sur 48 La méconnaissance de cette qualification n’est pas seulement le fait des parties, de l’huissier o u du commissaire de police. Il a pu être jugé que la cession des peines et soins ne nécessite pas l’intervention du notaire, le concours d’un notaire pour l’établissement d’un acte de cession n’étant requis que lorsque l’objet de la transaction est un imme uble immatriculé au sens de l’article 383 du COCC. Le juge a estimé que la cession des peines et soins édifiés sur une parcelle de terrain à usage d’habitation dont le titre foncier appartient à l’Etat par son attributaire par acte sous seings privés dit « attestation de cession des peines et soins » est valable 150 . Il apparaît clairement que le juge, dans cette affaire, a considéré que l’exigence de la forme notariée de la transaction immobilière est à réserver au seul cas où l’objet de la transaction est le titre foncier et l’une des parties son titulaire. Cette décision restreint le champ d’application de l’exigence d’intervention du notaire aux seules transactions immobilières portant sur le droit de propriété immobilière. Or, il résulte des dispositions des articles 383 du COCC et 19, 20 et 47 de la Loi n° 201 1 07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière un champ d’application plus large, celui des immeubles immatriculés, donc de tous les droits réels immobiliers dont l’existence, la validité et l’opposabilité aux tiers sont subordonnées à l’insc ription au Livre Foncier. Dès lors, cette disposition ne peut être écartée du seul fait que le titulaire du titre foncier est l’Etat ou une collectivité publique. La présence de telles personnes morales de droit public ne peut écarter l’exigence d’interven tion du notaire que lorsque la personne morale de droit public en question est partie à la transaction immobilière 151 . En conséquence, le contrat portant sur le droit au bail ou tout autre droit réel immobilier immatriculé exige l’intervention d’un notaire . Lorsque celle ci fait défaut, le contrat est nul et de nullité absolue 121 . En revanche, dans le cas où le notaire intervient, cette intervention ne crée pas le contrat, l’acte n’étant qu’un avant contrat qui doit être parfait par l’inscription au Livre F oncier matérialisant la conclusion du contrat définitif. *** Nous pouvons donc conclure par une affirmation sans ambages : les transactions immobilières en droit sénégalais sont des contrats solennels, non seulement parce qu’elles nécessitent l’interv ention du notaire, mais également parce que leur perfection est subordonnée à l’accomplissement de la formalité d’inscription au Livre Foncier. Cette solennité est gage de sécurité de ces opérations. L’intervention du notaire est indispensable dans la péri ode contractuelle pour l’établissement de l’avant contrat notarié nécessaire à l’accomplissement de la publicité foncière. L’exigence d’une telle intervention est dans une optique sécuritaire. Le notaire, de par ses obligations légales, est juge de la lic éité des conventions. Il est un officier public institué pour recevoir les actes et contrats auxquels les parties veulent ou doivent donner le caractère de l’authenticité attaché aux actes de l’autorité publique pour en assurer la date, en conserver le dép ôt, en délivrer des grosses, expéditions et extraits 152 . Il est l’arbitre impartial des contrats qu’il reçoit et le conseil des parties 153 : il 150 CA Dakar, arrêt n° 629, 06 août 2010, Bulletin des arrêts de la Cour d’appel de Dakar, Matières civile et commerciale, n°1, 2011, arrêt n° 22. 151 Alinéa 2 de l’article 47 de la Loi n° 2011 07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncièr e. 121 Article 383 du COCC. 152 Article 1 er alinéa 1 du décret statutaire précité. 153 Code de déontologie des notaires précité, section I, dernier alinéa. est un tiers à l’acte 154 . D’ailleurs son intervention est, dans une large mesure, subordonnée à l’existence d’une tell e qualité. Sa fonction d’authentificateur n’est pas une fonction de simple scribe ; il n’est pas un écrivain public. Il est investi d’une fonction active qui participe à l’instauration de la sécurité juridique, de la sécurité des transactions. Aussi, doit il veiller à l’efficacité des actes qu’il instrumente et la jurisprudence applique cette exigence tant à l’efficacité technique qu’à l’efficacité pratique 155 . Il est « l’assurance tout risque » du client. Le conseil qu’il prodigue aux