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Les professionnels de la sante ont ils un devoir d'advocacy ?

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Ethica Volume 18, No 2 (2014) 33-63
Les professionnels de la santé
ont-ils un devoir d’advocacy?
Marie-Josée Drolet et Anne Hudon*
Résumé : De nos jours, plusieurs associations et ordres professionnels
de la santé intègrent des compétences reliées à l’advocacy dans les
référentiels de compétences qu’ils développent. Ce faisant, ils exigent
de leurs membres qu’ils revendiquent pour leurs patients et en leur
nom, qu’ils fassent la promotion de la santé et qu’ils défendent leur
profession auprès de diverses instances. Bien que ces organismes
tiennent des discours plutôt unanimes sur ledit rôle d’advocate des
professionnels de la santé, les chercheurs de divers domaines de la
santé expriment, pour leur part, des positions divergentes sur ce rôle,
voire sur ce devoir. Notamment, ceux-ci ne s’entendent pas sur la
nature de cette obligation, son étendue, sa justification et son
application. Mais qu’en est-il exactement? Les professionnels de la
santé ont-ils un devoir d’advocacy envers leurs patients, la population
ou leur profession? Le but de cet article est d’apporter des éléments de
réponses à cette interrogation et à plusieurs autres questions qui en
découlent, par l’examen critique des arguments pour et contre ce rôle
tels que présentés dans divers ouvrages, articles ou autres écrits, suivi
de la prise de position des auteures dans ce débat.
Problématique
De nos jours, maints référentiels de compétences élaborés
par les associations et les ordres professionnels ainsi que par
*Marie-Josée Drolet est professeure d’éthique au Département d’ergothérapie de
l’UQTR. Elle a œuvré pendant plusieurs années dans le réseau de la santé
comme ergothérapeute et a obtenu en 2010 un doctorat en philosophie de
l’UdeM. Anne Hudon est physiothérapeute et étudiante au doctorat en sciences
de la réadaptation à l’École de réadaptation de l’UdeM. Elle est aussi membre
étudiante du Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation du
Montréal métropolitain (CRIR).
33
divers organismes réglementaires exigent de leurs membres
qu’ils revendiquent pour les patients1 et en leur nom, qu’ils
fassent la promotion de la santé2 et qu’ils défendent leur
profession auprès de différentes instances. Ils imposent, ce
faisant, une obligation professionnelle à des groupes
professionnels au nom d’une certaine vision de la compétence
professionnelle, voire d’un ethos professionnel. Par exemple,
d’après l’Association canadienne des ergothérapeutes (ACE),
le rôle d’agent de changement de l’ergothérapeute nécessite
l’acquisition de compétences clés reliées à l’advocacy3 (ACE,
2012). En outre, l’ergothérapeute doit « revendiquer
adéquatement au nom des clients vulnérables ou marginalisés
afin de favoriser leur participation à travers l’occupation »
(ACE, 2012, p. 10). Le domaine de l’ergothérapie ne fait en
cette matière nullement exception. Le même genre de credo
est formulé en médecine (CanMEDS, 2005), en orthophonie
(CAPUC-ASLP, 2011), en physiothérapie (APC, 2006;
CCPUP, 2009; GCNP, 2009) et en soins infirmiers (Leprohon
et al., 2009; UKCC, 1989) pour ne nommer que ces exemples.
Bien entendu, les associations et les ordres professionnels ont
des raisons politiques, voire corporatistes d’inciter leurs
membres à promouvoir leur profession et à défendre les
droits4 des patients, notamment leurs droits à la santé.
Si, de manière générale, les associations et les ordres
professionnels ainsi que les organismes réglementaires
Le mot patient est ici utilisé pour désigner la personne qui reçoit des soins de
santé et des services sociaux. D’autres termes auraient pu être employés comme
les mots « bénéficiaire », « client » ou « usager ». Nous avons préféré le mot
patient à ces termes, car celui-ci est utilisé dans les écrits examinés sur
l’advocacy en santé. Aussi, celui-ci est grandement employé dans les diverses
institutions contemporaines de santé. Enfin, le mot patient n’a pas une connotation
consumériste comme le terme client.
2
La notion de santé inclut ici à la fois la santé physique et la santé mentale.
3
Les auteures ont préféré utiliser les mots anglais « advocacy » et « advocate » parce
que ces mots sont grandement utilisés dans les écrits de langues anglaise et
française sur le sujet et parce que ces vocables sont utilisés par les professionnels de
la santé eux-mêmes.
4
Dans cet article, la notion de droit n’a pas une connotation juridique, mais éthique.
Autrement dit, le concept de droit ne réfère pas aux droits positifs ou objectifs,
mais à des droits naturels ou éthiques.
1
34
tiennent un discours somme toute unanime sur le devoir
d’advocacy des professionnels de la santé5, les chercheurs dans
divers domaines de la santé expriment, pour leur part, des
positions divergentes sur cette question. Un examen des
écrits montre que deux grands groupes s’opposent sur ce
sujet. Il y a, d’une part, les chercheurs qui estiment qu’il s’agit
là d’une responsabilité éthique importante et nécessaire des
professionnels de la santé et, d’autre part, ceux qui considèrent
au contraire que ce rôle ne devrait pas être rempli par ces
professionnels. Plus encore, cet examen des écrits révèle que
les auteurs ne s’entendent pas sur la nature de cette obligation,
son étendue, sa justification et son application. Autrement
dit, les auteurs présentent des arguments contrastés sur cette
question, notamment parce qu’ils ont une conception
différente de ce rôle, voire de ce devoir. Mais qu’en est-il
exactement? Existe-t-il de bonnes raisons, d’un point de vue
éthique, de soutenir un tel rôle professionnel? Ces raisons
sont-elles suffisantes pour exiger des professionnels de la
santé qu’ils défendent les droits des patients, qu’ils
s’impliquent dans des activités d’éducation à la santé et qu’ils
promeuvent leur profession auprès de diverses instances?
