CHAPITRE III : LES CHOIX STRATEGIQUES Les choix stratégiques incluent la sélection des stratégies futures au niveau : des domaines d’activité stratégique (stratégies business) ; de l’entreprise dans son ensemble (stratégies corporate), de l’identification des orientations et des modalités de développement stratégique. Le choix au niveau des domaines d’activité stratégique, implique l’identification des fondements de l’avantage concurrentiel, que ce soit externe (facteurs clés de succès de l’environnement) ou interne (capacité stratégique de l’organisation). 1. En effet, les responsables des DAS doivent satisfaire les besoins de leurs clients d’une manière qui réponde aux attentes de leurs parties prenantes ; parallèlement ils sont confrontés à des concurrences face auxquels il est nécessaire d’obtenir un avantage. 2. 1 Il s’agit dans cette section de comprendre : de quelle manière effectuer une segmentation stratégique afin de subdiviser une organisation par DAS ; les différentes stratégies permettant d’obtenir un AC : la stratégie de prix, la stratégie de différenciation, la stratégie de localisation ; dans quelle mesure un avantage peut être durable. Les stratégies génériques ou stratégies concurrentielles sont les approches (réduction de prix, différenciation, focalisation) qui permettent d’établir un avantage concurrentiel au niveau d’un DAS (Pour les organisations publiques, il s’agit de maintenir la qualité du service tout en respectant les contraintes budgétaires). La discussion sur les stratégies génériques part du postulat selon lequel une organisation construit un avantage concurrentiel en proposant à ses clients ce qu’ils demandent ou ce dont ils ont besoin, de manière plus efficace et/ou efficience que ses concurrents et selon une approche difficilement imitable par ces derniers. • Très schématiquement, il existe pour cela deux grandes options : soit (a) on propose une offre de même valeur que celles des concurrents mais à un prix inférieur ; soit (b) on propose une offre différente, qu’elle soit supérieure mais plus coûteuse ou inférieure mains moins chère. Le choix d’une stratégie générique revient donc à se positionner à la fois en termes de prix et de valeur. 2 • Les différentes trajectoires résultant de ces choix sont présentées dans le schéma ci-dessous. • Schéma : les stratégies génériques : l’horloge stratégique. 3 Elevée Valeur perçue Sophistication sans surprix 4 5 Sophistication avec Hybride surprix Offre concurrentielle 2 Prix 6 7 1 Epuration Stratégies vouées à l’échec 8 Faible Faible Prix Elevé 3 Stratégies génériques 1- Epuration 2- Prix 3- Hybride 4- Sophistication sans surprix 5- Sophistication avec surprix 6- Surcroit de prix/ valeur standard 7- Surcroit de prix/ Baisse de valeur 8- Baisse de valeur/ Prix standard 1- Besoins/ Risques Risque de se limiter à un segment de marché Ex : les voitures toyota dans les années 1960 et début 1970 avec pénétration du marché européen grâce à un positionnement à bas prix et valeur réduite. Risque de guerre de prix et de faibles marges ; nécessité d’avoir les coûts les plus bas. Ex : à la fin des années 1970, début 1980, l’amélioration de la qualité des autos japonaises modifia profondément leur image auprès des clients qui les considéraient désormais aussi fiables que celles des concurrents. Stratégie de prix évoluant vers la diversification Ex : fin des années 80, la qualité et la fiabilité des autos japonaises étaient devenues supérieures à celles de leurs concurrents, alors que leurs prix de vente continuaient à être très compétitifs. Surcroit de valeur perçue par le client permettant de conquérir des parts de marché Ex : au milieu des années 90, les principaux constructeurs japonais, tout comme leurs concurrents, cherchèrent à différencier leurs produits en proposant- sans segmentation de tarif- des équipements supplémentaires (airbags, climatisation, etc.) Surcroit de la valeur perçue par le client permettant de pratiquer un surprix Ex : toyota tenta d’imposer en Europe sa division auto de luxe, lexus comme un concurrent crédible face à Mercedes, BMW, Jaguar. Marge supérieure si les concurrents ne suivent pas ; risque de perte de marché (Echec probable) Possible uniquement en situation de monopole (Echec probable) Perte de parts de marché (Echec probable) Ex : Fin 90, Nissan perdait des parts de marché en Europe. Sa gamme de produits perçue comme insuffisamment attractive. Prise de contrôle par Renault. Les stratégies de prix (dit encore stratégie de coûts) (trajectoire 2). Elle consiste à proposer une offre dont la valeur perçue est comparable à celle des offres des concurrents, mais à un prix inférieur. L’objectif consiste généralement à améliorer l’efficience d’année en année, sans rien perdre de la qualité des prestations. On va préférer l’expression stratégie de prix à celle de coûts car la réduction des coûts en tant que telle ne saurait se constituer une stratégie. Si un dirigeant se contente de réduire les coûts de son organisation pour accroître son bénéfice, il finira nécessairement par s’attaquer au coût le plus structurel dans les pays développés : le coût de main d’œuvre. o Cela entraine des mesures de délocalisation ou d’automatisation…avec des conséquences graves sur l’emploi et surtout l’équilibre du système social que l’entreprise finit nécessairement par payer (pression gouvernementale accrue, désordres, hausse des prélèvements obligatoires, tensions syndicales, etc.). De plus quelle que soit la technique utilisée pour réduire les coûts (procédés innovants, obtention de MP à moindre frais, économie d’échelle, efficience de gestion, etc.), elle ne saurait être durablement inimitable par les concurrents. Dans tous les cas, une stratégie de coûts n’est pas une stratégie, mais une facilité illusoire et dangereuse. Non seulement elle se révèle sans intérêt à moyen terme, mais de plus elle est préjudiciable à l’évolution de la société. 