parties est une oblig ation légale 156 qui lui impose de leur fournir les moyens juridiques appropriés aux objectifs qu’elles déclarent poursuivre et de les informer des caractéristiques techniques des moyens ainsi mis en œuvre et de leurs conséquences. Quant à l’authentification qu’il réalise, elle est l’un des objectifs essentiels de son intervention et de l’établissement d’un acte notarié 127 . Elle porte sur la datation de l’acte, le contrôle de l’identité des parties, l’objet de la transaction et la signature. Toutes ces dilig ences du notaire nous confortent dans l’appréciation que nous faisons de la sécurité des transactions immobilières que la réforme foncière en cours ne saurait ébranler 157 . Toutefois, cette sécurité ne peut être atteinte de manière incontestable qu’avec le co ncours de l’administration chargée non seulement d’informer le notaire sur les droits réels portant sur l’immeuble immatriculé et leurs titulaires, mais également de réaliser la perfection de la transaction immobilière. En effet, les dysfonctionnements du Bureau de la Conservation de la propriété et des droits fonciers peuvent impacter lourdement et négativement sur les services offerts par le notaire 158 . Un fonctionnement défectueux du système de coordination entre notaire et Bureau de la Conservation de la propriété et des droits fonciers peut donc donner naissance à une transaction immobilière défectueuse. Par conséquent, la diligence est attendue de tous les acteurs de la transaction immobilière pour que demeurent sacrés la terre, les droits qui portent su r elle et, partant, la transaction immobilière qui portent sur ces derniers. Document : Terré F., Ph. Simler., Lequette Y., Droit civil, Les obligations, 10 e éd., 2009, pp. 194 197. 187 b) La « punctation ». Lorsque la négociation est longue et dél icate, les intéressés éprouvent parfois le besoin de marquer une pause et de dresser le bilan des points sur lesquels ils sont d’ores et déjà d’accord. La terminologie employée pour désigner cette pratique est flottante. Certains utilisent le terme alleman d de « punctation », d’autres préfèrent parler d’accord de principe. Mais au delà de cette diversité sémantique, les problèmes juridiques sont les mêmes. 1) Le contrat se formant alors par étapes, par couches successives, quel est le seuil qui sépare le s pourparlers de la conclusion du contrat ? En d’autres termes, , quand le point de non retour est il atteint ? 154 Il faut toutefois préciser que la qualité de tiers du notaire n’est pas absolue dans tous les cas. En effet, en matière immobilière, le notaire légalement chargé d’accomplir les formalités de publicité foncière ne peut revendiquer la qualité de tiers quant à l’inopposabilité de l’acte pour défaut de publicité ; sa mauvaise foi serait d’ailleurs manifes te. 155 J. L. AUBERT, Responsabilité professionnelle des notaires , Ed. Répertoire du Notariat Defrénois, 1981, n° 59. 156 Article 1 er alinéa 3 du Décret statutaire. 127 Article 1 er alinéa 1 du Décret statutaire. 157 Une Commission de réforme est constit uée pour discuter et proposer une refonte du droit foncier sénégalais. 158 Un état de droits réels incomplets peut fausser toute l’économie de la transaction immobilière. 2) A supposer que l’accord de principe ne vaille pas conclusion du contrat définitif, quels sont les effets qui en découlent ? 188 Seuil à partir duquel le contrat est réputé conclu . A la différence de certaines codifications étrangères plus tardives – Code civil allemand (BGB), Code des obligations suisse – le Code civil français n’énonce, en la matière, aucune directive générale. C’est donc à la jurisprudence qu’est revenu, ici encore, le soin de poser les principes. Elle l’a fait en s’inspirant de la philosophie volontariste qui anime notre droit, ainsi que des dispositions propres à certains contrats, notamment l’article 1583 du Code civil relatif à la vente. Le contrat est réputé formé dès qu’il y a accord sur les éléments essentiels. Encore faut il préciser exactement la portée de cette proposition. En principe suffisant, l’accord sur les éléments essentiels ne le sera plus si les part ies ont entendu subordonner la conclusion de leur contrat à une rencontre de volontés sur tel ou tel point accessoire : modalités de paiement, garantie de paiement. De secondaire, celui ci devient alors essentiel par la seule volonté des parties. La positi on de la haute juridiction