Chapitre III : Cinétique de la corrosion électrochimique III.1. Introduction Le potentiel d’une électrode peut être modifié par une action extérieure, on dit alors que le l’électrode est polarisé. Cette modification entraine un mouvement des charges : électrons dans le métal, ions dans la solution. Exemple : Ag+ + é Ag *Les électrons passent à travers le conducteur extérieur en sens inverse du courant, cette élimination des électrons est appelée oxydation. *les ions Ag+ quittent le réseau métallique pour passer dans la solution donc le métal se dissout. Inversement si le courant passe de la solution vers le métal, l’électrode est appelée cathode. Les ions Ag+ captent les électrodes arrivant par le conducteur extérieur, en sens inverse du sens conventionnelle du courant et forment un réseau métallique, on a donc électrodéposition cette réaction est appelée réduction. III.2. Notion et définition III.2.1. Electrodes simples Lorsqu’un système métal /électrolyte une seule réaction d’électrode se produit à la surface, on qualifie ce système d’électrode simple. Exemple: Zn immergé dans une solution de sulfates de zinc désaéré, légèrement acide. Zn+2 + 2 e- Zn III.2.2. Potentiel au repos Le potentiel au repos correspond au potentiel que prend spontanément l’électrode en l’absence d’un courant externe. Pour une électrode simple le potentiel au repos est équivalant au potentiel réversible E (I = 0) = Erev. III.2.3. Electrode mixte Le plus souvent, plusieurs réactions d’électrode peuvent avoir un lien simultanément dans un système métal- électrolyte. Un tel système est appelé « électrode mixte » Exemple : Du zinc métallique immergé dans une solution de sulfate de zinc aérée. Deux réactions partielles apparaissent : Oxydation Zn: Zn Réducteur l’O : O2 + 2H+ + 2 e- Réaction globale : Zn + O2 + 2H+ Zn +2 + 2 eH2O Zn +2 + H2O Le potentiel au repos d’une électrode mixte est appelé « potentiel de corrosion », c’est une quantité cinétique qui dépend des paramètres qui influent sur la rapidité des réactions cathodiques et anodiques III.2.4. Polarisation L’électrode traversée par un courant extérieur est le siège des phénomènes irréversibles. Le terme polarisation est utilisé pour désigner l’ensemble des ces phénomènes irréversibles. L’effet du courant électrique modifie le potentiel d’équilibre métal- électrolyte d’une quantité « 𝛈 » appelée la surtension d’électrode. On peut envisager trois types de polarisation. a. Polarisation de résistance Elle est due à la formation d'un filin à la surface de l'électrode. Ce film peut être solide (oxyde) ou gazeux (hydrogène ou oxygène absorbé par exemple). Le film formé sur l'électrode introduit une résistance supplémentaire au passage du courant et par conséquent l'intensité du courant de corrosion est plus faible. b. Polarisation de concentration Elle intervient lorsque la vitesse de diffusion d'un ion vers la cathode limite la vitesse de réaction à l'électrode. L'intensité du courant tend vers une valeur limite, très sensible à l'agitation. c. Polarisation de transfert de charge (d’activation) Elle correspond aux variations d'énergie libre de l'interface métal-solution, liées au passage des atomes du métal à l'état d'ions ou inversement. C'est elle qui intervient le plus souvent dans les phénomènes de corrosion. III.3. Equation de Butler-Volmer Considérons la polarisation de transfert de charge, à l’interface métal/ électrolyte, la capture ou l’émission d’électrons correspondant, par exemple, à la réaction : 1 M réseau M+n solution + ne− 2 *Le sens (1) de la réaction c’est l’émission. * Le sens (2) de la réaction c’est la capture. Qui peut être décrite à partir de la théorie des vitesses absolues de réaction. Cela revient à considérer que les ions de la surface doivent, pour passer en solution, recevoir, par agitation thermique, une certaine énergie pour franchir la barrière d’énergie et qu’il en est de même pour le processus inverse. A cause du champ électrique stable existant à l’interface métal/ électrolyte, le déplacement d’un ion sera facilité ou freiné suivant le sens de l’enthalpie libre d’activation et qui sera donc diminuée ou augmentée d’un terme de travail électrostatique. Pour tout couple redox, l’équation de Butler-Volmer, pour le cas où les échanges à l’interface sont contrôlés par l’étape de transfert de charges, exprime une relation entre le potentiel interfaciale et la densité de courant, faisant intervenir les paramètres cinétiques des deux demi-réactions électrochimiques inverses, caractéristiques du couple redox considéré. Par exemple, si l’on considère une réaction électrochimique interfaciale de la forme : Ox + ne- Red L’équation de « Butler-Volmer » permettant de relier le courant