Cicatrisation Apicale Introduction La définition proposée du périapex tient compte de la continuité tissulaire existant entre desmodonte apicale et pulpe. Celui ci constitue une unité fonctionnelle en constant remaniement où toutes les composantes sont liées par des fibres, des vaisseaux et où l’espace de BLACK, centre nourricier, assure le métabolisme des tissus durs qui l’entourent. Le cément d’un côté et l’os alvéolaire de l’autre. Cependant l'exsérèse de la pulpe n’altère en rien les phénomènes d’ostégénèse et de cémentogénèse permettant le potentiel apico- réparateur de la zone apicale après élimination du stimulus. Cette région est donc capable de faire face aux irritations endondontiques après suppression du stimuli et de se cicatriser. Cette cicatrisation fait suite à un ensemble de remaniement des tissus qui constituent ce qu'on appelle l'espace de black. Qu'est ce que l'espace de BLACK ? L'espace de Black est constitué d'un tissu conjonctif fibreux richement vascularisé et innervé, qui contribue avec le reste du ligament alvéolodentaire, ou desmodonte, au rattachement. De la racine dentaire à l'os alvéolaire. Limité par l'extrémité de la racine, coiffé de cément cellulaire et acellulaire, et par la corticale du fond de la cavité alvéolaire. Il est constitué de: * l'orifice apical ou foramen. * le pédicule d'innervation et de vascularisation. * les faisceaux ligamentaires unissant le cément apical à la corticale osseuse alvéolaire. Dans ce contexte il nous semble important de préciser à quoi s'adresse ici le terme réparation apicale et nous invite à faire la distinction entre les modifications dites « physiologiques » et les altérations pathologiques. Pour cela nous n'évoquerons que le processus de réparation consécutif aux modifications tissulaires légères engendrées par nos thérapeutiques à la suite d'une LIPOE ou celles provoquées par la fonction. Il est évident que toute agression endodontique quelle soit infectieuse ou iatrogène , entraîne au niveau apical une réaction inflammatoire qui aura pour conséquence une diminution de l’activité de synthèse et une augmentation des phénomènes ostéoclasiques et cémentoclasiques. Une fois donc la phase inflammatoire préliminaire contrôlée par les cellules de défense, la réparation biologique peut commencer. Afin de mieux comprendre l'évolution des phénomènes histo et anatomopatholoques suivis d'une cicatrisation après élimination des stimuli, il nous parait intéressant de faire un bref rappel de l'anatomie, histologie et de la physiologie de la zone où ces phénomènes successifs se produisent. Anatomie de la région apicale Définition : C’est une région carrefour qui contient le ligament alvéolo-dentaire et du tissu conjonctif riche en cellules. Par ses particularités anatomiques et physiologiques, offre une voie d’accès aux micro-organismes. Cette région est richement vascularisée par l’artère dentaire et ses anastomoses avec les artères inter-dentaires. D’après (KUTTLER), la région apicale est formée par l’accolement de deux cônes : - l’un dentinaire a son sommet à la jonction cémento-dentinaire. - l’autre purement cémentaire est inversé par rapport au premier, son sommet est situé à la jonction cémonto-dentinaire au point de rétrécissement du cône dentinaire et sa base est au foramen apical. La hauteur de la portion cémentaire est de 0,5 mm chez l'adulte jeune et 0,7 mm chez le sujet agé. L'ensemble des deux cônes peut être comparé à un sablier dont les deux compartiments sont disproportionnés. *Le foramen apical Il est aussi appelé « trou» apical, c'est l’espace limité par les parois cémentaires débutant au niveau de la constriction apicale et s'ouvrant dans le parodonte. Il a une forme d'entonnoir irrégulier qui se modifie par suite des processus physiologiques (apposition cémentaire) ou pathologiques (résorption). *Le péri-apex C'est une zone largement vascularisée et constitue le lieu de réactions cellulaires et immunologiques qui permettent la cicatrisation apicale après l’agression de cette zone à la suite de processus pathologiques dont l'endodonte est le siège. Ces réactions autorisent selon la gravité de l'agression: - une cémentogénèse aboutissant à la fermeture des foramina par l'élaboration de néocément dans les cas de pulpites. - une ostéo-cémentogénèse dans le cas de gangrène pulpaire ou de desmodontite. *La constriction apicale Elle est située à la jonction cémento-dentinaire en deçà du foramen apical. Elle a un diamètre qui va de 210 à 224 micron et varie selon l'âge. On peut estimer la distance séparant habituellement la constriction apicale de l'apex anatomique de 0,5mm chez le jeune à 0,784 2mm chez les personnes àgées. Elle augmente avec l'âge et peut atteindre jusqu'à 2mm. Elle est plus importante au niveau des dents postérieures qu'au niveau des dents antérieures. Résumé Figure 1. Schéma de la région apicale selon Kuttler. 