03 Mot du président et éditeur 05 Message du ministre de la Santé et des Services sociaux 07 Mot de la présidente de la Fédération québécoise de l’autisme et des autres TED 08 Éditorial 10 Conférence d’ouverture Diagnostic 14 La précision et l’injustice du diagnostic d’autisme 16 Processus d’évaluation diagnostique 18 Dépistage et diagnostic de l’autisme 21 Signaler – Dépister – Détecter 23 Dépistage et diagnostic 25 Diagnostic, verdict, dilemme…? Services aux enfants âgés de 5 à 12 ans 29 Le modèle intégré d’intervention du CRDI Normand-Laramée 31 Les services aux enfants ayant un TED âgés de 5 à 12 ans 34 L’enfant autiste et le rôle du parent 35 Témoignage sur les services publics et privés utilisés Ressources communautaires j u i n 2 0 07 36 Les ressources communautaires en France 38 Évolution du secteur médico-social dans le dispositif d’aide aux enfants âgés de 6 à 12 ans, ayant un TED 42 L’autisme au Maroc : état des lieux et des ressources communautaires 43 Ressources disponibles aux francophones d’Ottawa, Ontario 44 Les multiples facettes des ressources communautaires Éducation 45 Le système d’éducation et les enfants ayant un TED 48 Services offerts aux familles par le milieu scolaire Expérience internationale 51 Coup d’oeil sur le monde 52 Adresses électroniques Éditeur Germain Lafrenière Rédaction des synthèses et coordination des travaux Louise A Morin Rédactrice en chef Ginette Côté Relecture Brigitte Carrier Ginette Côté Pauline Lalancette Jacinthe Ouimet Conception et réalisation graphique Le Pica Comité scientifique de TED sans frontières Dr Laurent Mottron, président D Catherine Barthélémy, vice-présidente r Dr Rutger Van der Gaag Dr Jacques Thivierge Dr Donata Viventi Dr Yves Tremblay Gilles Cloutier 2 j u i n 2 0 07 L a cinquième rencontre scientifique internationale tenue en avril 2006, à Laval (Québec) avait pour thème « Les services aux enfants TED : Mythe ou Réalité ». Ainsi, le contenu de cette revue porte sur la situation des personnes ayant un Trouble envahissant du développement et, différents services dont le diagnostic et l’aide apportée aux enfants de 5 à 12 ans au Québec, en France, au Maroc, aux Pays-Bas et en Ontario francophone vous sont ici présentés. Je vous offre donc ce deuxième numéro Cette revue vous est offerte également de la revue Ted sans frontières. Une grâce à la contribution du Gouvernement longue période s’est écoulée entre la du Québec, du Centre de réadaptation présentation des deux numéros. Les Normand-Laramée efforts reliés à la tenue de cet événement Fédération québécoise de l’autisme et des d’envergure internationale, le financement autres troubles envahissants du dévelop- difficile, le travail énorme de synthèse des pement (FQATED) et de l’Association pour conférences, leur relecture, de même que la recherche sur l’autisme et la prévention le respect des horaires des auteurs des inadaptations (ARAPI, France). Ils en expliquent ce délai. Acceptez nos excuses. ont favorisé l’achèvement et notre recon- de Laval, de la naissance leur est adressée. Il y aura cependant parution d’un numéro à thème par année. Maintenons l’élan qu’a suscité la richesse des échanges à l’égard des services à offrir Je remercie vivement les présentateurs, les aux personnes ayant un TED et à leur animateurs, les collaborateurs, les bénévoles, famille, afin de leur donner toutes les pos- les membres de divers conseils d’adminis- sibilités de s’épanouir. Grâce à vous, à la tration, la rédactrice des synthèses, le diffusion de travaux de recherche et au comité de relecture, l’éditorialiste, les partage de l’expertise entre chercheurs, participants et partenaires de divers pays praticiens, parents et organismes commu- francophones ou francophiles qui ont nautaires, nous progressons en favorisant rendu possible la tenue de cet évènement l’amélioration constante des programmes notable et la présente parution. conçus à leur endroit. Bonne lecture et au plaisir de vous voir à notre prochain rendez-vous, en 2008, à Laval ! Germain Lafrenière, Adm.A. j u i n 2 0 07 3 j u i n 2 0 07 C ’est avec fierté que je m’associe, de nouveau cette année, à l’organisme TED sans frontières. L’intervention auprès des adultes et des enfants qui ont un trouble envahissant du développement requière une expertise particulière et notre gouvernement consacre des efforts importants à développer ce volet, par des activités de recherche et de formation. Nous accordons une attention toute spéciale à la situation des enfants de moins de six ans, l’efficacité d’une intervention précoce ayant été démontrée à maintes reprises. Les formations universitaires de premier et de deuxième cycle à l’intention des centres de réadaptation en déficience intellectuelle dont nous avons soutenu le développement et l’actualisation sont un bel exemple des outils concrets que nous mettons à la disposition des intervenants du réseau de la santé et des services sociaux. Les parents peuvent également bénéficier de formations et d’une instrumentation spécifique à leur rôle grâce à différents projets que nous avons financés sur recommandation de la Fédération québécoise de l’autisme et des autres troubles envahissants du développement. Pour favoriser une pleine circulation de l’information et la diffusion des connaissances les plus récentes, nous avons également instauré un réseau national d’expertise en troubles envahissants du développement. La construction d’une telle expertise ne pourrait être possible sans la précieuse collaboration du milieu associatif. Une initiative telle que la revue internationale de TED sans frontières fera certainement écho à travers la communauté des chercheurs, praticiens, parents et organismes de milieu concernés par les troubles envahissants du développement. Longue vie à TED sans frontières! Philippe Couillard j u i n 2 0 07 5 j u i n 2 0 07 L a Fédération québécoise de l’autisme et des autres troubles envahissants du développement est heureuse d’avoir apporté sa contribution à cette rencontre scientifique internationale de TED sans frontières. Je remercie parents, professionnels et intervenants d’être venus en si grand nombre. J’adresse un merci chaleureux au Dr Laurent Mottron pour ses travaux qui nous amènent à concevoir différemment la nature et le niveau de l’intelligence autistique. Merci aux conférenciers et aux animateurs des tables rondes et à nos commanditaires, sans lesquels un tel événement n’aurait pu avoir lieu. Cette rencontre nous a donné l’occasion de partager notre expertise avec nos collègues de trois continents sur les questions du diagnostic et de l’évaluation. Les dernières années ont démontré une augmentation constante des troubles envahissants du développement à travers le monde. Dans les différentes régions du Québec, les listes d’attente pour obtenir un diagnostic ne cessent de croître et les familles sont laissées à elles-mêmes. Devant ce cul de sac, l’accès aux services ne devrait-il pas être axé sur la réponse aux besoins plutôt que sur la présence ou l’absence de diagnostic? Cette rencontre nous a aussi permis de jeter un œil sur les services offerts aux 5-12 ans. Bien que des projets novateurs se dessinent à certains endroits, il reste énormément de travail à faire. Nos enfants sont encore trop souvent laissés à eux-mêmes dans le milieu scolaire, alors qu’on fait encore peu de place à la scolarisation. La complémentarité de service entre la santé et l‘éducation n’a pas encore donné de résultats convaincants. Le soutien aux familles tarde, les services de répit, de dépannage et les loisirs sont encore des exceptions. Chacun d’entre nous, que nous soyons parents, professionnels ou intervenants, retournons dans nos milieux avec des pistes de réflexions qui teinteront nos approches et nos actions. J’ose espérer, que l’ensemble de nos interventions aura des retombées significatives sur les services offerts aux enfants qui présentent un trouble envahissant du développement. Plus que jamais, je suis convaincue que c’est dans le partage que nous réussirons à améliorer les services et à faire la différence dans la vie des enfants et de leur famille : partage d’information, partage d’expertise, partage d’expérience et de vécu. En ce sens, l’organisme TED sans frontières et cette revue sont de précieux outils de diffusion et de circulation des connaissances. Je vous souhaite une bonne lecture ! Ginette Côté j u i n 2 0 07 7 Jean-Claude Marion Pour que le partage des connaissances suscite une réelle amélioration des services F avoriser la diffusion et le partage de l’expertise des chercheurs et des praticiens sur l’autisme et les autres troubles envahissants du développement, c’est la mission que TED sans frontières voulait poursuivre en mettant sur pied cette cinquième rencontre scientifique internationale en avril 2006. Elle avait pour thème « Les services aux enfants TED – Mythe ou Réalité » et traitait du dépistage, du diagnostic des TED et des services réservés aux enfants âgés de 5 à 12 ans. Sans doute pour définir l’originalité de cette rencontre, est-il bon de rappeler ici les lignes directrices qui ont inspiré les organisateurs lors de sa préparation. vers la naissance de projets fructueux. La collaboration qui se joue des frontières, voilà, à mon avis, le meilleur des achèvements dont on peut rêver. Il a été établi que les communications sur la recherche scientifique étaient sélectionnées pour leur qualité et la pertinence de leur diffusion dans la francophonie. Celles-ci sont évidemment importantes, mais les expertises des praticiens, qui interviennent chacun selon leur approche disciplinaire, le sont aussi. De la même façon, le témoignage direct des autistes lorsqu’il est possible, celui de leurs familles si riche d’expériences vécues de l’intérieur, le savoir-faire des organismes communautaires, souvent premier soutien des parents en détresse, toutes ces expertises accumulées sont également importantes. Aux yeux des organisateurs, elles procurent à ceux qui en sont pourvus un statut de partenaire à part entière qu’il convient de privilégier et de faire connaître. C’est donc la suppression des clivages et l’abandon des frontières, qu’elles soient géographiques ou qu’elles soient structurelles, devant ce que l’on pourrait appeler l’ennemi commun, qui fait la richesse et la singularité des échanges. Ces caractéristiques sont suffisamment rares au niveau de la francophonie pour s’empêcher de les souligner. Célébrons-les en permettant aux participants de susciter des contacts qui déboucheront sur des partenariats dirigés Dans cet ordre d’idée, s’il est d’ailleurs encourageant et révélateur de cet état d’esprit de constater que la Fédération québécoise de l’autisme et des autres troubles envahissants du développement, le Centre de réadaptation en déficience intellectuelle Normand-Laramée (Laval, Québec), l’Association pour la recherche sur l’autisme et la prévention des inadaptations (ARAPI, France) sont devenus partenaires de TED sans frontières, la Société de l’autisme et TED de Laval et d’autres organismes outre-mer pour l’organisation de cet évènement. C’est donc la suppression des clivages et l’abandon des frontières, qu’elles soient géographiques ou qu’elles soient structurelles, devant ce que l’on pourrait appeler l’ennemi commun, qui fait la richesse et la singularité des échanges. 