4 Lorsqu’on cherche à construire un AC au travers d’une stratégie de prix, plusieurs approches peuvent être utilisées : o on peut tenter de conquérir une part de marché supérieure à celle des concurrents, afin de jouer sur les avantages de coûts dégagés par les économies d’échelle, le pouvoir de négociation et l’effet d’expérience. On parle alors de stratégie de volume, le succès passant nécessairement par la croissance et la conquête de parts de marchés. o une organisation peut également réduire ses prix en se concentrant sur les aspects de sa chaîne de valeur qui sont effectivement valorisés par les clients et en sous-traitant toutes les fonctions qui peuvent être assurées de manière plus efficiente par des spécialistes externes. Cette approche n’est pas non plus exempte de risques…puisque les concurrents peuvent en faire autant ; par ailleurs l’organisation peut faire une mauvaise évaluation de sa chaîne de valeur et externaliser des activités créatrices de valeur. o une stratégie de prix permet d’obtenir un AC lorsque : (a) la sensibilité des clients au prix est importante ; et (b) l’entreprise possède un avantage de coûts difficilement imitable par les concurrents. • -2- Le défi fondamental de la stratégie de prix consiste donc à réduire les coûts d’une manière qui soit spécifique et durable… Les stratégies de différenciation (trajectoire 1, 4 et 5). Il s’agit ici de jouer sur un différentiel de valeur perçue par les clients. • On parle alors de stratégie de différenciation. Comme le montre le schéma ci-dessous, il existe deux grands types de différenciation : 1. selon que l’on décide de réduire la valeur perçue (trajectoire 1) 2. ou d’accroître (trajectoire 4) la valeur perçue par rapport aux offres concurrentes. 3. Dans le premier cas, la diminution de la valeur permet de réduire les coûts (car le produit se révèle plus simple et par conséquent moins coûteux), mais impose une baisse de prix afin que l’offre reste attractive pour le client. 4. Dans le second cas, en revanche, le surcoût de valeur entraine généralement des coûts supplémentaires (l’offre étant plus élaborée, elle est plus coûteuse à produire) qui doivent être compensés par une augmentation de prix ou par des volumes plus importants. Cependant pour que l’une ou l’autre de ces différenciations soit profitable à l’entreprise, il est nécessaire soit de réduire plus le coût que le prix (différenciation par le bas), soit d’augmenter plus le prix que le coût (différenciation par le haut). 5 1. Le profit dégagé est ainsi supérieur à celui des concurrents. -3- La stratégie hybride (trajectoire 3). Elle consiste à proposer simultanément un surcoût de valeur et une réduction de prix par rapport aux offres concurrentes. 1. Ici le succès dépend de la capacité à générer de la valeur en répondant aux besoins des clients, mais également d’une structure des coûts suffisamment optimisée pour pouvoir pratiquer des prix bas, tout en maintenant une capacité d’investissement suffisante pour entretenir et renouveler les facteurs de différenciation. Il important de souligner que du fait de la pression concurrentielle et du progrès technologique, toute stratégie tend à évoluer dans le sens de la stratégie hybride, c'est-à-dire vers un accroissement de la valeur pour une réduction du prix. -4- Les stratégies vouées à l’échec (trajectoire 6, 7 et 8). La trajectoire 6 consiste à augmenter les prix sans accroître la valeur perçue par les clients (situation de monopole). 2. Cependant, à moins que les organisations ne soient protégées pour une législation ou par des barrières à l’entrée infranchissables, la concurrence finira toujours par éroder leurs privilèges. La trajectoire 7 est encore plus désastreuse, puisqu’elle implique une réduction de la valeur du produit ou du service, accompagnée d’une augmentation de prix. 1. Même une organisation farouchement protégée par la force publique et jouissant d’une situation de monopole sur une offre indispensable à la population (santé, énergie, etc.) ne peut durablement subsister à un tel positionnement, en tout cas dans une démocratie. La trajectoire 8 qui correspond à une réduction de la valeur pour un prix comparable à celui de la concurrence, est également dangereuse, bien qu’elle puisse sembler séduisante pour certaines organisations. 2. Les concurrents risquent en effet d’en profiter pour accroître substantiellement leur part de marché. On peut également estimer qu’il existe une quatrième trajectoire d’échec, qui consiste à ne pas clairement choisir une stratégie générique. 3. Bien d’organisation restent ainsi coincées au milieu de plusieurs trajectoires possibles, faute de s’investir pleinement sur l’une d’entre elles. 4. Se refuser à définir son positionnement est une erreur majeure, car la stratégie consiste avant tout à choisir ce qu’on ne fera pas. 6 -5- Les stratégies de focalisation L’horloge stratégique (modèle de présentation des différentes stratégies génériques en fonction de l’écart qu’il est possible de créer entre la valeur et le prix) ne résume pas l’ensemble des stratégies possibles. 1. En effet, pour toutes les trajectoires parcourues jusqu’ici, l’objectif de l’organisation est de concurrencer l’offre de référence et attirer en cas de succès, l’ensemble de la clientèle. 2. Or il existe une option moins ambitieuse mais tout aussi envisageable, la stratégie de focalisation, ou stratégies de niche, qui consiste à refuser la confrontation directe, pour se limiter à un segment de marché très spécifique, sur lequel on peut espérer être protégé des assauts de la concurrence. Il s’agit alors de proposer une offre très fortement différenciée qui ne peut attirer qu’une franche de la population. 3. La focalisation peut tout d’abord consister en un prolongement extrême des stratégies de sophistication (trajectoire 5) et d’épuration (trajectoire 1). 7