interfaciale débité par le couple redox en fonction du potentiel électrochimique, s'écrit de la manière suivante: I =I0 [𝐞𝐱𝐩 [((𝟏‒𝛂) 𝐧𝐅𝛈)/ 𝐑𝐓] ‒ 𝐞𝐱𝐩 (‒𝛂𝐧𝐅𝛈)/ 𝐑𝐓)] L’équation de « Butler-Volmer » avec : I0 : le courant d’échange métal/ électrolyte à l’équilibre. I0 =Ia = -Ic cette grandeur caractérise la vitesse du transfert des charges à l’équilibre. Par convention (Ia) est positive et (Ic) est négative. I : Courant global de la réaction, Ia : Courant anodique de la réaction au niveau de la surface de l’électrode, Ic : Courant cathodique de la réaction au niveau de la surface de l’électrode, α: Facteur de symétrie, n : nombre d’électrons échangés, F : Constante de Faraday, 𝛈 : Surtension d’électrode. On peut simplifier cette équation : *1. Pour les fortes surtensions positives > 0,1 qui correspond à la réaction anodique, on néglige le terme « 2 » de l’équation on aura : Ia =I0 [ 𝐞𝐱𝐩 ((𝟏‒𝛂) 𝐧𝐅𝛈)/ 𝐑𝐓)] (1) *2. Pour les fortes surtensions négatives < - 0,1 qui correspond à la réaction cathodique, on néglige le terme « 1 » de l’équation on aura : Ic =- I0 [ 𝐞𝐱𝐩 (‒𝛂𝐧𝐅𝛈)/ 𝐑𝐓)] (2) III.4. Coefficients de Tafel Les équations (1) et (2) peuvent être utilisées sous forme logarithmique, on aura dans ce cas les équations de Tafel peuvant s’exprimer : 𝛈a = (- 0.059/ (1-α) log I0) + (0,059/ (1-α) log I) (3) 𝛈c = ((- 0.059 / α) log I0) - (0,059/ α) log I) (4) On peut introduire les coefficients de Tafel : βa= RT/ α nF βC = RT/ ((1-α) n F) On trouve donc: I =- I0 [ 𝐱𝐩 (𝛈/ βa) - I0 𝐞𝐱𝐩 (𝛈/ βc) ] Ces relations sont les droites de Tafel anodique et cathodique qui décrivent les limites anodique et cathodique de l’équation générale de Butler-Volmer. Remarque L’équation de Butler-Volmer et l’équation de Tafel (permettent de tracer les droites de Tafel log(I)=f(E) et déduire le courant d’échange I0 et le potentiel Eeq. L’intersection des droites anodique et cathodique, extrapolées au potentiel de corrosion, donne la densité de courant d’échange ou le courant de corrosion Icorr (A.cm-2) à l’équilibre. III.5. Courbes de polarisation Lors de la corrosion naturelle d’une pièce métallique Ia= |Ic| = Icorr, donc toute réaction électrochimique peut être représentée par une courbe : I= f(E) avec Ecorr = Ee+ 𝛈 Le rhéostat (potentiostat galvanostat) permet de faire varier l’intensité du courant. A l’instant initial, si le circuit est ouvert le potentiel des deux électrodes est : EA0 pour l’anode et EK0 pour la cathode. Si un courant d’intensité I1 circule dans la pile, on constate que le potentiel de la cathode devient plus négatif et prend une valeur EK1 et celui de l’anode devient plus positif et prend la valeur EA1 donc : EK0 - EK1 présente la surtension cathodique (𝛈c) et EA0EA1 c’est la surtension anodique (𝛈a). En faisant varier la valeur de l’intensité du courant on pourra tracer les courbes de polarisation cathodique EK = f(I) et polarisation anodique EA = f(I). On obtient alors pour une certaine valeur Ic de l’intensité, le potentiel de l’anode et de la cathode qui prennent la même valeur Ec, Ic et l’intensité maximale c’est l’intensité de corrosion du couple A- K dans un milieu donné. Ecorr est le potentiel de corrosion du couple (potentiel mixte) (diagramme d’EVANS) voir figure IV.1 Figure III.1 : Courbe de polarisation (Diagramme d’AVENS). Remarque Pour minimiser l’intensité du courant de corrosion, il faudra donner à la surtension anodique, cathodique ou bien les deux surtensions une valeur aussi élevée possible. Par contre, si on veut fabriquer une pile électrochimique qui débite une forte intensité, il faudra éviter les phénomènes de polarisation en diminuant le plus possible la surtension aux électrodes à l’aide des polarisateurs MnO2. III.6.Caractérisation électrochimique de la corrosion Les méthodes électrochimiques sont un outil pour caractériser les phénomènes de corrosion. Elles permettent d’expliquer les processus, de déterminer les mécanismes mis en jeu lors de la dégradation, de quantifier et prévoir. Elles conduisent aussi à choisir parfois plus judicieusement les méthodes adéquates de protection. Elles peuvent être classées en deux groupes. Le premier regroupe les techniques dites stationnaires qui permettent d'accéder aux courbes potentiel-temps, potentiodynamiques, de polarisation cyclique, etc. Ces techniques permettent de recueillir des informations liées à la cinétique du système étudié. Néanmoins, elles sont sujettes à des limitations, notamment dans le cas de systèmes très résistants ou pour l’étude des mécanismes réactionnels. De plus, certaines d’entre elles entraînent la destruction de l’échantillon. Pour contourner ces limitations, il a été mis au point un certain nombre de techniques dites transitoires, basées sur