8 Revenons maintenant à la réalité des présentations et essayons de voir, en analysant brièvement les propos de quelques communicateurs, si les services aux jeunes enfants autistes sont plus que vœux pieux, s’ils progressent à tout le moins et si leur situation est différente outre-Atlantique. Il semble indéniable que les services que représentent le dépistage et diagnostic ont progressé durant ces dernières années. L’autisme et les autres TED sont des déficiences dont l’étude en profondeur est relativement récente et il a probablement fallu une plus grande sensibilisation des médecins et du public en général pour créer un état propice au développement des connaissances. On s’aperçoit aujourd’hui que l’épidémiologie et les critères de diagnostic suscitent de plus en plus d’ajustements et d’interrogations auprès j u i n 2 0 07 des chercheurs spécialisés. Les communications livrées au cours de la rencontre montrent à suffisance que les avancées sont là et qu’elles contribuent ou contribueront à affiner ces étapes cruciales que sont le dépistage et le diagnostic. La présentation du Dr Mottron nous donne un bel exemple de cet enrichissement. En s’interrogeant sur la distinction entre autisme dit « de bas niveau » et « de haut niveau », ses recherches l’ont poussé à concevoir différemment la nature et le niveau de l’intelligence autistique. Il constate que cette intelligence et aussi la capacité d’effectuer éventuellement certaines tâches sont sous-estimées et que certaines classifications épidémiologiques devraient sans doute être repensées. De la même façon, le Dr Thivierge ne peut que susciter un débat profitable quand il rappelle le caractère imprécis et peu scientifique du diagnostic de trouble envahissant du développement, quand il en discute les méthodes et les conséquences et qu’il démontre ce qu’il considère comme l’ambiguïté de son statut. Dans d’autres communications, comme celle du Dr Tremblay, qui mettent davantage l’accent sur le rôle d’une équipe pluridisciplinaire et sur les problèmes spécifiques de l’évaluation, le partage de l’expertise se focalisera sans doute sur les pièges à éviter pour permettre de comprendre adéquatement les enfants et de préciser leur diagnostic. En France, les services comme le dépistage et le diagnostic paraissent tributaires de procédures émises par la Fédération Française de Psychiatrie. Ils obéissent à un protocole bien défini. Monsieur Yves Michelon axe sa présentation sur les recommandations adressées aux professionnels en contact avec les jeunes enfants et aux équipes spécialisées en autisme. Aux professionnels de première ligne par exemple, on demande une surveillance systématique du développement de la communication sociale durant les 3 premières années de l’enfant. Les signaux d’alerte sont recherchés et lorsque la procédure est respectée (qui comprend une évaluation multidisciplinaire), elle peut aboutir à un diagnostic clinique d’autisme à partir de l’âge de 2 ans. Le Professeur van der Gaag, très charismatique, nous expose la situation vécue aux Pays-Bas dans ce même domaine. Il constate que l’autisme et les TED, bien que se manifestant avant l’âge de 30 mois, sont souvent diagnostiqués beaucoup plus tard, voire vers l’âge de 5 ou 6 ans. Il développe les raisons de cet état des choses et nous montre, à la lumière de son expérience, qu’un renforcement de l’éducation et de la sensibilisation des pédiatres de base peut mener à un diagnostic plus rapide et donc à des méthodes d’intervention et à une prise en charge plus efficaces. Vous l’aurez compris, il n’est pas possible de résumer dans un cadre aussi restreint toutes les communications, qu’elles soient sur le diagnostic ou sur les autres services réservés aux enfants autiste de 5 à 12 ans. Précisons que ces derniers sont malheureusement encore insuffisants, mais semblent également progresser comme les services de diagnostic. Notre souhait est que ces quelques fragments d’information vous encouragent à lire le compte-rendu détaillé de ces communications. Ne négligez pas celles qui traitent des ressources communautaires, car ces organismes axés sur les familles sont souvent à la base d’initiatives originales et combien profitables. Ils sont en première ligne pour constater l’insuffisance des services disponibles, mais peuvent provoquer leur amélioration en sensibilisant l’opinion publique et les autorités. Pour donner plus de force à l’affirmation que le partage des expertises peut mener à une amélioration des services, mentionnons en terminant que le modèle intégré d’intervention du CRDI Normand-Laramée, adapté par Julie Mcintyre, semble avoir susciter l’intérêt outre-Atlantique. Des contacts ont lieu, annonciateurs de progrès pour l’enfant autiste. La tenue de cet évènement remplit donc déjà sa mission. En ce temps de mondialisation, comment ne pas s’en réjouir. Pour nous c’est presque un cri d’espoir devant les synergies à venir. La collaboration qui se joue des frontières, voilà, à mon avis, le meilleur des achèvements dont on peut rêver. j u i n 2 0 07 9 Dr Laurent Mottron, professeur titulaire au département de psychiatrie de l’Université de Montréal, Québec Autres chercheurs impliqués dans le projet « Une autre intelligence » : Michelle Dawson et Isabelle Soulières, Université de Montréal Morton Ann Gernsbacher, Université du Wisconsin, Madison, États-Unis Laval 2006 Une autre intelligence Sommaire De quelle nature est la différence entre l’autisme de haut et de bas niveau? Dr Laurent Mottron À l’instar de la plupart des personnes autistes qui se sont penchées sur cette question, les chercheurs de la Clinique spécialisée de l’autisme mettent en doute la façon dont on conçoit le plus souvent la distinction entre autisme dit « de bas niveau » et « de haut niveau ». Nous présenterons les incertitudes de la communauté scientifique sur l’intelligence autistique, puis de nouvelles données, qui nous amènent à concevoir différemment la nature et le niveau de l’intelligence autistique. Précisons que cette présentation concerne l’autisme essentiel (sans maladies neurologiques associées) et « type », et non l’autisme secondaire (avec maladies neurologiques associées), ou le Syndrome d’Asperger ou les TED non spécifiés. Clichés sur l’intelligence autistique que nous mettons en doute • L’autisme n’apporte que des désavantages, même chez ceux dits de « haut niveau ». Nous sommes en désaccord avec ces positions. Tout d’abord, ce qu’on nomme actuellement autisme de bas niveau correspond, en fait, à des tableaux hétérogènes : • Autiste âgé de 2 à 5 ans, avant le développement du langage, quel que soit son développement futur; • Autiste adulte dit « intestable » avec les épreuves usuelles, ou qui paraît ne pas comprendre les consignes du test utilisé; • Autiste ayant une manifestation d’intelligence supérieure (« capacité spéciale »), mais dont la moyenne des performances aux tâches mesurant le Q.I. est < 70; • Autiste sans capacité spéciale, avec limitation intellectuelle vraie (basse performance homogène aux tests d’intelligence, y compris ceux où les autistes excellent généralement). Seul ce dernier cas correspondrait à la notion d’autisme avec déficience intellectuelle. On rapporte généralement que : • 75 % des autistes « de bas niveau » ont un retard mental; • Les « capacités spéciales » autistiques ne sont pas de la vraie intelligence; • Les autistes mutiques sont automatiquement de bas niveau; On ne tient pas compte de ce que les autistes puissent ne pas être adaptés aux tests qu’on leur fait passer, alors qu’adaptation et intelligence sont profondément dissociées dans l’autisme. 10 De plus, on ne tient pas compte de ce que les autistes puissent ne pas être adaptés aux tests qu’on leur fait passer, alors qu’adaptation et intelligence sont profondément dissociées dans l’autisme: • On sait depuis longtemps que les tests d’intelligence usuels (test de Wechsler) sont beaucoup mieux réussis que les tests de niveau d’adaptation (test de Vineland), ce qui implique qu’intelligence et adaptation au monde non autiste sont dissociées chez les autistes. • Pourtant, pour la mesure du niveau d’intelligence d’un autiste, on considère que l’adaptation à la tâche (test de Wechsler) j u i n 2 0 07 est optimum, soit que le véhicule utilisé pour mesurer l’intelligence ne constitue pas un frein à la mesure de celle-ci. Donc, on ne dissocie pas comme on le devrait l’adaptation à la tâche du test et l’intelligence comme telle dans la mesure de l’intelligence autistique. Quel modèle peut-on prendre pour comprendre cette situation? Un autiste qui réussit un test d’intelligence à un niveau bas est-il « comme » : • Une personne avec syndrome de Down à qui on demande de résoudre un problème de mathématiques avancées? OU PLUTÔT • Un chien à qui on demande de grimper dans un arbre? • Un Bantou interrogé sur le code de la route occidental? • Un aveugle à qui on demande de lire un livre imprimé? • Un enfant à qui on demande de résoudre à cinq ans le problème qu’il ne saura résoudre qu’à quinze ans? Dans la première de ces cinq situations, l’intelligence autistique serait correctement mesurée par le résultat aux tests. En revanche, les quatre situations suivantes représentent chacune un cas où cette mesure n’est pas valable. • Un chien à qui on demande de grimper dans un arbre? Même intelligent, un chien ne grimpe pas aux arbres. La mesure de l’intelligence produite par le test n’est ici pas valable, parce que le niveau de similarité entre le test et les comportements faisant partie du répertoire de l’espèce, à laquelle appartient l’individu évalué, est très bas. produite par le test n’est ici pas valable, parce que la personne testée n’a pas la capacité de traiter le problème posé. • Même Kasparov jouait mal à deux ans. On mesure l’intelligence à un niveau de maturation de l’espèce suffisant. La mesure de l’intelligence produite par le test n’est ici pas valable parce qu’elle est faite au début du développement. Qu’est-ce qui mesure l’intelligence autistique? • Avec le même niveau d’intelligence, quelqu’un qui n’a jamais, qui a un peu ou beaucoup joué aux échecs n’obtiendra pas le même résultat à une partie d’échecs. La mesure de l’intelligence produite par le test n’est ici pas valable, parce que le niveau de familiarité de l’individu testé avec le matériel de la tâche est trop bas (absence d’expertise pour le matériel utilisé dans le test). • Les pics d’habiletés? • Un aveugle peut jouer aux échecs, s’il a un moyen a) de connaître la position des pièces et b) d’exprimer sa réponse; l’intelligence d’un sourd profond ne peut pas être mesurée par le biais du langage oral. La mesure de l’intelligence • Leurs déficits? Pour : Les pics d’habiletés représentent des informations que les autistes sont capables de traiter (comme la musique pour les aveugles, ou le langage gestuel pour les sourds). Contre : Les pics d’habiletés sont censés être liés à la perception, non à l’intelligence. Pour : Les pics d’habiletés reflètent leur niveau d’adaptation au monde non-autiste. Contre : Ils correspondent à l’information qui maximise l’inadaptation des autistes (comme lire l’alphabet romain pour