1. Constriction apicale ; 2. Jonction cémento-dentinaire ; 3. Distance séparant le centre du foramen de la jonction cémento-dentinaire ; 4. Foramen ; 5. Distance séparant le centre du foramen du vertex de la racine. Histologie de la région apicale Le péri-apex est constitué par un ensemble d’éléments histologiquement différents : a) Cément : * cément acellulaire : les fibres collagènes issues du conjonctif voisin se trouvent englober dans la couche cémentaire constituant ainsi les fibres de SHARPEY donnant ainsi le cément acellulaire ou fibrillaire. Il constitue les 2/3 du tissu cémentaire. * Cément cellulaire : les cémentoblastes vont se déposer sur le cément acellulaire pour produire le cément cellulaire. NB : Pour SELTZER, il existe un troisième type de cément au niveau de la jonction cémento-dentinaire : c’est le cément intermédiaire. b) Desmodonte : C’est un tissu conjonctif formé : - d’éléments fibrillaires : fibres collagènes, élastiques ou de réticuline. - d’éléments cellulaires : fibroblastes et histiocytes. - d’une substance fondamentale : formée d’eau retenue par des macromolécules de protéines et de mucopolysaccharides. Le desmodonte est richement vascularisé (vaisseaux de l’artère pulpaire, vaisseaux anastomosés de la gencive). c) Os alvéolaire : C’est un tissu conjonctif composé d’éléments fibrillaires et cellulaires. Il est formé de trois couches : - Une couche externe en continuité avec l’os compact des maxillaires, elle est en contact avec le périoste. - Une couche intermédiaire d’aspect trabeculé par la présence en son sein de travées osseuses. - Une couche interne appelée lamina dura ou lame criblée ou os alvéolaire proprement dit. Il y a perpétuellement au niveau de l’os alvéolaire, une activité formatrice et une activité destructrice alternante par l’intermédiaire des ostéoblastes et des ostéoclastes. Physiologie de la région apicale Après éviction pulpaire, la fonction dentinogénetique de cette dernière est annulée ; mais il reste à l’apex, des éléments vivants tel que le cément, l’os qui sont les supports de la réparation péri-apicale. a) Cément : C’est un élément en perpétuel remaniement tout au long de la vie. Les fibroblastes sont disposés en une seule rangée sur la surface dentinaire radiculaire puis se différencient en cémentoblastes et vont sécréter le précément. Ce dernier va se calcifier pour donner le cément pendant que la seconde couche du précément s’appose en surface. Son épaisseur croît avec l’âge, mais les appositions sont plus ou moins régulières ce qui témoigne d’une calcification par poussée. Toutefois dans l’étendue du cément sain, ou note de petites zones de résorption isolées sans relation avec aucune pathologie, qu’elle soit périapicale ou parodontale. Les couches profondes calcifiées renferment peu ou pas de cémentoblastes on parle alors de cément acellulaire ou fibrillaire. Du cément primaire partent des fibres ligamentaires dites de SHARPEY qui vont être enfermées au cours de la calcification de ce cément primaire. Nous devons donc toujours, après le traitement canalaire, redonner le plus rapidement possible à la dent sa fonction, ce qui stimulera la réparation péri-apicale. On a donc une cémentogénése lente tout au cours de la vie qui va brusquement devenir active lors de stimulus, jusqu’au moment où un équilibre nouveau sera retrouvé et la cémentogénése redeviendra alors lente. b) Os alvéolaire : L’os alvéolaire est le siège de remaniements continus ; par coordination d’activités destructrices et formatrices (apposition, résorption) par des cellules tels que ostéoblastes et ostéoclastes, les phénomènes d’ostéogénèse et d’ostéoclasie se succèdent. Une pression entraîne une résorption alors qu’une traction une apposition. De même, l’os congestionné par la présence d’une infection canalaire pendant ou après une gangrène pulpaire, se résorbe, et à sa place, réapparaît la trame conjonctive fondamentale. c) Les composantes cellulaires du péri-apex * Les cellules de synthèse Elles caractérisent