est, au demeurant, excellemment formulée dans un arrêt du 14 janvier 1987 : « La vente est parfaite entre les parties dès qu’on est convenu de la chose et du prix et le défaut d’accord définitif sur les éléments accessoires de la vente, à moins que les parties aient entendu retarder la formation du contrat jusqu’à la fixation de ces modalités ». La solution ainsi consacrée diffère de celle de certains droits étrangers. Selon l’article 154 du BGB : « Tant que les parties ne sont pas tombées d’accord sur tous les points d’un contrat qui, ne fût ce que d’après la déclaration de l’une seulement d’entre elles, devaient être l’objet de la convention, le contrat dans le doute n’est pas conclu. L’entente des parties sur quelques points particuliers ne suffit pas à les lier, même lorsqu’elle a été suivi d’un projet rédigé par écrit ». Quant à l’article 2 du Code des obligations suisse, il dispose :« Si les parties se sont mises d’accord sur tous les ponts essentiels, elles sont présumées avoir entendu s’obliger définitivement, encore qu’elles aient réservé certains points secondaires ; A défaut d’accord sur ces points secondaires, le juge les règle en tenant compte de la nature de l’affaire ». C’est dire que la position du droit frança is est intermédiaire entre celles des droits allemand et suisse. L’absence d’accord sur les points accessoires, obstacle à la conclusion du contrat en droit allemand mais non en droit suisse, ne le sera en droit français que si les parties ont entendu reta rder la formation du contrat jusqu’à la fixation de ces modalités. D’une souplesse plus grande, la position française laisse aux juges du fond une certaine liberté puisque ceux ci apprécient souverainement, sous réserve du contrôle de dénaturation, l’inten tion des parties. Aussi bien ne saurait on trop insister sur la nécessité pour celles ci de préciser exactement la portée de leur accord. Ainsi est il recommandé aux négociateurs qui ne veulent pas risquer d’être engagés de qualifier leur accord récapitula tif de simple projet. Inversement, ceux qui souhaitent que le processus contractuel aille jusqu’à son terme devront indiquer que les points secondaires non réglés seront résolus par application des règles supplétives de volonté ou encore par un tiers sur l a désignation duquel ils s’accordent ou dont ils confient la désignation aux magistrats. En revanche, un accord par lequel les parties qualifieraient d’essentiels certains éléments du contrat et rejetteraient dans le domaine de l’accessoire tous les autres éléments, y compris ceux qui sont traditionnellement qualifiés d’essentiels, ne saurait valoir conclusion du contrat définitif. 189 Effets secondaires . Lorsque l’accord de principe ne vaut pas conclusion du contrat définitif, il n’est pas pour autant dépourvu de tout effet juridique. Tout d’abord, en fixant par écrit les éléments d’un accord partiel, les intéressés s’obligent à poursuivre loyalement les négociations en vue de parvenir à la conclusion du contrat projeté. La « punctation » n’est qu’une étape dans le processus d’élaboration du contrat et le refus de poursuivre les négociations équivaudrait à une rupture fautive des pourparlers. Ce n’est pas à dire pour autant que ces pourparlers devront aboutir nécessairement à la conclusion du contrat ; les parties se sont simplement engagées à ne pas remettre en cause certains acquis de la négociation et à poursuivre les négociations de bonne foi pour compléter l’accord partiel. Au cas où il ne serait pas satisfait à cette obligation de moyens, des dommages intérêts pourraient être dus. Ensuite, et à supposer le contrat définitif ultérieurement conclu, l’accord de principe peut conserver un intérêt d ans la mesure où, jouant en quelque sorte le rôle de travaux préparatoires, il permet d’éclairer la volonté réelle des parties. Dans la pratique, il est fréquent que les grands contrats comportent un préambule qui règle le sort et la portée des documents p récontractuels. Document n° 5 Gautier P. Y., Rebondissement dans le feuilleton du pacte de préférence : un deuxième arrêt, connexe à celui de la Chambre mixte, Recueil Dalloz, 2006, pp. 2510 2512. VENTE Rebondissement dans le feuilleton du pacte de préfé rence : un deuxième arrêt, connexe à celui de la chambre mixte. SOMMAIRE DE LA DECISION L’acquéreur de la parcelle litigieuse étant censé connaître l’existence du pacte de préférence en raison de l’opposabilité