les aveugles, ou le langage oral pour les sourds). • La moyenne des deux? C’est ce que nous pensions jusqu’à récemment, mais nous le mettons maintenant en doute. Ces incertitudes se traduisent par des variations extrêmes dans l’estimation de la proportion d’autistes ayant une déficience intellectuelle : • 70 % des autistes sont déficients, contre 8 % des TEDNS1 (Chakrabarti & Fombonne, 2001); • 50 % des autistes sont déficients (Honda, 1996); 1 TEDNS : Troubles envahissants du développement non spécifiés. j u i n 2 0 07 11 • 40 % des autistes sont déficients (Baird, 2000); • 25 % des autistes sont déficients (Kielinen, 2000). Quelques données Certains autistes mutiques, ou presque non verbaux, ont un résultat normal ou supérieur aux Matrices de Raven. Nous en avons dénombré jusqu’ici dans la population participant à la recherche au laboratoire (Dawson, Soulière, Gersnsbacher et Mottron, sous presse). sur l’intelligence autistique Que nous apprend la performance au Raven au sujet d’autistes presque mutiques? Le choix du test utilisé pour mesurer l’intelligence est important. Selon qu’on utilise le test de Wechlser (ce qui est utilisé habituellement), ou les Matrices de Raven, le résultat change considérablement. Les Matrices de Raven sont un test de résolution de problèmes, fondé sur le raisonnement abstrait et mesurant l’intelligence fluide (Carpenter, 1990). • Le Raven peut être résolu sans recourir au langage chez des autistes. • Il ne nécessite pas d’instructions orales. • Il ne nécessite pas la manipulation d’informations stockées en mémoire à long terme. • C’est le test d’intelligence le plus corrélé avec les autres tests : il est central, complexe et général (Marshalek, 1983). • Au contraire, il requiert la maîtrise du langage chez les non-autistes : le degré de déficit langagier est corrélé à la performance au Raven chez les nonautistes (Baldo, 2005). • Il suggère que l’intelligence puisse se développer avec un rapport différent vis-à-vis du langage à celui qui existe chez le non-autiste Les pics d’habiletés pourraient donc représenter une mesure de l’intelligence • Certains autistes non verbaux sont capables de réaliser des tests non verbaux à un haut niveau, malgré des performances planchers au reste des tests cognitifs et un Vineland très bas. Ils pourraient donc avoir une intelligence normale. • À l’échelle du groupe, les pics d’habiletés au Wechsler donnent un résultat identique à celui du Raven. • Les pics d’habiletés sont hautement corrélés à l’intelligence générale, quelle que soit la façon dont cette dernière est mesurée. • Les pics d’habiletés pourraient donc donner une mesure de l’intelligence effective des autistes. Certains autistes non verbaux sont capables de réaliser des tests non verbaux à un haut niveau, malgré des performances planchers au reste des tests cognitifs et un Vineland très bas. 12 j u i n 2 0 07 Importance de l’âge dans la mesure de l’intelligence autistique • La testabilité est à son meilleur vers 6 ans ou même plus tard. • Les données épidémiologiques sur l’intelligence dans l’autisme sont collectées vers l’âge de 4 à 5 ans, et non quand l’enfant est à son maximum de testabilité et de potentiel intellectuel. Cette pratique risque de sous-estimer considérablement le niveau d’intelligence, surtout si des questions orales sont utilisées. • De plus, on peut parler tard (être « intestable » jusqu’à un âge avancé) et avoir un Q.I. final élevé. Il n’y a donc pas de relation entre l’âge de début du langage et le Q.I. final atteint. • Il importe donc de tenir compte des transformations développementales vis-à-vis de la testabilité, comme du développement de l’intelligence, car l’autisme mutique de 4 ans ne représente pas l’aboutissement de l’intelligence autistique. Conclusion pratique • Faire le pari de l’intelligence pour un autiste de l’âge de 2 à 4 ans, c’est dissocier le niveau apparent d’intérêt pour les tâches de leur apprentissage implicite. Donc, il convient d’assurer une rencontre de l’autiste avec la culture, et spécialement avec le code écrit, même si cette présentation de la culture à l’enfant se fait dans un environnement socialement appauvri. • Nous proposons d’explorer la substitution au remodelage par renforcement des étapes développementales du nonautiste (pointage, imitation, communication orale) de type ABA, de l’accès non social à la culture (accès à des livres, aux ordinateurs), avant un accès à une culture socialisée (école). • Donc, offrir une exposition précoce à du matériel imprimé, des matériaux mécaniques, visuels et musicaux complexes, logiciels. Conclusion technique • L’intelligence autistique est sousestimée de 30 à 90 percentiles par les échelles de Wechsler. • L’intelligence autistique devrait être mesurée lorsque la personne est au faîte de son développement. • Bien que réalisant les tâches de façon atypique, l’intelligence autistique peut réussir certaines tâches « de haut niveau » avec succès. • L’épidémiologie de l’intelligence autistique n’est pas actuellement fiable. Conclusion philosophique Les autistes dont nous testons l’intelligence avec un Wechsler, sont comme : • Des chiens aveugles, • n’ayant jamais vu d’arbres, • à qui un savant fou demanderait, alors qu’ils sont encore petits, de grimper du premier coup à un arbre qu’ils ne voient pas, • et dont on décréterait, à la lumière de leur performance à cette épreuve, qu’ils ne sont généralement pas bons à toute autre chose pour toute leur vie… • …y compris une fois adulte, à faire leur vie de chien. On peut se demander comment 25 % arrivent quand même à grimper aux arbres. Ceux-là méritent vraiment leur appellation de haut niveau! Bien que réalisant les tâches de façon atypique, l’intelligence autistique peut réussir certaines tâches « de haut niveau » avec succès. j u i n 2 0 07 13 Dr Jacques Thivierge, pédopsychiatre Hôtel-Dieu du Sacré-Cœur, Québec La précision et l’injustice du diagnostic d’autisme À titre de pédopsychiatre, le docteur Jacques Thivierge réagit à la tendance générale actuelle selon laquelle il faudrait se comporter comme si le diagnostic « trouble envahissant du développement - autisme (TED-A) » était un diagnostic médical informatif et précis, impliquant des approches précises de traitement. Cette façon de voir a des conséquences malheureuses, notamment : • En entretenant une situation d’injustice à l’égard de plusieurs enfants ayant un trouble du développement (TD); • En occasionnant d’inutiles pertes de temps et d’énergie; • En maintenant des standards artificiels pour la publication et l’obtention de fonds de recherche. L’évaluation médicale Le résultat de l’évaluation médicale demeure non informatif pour la grande majorité des enfants ayant un TD. Toutefois, l’on sait que ces enfants ont besoin : • D’une bonne évaluation de leur développement (habiletés motrices, sociales, à communiquer, cognitives, effectuées par des professionnels nonmédecins; • D’interventions éducationnelles adaptées, réalisées par des professionnels nonmédecins. Comment se fait-il alors que le diagnostic médical revête une importance pratique si considérable chez ces enfants et quelles en sont les conséquences ? Les enfants rencontrés par les pédopsychiatres sont ceux touchés par un trouble du développement (TD), c’est-à-dire un TEDAutisme, un trouble mixte du langage 14 (TML) ou un retard mental (RM). En médecine, l’acte diagnostique vise à comprendre la nature d’un problème et à définir un traitement spécifique. Or, nous ne retrouvons aucun de ces avantages lorsque nous portons un diagnostic de TED-A, car les instruments modernes servant à poser le diagnostic ne sont pas précis dans le sens désiré en médecine, c’est-à-dire capables de nous aider à comprendre biologiquement et à traiter spécifiquement. La discussion porte donc sur deux points : • Les conséquences indésirables, en pratique clinique, de tenir la catégorie TED-A comme précise et impliquant des traitements spécifiques. • Les raisons pour lesquelles nous devrions considérer comme un mythe l’idée que le diagnostic de TED-A consiste en un diagnostic précis impliquant un traitement spécifique. Ces conséquences indésirables retombent sur les autres personnes ayant un TD, car le diagnostic de TED-A « achète » davantage de services, ouvre davantage de portes à l’aide publique, et privilégie l’accessibilité à des services rapides et supérieurs de stimulation précoce et intense, comparativement aux autres catégories de TD. Cet état de choses ne pose pas de problèmes s’il existe des raisons médicales valides le justifiant. Or, de fait, ce motif de raisons médicales valides n’existe pas pour les TED-A. Chaque enfant ayant un RM ou un TML peut bénéficier d’une approche comportementale intensive. Favoriser cette approche auprès des TED-A au détriment des autres TD, sous prétexte de précision diagnostique et de spécificité de traitement, constitue une injustice à laquelle les cliniciens doivent faire face quotidiennement. j u i n 2 0 07 Les raisons pour lesquelles nous devrions considérer comme un mythe l’idée que le diagnostic de TED-A est précis et vise un traitement déterminé sont les suivantes : 1 La catégorie est cliniquement variable Avec le temps, un grand nombre de cas pour lesquels un diagnostic antérieur de TED-A avait été posé se sont transformés, exigeant de ce fait une description diagnostique plus appropriée. En outre, il est fréquent de noter une divergence entre les diagnostics retenus par différents professionnels pour un même enfant. La signification des TED-A a considérablement évolué et continue à se modifier. Leur description est basée sur des référents comportementaux uniquement. En conséquence, elle est instable en soi et soumise à toutes sortes de pressions sociopolitiques. Ceci fait du diagnostic de TED-A une condition remuante et instable. 2 Les méthodes dites objectives et modernes de poser le diagnostic ne changent rien à cet état de choses On pourrait objecter que nous disposons de méthodes modernes, fiables et valides pour poser le diagnostic TED-A (par exemple, les instruments d’évaluation ADI1 et ADOS 2) mais ceci est faux. Ces méthodes n’ont rien modifié au facteur d’imprécision de base qu’est le référent comportemental (pris comme valeur standard) sous-tendant l’approche clinique du problème. Nous espérions qu’un travail portant sur la structure des référents comportementaux conduirait à établir des relations stables entre ces catégories diagnostiques et quelques facteurs biologiques, ou certaines approches précises de traitement, mais il n’en est rien encore. j u i n 2 0 07 Aucune relation explicite n’a jamais été découverte entre une quelconque définition opérationnelle de TED-A et des facteurs biologiques et des interventions de traitement. Nous agissons comme si les méthodes modernes étaient plus précises que l’approche clinique elle-même. L’approche clinique présente un avantage comparativement à l’approche diagnostique actuelle : elle considère activement les signes et les symptômes à l’intérieur de leurs différents contextes d’évolution. Les instruments modernes sont rapidement dépassés à cet égard, ainsi que les jugements cliniques trop exclusivement fondés sur ces instruments. 