les tissus conjonctifs spécialisés que sont le desmodonte et la pulpe. Ces cellules participent activement au processus de réparation. - Les fibroblastes et fibrocytes Ils sont les plus nombreuses et sont concentrées dans la zone centrale du desmodonte. La microscopie électronique fait apparaître des organites nombreux et développés, signe d’une forte activité de synthèse. Les fibrocytes sont des fibroblastes âgés mais avec des organites moins nombreux et des fonctions bien ralenties. - Les cémentoblastes Ils sont disposées en front le long du cément et apparaissent, soit isolés, soit groupés par 4 ou 5 en regard de la dentine ou du cément déjà formé. - Les ostéoblastes Ils sont alignés le long des surfaces osseuses en construction. De nombreux organites sont décrits comme dans toute cellule à forte activité de synthèse. - Les odontoblastes Responsables de la formation de la dentine, ils contiennent de nombreux organites très développés et possèdent, outre un pouvoir de synthèse très marqué. * Les cellules cémentoclasiques et ostéoclasiques Ces cellules sont responsables des phénomènes de résorption. * Les cellules quiescentes ou incorporées dans les tissus durs : Ce sont essentiellement les cémentocytes et les ostéocytes qui ont la même origine. En effet, les cémentoblastes et ostéoblastes sont disposés en bordure du desmodonte, chaque type cellulaire élaborant suivant sa spécifité une matrice organique qui secondairement se minéralise. Pris dans une gangue minérale, cémentoblastes et ostéoblastes prennent le nom de cémentocytes pour les uns et d’ostéocytes pour les autres. Définition de la cicatrisation C’est un phénomène de réparation qui est le stade finale de l’inflammation. Une fois l'agression éradiquée on constate une réparation tissulaire caractérisée par des proliférations cellulaires qui aboutit à un tissu conjonctif puis un remodelage des tissus altérés. Cinétique de la cicatrisation apicale Comme pour toute inflammation, en réponse à une lésion tissulaire, les neutrophiles attirés par chimiotaxie quittent le système circulatoire en grand nombre et se rassemblent sur le site de la lésion, suivant un gradient de concentration de molécules chimiotactiques jusqu'à ce qu'ils atteignent la plus grande concentration. Une fois sur place, l'action antimicrobienne du superoxyde et du peroxyde d'hydrogène, dérivée des processus métaboliques des neutrophiles, agit pour lutter contre l'invasion microbienne. Peu de temps après le début de l'inflammation, les macrophages entrent en jeu et, si l'arrivée en masse des neutrophiles n'arrive pas à juguler l'invasion microbienne celle ci est confrontée à une seconde barrière constituée de leucocytes, ainsi que des lymphocytes. Ensemble, les cellules de cette deuxième barrière composent la majeure partie de la lésion de parodontite apicale et jouent un rôle important dans la phase chronique ultérieure de l'inflammation de la parodontite apicale, car contrairement aux neutrophiles ces cellules de défense peuvent vivre plusieurs mois. Certains chercheurs pensent que ce ne sont pas les macrophages qui sont impliqués, car en réalité, les propriétés attribuées au macrophage dans la phase d'initiation de la réponse inflammatoire appartiennent à la cellule dendritique lymphatique. On ne sait pas, cependant, si cette dernière est une population distincte de cellules ou s'il s'agit simplement d'une souche de macrophage particulièrement spécialisée. Le potentiel réparateur de la zone périapicale inclut la fibrogénèse, la cémentogénèse et l’ostéogénèse. a) Réparation desmodontale : Au niveau du ligament les changements observés vont dans le sens d’une augmentation de la différenciation et de l’activité cellulaire surtout pour une dent fonctionnelle par rapport à une dent qui ne l’est pas. Les fibroblastes assurent le remaniement des fibres desmodontales. En effet, leur fonction principale est la synthèse et la sécrétion des précurseurs collagéniques qui subissent ensuite leur maturation. b) Réparation cémentaire : Les cémentoblastes créent des plages de résorption appelées cémentoclasies qui sont réparées spontanément par néoformation cémentaire. Les lacunes sont comblées ou tapissées par une fine couche de cément qui permet le réattachement des fibres desmodontales néoformées ( TAGGER 1980 ). Deux trames fibrillaires sont donc formées. L’une perpendiculaire à la dent dite « trame extrinsèque », produite par le desmodonte et représentée