aux tiers des actes de donation partage q ui ont été publiés à la conservation des hypothèques, une cour d’appel peut décider que l’acquéreur a commis une faute de négligence en omettant de s’informer précisément des obligations mises à la charge de son vendeur. Cour de cassation, 1ére civ. 11 jui l. 2006 La COUR : Donne acte aux consorts P...de leur reprise d’instance an tant qu’héritiers de Daurice P..., décédé le 25 septembre 2003 ; Attendu qu’une donation partage du 18 décembre 1957, contenant un pacte de préférence a attribué à Adèle A...un bien immobilier situé à Haapiti ; Qu’une donation partage du 7 août a attribué à M. Ruini A..., une parcelle dépendant du bien mobilier ; que, par acte reçu le 3 décembre 1985 par M. S..., notaire, M. A... a vendu la parcelle à la SCI E... ; Sur le premie r moyen ; Attendu que MS... et la SCI E... font grief à l’arrêt attaqué (CA Papeete, 13 février 2003) d’avoir dit que le pacte de préférence n’a pas été respecté à l’égard de Daurice P... et de les avoir déclarés avec M. A... responsable de ce préjudice e t tenus de le réparer in solidum , alors, selon le moyen, qu’ils soutenaient dans leurs conclusions d’appel que la SCI, conjointement avec MA...avait offert à Mme P... d’exercer son droit de préférence par lettre recommandée du 7 août 1987 et qu’en estimant néanmoins que ce droit avait été méconnu et qu’en préjudice en résultait, au seul motif que cette offre n’avait pas notifiée le 3 décembre 1985, sans expliquer en quoi l’offre qui lui avait été adressée ultérieurement ne lui permettait pas d’acquérir la p arcelle litigieuse par préférence à la SCI E..., qui y avait ainsi consenti expressément, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1382 du code civil ; Mais attendu qu’en décidant que M. A... avait violé le pacte de préférence à l’égard de Daurice P...pour avoir omis de lui proposer la vente projetée, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; Sur le deuxième moyen : Attendu que M.S... et la SCI E... font encore grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré M. S... responsable du préjudice subi par Daurice P... du fait de la violation du pacte de préférence et tenu, in solidum avec M. A... et la SCI E..., de la réparer, alors selon le moyen, que l’obligation pour le débiteur d’un pacte de préférence d e ne pas vendre à autrui le bien qui en est l’objet relève de l’obligation d’exécuter de bonne foi ses obligations contractuelles, de sorte que nul ne peut voir sa responsabilité engagée pour ne pas lui avoir rappelé ce principe, et qu’en estimant néanmoin s que M. S... avait commis une faute en ne rappelant pas à M. A... qu’il devait éxécuter de bonne foi le pacte de préférence dont il se savait débiteur, la cour a violé les articles 1134, 1147 et 1382 du code civil ; Mais attendu que, tenu de conseiller les parties et d’assurer l’efficacité des actes dressés, le notaire ayant connaissance d’un pacte de préférence doit, préalablement à l’authentification d’un acte de vente, veiller au respect des droits du bénéficiaire du pacte et, le cas échéant, refuser d’authentifier la vente conclue en violation de ce pacte, qu’en l’espèce, la cour d’appel a décidé à bon droit que M.S... avait engagé sa responsabilité, en n’ayant pas, d’une part en sa qualité de professionnel du droit et des transactions immobilières, incité M. A... et la SCI E...à respecter les droits des bénéficiaires du pacte, d’autre part, fait référence au pacte de préférence dans l’acte de vente, tout en ayant mentionné le second acte de donation partage qu’il avait lui même authentifié ; que le moyen n’est pas fondé ; Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches : Attendu que M. S... et la SCI E... font grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré la SCI E... responsable du préjudice subi par Daurice P... du fait de la violation du pacte de pr éférence et tenu, in solidum avec M. S... et M. A... de le réparer , alors selon le moyen :1 qu’un pacte de préférence, qui s’analyse en une promesse de vente conditionnelle n’est pas une restriction au droit de disposer soumise à la publicité obligatoir e, de sorte que sa publication ne suffit pas à établir la connaissance qu’en auraient les tiers, et qu’en estimant néanmoins qu’en raison de la publication du pacte de préférence stipulé dans les donations partages de 1957 et 1985, la SCI. E... était censé e en avoir connaissance