3 La catégorie TED-A possède un statut ambigu en recherche Dans le cadre de la pratique clinique actuelle, il existe une pression importante pour utiliser des critères diagnostiques issus de la recherche (par exemple, les instruments d’évaluation ADI, ADOS), afin d’en arriver à un diagnostic précis; des chercheurs mettent même sur pied des séances de formation pour les cliniciens. D’autre part, on constate que des chercheurs se satisfont de critères diagnostiques très larges et mal définis dans leurs études à grande échelle. Ceci confirme que la précision du diagnostic d’autisme est un mythe. 4 Le diagnostic de TED-A est associé à une multitude de neuropathologies Les TED-A sont associés à un nombre impressionnant de conditions neuropathologiques différentes, avec un taux de prévalence souvent supérieur à celui trouvé dans la population générale. Cette réalité parle en faveur d’une hétérogénéité biologique de la condition, chose qui en médecine s’apparente davantage à un syndrome. Dans le cas des TED-A, nous parlons davantage de l’imprécision d’un syndrome que de la précision d’une maladie. 5 Le diagnostic de TED-A n’est pas assez exclusif Un diagnostic est informatif pour autant qu’il exclut. Dans le champ des TED-A, nous assistons au phénomène contraire, notamment une inclusion toujours plus considérable d’individus à partir du groupe de départ, et ceci, en dehors d’une condition d’épidémie. Il devient illogique de parler d’une plus grande précision dans ce contexte. Nous interprétons personnellement ce phénomène comme traduisant le caractère de moins en moins informatif de ce que nous appelons TED-A dans notre société. Médicalement, TED-A est une catégorie peu informative et de contenu pauvre. 1 ADI : Autism Diagnostic Interview; il s’agit d’un guide d’entretien. 2 ADOS : Autism Diagnostic Schedule; il s’agit d’une grille d’observation. 15 Dr Yves Tremblay, pédiatre Clinique régionale d’évaluation des troubles complexes du développement, Montérégie, Québec. Processus d’évaluation diagnostique L a Clinique régionale d’évaluation des troubles complexes du développement regroupe une équipe multidisciplinaire comprenant : des orthophonistes, neuropsychologues, ergothérapeutes, psychoéducatrices, travailleuse sociale et pédiatres. L’évaluation diagnostique, réalisée par cette équipe, doit viser à : identifier la nature des problèmes et les compétences, à identifier les possibilités et les priorités d’intervention et enfin, à préciser les besoins de l’enfant et de sa famille. Un diagnostic différentiel doit être fait, afin de préciser la nature objective du trouble. Une mise en garde est formulée, car divers troubles neurodéveloppementaux sont fréquemment associés aux TED et sont tels qu’on peut les retrouver spécifiquement et isolément chez d’autres enfants (Trouble du langage, Trouble déficitaire de l’attention et hyper-activité (TDAH), Trouble praxique, etc.). Il faut éviter de nombreux pièges afin de comprendre adéquatement les enfants et préciser le diagnostic de TED. En voici quelques-uns : • Se pencher trop rapidement sur le jeu : chez les enfants ayant un trouble langagier, le jeu n’est pas significativement de qualité différente que chez les enfants normaux. Les difficultés d’imitation chez les jeunes enfants TED ne sont pas expliquées par des difficultés de planification et d’organisation motrice que certains de ces enfants présentent; • Poser divers diagnostics pour englober l’ensemble des manifestations (Trouble du langage, TDAH , Dyspraxie, etc.); • Exclure le TED en raison de l’évolution favorable de certaines manifestations (changements développementaux); • Exclure le TED en raison de la présence de forces dans un ou plusieurs domaines du TED; • Méconnaître la séquence d’acquisition du langage chez l’enfant autiste (étude de Prizant, 1983), alors que cela s’avère un préalable important; • Chercher des explications à chaque comportement ou manifestation de façon isolée; • Exclure, minimiser ou ne pas tenir compte de manifestations actuelles ou antérieures (histoire développementale). • Attribuer d’emblée certaines difficultés de communication sociale, d’interac- Divers troubles neurodéveloppementaux sont fréquemment associés aux TED et sont tels qu’on peut les retrouver spécifiquement et isolément chez d’autres enfants. 16 tion et de socialisation, de variété et de créativité dans les jeux d’imitation à un trouble de l’attention, de la compréhension ou de l’expression, ou à une dyspraxie globale, etc.; À propos de la communication et du langage chez les enfants autistes n’ayant pas de déficience intellectuelle, on observera parfois, entre l’âge de 3 et 5 ans, un franchissement accéléré des étapes décrites par Prizant, jusqu’à une certaine stabilisation qui correspond au Q.I. Ces transformations peuvent se dérouler sur une période aussi courte que six mois. j u i n 2 0 07 À ce sujet, le docteur Tremblay rapporte un constat de Mottron et Fecteau (2001) : « On peut assister à une restitution totale de la fonction langagière. Cette amélioration ne concerne toutefois pas la fonction pragmatique du langage, qui concerne ce que l’on fait par le moyen du langage et qui constitue une composante atteinte de façon résiduelle dans l’autisme. » Le docteur Tremblay affirme ensuite l’importance de mettre en balance les habiletés, les difficultés et les particularités. En dernière analyse, tout diagnostic se précise en documentant, en observant et en objectivant l’ensemble des manifestations, des caractéristiques et des signes cliniques. L’ensemble des observations retenues comme pertinentes permet d’émettre les hypothèses les plus probables et de les documenter davantage si nécessaire. Les sphères précises à évaluer pour poser le diagnostic sont d’abord celles associées au TED, c’est-à-dire : la communication et le langage, la socialisation, l’interaction et la réciprocité, les comportements stéréotypés, et enfin, les jeux et les champs d’intérêt. De plus, le développement cognitif, le développement langagier, les habitudes de vie et le développement sensorimoteur complètent l’évaluation. En conclusion, la précision du diagnostic se base sur l’histoire développementale et comportementale antérieure, le fonctionnement quotidien dans différents contextes, les observations antérieures de professionnels, les questionnaires, les observations cliniques, les tests standardisés et l’évaluation multidisciplinaire. Pour ce faire, des principes de rigueur, d’exhaustivité, d’interdisciplinarité et « d’économie diagnostique » doivent être respectés. En fin d’étape, la nature du trouble, les atteintes spécifiques, les forces, les émergences et les leviers d’interventions sont formulés. La présentation aux parents doit tenir compte des liens entre le diagnostic, les atteintes et les observations par opposition aux difficultés, les particularités et le fonctionnement. Des recommandations sont ensuite énoncées précisant les priorités, les pistes d’intervention et le fonctionnement. Des évaluations complémentaires peuvent être aussi nécessaires. Enfin, un rapport intègre tous ces éléments. La présentation aux parents doit tenir compte des liens entre le diagnostic, les atteintes et les observations par opposition aux difficultés, les particularités et le fonctionnement. j u i n 2 0 07 17 Yves Michelon Porte-parole du docteur Amaria Baghdadli du Centre de ressources en autisme du Languedoc-Roussillon, France. Dépistage et diagnostic de l’autisme L a présentation de M. Yves Michelon porte sur la synthèse des travaux réalisés et animés par la Fédération Française de Psychiatrie (professeur Charles Aussilloux, Montpellier) sur le dépistage et le diagnostic de l’autisme. Ce travail s’est fait en partenariat avec la Haute Autorité de Santé 1 . Le docteur Amaria Baghdadli a coordonné le travail des différents groupes d’études sur ces sujets. La présentation est subdivisée en deux parties, soit des Recommandations pour les professionnels de première ligne et des Recommandations pour les équipes spécialisées en autisme. Pour les professionnels de première ligne La définition retenue de l’autisme est celle de la Classification internationale des maladies, 10e édition, (CIM-10). L’autisme est un trouble du développement caractérisé par des perturbations dans les domaines des interactions sociales réciproques, de la communication, et par des comportements, champs d’intérêt et activités au caractère restreint et répétitif. Données générales Le diagnostic est clinique et peut être établi à partir de l’âge de deux ans. Il repose sur un faisceau d’arguments cliniques recueillis dans des situations variées, lié à une évaluation des troubles et des capacités, ainsi qu’à la recherche de maladies associées. Réalisé par des professionnels, il s’établit en collaboration avec la famille. Un professionnel qui n’est pas en mesure d’assurer la procédure diagnostique doit référer l’enfant à une équipe spécialisée. On conseille d’être attentif aux enfants ayant des difficultés importantes dans les interactions sociales. 18 Recommandations • Que le développement de la communication sociale fasse l’objet d’une surveillance systématique au cours des trois premières années, dans le cadre des examens de santé, au même titre que les autres aspects du développement. • À l’âge scolaire (autisme à expression plus tardive), on conseille d’être attentif aux enfants ayant des difficultés importantes dans les interactions sociales et des particularités dans les apprentissages, sans retard mental important. Recherche de signes d’alerte • Le praticien doit rechercher ces signes sur la base de l’entrevue des parents et d’un examen de l’enfant en l’observant durant une période de temps suffisamment longue dans une situation d’interaction avec son environnement. En cas de doute, l’enfant doit être revu rapidement et régulièrement. Si les doutes persistent, l’enfant doit être orienté vers un pédopsychiatre ou un neuropédiatre. • Les inquiétudes des parents évoquant une difficulté développementale. • Chez l’enfant de moins de trois ans : passivité, faible niveau de réactivité/d’anticipation aux stimuli sociaux, difficulté dans l’accrochage visuel, dans l’attention conjointe et l’imitation, retard ou perturbations dans le développement du langage, absence de pointage et de comportement de désignation d’objets à autrui, absence d’initiation de jeux simples ou non-participation à des jeux sociaux imitatifs, absence de jeu de faire semblant, sujets de prédilection inhabituels et activités répétitives avec les objets. j u i n 2 0 07 • Quel que soit l’âge, régression dans le développement du langage ou des relations sociales. Pour les équipes • Antécédents d’autisme dans la fratrie, en raison du risque élevé de récurrence. La définition de l’autisme selon la CIM-10 est retenue. La présence de tels signes est très importante chez l’enfant de moins de trois ans et doit conduire à demander rapidement l’aide de spécialistes (voir l’adaptation de Baird et coll., 2003)2. Diagnostic formel • L’enfant doit être orienté pour confirmation diagnostique vers une équipe pluridisciplinaire de professionnels entraînée à l’examen du développement de l’enfant et apte à proposer aux parents les soins, l’éducation, l’approche pédagogique et l’accompagnement requis