par l’insertion des fibres de SHARPEY, l’autre parallèle à la surface osseuse dite « trame intrinsèque »,et produite par les cémentoblastes. Les fibres de SHARPEY se minéralisent secondairement. Le cément ainsi reconstitué recouvre l’apex de la dent en tapissant les parois internes du foramen. De nombreux auteurs, observent au niveau des dents dévitalisées une fermeture de l’apex. Cette cicatrisation est bien entendu liée à l’anatomie apicale mais aussi à la limite de préparation et d’obturation canalaire . c)- Réparation osseuse : La physiologie de l’os comprend des phases de résorption et d’apposition. On observe qu’en raison de stimuli variables, l’activité ostéoclasique s’accroît. La cellule ostéoclaste en contact avec la travée osseuse présente des vacuoles et des fibrilles de collagène entre les replis de sa bordure plissée apicale. Lorsque les stimuli disparaissent, de nouveaux ostéoblastes en front secrètent une matrice organique à l’origine d’un nouveau tissu osseux. Comme le cément, l’os d’ancrage présente deux orientation fibrillaires : l’une intrinsèque, produit des ostéoblastes, l’autre extrinsèque constituée par les fibres demodontales. Ces dernières réalisent l’ancrage dentaire sous la forme des fibres de SHARPEY minéralisées. Elles pénètrent l’os fasciculé jusqu’à la ligne cémentaire qui le sépare du périoste. Les ostéoblastes entourés de matrice minéralisée deviennent ostéocytes et constituent un ensemble de cellules de réserve qui participent au métabolisme de l’os. d)- Le remodelage apicale après suppression du stimuli et traitement radiculaire La guérison après traitement radiculaire est accompagnée d’un remaniement, plus ou moins important, des tissus calcifiés. L’aire de résorption osseuse occupée par la lésion apicale se transforme en os alvéolaire, avec une orientation trabéculaire normale immédiatement après la guérison ou plus tard, après une période de remaniement. Le cément doit tapisser l’apex de la racine pour permettre le réattachement du ligament parodontal néoformé. Afin de permettre ce réattachement, les zones de résorption, lacunes grandes et petites, doivent être comblées (guérison dite anatomique) ou tapissées par du nouveau cément (guérison physiologique). L’apposition cémentaire se poursuit aussi le long des parois dentinaires, parfois jusqu’à l’apex. Certains auteurs croient que ce processus se termine par l’obturation complète et « hermétique » du foramen apical par le cément. Si cela semble un but souhaitable, il est fort douteux qu’il soit plus qu’un idéal rarement réalisé. Cette apposition interne doit être précédée par la prolifération du tissu conjonctif après disparition de l’inflammation . La réussite d’un traitement canalaire se traduit par une restitution « ad integrum » du tissu des structures apicales radiologiques . Le cément de réparation semble toujours cellulaire avec peu de fibres. La structure n’est pas en rapport avec la localisation ou la nature du tissu réparé. Il est moins radio-opaque, donc moins minéralisé que le tissu qui l’entoure. 8) Facteurs pouvant influencer la cicatrisation La littérature cite des facteurs généraux et des facteurs locaux qui influenceraient la cicatrisation qu'elle soit apicale ou autre. a- Facteurs généraux de la cicatrisation L’âge. L’état de santé général. Troubles hormonaux. Troubles vitaminiques. La nutrition. b- Facteurs locaux de la cicatrisation - Infection persistante. Hémorragie. Dilacération tissulaire. Présence de corps étranger. Présence de canaux accessoires. 9) Critères de cicatrisation à la suite de thérapeutique d'une LIPOE Afin de pouvoir affirmer que la cicatrisation s'est faite on se base sur un certain nombre d'éléments cliniques et radiologiques a- Critères cliniques Absence de symptomatologie. Disparition de la fistule, d’une tuméfaction. Percussion non douloureuse. b- Critères radiologiques - Disparition de l’image radio-claire. Ligament régulier non élargie. Conclusion Après éviction de la pulpe il ya arrêt de la fonction dentinogénetique, cependant l’apex grâce à ces éléments vivants tel que le cément, le desmodonte et l’os, va être le support de la cicatrisation péri-apicale. Toute thérapeutique endodontique, doit respecter les limites de la préparation et de l’obturation représentées par la constriction cémentodentinaire afin de conserver le potentiel réparateur de la région apicale, qui se caractérise par la fibrogénèse, la cémentogénèse et l’ostéogénèse.