et qu’elle avait donc commis une faute en achetant le terrain qui en constituaient l’objet, la cour d’appel a violé les articles 28 - 2 et 37 1 du décret du 4 janvier 1955, ensemble l’article 1382 du code civil ;2 que l’acquéreur, serait il un professionnel de l’immobilier, n’est pas tenu de s’informer de l’existence des droits de préférence dont son vendeur pourrait être débiteur et qu’en retenant la responsabilité de la SCI E... au seul motif qu’elle était prétendument tenue de s’ informer des obligations dont pouvait être tenu son vendeur, la cour d’appel a violé les articles 1147 et 1382 du code civil ; Mais attendu qu’ayant précédemment retenu que la SCI E... était censé connaître l’existence du pacte de préférence en raison de l’opposabilité aux tiers des actes de donation partage qui avaient été publiés à la conservation des hypothèques, la cour d’appel a pu décider que la SCI E... avait commis une faute de négligence en omettant de s’informer précisément des obligations mi se à la charge de son vendeur ; que le moyen, qui est sans portée en sa première branche et qui manque en fait en sa seconde, ne peut être accueilli ; Par ces motifs, rejette (...). Note de Pierre Yves Gautier Professeur à l’Université Panthéon Assas ( Paris II) 1 Mais pourquoi les pourvois n’ont ils pas été pas été joints ? C’est la question que se pose le lecteur de l’arrêt ci dessus : mêmes faits, mêmes parties, même procédure, c’est bien la même affaire que celle qui a donné lieu à la décision spectaculaire rendue par la chambre mixte, quelques semaines plus tôt. Le trouble repose dans la réponse du troisième moyen. On se souvient qu’une donation partage sur un immeuble, contenant un pacte de préférence, avait fait l’objet d’une publicité foncière ; puis, de nombreuses années après, l’ayant cause avait lui même transmis le bien pour partie à un nouvel attributaire, l’acte rappelant l’existence de l’avant contrat et ayant lui même fait à son tour l’objet d’une publicité. Quatre mois plus tard, le propriétai re vend la chose à un tiers, une SCI, par acte authentique, sans l’avoir au préalable proposée au bénéficiaire. Celui ci assigne le débiteur de la préférence et le tiers, afin d’obtenir l’exécution forcée du pacte, c‘est è dire sa substitution à l’achet eur ; il réclame subsidiairement des dommages et intérêts aux mêmes parties, ainsi qu’au notaire, qui avait instrumenté la deuxième donation partage et l’acte de vente, pour la faute commise par lui de n’avoir pas mis en garde les parties, du fait du pacte dont tout le monde avait connaissance par la publicité foncière et d’avoir ainsi collaboré à la méconnaissance de ses droits. Les juges du fond, semble t il dans un même arrêt, déboutent le bénéficiaire de sa demande d’exécution forcée, mais accueillen t sa réclamation pécuniaire en retenant le principe de l’obligation des trois défendeurs à l’indemniser. Deux pourvois sont alors formés : l’un par le bénéficiaire, l’autre par le notaire et le tiers acquéreur. Les instances auraient raisonnablement dû être jointes, à la fois parce que les pourvois ont été formés contre le même arrêt et que les questions juridiques sont étroitement liées. Pour une raison qu’on ignore, elles ne l’ont pas été : une chambre mixte a été désignée pour connaître du pourvoi du bénéficiaire, c’est l’arrêt du 26 mai ; et celui des défendeurs vient de faire l’objet de l’arrêt du 11 juillet. 2 On connaît la solution adoptée par la Chambre mixte : spectaculaire revirement de jurisprudence sur la possibilité théorique d’annuler l’acte conclu avec le tiers et de lui substituer le bénéficiaire, mais exigence supplémentaire de la preuve de ce que le premier ait eu « connaissance de l’intention » du second de faire valoir son droit, de sorte que cette double preuve psychologique étan t pratiquement impossible à rapporter, pas d’exécution en nature. Mais l’affaire ne s’arrête pas là et se poursuit avec l’arrêt du 11 juillet, deuxième épisode : La responsabilité contractuelle du propriétaire est retenue par la décision qui approuve les juges du fond de l’avoir tenu pour obligé in solidum avec les deux autres d’indemniser le bénéficiaire. C’est logique, dès lors que l’exécution a été écartée, même si on peut le regretter : il faut bien que le fautif répare d’une manière ou d’une autre , ici, en argent. Mais, en même temps, c’est un retour à la case départ, c’est à dire l’article 1142 du code