pour leur enfant. Cette équipe doit être en relation avec les professionnels susceptibles d’assurer les consultations génétiques et neurologiques. Recommandations • Ne pas annoncer un diagnostic avant l’obtention des résultats de l’évaluation pluridisciplinaire. Lorsque l’enfant a moins de deux ans, éviter le terme autisme et parler plutôt de la notion de trouble du développement dont la nature reste à préciser. spécialisées en autisme Données générales • Les mêmes données générales concernant les professionnels de première ligne et la même approche portant sur le diagnostic s’appliquent également aux équipes spécialisées. • Il est souhaitable que le diagnostic se fasse à proximité du domicile familial pour en faciliter l’accessibilité et pour favoriser les liens avec les professionnels. Recommandations • Que les Centres de ressources en autisme (CRA) facilitent l’établissement de diagnostics par des équipes de proximité en favorisant leur formation. • Que le diagnostic soit rapidement articulé autour des actions de prise en charge. Des contacts doivent s’établir entre les équipes qui effectuent le diagnostic et les professionnels qui participent à la prise en charge. Outils d’évaluation • Le « Childhood Autism Rating Scale (CARS) 3 est une échelle diagnostique simple qui permet d’apprécier le degré de sévérité autistique. Recommandations • Recueillir auprès des parents la description du développement de leur enfant depuis le jeune âge, afin de rechercher et également d’identifier des signes caractéristiques de l’autisme. « L’autism diagnostic interview » (ADI)4 peut être utilisé. Une observation standardisée du comportement sociocommunicatif peut être réalisée avec Recueillir auprès des parents la description du développement de leur enfant depuis le jeune âge. j u i n 2 0 07 «l’Autism Diagnostic Schedule » (ADOS) 5. Observation • Évaluer différents secteurs du développement au moyen d’examens réalisés de façon systématique. Il faut alors les appliquer en adaptant les procédures ou les tests qui ne sont pas spécifiques à l’autisme, ce qui nécessite une observation clinique d’une durée suffisante et répétée pour évaluer les capacités et les difficultés. De plus, un examen avec l’Échelle de Vineland permet de déterminer le profil intellectuel et socio-adaptatif, tandis que le Profil psycho-éducatif révisé (PEP-R) évalue le profil développemental. • Évaluer les aspects formels, pragmatiques, écrits, et gestuels. L’Échelle d’Evaluation de la Communication Sociale Précoce (EECSP) et la Grille de Whetherby 6 sont recommandées pour décrire le profil de communication chez les enfants avec peu ou pas de langage. • Vérifier la motricité, les praxies et l’intégration sensorielle par un examen du développement psychomoteur et sensorimoteur. Procédure diagnostique • Le temps d’attente pour obtenir une évaluation ne devrait pas dépasser trois mois. Recommandations • Donner priorité aux enfants pour lesquels aucun diagnostic n’est encore établi. • Une évaluation régulière, tous les 12 à 18 mois, est à envisager pour les enfants jusqu’à l’âge de 6 ans. Le rythme des évaluations ultérieures est fonction de l’évolution. • Il n’y a pas de procédure diagnostique standard : elle peut se dérouler sur plusieurs demi-journées continues ou être étalée dans le temps sur une ou deux semaines. • Les équipes pluridisciplinaires interpellées directement par les familles demandant un diagnostic, mais qui ne peuvent assumer une prise en charge, 19 doivent s’assurer qu’une équipe de proximité est en mesure de réaliser cette prise en charge. • Que le médecin responsable et coordonnateur de la procédure diagnostique annonce le diagnostic aux deux parents lors d’un entretien et prenne le temps nécessaire pour bien les informer. Cette information doit être donnée en s’assurant des conditions d’accueil des familles (confort des locaux, proximité du domicile des parents, ne pas être dérangés, laisser les parents poser des questions, connaissance de l’enfant par le praticien annonçant le diagnostic). Un délai ne dépassant pas trois mois doit être respecté entre la demande d’évaluation des parents, la réalisation de cette évaluation et le premier rendez-vous. L’information doit être exhaustive, précise et faire référence à la définition de la CIM-10. S’il est difficile d’établir un diagnostic précis, il importe de l’expliquer aux parents, de donner un cadre diagnostique (TED non spécifié ou trouble du développement) et de proposer une évaluation ultérieure. • Remettre aux parents un rapport synthèse écrit décrivant les principaux résultats des évaluations ayant conduit au diagnostic. Recherche des anomalies, des troubles ou des maladies associés à l’autisme La présence d’anomalies associées à l’autisme, de troubles ou de maladies est fréquente et leur découverte ne remet pas en question le diagnostic de l’autisme. L’entrevue avec les parents et l’examen physique de l’enfant permettent de recueillir certaines informations importantes sur : • les antécédents familiaux : autisme/TED, retard mental, anomalies congénitales, fausses couches à répétition ou décès périnataux; • les antécédents personnels de l’enfant : problèmes prénataux et périnataux, problèmes médicaux ou chirurgicaux, etc.; • des signes cutanés d’une phacomatose, anomalies morphologiques mineures, etc. Investigations complémentaires • Réaliser systématiquement un examen de la vision et de l’audition et demander une consultation neuropédiatrique et génétique. • Informer les parents de la nécessité de ces investigations. • Répéter les investigations à un rythme qui tient compte de l’évolution des connaissances et de celle de l’enfant. • Que ces investigations fassent l’objet d’une collaboration avec les équipes responsables du diagnostic et de la prise en charge, et qu’un compterendu de leurs résultats soit fait aux parents. 1 Haute Autorité de Santé : Il s’agit d’un organisme public indépendant d’expertise scientifique; son rôle est consultatif. 2 Voir le site : www.has-santé.fr Recommandations pour les pratiques professionnelles du diagnostic de l’autisme. 3 Le CARS est l’instrument standardisé le plus utilisé dans le cadre du processus d’évaluation lié au diagnostic de l’autisme. Il peut être utilisé avec des enfants âgés de deux ans et plus. 4 L’ADI est un guide d’entretien avec les parents. 5 L’ADOS permet une observation ciblée du comportement sociocommunicatif et sert à vérifier la présence de perturbations . 6 Voir le site : www.has-santé.fr Réaliser systématiquement un examen de la vision et de l’audition. 20 Recommandations pour les pratiques professionnelles du diagnostic de l’autisme. j u i n 2 0 07 Dr Rutger Jan Van der Gaag Professeur de neuropsychiatrie développementale Radboud CHU-Université Nymègues aux Pays-Bas Karakter, Centre universitaire de psychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence Signaler – Dépister – Détecter L ‘autisme et les troubles envahissants du développement se manifestent, selon les règles de systèmes de classification, avant l’âge de trente mois. Mais, dans la pratique clinique, le diagnostic ne se fait souvent que plus tard, voire vers l’âge de cinq ou six ans. À ce moment-là, un temps précieux aura été perdu. Quelles sont les raisons de ce retard par rapport à l’évaluation clinique fiable de ces troubles envahissants du développement pourtant si graves ? Plusieurs facteurs sont en cause. D’abord au niveau des familles : souvent, les parents sont rassurés à tort par leurs proches qui ne veulent pas percevoir et envisager un handicap chez leurs petits enfants ou cousins. Ce phénomène se répète chez des médecins généralistes qui souvent ne connaissent pas l’autisme en raison de sa prévalence relativement basse et des idées préconçues qui ne s’appliquent qu’aux cas exceptionnels, mais aussi, chez des professionnels, pourtant impliqués dans les services liés aux troubles envahissants du développement. Avant l’âge de deux ans, beaucoup de signes caractéristiques de l’autisme qui apparaissent plus tard relèvent encore de la normalité : écholalie, mouvements répétitifs, etc. j u i n 2 0 07 Pourquoi le diagnostic est-il posé si tard même par ces professionnels ? En premier lieu, parce qu’en bas âge, il est en effet difficile de discerner retard mental, trouble spécifique du développement du langage et autisme. En partie, parce que les différences sont minimes, mais aussi parce que les professionnels avec une expérience de l’autisme chez les enfants, adolescents, voire les adultes, se concentrent encore trop souvent sur les symptômes bien connus de l’autisme au niveau de la communication verbale et non verbale et des stéréotypies motrices. Or, avant l’âge de deux ans, beaucoup de signes caractéristiques de l’autisme qui apparaissent plus tard relèvent encore de la normalité : écholalie, mouvements répétitifs, etc. Alors, comment dépister et détecter l’autisme avant l’âge de deux ans? Il faut s’en remettre à une métaphore : qui cherche le petit papillon est une chenille, donc un animal très différent. Donc, quelles sont les caractéristiques de la « chenille » de l’autisme? Elles se trouvent dans les manifestations précoces de troubles au niveau de la coordination et de la reconnaissance sociale : ne pas répondre à son nom, éviter le regard, mais surtout ne pas développer l’attention conjointe, suivre le pointer de l’autre et le reprendre à bon compte après pour apprendre à maîtriser le langage. Si les professionnels qui examinent les enfants très jeunes deviennent attentifs à ces signes précoces, ils seront en mesure de signaler plus tôt et d’aiguiller de façon pertinente ces bébés ou ces très jeunes enfants vers les services spécialisés. Ce phénomène s’est produit dans notre pays. Un premier projet SOSO dans la province d’Utrecht s’était donné pour tâche de détecter avec le questionnaire CHAT1 les cas d’autisme dès l’âge de quatorze mois. Dans deux tiers des cas, il s’agissait de faux positifs dans le sens que la suspicion d’autisme ne pouvait être 21 confirmée. Mais les professionnels de base spécialisés par l’étude des signes précoces sont devenus bien meilleurs dans leur tâche de signaler. Dans l’étude actuelle DIANE dans les provinces de Gueldre et d’Overijssel, un grand effort a été fait pour éduquer et sensibiliser les pédiatres de base. Le résultat est qu’un enfant sur 1 500 par année est pertinemment signalé, permettant la mise en place d’une prise en charge pour l’enfant (intervention précoce axée sur la stimulation de prémisses de la communication et le développement du langage) et, pour les familles, des services en centre de jour, de l’aide à domicile et des examens complémentaires par rapport au diagnostic généticopédiatrique. Des équipes spécialisées utilisent des instruments validés à cet effet. Aux Pays-Bas, en dehors de la pédopsychiatrie comportementaliste et les services d’enseignement, il y a plusieurs services complémentaires qui, dans le cadre de la Convention nationale pour l’autisme, coopèrent pour le bien-être des individus et de leurs familles (services pour les personnes ayant un retard mental, services d’orthophonie et de physiothérapie, « homes » pour week-end et temps libre, …) Si c’est un bon début, beaucoup demeure encore à développer parce qu’à tous les âges, l’autisme se présente sous tant d’aspects différents qu’il constitue un défi permanent pour les parents et les professionnels. 