Qu’est-il demandé ici exactement aux professionnels de la
santé? Quel devoir leur impose-t-on? Au nom de quoi (de
quel fondement) et pour qui (certains patient ou tous les
patients?) cette obligation professionnelle est-elle soutenue?
En bref, les professionnels de la santé ont-ils un devoir
d’advocacy? S’ils ont un tel devoir, de quels droits éthiques ce
devoir professionnel est-il le corollaire? Quels acteurs sont les
détenteurs de ces droits (les patients actuels, les patients à
venir, la population, certaines communautés, la profession,
etc.)? Auprès de quelles personnes ou instances ces droits
doivent-il être revendiqués (famille, professionnel de la santé,
5
Dans cet article, l’expression « professionnels de la santé » désigne les intervenants
du réseau de la santé et des services sociaux dont les actes sont régis par un
ordre professionnel. À titre d’exemple, les ergothérapeutes, les infirmières et
infirmiers, les médecins, les orthophonistes, les physiothérapeutes, les psychologues
et les travailleurs sociaux sont des professionnels de la santé.
35
institution, organisme, employeur, agent payeur,
gouvernement, média, public, etc.)? Quel type de devoir
professionnel est le supposé devoir d’advocacy? Est-ce un
devoir parfait ou un devoir imparfait6? Le but de cet article
est d’apporter des éléments de réponses à ces questions, et ce,
par un examen critique des arguments centraux relatifs à ce
rôle controversé.
Qu’est-ce que l’advocacy?
Avant de procéder à l’examen des principaux arguments de
ce débat, il importe de préciser ce qu’est l’advocacy. Au plan
étymologique, ce terme anglais origine du mot latin advocatus
qui signifie notamment défendre. Comme le note Bird
(1994), cette notion a ses racines dans le domaine du droit.
Un avocat est en effet un membre du barreau qui défend
l’une des deux parties lors d’un litige ou d’un procès, que
cette partie soit ou non en tort sur les plans juridique ou
éthique (Bird, 1994). Dans le contexte des soins de santé, le
professionnel de la santé n’est évidemment pas un avocat,
mais un expert dans une discipline de la santé. En ce sens, si
un professionnel est appelé, dans certains contextes et
certaines situations, à défendre les droits de patients (ou à
promouvoir la santé ou sa profession), il ne défend pas les
droits positifs ou objectifs de patients (c’est la tâche de
l’avocat), mais leurs droits naturels ou éthiques (voir la note
4). Par exemple, en ergothérapie et en physiothérapie, les
habiletés clés de l’advocacy ont trait à la défense, à la
revendication et à la promotion de droits éthiques reliés à la
santé, au bien-être, à l’autonomie et à l’équité d’accès aux
soins et aux services de santé. Comme l’indiquent Townsend
et Polatajko (2013) :
Revendiquer, défendre, promouvoir [Advocate]
est une compétence clé d’habilitation qui se
6
La distinction entre un devoir parfait et un devoir imparfait est proposée par
Kant (1986). Nous y reviendrons à la section 6 de cet article.
36
déroule avec ou pour les gens, afin de soulever
des perspectives critiques, inciter de nouveaux
types de partage de pouvoir, exercer des
pressions, faire du lobbying ou faire connaître
de nouvelles options aux décideurs principaux,
prendre la parole, plaider, ou militer en faveur
[d’une cause sociale juste] (p. 447).
L’advocacy, dans ce contexte, n’est pas une activité
juridique, mais une activité professionnelle qui s’inscrit dans
un processus de soins et de services qui se fonde sur une
certaine vision éthique du rôle des professionnels de la santé,
c’est-à-dire sur un ethos professionnel qui articule une vision
de la fonction sociale de ces professionnels. De plus, l’étendue
de ce rôle concerne certains patients, notamment les patients
vulnérables, et non pas tous les patients. Ayant clarifié
quelque peu la notion d’advocacy, examinons maintenant les
arguments contre ce rôle avant d’étudier les raisons qui
l’appuient.
Quatre arguments contre l’advocacy
Sur ce sujet controversé, quatre arguments principaux sont
avancés dans les écrits pour condamner ce rôle prôné par
plusieurs associations et ordres professionnels ainsi que par
maints organismes réglementaires, soit l’argument de
l’autodétermination des patients, l’argument de la position
indéfendable, l’argument des conflits interprofessionnels et
l’argument du manque de compétences professionnelles7.
Argument de l’autodétermination des patients
Selon Sullivan et Main (2007), l’advocacy nuit à
l’autodétermination des patients lorsque ce rôle est caractérisé
par la protection des patients. Dans ce contexte, la
7
Les noms donnés aux arguments ne se retrouvent pas tels quels dans les écrits.
Ceux-ci ont été baptisés par les auteures qui ont fait une synthèse des positions
exprimées dans les articles examinés.
37
revendication pour les patients et en leur nom peut avoir des
conséquences négatives sur la réhabilitation, en ceci que cette
approche surprotectrice peut amener les patients à adopter
une posture passive plutôt qu’active. Comme l’indiquent ces
chercheurs du domaine de la psychologie, « The psychology
of protection is one that subsumes elements of helplessness,
passivity, lowered self-confidence and lowered self-esteem »
(Sullivan et Main, 2007, p. 1600). Dans la même veine, Bird
(1994) estime que l’advocacy enlève du pouvoir aux patients,
en ne leur permettant pas de défendre eux-mêmes leurs droits
et de développer conséquemment leur autodétermination.
En somme, exercer un tel rôle constitue un autre visage du
paternalisme en santé (Porter, 1988) qui nuit à
l’autodétermination des patients.