civil. En examinant ce moyen, l’arrêt nous fournit une indication de fait précieuse : deux ans après la vente, le propriétaire et la SCI auraien t finalement offert au bénéficiaire d’exercer sa préférence. Il confirme également qu’au jour de la vente aucune notification du projet n’avait eu lieu auprès du bénéficiaire. La responsabilité civile du notaire est également retenue, car connaissant le pacte et alors qu’il est un professionnel, il n’aurait pas dû authentifier la vente avec le tiers et, au contraire des droits du bénéficiaire, de nature à mettre en péril l’efficacité de la vente. Là encore, c’est assez classique. Il reste la situation du tiers, qui se plaint d’avoir été tenu pour coresponsable ; voici ce que la première Chambre civile lui répond, en rejetant son pourvoi : la société « était censée connaître l’existence du pacte de préférence en raison de l’opposabilité aux tiers des act es de donation partage qui avaient été publiés à la conservation des hypothèques... (de sorte que) la SCI avait commis une faute de négligence en omettant de s’informer précisément des obligations mises à la charge du vendeur ». L’arrêt écarte à cet ef fet à juste titre la distinction subtile, relative à l’effet de la publicité d’un pacte de préférence, selon qu’elle est obligatoire ou facultative. C’est sur le cas du tiers acquéreur seulement qu’on formulera quelques observations puisque c’est lui qu i constitue la barrière ayant entravé l’exécution forcée, selon l’arrêt du 26 mai. C’est sa responsabilité, les détails livrés par l’arrêt du 11 juillet et la façon dont son obligation de réparation se trouve énoncé par celui ci, qui mettent en effet ma l à l’aise et vont conduire à poser à nouveau la question de l’exécution en nature. 3 La cour de cassation relève clairement que le tiers était au courant ou en tout ca censé l’être, du fait de la publicité foncière et qu’il aurait dû se montrer plus curi eux (« omettant de s’informer précisément des obligations mises à la charge de son vendeur »). C’est plus qu’une négligence, mais s’apparente à de la mauvaise foi : le tiers ne pouvait ignorer le pacte, énoncé dans pas moins de deux actes ayant fait l’o bjet d’une publicité, le second étant en outre rappelé dans la vente ; il s’est pourtant gardé de s’en enquérir plus avant auprès du propriétaire. Rappelons la définition de la mauvaise foi : « s’agissant de priver l’intéressé du bénéfice de l’ignorance ou de l’apparence, attitude de celui qui se prévaut d’une situation juridique dont il connaît (ou devrait) connaître les vices ou le caractère illusoire ». Ici, cela y ressemble beaucoup. D’autant plus que l’acheteur n’était pas un particulier, une person ne physique, un consommateur, mais une société civile immobilière, a priori professionnelle elle aussi : l’adoption de cette forme sociale repose sur des mobiles économiques de rentabilité, de profit ou d’économie, notamment aux fins d’opérations immobilières. L’acquéreur était ainsi tenu d’un devoir de s’informer : quand le contractant pourrait avoir accès facilement à l’information et qu’il ne peut s’abriter derrière une ignorance légitime, c’est en effet à lui de « prendre les informations co nvenables » . Ce qui vaut dans les rapports inter partes qu’avec les tiers auxquels son comportement peut causer un dommage. On se remémore le Discours préliminaire de Portalis : « un homme qui traite avec un autre homme doit être attentif et sage ; il d oit veiller à son intérêt, prendre les informations convenables et ne pas négliger ca qui est utile ». Ce qui vaut par a priori pour une personne morale, professionnelle et familière, par son secteur d’activité même, de la publicité foncière, ainsi que des avant contrats. 4 Pourquoi, dans ces conditions, ne pas déclarer l’acte inopposable au bénéficiaire, de la même façon que par exemple, en matière de fraude paulienne ? Rien n’empêcherait ainsi la substitution du bénéficiaire pour sanctionner en nat ure la responsabilité du tiers acquéreur. Les deux arrêts se sont contentés du principe d’une indemnisation pécuniaire, que l’acheteur a néanmoins trouvé trop lourd, puisqu’il a formé un pourvoi, alors qu’il a tout de même échappé au transfert forcé de la chose. 