à l'animal. Pour s'arracher à l'instinct animal et se
« perfectionner » (voir la notion de perfectibilité chez Rousseau, qu'on retrouvera ds
le chapitre sur la culture), il semble nécessaire de postuler un rôle déterminant pour la
csce réflexive, qui nous permet de ne pas adhérer totalement à notre conduite, de
l'observer de l'extérieur, de nous détacher d'elle afin de pouvoir la changer, la
corriger, et l'améliorer. Cela vaut d'ailleurs aussi pour l'observation du monde qui
nous entoure : il faut savoir s'étonner de ce que les choses sont ce qu'elles sont, pour
pouvoir tenter de les comprendre et de les expliquer, ce qui permet d'accroître ensuite
notre pouvoir sur elles, notamment par la créativité technique. Aristote voit d'ailleurs
dans l'étonnement (thaumazein) le point de départ de la démarche philosophique et
scientifique, qu'il oppose à la routine et à l'éternelle répétition du même qui
caractérise la vie animale, déterminée par l'instinct et ce que nous appelons de nos
jours « l'hérédité ». C'est ainsi que la csce acquiert une valeur principielle et décisive,
puisqu'elle est au fondement de la « perfectibilité humaine », c'est-à-dire de la
capacité humaine à comprendre et à changer le monde qui nous entoure, mais aussi,
par voie de conséquence, de la liberté. Cette simple csce semble donc avoir un
pouvoir bien grand au regard de ce qu'elle a permis à l'humanité de réaliser depuis
son apparition sur Terre !
Mais on peut ajouter à cette idée celle que la csce de soi nous permet de nous
apercevoir non pas seulement comme individu mais également comme genre ou
espèce, entendue du point de vue le plus universel qui est celui du point commun et
de l'essence propre à tous les individus du même genre humain.
B). Seul l'homme est csct de sa propre essence ( Feuerbach ) :
3 « C'est faux de dire : Je pense : on devrait dire : On me pense. − Pardon du jeu de mots. − Je est un autre. Tant pis
pour le bois qui se trouve violon, et nargue aux inconscients, qui ergotent sur ce qu'ils ignorent tout à fait ! »