Argument de la position indéfendable
Kohnke (1982) estime que le rôle d’advocate implique
d’accepter et de défendre à tout prix les points de vue des
patients. Selon Bird (1994), cette position est indéfendable
parce que les patients ne prennent pas toujours des décisions
qui vont dans le sens de leurs intérêts, qui respectent les lois,
les règles déontologiques ou éthiques, ou qui s’arriment aux
résultats probants8 des recherches. On peut en effet aisément
imaginer un patient se mutilant ou souhaitant se suicider, un
autre tentant d’attenter à la vie ou à l’intégrité d’une autre
personne, un individu étant violent envers le personnel
soignant ou un patient réalisant des activités qui nuisent à sa
santé, à son bien-être ou à une répartition juste et équitable
des ressources allouées au système de santé. Dans ces cas,
Bird (1994) considère qu’il est contraire à l’éthique que
d’exiger des professionnels de la santé, notamment des
8
Nous avons préféré utiliser l’expression « résultats probants » plutôt que « données
probantes », qui est pourtant abondamment utilisée dans les écrits et dans la
pratique, car elle nous semble plus exacte. De fait, les chercheurs et les cliniciens
ont accès aux résultats des recherches, non pas aux données brutes des
chercheurs qui ont permis de générer les résultats des recherches (Drolet, 2013).
38
infirmières et infirmiers, qu’ils défendent les points de vue de
tels patients. Autrement dit, certains patients optent pour
des positions qui sont indéfendables du point de vue de
l’éthique. Il s’avère donc insoutenable de défendre l’advocacy
à tout prix, pour tous les patients, en toute occasion.
Argument des conflits interprofessionnels
Selon Bird (1994), dans le contexte où non seulement les
infirmières et infirmiers, mais également d’autres
professionnels de la santé se présentent comme les advocates
des patients, il est possible que la présence de ces multiples
défenseurs de la voix des patients contribue à créer des
rivalités, voire des conflits interprofessionnels nuisant à la
santé et au bien-être des patients. La multiplication des
défenseurs des droits des patients peut créer, selon Bird
(1994), des situations où les intervenants sont partagés entre
leur loyauté envers leurs patients et leur loyauté envers leur
équipe. C’est l’une des raisons pour laquelle cette auteure
estime que le rôle d’advocate est insoutenable et doit être
condamné. Elle suggère plutôt de négocier avec les patients
les décisions qui les concernent et de les inviter à défendre
eux-mêmes leurs droits, leurs intérêts et leurs besoins.
Argument du manque de compétences professionnelles
Sullivan et Main (2007) considèrent que les professionnels de
la réadaptation, notamment les physiothérapeutes, ne sont
pas les meilleurs candidats pour remplir le rôle d’advocate, car
ces professionnels de la santé ont des connaissances et une
formation limitées dans le domaine de l’advocacy. D’après
Sullivan et Main (2007), d’autres intervenants, notamment
les travailleurs sociaux, seraient plus habiletés à exercer un tel
rôle. D’autres chercheurs estiment aussi que les travailleurs
sociaux se révèlent des candidats idéaux pour réaliser les
activités reliées à l’advocacy (Nedjat-Haiem et al., 2013). Cela
dit, nombreux sont les écrits dans le domaine des soins
infirmiers qui discutent du rôle d’advocate de l’infirmière et
39
de l’infirmier (Abrams, 1978; Curtin, 1979; Gadow, 1980;
Jezewski, 1996; Kohnke, 1982; Lamb, 2004; Mallik, 1997;
Ouimet-Perrin & McGhee, 2008; Perreault, 2007; Porter,
1988; Saint-Arnaud, 2009; Smith, 1986; Vaartio & LeinoKilpi, 2005). Selon ces auteurs, les infirmières et infirmiers se
présentent comme des acteurs clés de l’advocacy. De fait, pour
plusieurs disciplines de la santé, notamment l’ergothérapie et
la physiothérapie, les réflexions sur l’advocacy sont plus
récentes qu’en soins infirmiers.
Tels sont les quatre principaux arguments contre
l’advocacy, soit l’argument de l’autodétermination des
patients, l’argument de la position indéfendable, l’argument
des conflits interprofessionnels et l’argument du manque de
compétences professionnelles. Examinons maintenant les
arguments en faveur de l’advocacy.
Quatre arguments pour l’advocacy
Quatre arguments centraux soutenant l’advocacy se trouvent
dans les écrits examinés, soit l’argument de la vulnérabilité
des patients, l’argument de la complexité du système de santé,
l’argument de l’intégrité professionnelle et l’argument de la
justice sociale. Examinons ces arguments qui contestent ceux
qui viennent d’être présentés.
Argument de la vulnérabilité des patients
La plupart des défenseurs de l’advocacy affirment que la
relation entre le professionnel de la santé et le patient est liée
à une inégalité de pouvoir (Drolet, 2013; Legault, 2008).
D’un côté, les professionnels de la santé sont familiers avec le
système de santé, détiennent une expertise professionnelle au
sujet des difficultés rencontrées par les patients et sont, en
général, en pleine possession de leurs capacités, ce qui n’est
généralement pas le cas des patients (Zion, 2013). De plus,
maints patients se trouvent dans une position de vulnérabilité
qui limite leurs capacités à exercer par eux-mêmes la défense
40
de leurs intérêts (Drolet, 2013; Mattson, 2010). Pensons par
exemple aux personnes ayant un problème de santé mentale
(Bradley et al., 2012), aux individus présentant un problème
de communication lié à l’aphasie ou à la surdité (Ferguson et
al., 2010; Hickson et al., 2005; Snow et Powell, 2004), aux
personnes mourantes (Nedjat-Haiem et al., 2013), aux
individus appartenant à une minorité culturelle (Harper,
2010; Nedjat-Haiem et al., 2013; Wright, 2005) ou aux
demandeurs d’asile politique (Zion, 2013). D’autres clientèles
peuvent être ajoutées à cette liste, notamment les personnes
présentant une déficience intellectuelle, les personnes ayant
une douleur chronique invalidante, les immigrants
nouvellement arrivés au pays, les enfants n’ayant pas de
parents ni de tuteurs en mesure de plaider en leur nom, les
individus victimes d’abus ou de maltraitance, les personnes
ayant un trouble du spectre de l’autisme, les individus
analphabètes, les personnes vivant un problème de
dépendance ou d’itinérance, les patients inconscients ou
maintenus en vie artificiellement sans répondant apte à
revendiquer en leur faveur. En bref, tenant compte de la
vulnérabilité de certains patients et de l’inégalité de pouvoir
inhérente à la relation patient-professionnel, ces auteurs
jugent contraire à l’éthique que des professionnels de la santé
(qui connaissent bien la situation et les besoins de ces patients
vulnérables ou marginalisés) n’agissent pas à titre de
défenseurs des intérêts de leurs patients, si tel est le souhait
de ces patients et si ces professionnels se considèrent habilités
et légitimés à exercer un tel rôle. En somme, le devoir
d’advocacy des professionnels de la santé se fonde sur la
vulnérabilité relative des personnes, notamment celle de
certains patients.