1 CHAT : Check list for autism in toddlers L’autisme se présente sous tant d’aspects différents qu’il constitue un défi permanent pour les parents et les professionnels. 22 j u i n 2 0 07 Dr Jacques Roussy, pédiatre Clinique du développement de la Clinique ambulatoire de la région de Laval (CARL), Québec Dépistage et diagnostic L a présentation du Dr Jacques Roussy est subdivisée en deux parties, soit le fonctionnement de la Clinique de développement du CARL et le protocole d’évaluation conçu expressément pour des enfants présentant des particularités au plan de la communication, des interactions sociales et des comportements permettant de cibler la clientèle à risque de présenter un TED. Le fonctionnement de la Clinique Pour les familles de Laval, les services offerts sont : l’évaluation, le diagnostic après la réalisation d’un bilan et l’orientation vers d’autres professionnels de la santé. Les clientèles ciblées sont les familles ayant un enfant d’âge préscolaire présentant des difficultés dans au moins deux sphères de son développement. Motifs de consultation L’enfant âgé de 0 à 5 ans présente des difficultés dans au moins deux sphères de son développement : communication, langage; perception; motricité fine; motricité globale; attention; concentration; traitement des informations sensorielles; fonctionnement dans les activités quotidiennes; socialisation; adaptation en milieu préscolaire ou en garderie; comportement; émotions. Composition de l’équipe interdisciplinaire • Orthophoniste : communication et langage, compréhension, expression, mobilité des muscles de la parole; • Ergothérapeute : motricité globale et fine, sphère du développement visuoperceptivo-moteur, traitement des informations sensorielles, fonctionnement dans les activités quotidiennes; • Psychologue : niveau de développement et fonctionnement intellectuel, profil cognitif : forces et difficultés, fonctions de l’attention et exécutives, évaluation psychoaffective et du comportement; • Pédiatre : évaluation initiale et annonce du diagnostic, évaluation médicale, références à des examens ou à des évaluations médicales; • Travailleur social : évaluation initiale et annonce du diagnostic, accompagnement des parents, orientation vers les ressources. Processus d’évaluation pour tous les enfants • Semaine 1 : évaluation initiale; • Semaines 2, 3, 4 : évaluations complémentaires; • Semaine 5 : discussion interdisciplinaire et rencontre bilan. Exemples de diagnostics Retard de langage, Dysphasie, Trouble envahissant du développement-Autisme (TED-A), Trouble déficitaire de l’attention et hyper-activité (TDAH), Trouble anxiodépressif, Trouble de l’attachement, Trouble de modulation sensorielle, Trouble moteur, Retard global de développement, Syndrome Gilles de la Tourette, Trouble oppositionnel/conduite. Statistiques cumulées au CARL • Au cours de la période s’étendant de 2002 au 1er avril 2006, 467 enfants ont été évalués. De ce nombre, 91 ont reçu le diagnostic de TED, soit 19 %. L’enfant âgé de 0 à 5 ans présente des difficultés dans au moins deux sphères de son développement. j u i n 2 0 07 23 Selon le niveau de langage expressif • Durant les trois premiers mois de l’année 2006, sur 38 enfants, 13 ont reçu le diagnostic de TED, soit 34 %, alors qu’au cours des années précédentes, les pourcentages variaient ainsi, soit en 2002 : 14 %; 2003 : 18 %; 2004 : 24 % et 2005 : 16 %. Choix entre 3 modules : Le protocole Module 2 Phrases spontanées de 3 mots (constitué de 14 activités). d’évaluation des TED Lors de la première étape du processus d’évaluation, on vise à : évaluer globalement le développement de l’enfant et les besoins de la famille; établir une impression du niveau de fonctionnement intellectuel et langagier; dépister des particularités aux plans de la communication, des interactions sociales et des comportements permettant de préciser le risque d’avoir un TED. Module 1 Non verbal ou mots isolés (niveau pré-verbal). Module 3 Discours fluide et niveau de langage expressif d’au moins 4 ans (constitué de 14 activités. Deux scénarios Le choix du scénario se fait selon l’impression du niveau de fonctionnement constaté lors de l’évaluation initiale. Ainsi, le scénario 1 est basé sur une impression de bas niveau et le scénario 2 est basé sur une impression de haut niveau de fonctionnement. Instruments d’évaluation Autism Diagnostic Observation Schedule (ADOS); Interview pour le diagnostic de l’autisme-Révisé (ADI-R); Childhood Autism Rating Scale-traduite (CARS-t). Description de l’ADOS Conçu pour guider dans l’établissement d’un diagnostic TED ou d’autisme, il comporte une série d’activités structurées et semi-structurées favorisant l’interaction et une grille de cotation permettant l’évaluation de la fréquence et de la qualité des comportements cibles (communication, interactions sociales et jeu). 24 j u i n 2 0 07 Point de vue de parent Françoise Gilbert, parent substitut Directrice intérimaire des services et programmes de réadaptation Hôpital juif de réadaptation, Laval, Québec Diagnostic, verdict, dilemme...? J e ne suis pas psychiatre, pas pédiatre, pas neuropsychologue, même pas psychologue, pas chercheuse… enfin, pas selon la conception classique du terme, car, pour chercher j’ai cherché, et je cherche encore, sans jamais trouver. Mais, me suis-je dit pour remonter mon ego chancelant, j’ai peut-être quelque chose de plus que tous les grands de ce monde merveilleux de l’autisme, et ce quelque chose, c’est la diversité des angles sous lesquels j’ai dû l’explorer : l’angle de la clinicienne, l’angle de la planificatrice des services régionaux à Montréal et à Laval, et l’angle de la mère substitut, puisque j’ai eu à jouer ce rôle auprès du fils de mon conjoint. C’est donc avec ces différents titres que je m’insère parmi mes éminents confrères et consœurs et que je veux partager avec vous, en toute humilité, un peu de vécu et beaucoup plus de questions que de réponses. Mes premiers contacts avec l’autisme ont été marqués au sceau de la bagarre et je crois que c’est sous cette même bannière que j’ai poursuivi mon long parcours. C’était à la toute fin des années soixante. Je faisais un stage, dans le cadre d’un baccalauréat en orthopédagogie/psychomotricité. Ce stage avait lieu dans une école spécialisée de la Rive-Sud. Il y avait une classe de « cas lourds », six élèves pour deux titulaires, c’est tout dire. Dans ce groupe, très J’avais planifié une série de petites activités avec Christine. Ça allait assez bien, je réussissais à la mobiliser sur certaines choses, mais elle criait beaucoup, ce qui perturbait le groupe. j u i n 2 0 07 hétérogène, il y avait une petite fille autiste : Christine. Christine arrivait le matin, s’asseyait dans une petite chaise berçante, réclamait dans son jargon son « bébé noir », une poupée noire, et se berçait. À midi, on arrêtait la chaise berçante, le temps d’un lunch expédié en vitesse. Après le lunch, on relançait la chaise avec Christine et la poupée noire, et c’était reparti pour le reste de la journée scolaire. Avec l’enthousiasme, la confiance et la foi qui caractérisent les débuts de carrière et que plusieurs, malheureusement, perdent en chemin, j’avais décidé que ce n’était pas vrai qu’il n’y avait rien à faire et j’avais planifié une série de petites activités avec Christine. Ça allait assez bien, je réussissais à la mobiliser sur certaines choses, mais elle criait beaucoup, ce qui perturbait le groupe. Et, un beau matin, les titulaires l’ont enlevée manu militari d’un jeu de cerceau pour lui faire réintégrer l’asile de sa chaise berçante, sous la garde de sa poupée noire. Comme on dit en bon québécois, la rage m’a « pognée » et j’ai demandé sans ménagement aux adjudants de la classe si l’enfant pouvait faire autre chose que bercer son maudit bébé noir. Ça n’a pas traîné, j’ai été virée de la classe, j’ai eu droit à un rapport accablant et j’ai coulé mon stage. Mais le plus aberrant, c’est que, la session suivante, nous devions faire un travail d’analyse de cas avec nos interventions : j’ai choisi Christine et j’ai obtenu 98 % avec un BRAVO des professeurs souligné de deux traits ! Comble de l’absurde, on n’a pas éliminé mon échec au stage. J’ai gardé de cet événement deux choses dont je ne me suis jamais départie : la première, un fond de révolte face à la passivité et à l’acceptation de l’impuissance; la deuxième, mon travail d’université, le seul que j’aie conservé, pour me rappeler que les systèmes les mieux montés, les plus savants, les plus « universitaires », portent en eux de grandes incohérences. 25 Puis, j’ai commencé ma carrière, au début des années 70, à la clinique de psychiatrie infantile de la Rive-Sud, comme psychopédagogue. J’ai eu la chance de faire partie d’une des premières équipes en pédopsychiatrie, qui fonctionnait vraiment de façon multidisciplinaire. Tous les cas étaient étudiés en équipe et les impressions cliniques étaient intégrées par le psychiatre qui émettait alors le diagnostic. On retrouvait, à cette époque, les enfants autistes sévères classés en psychiatrie. Les autistes moins caractéristiques et les TED se retrouvaient soit en psychiatrie, d’autres en déficience intellectuelle ou plusieurs, nulle part, c’est-à-dire éparpillés sous différentes étiquettes de mésadaptation socio-affective. D’ailleurs, la catégorie TED était totalement inconnue à ce moment ou, pour le moins, inutilisée. Les discussions autour des cas d’autisme étaient rapides. Le diagnostic tombait comme un verdict et l’intervention se limitait à un suivi psychosocial auprès de la famille, ce qui était déjà quelque chose. En faisant appel au vieux fond de révolte dont je vous ai parlé tantôt, j’ai obtenu de suivre ces enfants en psychomotricité. Mais j’étais dans la noirceur la plus totale. Le diagnostic ne me servait absolument à rien, les écrits sur le sujet, très médicaux, dépassaient bien souvent mes capacités de compréhension du sujet et n’étaient d’aucune aide pour l’intervention directe. C’est alors que j’ai introduit le troisième élément dont je ne me suis jamais départie : l’observation. Observer, noter, ajuster l’intervention, et recommencer, encore et encore. Dans cette petite clinique de la Rive-Sud, nous avons posé les premiers jalons d’une organisation régionale de services aux personnes autistes et à leurs familles. Embryonnaire, bien sûr, mais qui avait au moins le mérite de briser le modèle de l’impuissance. Mais je sais qu’il a fallu attendre longtemps, très longtemps, en réalité plus de vingt ans pour que le ministère se penche sur l’analyse des besoins de cette clientèle et sur l’organisation des services nécessaires pour y répondre. En 1992, j’étais à la Régie régionale de Montréal où je travaillais à l’élaboration des plans régionaux d’organisation des services, les fameux PROS, en déficience intellectuelle et en déficience physique. Il n’y avait pas à la Régie, de secteur dédié à l’autisme et aux TED. J’ai pris sur moi de participer à la première table intersectorielle sur l’autisme, pilotée par la Société de l’autisme de Montréal. L’intersectoriel était, il faut le dire, très élémentaire. Il y avait des mères d’enfants autistes, beaucoup de mères, mais pas de pères. Des mères douloureuses, surtout à une époque où il était encore admis que la mère pourrait être la clé du mystère de l’autisme. Cette table était un chemin de croix toujours recommencé. Quelques stations d’histoires d’horreur, des stations en chaîne de crises de sanglots avec, pour finir, la crucifixion du système et de son inertie. Je sortais de là dans un état lamentable. Pourtant, on avait déjà raffiné les outils diagnostics, on pouvait différencier l’autisme et différentes formes de TED. Mais pour la suite, rien, + rien, + rien. Et rien non plus du côté scolaire où il existait encore quelques institutions du genre de mon école de stage, mais avec des noms plus poétiques… Et bien, le petit fond de révolte a commencé à enfler et s’est joint à d’autres fonds de révolte qui avaient commencé à couver un peu partout au Québec, et ça a fini par faire une « balloune » assez grosse pour être aperçue du ministère. Et cela a abouti au premier document d’orientation ministériel en autisme : le « Guide de C’est alors que j’ai introduit le troisième élément dont je ne me suis jamais départie : l’observation. Observer, noter, ajuster l’intervention, et recommencer, encore et encore. 