l’utilisation des fonctions de transfert et dont la spectroscopie d'impédance électrochimique (S.I.E.) fait partie. III.6.1. Les techniques stationnaires *Mesure du potentiel à circuit ouvert(OCP) Cette technique permet de suivre l’évolution du potentiel de l’électrode de travail à circuit ouvert. La mesure de cette grandeur électrochimique donne des indiquations sur le comportement à la corrosion dans une solution connue. Dans la pratique les courbes de potentiel en fonction temps peuvent présenter différents aspects. (Voir brochure de TP) * les courbes de polarisation potentiodynamique Pour tracer ces courbes on fait varier le potentiel appliqué au métal à étudier à l’aide d’un potentiostat et, pour chaque valeur du potentiel on enregistre l’intensité du courant qui circule entre les deux électrodes et on enregistre la variation du potentiel pris par le métal. Figure III.2 : Courbe de polarisation logarithmiques indiquant les domaines et les droites de Tafel anodique et cathodiques. La mesure de vitesse de corrosion par extrapolation des droites de Tafel sert à déterminer le courant de corrosion Icorr puis, par la loi de Faraday, à calculer la vitesse de corrosion de l’électrode dans la solution corrosive. Pour un système ne comportant qu’une réaction anodique et cathodique La vitesse de corrosion Vcorr est généralement exprimée en unité de longueur (μm, mm, etc.) par unité de temps (s, min, an, etc.). icorr : densité de courant (A.cm-2) τ: temps en seconde correspondant à une année, M : masse molaire (g.mol-1), n : la valence, F : constante de Faraday (C.mol-1), d : densité (g.cm-3). *Résistance de polarisation Cette méthode présente l’avantage de faire intervenir la courbe de polarisation au voisinage du potentiel de corrosion de l’électrode de travail, dans cette région où cette courbe est linaire. La mesure de la vitesse de corrosion par extrapolation des droites de Tafel exige certaines conditions et son utilisation donc pose certaines difficultés, telles que : la Corrosion uniforme du métal, produits de corrosion sous forme ionique, effets ohmiques négligeable. Donc la technique de résistance de polarisation permet d’éviter ces difficultés. La pente ΔE/ΔI de la portion linéaire de la courbe de polarisation peut être déterminée expérimentalement. Plus la valeur de ΔE/ΔI est élevée et plus l’intensité de courant de corrosion est faible. Figure III.3 : Mesure de la résistance Rp III.6.2. Les techniques transitoire * Utilisation des mesures d’impédance électrochimiques C’est une novelle technique d’étude du processus électrochimique de la corrosion basée sur la mesure d’impédance d’électrode. Cette méthode consiste à mesurer la réponse de l’électrode face à une modulation sinusoïdale de faible amplitude du potentiel E en fonction de la fréquence f : ΔE = ΔE sinωt Ici, ΔE désigne l’amplitude de la perturbation et ω = 2πf la pulsation. Un signal d’excitation de faible amplitude (~10 mV) permet de rester sur un domaine pseudo-linéaire. La perturbation sinusoïdale du potentiel induit un courant sinusoïdal ΔI, superposé au courant stationnaire, et déphasé d’un angle ϕ par rapport au potentiel. ΔI = ΔI sin(ωt − ϕ) L’impédance Z(ω) du système est le rapport entre la tension sinusoïdale imposée et le courant résultant. Elle peut être définie par un nombre complexe : Z = ΔE/ΔI Z(ω) peut ainsi être représenté dans le plan complexe par sa partie réelle et sa partie imaginaire dans un diagramme dit de Nyquist, ou par son module Z et sa phase en fonction de la fréquence dans des diagrammes dits de Bode. Une interface métal-solution peut être représentée par un circuit électrique équivalent dit circuit de "Randles". Dans ce circuit Re correspond à la résistance de l'électrolyte entre les deux électrodes de mesure, Cdc représente la capacité de la double couche et le processus faradique décrit par une résistance pure de transfert de charge Rtc. Figure III.4 : Circuits électrique équivalent de Randles de l'interface électrode/solution avec réaction faradique sans contrôle diffusionnel (a) et sa représentation dans le plan complexe de Nyquist (b). Le mécanisme réactionnel correspondant au modèle de Randles ne tient compte ni du transport de masse, ni des phénomènes d'adsorption. Un circuit équivalent plus réaliste est alors envisagé. Il comporte toujours la résistance ohmique Re et la capacité de la double couche Cdc, par contre la résistance de transfert Rtc est remplacée par l'impédance faradique ZF composée d'un ou plusieurs éléments de circuit, en série ou en parallèle selon le mécanisme réactionnel. Lorsque des phénomènes de transport interviennent un ou plusieurs éléments de ce circuit sera une impédance de diffusion de WARBURG (ZW).