Argument de la complexité du système de santé
Plusieurs défenseurs de l’advocacy constatent la complexité
du système de santé et la difficulté que rencontrent plusieurs
patients à bien comprendre son fonctionnement pour être en
41
mesure de défendre eux-mêmes et de manière efficace leurs
droits, besoins et intérêts (Finch et Larin, 2005; Martin et al.,
2011; Mattson, 2010). Ce constat est aggravé par le fait que la
majorité des patients présente un niveau de littératie inférieur
à celui des professionnels de la santé, ce qui affecte directement
et négativement l’habileté de certains patients à revendiquer
en leur nom (Martin et al., 2011). En effet, dans certains pays,
notamment au Canada, près de la moitié des patients sont
analphabètes ou analphabètes fonctionnels (Statistique
Canada, 2006). Dans ce contexte, les professionnels de la
santé ont le devoir d’aider ces patients à défendre leurs
intérêts et le devoir de revendiquer en leur nom la défense de
leurs intérêts afin qu’ils aient de meilleurs services, c’est-àdire des services qui répondent à leurs besoins. Ne pas le faire
consisterait à accepter passivement que des injustices et des
inégalités soient commises. En somme, ne pas jouer ce rôle
correspond à bafouer le principe altruiste qui consiste à venir
en aide à toute personne en difficulté – principe qui se
retrouve par ailleurs à la base de l’ethos des professions
de la santé.
Argument de l’intégrité professionnelle
Selon Gadow (1980) en soins infirmiers, Greenfield (2006)
en physiothérapie ainsi que Townsend et Polatajko (2013) en
ergothérapie, la responsabilité de défendre les droits, les
meilleurs intérêts ou les besoins des patients fait partie
intégrante de l’essence même de ces professions de la santé.
De fait, l’ethos de ces professions les enjoint à revendiquer de
meilleurs services de santé pour des patients, et ce, par-delà ce
que les lois prévoient. Plus encore, ce devoir d’advocacy
s’inscrit dans une éthique de la sollicitude où l’empathie, la
compassion et le « prendre soin » donnent sens aux
interventions et permettent aux intervenants d’être centrés
sur les besoins et les valeurs des patients (Drolet, 2013;
Greenfield, 2006). Ainsi, puisque l’essence même des
professions de la santé réside dans l’altruisme, il est en
42
quelque sorte contraire à l’intégrité professionnelle que les
professionnels de la santé ne s’engagent pas dans des activités
d’advocacy auprès des patients qui en ont besoin. D’ailleurs,
maints professionnels de la santé vivent de la détresse éthique
lorsqu’ils se retrouvent dans des situations où ils sont
incapables d’aider adéquatement et suffisamment leurs
patients (Carpenter, 2010; Fry et al., 2002; Hamric et al.,
2006; Saint-Arnaud, 2009; Sundin-Huard et Fahy, 1999). En
ce sens, l’advocacy peut être pensée comme une activité
« professionnellement » vitale qui contribue à nourrir le
sentiment d’accomplissement des professionnels de la santé
et à donner un sens à leurengagement auprès des personnes
qu’ils desservent, et ce, au meilleur de leurs connaissances
ainsi que de leurs compétences (Gadow, 1980; Greenfield,
2006). Autrement dit, ne pas agir à titre d’advocate correspond
à bafouer l’une des raisons fondamentales pour lesquelles
plusieurs professionnels de la santé ont choisi leur profession.
Ne pas accorder sa pratique à cette raison essentielle peut
entrainer, dans certains cas, de la détresse éthique. C’est
pourquoi l’actualisation du rôle d’advocate assure le respect
de l’intégrité éthique des professionnels.
Argument de la justice sociale
En plus de défendre les patients lorsqu’ils sont victimes de
décisions ou d’actions injustes (Resnik Mellion, 2001),
plusieurs chercheurs estiment que les professionnels de la
santé ont le devoir de contribuer à mettre en place des
politiques publiques plus justes (Bradley et al., 2012; Kathard
et Pillard, 2013; Perkins, 1995; Tonwsend et Polatajko, 2013)
et plus compatissantes (Zion, 2013), et ce, bien que la tâche
ne soit pas du tout aisée (Heinowitz, et al., 2012), surtout
pour les professionnels novices (Solomon et Miller, 2005).
Compte tenu de leurs connaissances des milieux de pratique,
les professionnels de la santé sont des acteurs clés pouvant
contribuer à l’amélioration des politiques publiques et des
programmes de santé (Dietrich Leurer, 2013). Ils peuvent et
43
même doivent, par leurs actions, contribuer non seulement à
l’amélioration des interventions qu’ils donnent en clinique,
mais également à l’amélioration de l’organisation globale du
système de santé, eu égard à la promotion de la santé et à la
prévention des maladies (Chapman, 2001; Chapman, 2004
Dorfman et al., 2005), de même qu’à la distribution plus
juste et équitable des soins de santé entre les individus
(Townsend & Polatajko, 2013). Par exemple, les professionnels
de la santé peuvent être appelés à revendiquer des changements
dans les modes de gestion des listes d’attente afin de favoriser
une plus grande équité envers les personnes atteintes de
maladies chroniques, souvent laissées pour compte dans les
processus de triage (Passalent et al., 2010). Autrement dit, le
devoir d’advocacy est un devoir lié à la justice sociale, voire à
la justice occupationnelle, c’est-à-dire à la possibilité équitable
que devrait avoir toute personne de réaliser les activités qui
donnent un sens à son existence et qui contribuent à son
épanouissement, compte tenu de ses capacités et de
l’environnement au sein duquel elle évolue (Nussbaum,
2000; Townsend et Polatajko, 2013; Drolet, 2013a).