26 planification et d’évaluation -L’organisation des services aux personnes autistes, à leurs familles et à leurs proches » (1996) . Vous remarquerez qu’il n’y a pas encore l’expression TED dans le titre, quoique le contenu concerne toutes les personnes touchées par un TED. Ce document, bien fait et complet, a insufflé une énergie toute neuve dans un domaine longtemps laissé à l’abandon ou à la charge d’initiatives isolées. La région de Laval, poussée, pour ne pas dire bousculée par la Société de l’autisme et des TED de Laval, et son ineffable président Germain Lafrenière, a été l’une des premières régions du Québec à se doter d’un continuum de services pour les personnes autistes et TED, ainsi que d’une clinique du développement pour l’évaluation diagnostique en équipe multidisciplinaire. Vous savez, rien n’est plus gratifiant pour un agent de planification que de terminer l’articulation d’un continuum de services, ou encore mieux, d’un réseau de services intégrés. On attache tous les morceaux, on dessine les corridors de services et de référence, on identifie les intervenants pivots, on prévoit les plans de transition garderie-école, école-travail, et tout et tout. On est très fier. C’est à ce moment là qu’il faut ressortir son vieux travail d’université pour se rappeler que les meilleurs systèmes portent en eux de grandes incohérences. À Laval, vers l’an 2000, la clinique du développement était en pleine crise. Le délai d’attente pour une évaluation atteignait 2 ans. Par bonheur, les parents étaient très bien organisés, il y a eu des lettres bouleversantes, avec photos, envoyées à la Régie, aux députés et aux ministres, et autres démarches. Le ministère de la Santé et des Services sociaux, prenant de plus en plus conscience de la problématique des TED a décidé d’élaborer un Plan d’action afin de mettre en œuvre des orientations. Mais ce qui m’a le plus amenée à réfléchir à l’époque, c’était le questionnement sur la place du diagnostic. Unanimement, les intervenants avaient statué que le dia- j u i n 2 0 07 gnostic ne doit pas être le point de départ de l’intervention. Et qu’il ne doit pas être non plus précipité, ou retenu, pour permettre à l’enfant d’obtenir les meilleurs services, que ce soit dans le domaine de la santé et des services sociaux ou ailleurs. Dans le milieu scolaire, par exemple, les services sont tributaires d’une cote, et la cote est obtenue par le diagnostic. Pour les intervenants de l’évaluation, le cas de conscience est grave : pas de diagnostic, pas de services, un diagnostic hâtif et peut-être pas les bons services… Une incohérence de taille : le diagnostic risquait-il de devenir dépendant des services disponibles, plutôt que d’en dessiner l’ossature? Car, outre l’orientation en milieu scolaire, il fallait effectuer une référence vers les services spécialisés de réadaptation. Mais lesquels? TED, en déficience intellectuelle, avec une vingtaine d’heures d’intervention individuelle par semaine? Ou dysphasie, en déficience physique, avec quelques heures d’intervention, souvent en groupe? Lorsqu’en 2003, le Plan d’action ministériel pour les personnes autistes et TED « Un geste porteur d’avenir », a été publié, nous l’avons pris au sens propre à Laval. Car, ce qui était intéressant dans ce plan, c’est qu’on reconnaissait l’intérêt, et même le devoir, d’intervenir avant le diagnostic. Nous avons donc effectué un maillage entre le CRDI Normand-Laramée qui offre les services spécialisés aux enfants TED et l’Hôpital juif de réadaptation, qui gère le programme destiné aux enfants dysphasiques, pour monter, avec la collaboration de la clinique du développement du Centre ambulatoire régional de Laval, le programme régional d’intervention concertée en petite enfance. Ce programme permet d’offrir aux enfants en attente de diagnostic, et à leurs familles, des services de stimulation globale et ciblée, ainsi que des services éducatifs à domicile et des allocations de soutien versées à la famille. Cela permet de ne pas manquer le momentum pour les enfants et de donner aux parents le soutien et l’écoute qui sont tellement indispensables durant cette période. Il y avait un consensus. Le projet est tombé à l’eau faute de budget,, mais j’en rêve encore… Je me dois de dire que nous avons dû faire face à de la résistance de la part des intervenants du réseau, particulièrement des professionnels de l’évaluation. Qu’est-ce qu’on allait bien pouvoir faire sans le « sacro – saint » diagnostic. Nous l’avons quand même mis en œuvre ce programme, à la grande satisfaction des quelques cinquante familles qui en bénéficient annuellement. Mais, encore maintenant, tout le monde est loin d’être convaincu que l’intervention sans diagnostic peut avoir un impact. Pour finir, je voudrais vous parler un peu de mon rôle de mère seconde. Maxime est entré dans ma vie à 8 ans. Il avait eu un diagnostic d’audimutité et avait fréquenté le centre d’audimutité de Sainte-Justine de 3 1/2 à 6 ans. Il avait commencé à parler à 6 ans. Ensuite, il est allé en école spéciale, mais, en raison de problèmes multiples, il était systématiquement retourné chez lui. En fait, il n’était pas du tout scolarisé. Il vivait chez sa mère à cette époque. La clinique du développement a été créée pour faire du diagnostic différentiel. En fait, le gros enjeu était de différencier les enfants TED des enfants dysphasiques, de façon à les orienter vers les services spécialisés pertinents qui sont offerts par des centres situés à des endroits différents. Et puis, il y a l’orientation en milieu scolaire aussi, très importante. On a fait reprendre toutes les évaluations faites par des pédiatres en clinique privée qui donnaient un double diagnostic de TED et de dysphasie. Mais voilà-t-il pas que le Dr Laurent Mottron, il y a environ 2 ans, nous assène le coup de masse : 30 % des enfants TED seraient aussi dysphasiques! Super! On les envoie où ces enfants? En intervention comportementale intensive à 20 heures/semaine, ou dans les services de dysphasie qui demeurent les enfants pauvres du système ? Le diagnostic risque-t-il encore d’être décidé selon la disponibilité et l’intensité des services requis ? Nous avons manqué d’un cheveu, à Laval, de mettre sur pied une organisation de services qui aurait pu être géniale. Nous avions conçu le projet d’un centre intégré de réadaptation pédiatrique, qui aurait traité toutes les déficiences et toutes les problématiques neuro-développementales. Dans le milieu scolaire, les services sont tributaires d’une cote, et la cote est obtenue par le diagnostic. j u i n 2 0 07 Lorsqu’il avait 11 ans, après une saga aberrante à laquelle ont participé notamment l’école, un psychiatre et les intervenants du Centre jeunesse, Maxime a été déclaré très malade et dangereux, et le Tribunal de la jeunesse l’a envoyé 2 ans en centre d’accueil pour « mésadaptés » Un pied de pages de diagnostics et d’évaluations pour en arriver là. Lamentable! Durant son séjour, il était considéré comme trop « lourd » pour être scolarisé. Il avait une ou deux heures d’enseignement individuel au centre, dans lequel il ne s’investissait absolument pas. À travers tout cela, son diagnostic d’audimutité a été changé pour celui de « syndrome autistique ». Lorsqu’il est sorti pour venir vivre chez nous, à 13 ans, il ne savait ni lire, ni écrire, ni compter. Et cela a été le début d’une autre interminable bagarre avec le milieu scolaire qui a, lui aussi, ses diagnostics, pour ne pas dire verdicts dans certains cas. Si tu ne sais pas lire à 13 ans, c’est que tu n’apprendras jamais! Je me suis dressée contre cela, soutenue par mon vieux fond de révolte. J’ai passé pour la mère qui n’a jamais accepté le handicap de son enfant, qui refuse de faire son deuil… Mais qu’importe. J’ai tiré sans aucune vergogne toutes les ficelles du système et j’ai fini par obtenir un passe-droit. Maxime a obtenu 1 heure d’orthopédagogie, 4 jours/semaine. J’ai complété à la maison, 2 heures/soir, avec, il va sans dire, de multiples pauses. Le jeune s’est accroché. C’est lui qui a fait l’essentiel du chemin, et il a réussi. 27 Dans l’intervalle, après une désorganisation (la seule qu’il ait vécu à l’adolescence) qui l’a amené à Sainte-Justine, son diagnostic a encore changé pour celui de syndrome d’Asperger. En toute honnêteté, j’ai de très sérieux doutes là-dessus et je suis sûre que le Dr Laurent Mottron les partageraient. Mais à quoi cela servirait-il de fouiller davantage? Maxime va avoir 30 ans demain. Il sait lire, écrire et compter et il est entièrement autonome. Il vit dans un appartement en bordure du Plateau Mont-Royal, avec son chien. Nous avons dû récemment opter pour l’euthanasie de sa trop vieille chatte à trois pattes (elle avait eu un accident il y a 15 ans). J’ai presque eu envie de lui faire faire une pierre tombale avec l’épitaphe « Ci-gît Cosette, la meilleure thérapeute que j’aie connue ». Car, à travers mes multiples expériences pour bâtir un pont entre Maxime et nous, mes meilleurs alliés ont été les animaux. Cela a commencé avec un ours en peluche qui faisait de la musique quand on l’appuyait sur une patte. Maxime avait déjà 12 ans, et son père lui refusait le toutou, de peur qu’il ne fasse rire de lui. C’est la première et la seule fois où j’ai vu Maxime pleurer. Je ne savais pas pourquoi, mais je savais que c’était très important. Finalement, j’ai racheté un ours en peluche, et je ne l’ai pas regretté. Nous avons communiqué par l’entremise de son Bruno comme jamais auparavant. Par la suite, Bruno a été remplacé par la chatte, et puis le chien s’est ajouté à la conversation. Maintenant, le détour n’est plus nécessaire, sauf dans certains cas où « l’affect » est trop sollicité et où il y a de l’anxiété. Et, en parlant « d’affect », j’aimerais beaucoup, une autre fois, que l’on s’attarde à cet aspect de la personnalité de nos jeunes qui, en ce qui me concerne, est un véritable champ en friche, envahi de questionnements. Je m’y perds. On traite beaucoup du volet intellectuel et développemental, mais qu’en est-il du monde des sentiments? J’ai encore tellement à découvrir… En bref, j’ai un fils adoptif de trente ans, qui a changé trois fois de diagnostic, qui a reçu des services dans sa petite enfance apparemment au mauvais endroit, qui a été institutionnalisé deux ans parce qu’il n’était supposément pas intégrable socialement, qui n’a pas eu de services scolaires adaptés à ses besoins. Et pourtant, il est autonome et surtout, il est bien dans sa peau. Alors, l’évaluation diagnostique, oui, bien sûr. Mais quand, et surtout pour faire quoi? Chaque enfant autiste est unique dans sa propre complexité. Pour moi, il n’y a pas de recette collective. On parle toujours d’approches thérapeutiques, et ce qui m’accroche le plus dans l’expression, c’est le mot « approche », dans le sens de s’approcher, de saisir l’unicité de la personne, et d’intervenir en conséquence, en étant au besoin créatif, inventif. Car, ne l’oubliez pas, les meilleurs systèmes portent en eux de grandes incohérences… Il se trouve des intervenants qui, encore aujourd’hui, en voyant le niveau de développement de Maxime, me disent : « C’était pas un vrai! ». Dans le fond, ils ont peut-être raison. Parce que, c’est À travers mes multiples expériences pour bâtir un pont entre Maxime et nous, mes meilleurs alliés ont été les animaux. 