5 Il ne reste plus guère, si l’on combine les arrêts des 26 mai et 11 juillet, que la condition assez artificielle de la « connaissance par le tiers de l’intention » du bénéficiaire de se prévaloir de son droit. Cependant, dans la note précédent e, on avait tenté de démontrer que cette preuve manque de pertinence, pour la raison qu’au moment de la vente le bénéficiaire n’a aucune « intention » particulière, tout simplement parce qu’il n’a pas été informé, le projet de vente ne lui ayant pas été no tifié. Pour avoir une intention, il faut être au courant de la décision du propriétaire de vendre – c’est un pacte, pas une promesse, on n’est pas sûr qu’il se déterminera à céder son bien, ni à quel moment. En l’espèce, l’arrêt du 11 juillet précise ne ttement que le bénéficiaire n’était pas au courant, le projet ni la vente ne lui ayant été notifiés. Pourtant, l’acte aurait, par exemple pu contenir une condition suspensive de la non levée de l’option par le bénéficiaire, clause qu’on rencontre assez fréquemment en technique contractuelle, notamment dans le droit de la distribution. Ce n’est que deux ans après que les intéressés semblent avoir voulu se rattraper, en lui notifiant (ce qui est assez curieux) l’offre de vente. 6 A moins qu’on interprè te la condition posée par la Chambre mixte comme l’intention du bénéficiaire non pas d’acheter, mais seulement de conserver son droit, à l’aveuglette, c’est à dire de faire savoir périodiquement au propriétaire qu’il n’entend pas perdre son option, alors m ême qu’il ignore complètement si son cocontractant entend garder la chose ou la céder. Son inaction se verrait alors sanctionnée par une déchéance sans texte, ce qui serait un renversement de l’ordre naturel des choses, s’apparentant à une sorte d’oblig ation d’interruption périodique de la prescription. Le titulaire d’un droit d’option subordonné à la décision d’autrui n’a rien d’autre à entreprendre que d’attendre que celui ci fasse connaître ce qu’il a finalement arrêté. Rappelons, par comparaison, que le droit du bénéficiaire d’un pacte de préférence n’est pas prescriptible, tant que son débiteur ne l’a pas informé de sa décision de vendre, au surplus, l’on sait que la même Cour de cassation considère que l’avant contrat reste valable, ne fût il enf ermé dans aucun délai. 7 Cette exigence de diligence à la charge du bénéficiaire constituerait une contrainte très mal commode (notification à une date anniversaire ?) et une condition que ni la loi, ni la logique, ni la justice contractuelle n’imposent ; en outre, une telle mani festation de volonté ne peut être pratiquement adressée qu’au propriétaire, puisque c’est lui seul que connaît le bénéficiaire et pas aux tiers du monde entier, acquéreurs potentiels de la chose. Sauf bien entendu si le bénéficiaire a eu vent du projet et connaît ou pressent l’identité du ou des possibles acheteurs, ce qui ne semble pas avoir été ici le cas. La « connaissance » par l’acquéreur de l’intention du bénéficiaire est de ce fait une preuve impossible : si le propriétaire a mis la lettre recomma ndée annuelle du bénéficiaire dans un tiroir ou à la corbeille, qu’en saura le tiers ? De toute façon, cela ne tient pas : connaissant le pacte, le tiers devrait se montrer plus curieux, on tourne en rond. Il faut donc le marteler : tant « l’intention » du bénéficiaire que sa « connaissance » par le tiers supposent la notification préalable au premier par le propriétaire, soit du projet d’acte, soit de la vente conclue sous condition suspensive, soit tout simplement de sa décision de principe de céder so n bien. 8 Mis bout à bout, les deux arrêts manquent un peu de réalisme et risquent d’être cruellement ressentis par tous les bénéficiaires de pactes, dans l’immense secteur couvert par ceux ci, de l’immobilier aux sociétés civiles et commerciales, en p assant par le monde de la culture et du spectacle, ou de la distribution. Ces décisions créent, en effet, une certaine insécurité pour les bénéficiaires de toutes sortes, qui ne doivent s’attendre au mieux, en cas de violation du pacte, qu’à recevoir de s dommages intérêts. Et, corrélativement, les propriétaires et tiers complices savent qu’ils pourront ainsi s’en sortir par une allocation en argent, sans remise en cause des actes conclus en violation du pacte, même si en l’espèce ils ont trouvé que c’est déjà trop. L’exécution en nature est autant affaire de morale et de sécurité que d’analyse économique du droit. Bis repetita placent : il est souhaitable de tirer toutes les conséquences de la nouvelle position adoptée par la Cour de cassation sur l a substitution d’acquéreur.