Tels sont les principaux arguments en faveur du rôle
d’advocate des professionnels de la santé. Maintenant que les
arguments centraux de ce débat ont été examinés, qu’en est-il
exactement? Les professionnels de la santé ont-ils un devoir
d’advocacy? Parmi l’ensemble des raisons avancées, lesquelles
résistent mieux à un examen critique? Nous présentons ici la
position que nous défendons sur cette question controversée
ainsi que les principaux arguments qui la justifient.
Thèse que nous défendons
La thèse que nous soutenons ici est la suivante : les
professionnels de la santé ont, dans certains contextes et
circonstances, un devoir d’advocacy envers certains patients,
la population ou leur profession. Nous défendons ce point
de vue pour plusieurs raisons, notamment parce que nous
44
estimons que les arguments contre l’advocacy se révèlent plus
aisément réfutables que ceux qui appuient cette responsabilité
professionnelle et éthique. Plus précisément, notre thèse
s’appuie sur cinq arguments. Les quatre premiers arguments
consistent en des réfutations des arguments contre l’advocacy
que nous avons présentés précédemment. Le cinquième
argument que nous développons s’ajoute aux quatre
arguments qui soutiennent l’advocacy que nous venons
d’exposer.
L’advocacy comme soutien à l’autodétermination du patient
Premièrement, il est évident que le rôle d’advocate réalisé
pour le patient et en son nom ne doit pas nuire à son
autodétermination. C’est pourquoi, ce rôle doit s’exercer en
collaboration avec lui et à sa demande. Autrement dit, les
activités d’advocacy ne doivent pas être réalisées dans le cadre
d’un paternalisme médical ou éthique. Ce rôle, réalisé
généralement au nom de l’altruisme, de la bienfaisance ou de
la sollicitude par les professionnels de la santé, doit
ultimement contribuer à rendre le patient apte à accomplir
les activités qui donnent un sens à son existence. De nos
jours, la valeur de l’autodétermination des patients a ébranlé
l’ancienne vision de l’intervenant-expert détenteur de tous
les pouvoirs. Le professionnel de la santé est aujourd’hui
considéré comme un partenaire du patient qui coopère, qui
collabore à sa réhabilitation plutôt que comme l’intervenant
dont le patient dépend (Legault, 2008). Ainsi, le niveau
d’aide apporté par l’intervenant dans le cadre de l’advocacy
doit s’adapter aux capacités du patient à plaider lui-même
pour la défense de ses droits et intérêts ainsi que pour une
réponse adéquate à ses besoins. Lorsque le professionnel de
la santé plaide, pour le patient et en son nom, la défense de
ses droits et intérêts, il agit ainsi parce que le patient n’est pas
en mesure de le faire entièrement ou partiellement par luimême et, parce qu’après entente avec celui-ci, une stratégie
de revendication est établie sur la base d’un véritable
45
partenariat de soins. Ce faisant, le professionnel de la santé
n’est pas dans une situation où il assiste passivement au
mépris des droits, intérêts ou besoins d’un patient, alors qu’il
pourrait contribuer à corriger, en tout ou en partie, la
situation. Le professionnel de la santé est au contraire
proactif, il s’engage aux côtés du patient et avec lui à
l’amélioration de sa condition de santé, voire de sa vie
(Vaartio & Leino-Kilpi, 2005). Maints chercheurs
contemporains arguent en ce sens. Ils estiment que le droit à
l’autodétermination du patient et le devoir d’advocacy du
professionnel de la santé ne sont pas du tout opposés (Lamb,
2004; Saint-Arnaud, 2009; Townsend & Polatajko, 2013).
D’ailleurs, les référentiels de compétences de nombreux
professionnels de la santé exigent de ces derniers qu’ils
contribuent certes à l’autodétermination des patients, mais
également qu’ils agissent à titre de défenseurs de leurs droits
et intérêts en leur nom (ACE, 2012; APC, 2006; CAPUCASLP, 2011; CCPUP, 2009; GCNP, 2009; etc.). Ainsi, dans
certaines situations, le devoir d’advocacy de l’intervenant
constitue le corollaire nécessaire du droit à l’autodétermination
du patient. Ceux qui défendent une position contraire à
celle-ci ont une vision de l’autonomie des personnes qui se
réduit à l’idée de l’indépendance individuelle. Nous
reviendrons plus loin sur ces visions divergentes de
l’autonomie qui expliquent en partie les différences de points
de vue entre les chercheurs sur ledit rôle d’advocate des
professionnels de la santé.
Le jugement professionnel comme condition
nécessaire de l’advocacy
Deuxièmement, défendre les droits d’un patient ne signifie
pas défendre à tout prix tous les points de vue de tous les
patients (Drolet, 2013). Parfois, les patients ne perçoivent pas
la réalité à la manière des professionnels de la santé. Il faut
dire que les professionnels de la santé et les patients ne se
situent généralement pas dans le même paradigme ou vision
46
du monde pour appréhender la réalité (Black & Wells, 2007).
Ce faisant, des divergences de points de vue se présentent
entre les intervenants et les patients (voire entre les
professionnels de la santé eux-mêmes). Il est cependant de la
responsabilité des intervenants de considérer les points de
vue des patients et d’en tenir compte lors des prises de
décision. Plus encore, les patients ont le droit de refuser des
soins de santé, même si ce refus peut avoir des conséquences
négatives sur leur santé, voire même, engendrer leur mort
(Commission spéciale sur la question de mourir dans la
dignité, 2012). De fait, les patients sont détenteurs de droits,
notamment du droit à l’autonomie, qui fait en sorte que
leurs points de vue doivent être considérés. Cela dit, dans
une perspective éthique, il s’avère non éthique d’exiger des
intervenants qu’ils défendent des points de vue contraires à
l’éthique, par exemple des positions soutenues par des
patients qui bafoueraient les droits d’autres patients. Un
professionnel de la santé qui décide de revendiquer au nom
d’un ou de plusieurs patients se doit de plaider pour des
causes individuelles légitimes ou pour des causes sociales
justes. En ce sens, l’impartialité des professionnels de la santé
ne doit pas s’exercer au détriment du jugement professionnel
avisé et fondé. De fait, la sagesse pratique ou phronesis
(Aristote, 1959) doit éclairer au cas par cas les situations et les
contextes qui requièrent du professionnel de la santé ses
habiletés d’advocate. En ce sens, le devoir d’advocacy requiert,
comme toute autre intervention clinique, un jugement
professionnel appuyé sur des faits pertinents et des valeurs
légitimes (Drolet, 2013).
Le partenariat entre l’équipe et le patient :
condition essentielle de l’advocacy
Troisièmement, il est vrai que si tous les intervenants d’un
même patient se mettent à revendiquer pour le patient et en
son nom des choses différentes, le risque que des conflits
interprofessionnels surgissent est effectivement réel.
47
Cependant, si une telle situation se présente, c’est
possiblement dû au fait qu’il n’y a pas eu de véritable
concertation entre l’équipe et le patient pour savoir comment
l’advocacy devait être menée. Il est également possible que
certains intervenants promeuvent leur profession, sans
nécessairement considérer les besoins effectifs des patients9.
Cela dit, en règle générale, un intervenant prendra le
leadership de la revendication avec et pour le patient, et en
son nom. L’expérience montre que c’est généralement
l’intervenant qui est le plus proche du patient qui assume le
rôle d’advocate. Ce rôle peut également être rempli par
l’intervenant pivot, c’est-à-dire l’intervenant responsable de
la coordination clinique du plan des interventions. Dans
tous les cas, c’est à l’équipe et au patient de déterminer
ensemble quel intervenant jouera le rôle d’advocate, en
quelles occasions, auprès de qui ou de quelles instances ou
organismes, dans quels contextes et à propos de quels droits
éthiques, intérêts ou besoins. Lorsque les tenants et les
aboutissants du rôle de l’advocate sont connus et compris par
tous les membres de l’équipe et par le patient, et lorsque
l’équipe est préoccupée par les besoins du patient plutôt que
par des intérêts corporatifs ou des guerres de clochers, le
risque des conflits interprofessionnels se voit grandement
diminué.
L’intégration de formations spécifiques sur l’advocacy :
élément primordial
Quatrièmement, bien que la formation au rôle d’advocate
fasse partie de plusieurs programmes de formation
professionnelle d’éducation à la santé (Radius et al., 2009;
Tappe et al., 2009), de programmes de santé publique, de
9
Par exemple, imaginons un intervenant plaidant pour l’augmentation de la
fréquence et du nombre de traitements qu’il offre aux patients et revendiquant
l’embauche de nouveaux professionnels de son domaine d’expertise, sans que
ces requêtes ne soient par ailleurs reliées aux besoins réels des patients, mais
plutôt associées au désir de cet intervenant d’augmenter le poids politique de
sa discipline au sein de l’établissement.
48
médecine et de sciences infirmières, les enseignements sur
l’advocacy ont été peu étudiés dans les programmes
universitaires qui forment les professionnels de la santé autres
que ceux qui travaillent en éducation à la santé, en santé
publique, en médecine ou en soins infirmiers. Comme le
notent Sullivan et Main (2007), il est fort possible que maints
professionnels de la santé aient, dans le domaine, des
connaissances et une formation somme toute limitées. Cela
dit, cette lacune dans la formation des professionnels de la
santé n’enlève rien à l’obligation professionnelle qu’ils ont
d’exercer un tel rôle. Advenant que la formation universitaire
ainsi que la formation continue ne soient effectivement pas
adéquates pour outiller suffisamment les professionnels de la
santé à être de bons advocates, une meilleure formation
(universitaire et continue) s’avère dès lors requise pour mieux
les préparer à assumer avec aisance et compétence cette
responsabilité éthique. Il faut dire que plusieurs ressources et
outils sont bien documentés et les écrits qui en rendent
compte peuvent être utilisés par les intervenants, mais aussi
par les professeurs et les chargés de cours qui enseignent déjà
cette thématique ou qui décideront de l’incorporer à leur
cursus de cours (Bliss, 2013; Mason, 2003; Radius et al.,
2009; Servaes et Malikhao, 2010; Tappe et al., 2009). Dans le
contexte où les programmes universitaires doivent être agréés
par divers organismes règlementaires, il est possible que ces
organismes exigent – si ce n’est déjà fait –, que les offres de
programmes intègrent cette thématique à leur formation.
La notion d’autonomie, l’interdépendance et l’advocacy
Cinquièmement, nous estimons, comme il a été mentionné
précédemment, que les arguments en faveur de l’advocacy
s’appuient sur une meilleure conception de l’autonomie des
personnes que les arguments contre ce rôle. Les arguments
contre cette responsabilité professionnelle et éthique se
basent sur une conception de l’autonomie des personnes qui
se réduit à l’indépendance individuelle. Cette conception de
49
l’autonomie s’inscrit dans une anthropologie atomiste qui
présuppose que les êtres humains sont des êtres autonomes
et autosuffisants (Drolet, 2013; Taylor, 1997). Une
compréhension différente de l’autonomie des personnes
propose plutôt qu’un individu peut être autonome sans être
nécessairement indépendant. On peut en effet penser
l’autonomie des personnes par l’entremise du paradigme de
l’interdépendance interpersonnelle plutôt que par celui de
l’indépendance personnelle propre aux théories éthiques
modernes (Taylor, 1997). L’advocacy dont il est ici question
s’appuie sur une vision de l’autonomie des personnes qui a
ses racines dans une éthique des soins (ou éthique de la
sollicitude) qui s’inspire entre autres de Benner (1984),
Bishop et Scudder (2001), Gilligan (1982), Kittay (1999) et
Noddings (2003) ainsi que dans une théorie éthique
communautarienne dont les racines se trouvent chez le
philosophe grec Aristote (Aristote, 1959; Taylor, 1997). Tout
être humain a besoin d’aide à un moment ou à un autre de
son existence. L’idée d’une autonomie radicale ou d’une
indépendance absolue des personnes constitue à bien des
égards un mythe et n’est par ailleurs nullement souhaitable
(Taylor, 1997). Comme l’estimait déjà Aristote, nous sommes
des êtres sociaux interdépendants les uns des autres. Nous
vivons en communauté et, ce faisant, dépendons les uns des
autres. Cela dit, nous n’en sommes pas moins autonomes.
Par exemple, le fait que nous arrivions au bureau le matin, à
l’heure prévue et le ventre plein, résulte en outre du fait que
l’autobus n’ait accusé aucun retard (ou que le vélo ou la
voiture nous ait conduit à bon port au moment requis) et que
le boulanger ait fait et nous ait vendu son pain. L’entraide et
la collaboration n’empêchent pas les individus d’être
autonomes. Nous sommes autonomes précisément parce que
chacun fait son travail et remplit son rôle social adéquatement.
Ainsi, il est possible de concevoir le rôle d’advocate du
professionnel de la santé comme une activité faisant partie
intégrante de ses responsabilités professionnelles qui, sans
50
nécessairement contribuer à l’indépendance des personnes,
peut néanmoins favoriser leur autonomie. Vu sous cet angle,
ce rôle peut se concevoir sous le mode de l’interdépendance
qui existe de facto entre les personnes plutôt que sous le mode
de l’indépendance individuelle qui constitue à bien des
égards une mythification. En somme, le devoir d’advocacy se
fonde sur un ethos professionnel suivant lequel la fonction
sociale des professionnels de la santé s’inscrit dans une vision
communautarienne de l’être humain et de la société, plutôt
que dans une vision libérale où la relation entre un intervenant
et un patient serait envisagée selon le paradigme
contractualiste.
Telles sont donc les principales raisons qui nous
amènent à considérer que les professionnels de la santé ont,
dans certains contextes et circonstances, un devoir d’advocacy
envers certains patients, la population ou leur profession.
Contextes de la pratique de l’advocacy
Nous avons discuté du fait que la responsabilité du
professionnel de la santé de défendre les droits et intérêts du
patient concerne les personnes vulnérables ou marginalisées,
et que cette responsabilité doit se réaliser dans le contexte
d’une négociation, voire d’un véritable partenariat entre
l’équipe et le patient. Elle peut également exiger du
professionnel de la santé qu’il contribue à la promotion de la
santé, du bien-être et de l’équité en matière de distribution
des soins de santé ainsi qu’à la prévention de maladies ou
d’accidents. Dans ces cas, ce sont tous les patients à venir, la
population en général ou divers organismes et instances qui
constituent les principaux interlocuteurs du professionnel de
la santé. À titre d’exemple, il arrive que des professionnels de
la réadaptation comme l’ergothérapeute et le physiothérapeute
prennent parfois position en faveur de nouvelles initiatives
d’accessibilité universelle de divers lieux publics. Les médecins
ainsi que les infirmières et infirmiers, pour leur part,
51
participent fréquemment aux campagnes de prévention de
diverses maladies comme la grippe et ils peuvent alors être
appelés à participer, à titre d’experts, à des émissions
radiophoniques ou télévisuelles, ou à rédiger un texte pour
un journal. L’advocacy publique ou médiatique peut aussi
requérir de certains professionnels de la santé qu’ils
sensibilisent la population à la réalité et aux besoins de
certaines personnes vulnérables ou marginalisées. Par
exemple, des orthophonistes montréalais participent depuis
plusieurs années à la promotion de pièces de théâtre qui
mettent en scène des personnes aphasiques. Ces activités
visent entre autres à éduquer le public à propos de l’aphasie
(Théâtre aphasique, 2013). Il arrive aussi que des psychologues
utilisent les médias sociaux pour sensibiliser le public à la
réalité de personnes ayant un problème de santé mentale ou
étant victimes de violence. Enfin, mentionnons comme
dernier exemple, la participation des professionnels de la
santé à des commissions parlementaires comme ce fut le cas
lors de la Commission spéciale sur la question de mourir
dans la dignité où des omnipraticiens et des spécialistes du
Québec y ont déposés des mémoires articulant leur position
au sujet de l’euthanasie (Commission spéciale sur la question
de mourir dans la dignité, 2012). En bref, un professionnel
de la santé peut être appelé à promouvoir des valeurs sociales
importantes comme la santé, le bien-être, le respect, la justice,
l’autodétermination, ainsi qu’à sensibiliser le public à la
réalité de personnes vulnérables ou marginalisées. Dans ces
cas, le rôle du professionnel de la santé l’entraîne hors des
limites traditionnelles de la clinique.
Plusieurs chercheurs se sont penchés sur ce type de
plaidoirie publique ou médiatique exercée par des
professionnels de la santé (Chapman, 2001; Dietrich Leurer,
2013; Dorfman et al., 2005; Gardner et al., 2010; Hickson et
al., 2005; Kathard et Pillard, 2013; Purtilo, 1988; Snow et
Powell, 2004; Townsend et Polatajko, 2013; Zion, 2013). Des
interventions de cette nature peuvent confronter le
52
professionnel à des défis plus difficiles à surmonter que ceux
que pose le travail de revendication fait pour des patients
spécifiques et en leur nom (Heinowitz et al., 2012; Solomon
et Miller, 2005). De fait, les cliniciens sont en général peu
préparés à exercer ce rôle à la fois politique et médiatique.
Le professionnel de la santé peut également être appelé à
promouvoir sa profession ou d’autres professions de la santé
auprès de divers individus, instances ou organismes. Par
exemple, il peut être invité à se mobiliser pour que la
formation dans sa discipline ou une autre formation
spécifique, nécessaire pour combler les besoins de la
population qu’il dessert, soit offerte dans l’université de sa
région. Plus spécifiquement, ce pourrait être l’exemple
suivant : des ergothérapeutes revendiquent afin que des
services d’ergothérapie soient systématiquement offerts dans
les écoles, collèges et universités afin de mieux soutenir
l’inclusion scolaire des personnes vivant une situation de
handicap. Donc, qu’il s’agisse de revendiquer pour les
patients et en leur nom, de promouvoir la santé ou de
défendre une profession, ce sont évidemment les besoins et
les intérêts des personnes et des communautés qui devront
guider les actions des professionnels de la santé plutôt que
des raisons corporatives.
L’advocacy : un devoir imparfait
Au sujet maintenant du type de devoir qu’est l’advocacy, Kant
(1986) distingue les devoirs parfaits des devoirs imparfaits,
c’est-à-dire les devoirs absolus et inconditionnels des devoirs
facultatifs et conditionnels. À la lumière de ce qui a été
discuté dans cet article, il appert que le devoir d’advocacy n’est
pas un devoir parfait. Il se présente plutôt comme un devoir
imparfait, c’est-à-dire comme une obligation éthique qu’il est
impossible de respecter à l’égard de tous les patients, en tout
lieu et en toute occasion, mais qu’il serait néanmoins fautif,
d’un point de vue éthique, de ne jamais respecter. Les devoirs
53
imparfaits « consistent en des obligations larges, facultatives,
conditionnelles et contingentes qui, sans être absolues,
demeurent néanmoins importantes » (Drolet, 2013). Ce sont
des devoirs positifs plutôt que négatifs, c’est-à-dire qu’ils
requièrent du professionnel de la santé qu’il mobilise sa
liberté d’agir pour réaliser des activités de revendication, de
défense et de promotion qui visent l’actualisation de biens
sociaux, tels que la santé, le bien-être et l’équité. Par contraste,
les devoirs parfaits concernent la liberté négative des
personnes, en ceci qu’ils exigent des individus qu’ils limitent
leur liberté individuelle de façon à ne pas commettre un mal
ou une injustice (Drolet, 2013). En bref, nous soutenons que
l’advocacy est un devoir professionnel et éthique, et que ce
devoir consiste en un devoir imparfait. Il est donc souhaitable,
d’un point de vue éthique, que les professionnels de la santé
réalisent des activités reliées à cette responsabilité lorsque les
contextes et les situations l’exigent et lorsqu’ils se sentent
habilités à réaliser de telles activités.
Conclusion
De nos jours, plusieurs associations et ordres professionnels
militent en faveur du rôle d’advocate de maints professionnels
de la santé. Or, les prescriptions relatives à cette obligation
professionnelle demeurent vagues et générales. De fait, il
s’avère difficile de cerner ce qui est précisément attendu des
professionnels, et donc difficile d’en mesurer la portée exacte.
Cette absence de précision explique en partie le fait que les
chercheurs soient partagés sur ce rôle, voire sur cette
responsabilité professionnelle et éthique. Le but de cet article
était d’apporter des éléments de réponse à la question
suivante (et aux questions qui en découlent) : les professionnels
de la santé ont-ils un devoir d’advocacy? Pour répondre à cette
interrogation, nous avons examiné quatre arguments contre
l’attribution d’un tel rôle aux professionnels de la santé et
54
quatre arguments qui soutiennent une telle fonction sociale.
Cet examen nous a permis de prendre position dans ce débat
en faveur de l’advocacy et de développer cinq arguments qui
justifient notre point de vue. Des précisions ont également
été apportées eu égard à la nature, à l’étendue, au fondement
et à l’application de cette obligation professionnelle et éthique
dans différents contextes et diverses situations de soins. Cela
dit, la question de savoir dans quelle mesure et comment les
programmes de formation préparent les professionnels de la
santé à ce devoir professionnel dans plusieurs disciplines
demeure à ce jour peu documentée, de même que les
situations particulières aux seins desquelles les professionnels
de la santé actualisent de facto un tel rôle et à quelle fréquence.
Des études empiriques seraient certainement utiles afin de
mieux documenter ces aspects.
Remerciements
Les auteures remercient Vanessa Charbonneau, étudiante à
la maîtrise en ergothérapie de l’Université du Québec à TroisRivières (UQTR), Marjorie Désormeaux-Moreau, étudiante
au doctorat en psychologie de l’UQTR, et Mélissa Doucet,
candidate à la maîtrise en lettres (communication sociale)
aussi de l’UQTR, pour leurs recherches documentaires sur la
thématique de l’advocacy en santé. Elles remercient également
les évaluateurs de la revue Ethica dont les commentaires ont
contribué à améliorer la version préliminaire de cet article.
Soulignons qu’Anne Hudon a obtenu une bourse doctorale
du programme MENTOR dont le financement est assuré par
les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le Fond
de recherche du Québec en santé (FRQ-S) et le Réseau
provincial de recherche en adaptation-réadaptation (REPAR),
pour la réalisation d’un stage doctoral au Département
d’ergothérapie de l’UQTR, lequel a été encadré par MarieJosée Drolet, professeure à ce département. Marie-Josée
55
Drolet est soutenue financièrement par des Fonds
institutionnels de l’UQTR. Les auteures tiennent à remercier
tous ces organismes subventionnaires.
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