28 quoi, ou plutôt qui, un vrai autiste? j u i n 2 0 07 Julie Mc Intyre Orthophoniste et conseillère clinique Centre de réadaptation en déficience intellectuelle (CRDI) Normand-Laramée, Laval, Québec Le modèle intégré d’intervention du CRDI Normand-Laramée L e modèle intégré d’intervention (MII), préconisé au CRDI NormandLaramée est une adaptation1 du modèle SCERTS proposé par Prizant, Wetherby, Rubin, Laurent et Rydell (2002). Il met l’accent sur les dimensions fondamentales à considérer dans tout programme d’intervention visant à soutenir le développement harmonieux des personnes présentant un TED et supporter leur famille. L’approche individualisée et globale occupe toujours une place principale dans le processus clinique, car elle représente l’assise de toute l’articulation des évaluations, des observations et des stratégies d’intervention auprès de la personne. Cette approche requiert une rigueur clinique qui facilitera le choix des stratégies et des outils d’intervention pertinents au développement des capacités et des habiletés de la personne. Cette manière d’aborder le sujet (développementale, familiale, de réseau et du milieu) met aussi en relief le fait que notre accompagnement et nos interventions spécialisées s’adressent non plus uniquement à la personne ayant un TED, mais bien à l’interaction entre la personne et son environnement, ce qui favorise une modulation de nos actions en fonction : • des besoins de la personne et de ses caractéristiques; • des attentes des parents et de la famille; • des caractéristiques des milieux fréquentés. Considérant la perspective multidimensionnelle à la base de notre approche, nous reconnaissons l’importance du travail d’équipe et de la concertation avec les partenaires, car les aspects d’interdisciplinarité, de jugement clinique et d’autonomie professionnelle occupent une place privilégiée. Ce n’est qu’une fois réalisée la mise en Modèle intégré d’intervention auprès des personnes présentant un trouble envahissant du développement (MII) adaptation du modèle SCERTS de Prizant et all. par Julie McIntyre commun des observations et des évaluations, qu’une vision globale commune se dégage. Des objectifs fonctionnels sont alors fixés, en accord avec le projet éducatif (s’il s’agit d’un enfant) ou avec le projet personnel (s’il s’agit d’un adolescent, d’un adulte ou d’un aîné), en tenant compte aussi des besoins de la personne et des attentes de sa famille. En lien avec les recherches sur les interventions efficaces et les connaissances actuelles sur le fonctionnement neurologique des personnes ayant un TED, le modèle intégré d’intervention structure, d’une manière interactive et cohérente, les sphères d’intervention relatives à : la communication sociale, la régulation émotionnelle et le traitement de l’information. Malgré le fait que les personnes ayant un TED partagent des difficultés similaires touchant chacune de ces sphères, il n’en demeure pas moins qu’il existe une grande hétérogénéité de profils au sein de cette clientèle. De même, la contribution des familles et des partenaires varie grandement en matière de ressources utilisées pour soutenir leur développement et leur intégration. Compte tenu de ces précisions, le MII permet une vision globale des forces et des limitations de la personne et des défis qu’elles suscitent dans sa famille. Des choix qui seront faits, découleront des approches et des outils d’intervention personnalisés, tenant compte de cette vision globale. Les sphères d’intervention Nous croyons pertinent de préciser de nouveau que les sphères d’intervention s’inscrivant à l’intérieur d’une conception de la personne qui englobe l’ensemble des facteurs personnels, incluent les aspects liés aux systèmes organiques et aux aptitudes, ainsi que ses habitudes de vie et ses modes de fonctionnement au quotidien. 1 Adaptation réalisée par Julie McIntyre, conseillère clinique en TED au CRDI Normand-Laramée j u i n 2 0 07 29 On compte trois sphères d’intervention : la communication sociale, la régulation émotionnelle et le traitement de l’information. La communication sociale Cette sphère a pour but d’amener progressivement la personne à communiquer efficacement et à prendre confiance en ses capacités de communication et ainsi, d’être un participant actif au sein d’activités sociales. Communiquer et interagir avec autrui de manière satisfaisante fait partie des buts à poursuivre. Cette sphère a pour principaux fondements le développement des capacités d’attention conjointe et de réciprocité, ainsi que des capacités d’utilisation et de référence à des symboles. La régulation émotionnelle Cette deuxième sphère met l’accent sur l’habileté de la personne à réguler son état d’éveil émotionnel. La régulation émotionnelle est une capacité essentielle et fondamentale pour interagir et apprendre. Il s’agit de soutenir la personne à s’adapter et à composer avec les inévitables défis qu’elle aura à surmonter sur une base quotidienne, en maintenant des états optimaux d’éveil émotionnel pour favoriser des relations affectives positives. Cette sphère vise à promouvoir les capacités d’auto-régulation, de régulation mutuelle et de récupération en réponse à une perte de régulation. Elle regroupe les capacités de la personne selon deux modes : le mode sensori-moteur (pré-symbolique) et le mode cognitivo-linguistique (symbolique). Le traitement de l’information Cette troisième sphère réfère à la dimension cognitive. Elle tient compte des caractéristiques individuelles en ce qui a trait à l’analyse, à l’organisation et à l’intégration des informations pour élaborer une réponse pertinente. Elle met l’accent sur les capacités d’apprentissage et le développement des habiletés liées aux fonctions exécutives, en tirant profit des forces et des particularités, telles que : l’intégration rapide de blocs d’information, la mémoire à long terme permettant l’apprentissage et la répétition de longues routines, l’utilisation significative de l’information visuelle, la compréhension des informations concrètes et hors contexte et la concentration sur des sujets précis et des champs d’intérêt spécifiques. Les sphères d’intervention Le soutien transactionnel Le soutien transactionnel représente la deuxième partie du MII. Il consiste à déterminer et à mettre en application des stratégies, relatives aux caractéristiques de la personne, découlant des trois sphères d’intervention, ainsi qu’aux caractéristiques des partenaires d’interaction. De fait, le soutien transactionnel, parce qu’il se situe au cœur de l’interaction personne/environnement, s’ajuste constamment aux réactions de l’une ou l’autre des personnes impliquées dans l’interaction. Il se divise en deux catégories de facteurs en constante interaction : le soutien interpersonnel et le soutien environnemental. Les partenaires d’interaction Les partenaires d’interaction représentent la troisième partie du MII. Tout individu qui interagit avec la personne ayant un TED en fait partie. L’objectif du MII, dans ce domaine, est de développer une vision globale, une compréhension commune et des stratégies d’intervention cohérentes impliquant l’ensemble des partenaires. Modèle dynamique, le soutien transactionnel est à la fois généralisé et adapté à chacun des partenaires d’interaction. adaptation du modèle SCERTS de Prizant et all. par Julie McIntyre Le MII permet également une articulation concrète des sphères d’intervention, du soutien transactionnel et des partenaires d’interaction en fonction d’un certain nombre d’approches propres à cette clientèle. Ainsi, pour répondre le plus efficacement possible aux besoins des personnes présentant un TED, il convient de considérer, en tout premier lieu, les approches s’inscrivant dans une perspective développementale et fonctionnelle. Le modèle permet l’harmonisation de ces approches afin d’élaborer un plan d’accompagnement et d’intervention qui soit cohérent et qui touche les sphères identifiées comme étant le berceau des principaux défis auxquels auront à faire face les personnes TED et leur entourage. 30 j u i n 2 0 07 Pierre Berger Directeur de l’intervention nationale Office des personnes handicapées du Québec Les services aux enfants ayant un TED âgés de 5 à 12 ans C et article vise à présenter l’Office des personnes handicapées du Québec (ci-après OPHQ ou l’Office), à situer les personnes ayant un trouble envahissant du développement (TED) à l’intérieur du champ du handicap, tout en identifiant certains de leurs besoins et ceux de leurs proches. Il propose aussi quelques réflexions par rapport à des orientations de services à privilégier, et, conséquemment, les défis qui attendent les prestataires de services, dont les Centres de réadaptation responsables des services aux personnes ayant une déficience intellectuelle ou un TED (ci-après CRDITED)1 et leurs partenaires. L’Office des personnes handicapées du Québec L’Office des personnes handicapées du Québec est un organisme gouvernemental qui a essentiellement pour mandat de veiller au respect des principes et des règles énoncés dans la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale. Ainsi, l’Office doit s’assurer, dans la mesure des pouvoirs qui lui sont conférés, que les ministères et leurs réseaux, les municipalités, ainsi que les organismes publics et privés poursuivent leurs efforts afin d’améliorer les possibilités offertes aux personnes handicapées de s’intégrer et de participer ainsi pleinement à la vie en société. L’Office veille également à la coordination des actions relatives à l’élaboration et à la prestation des services aux personnes handicapées et à leur famille. Il favorise et évalue leur intégration scolaire, professionnelle et sociale. En plus de promouvoir leurs intérêts, l’Office les informe, les conseille, les assiste et fait des représentations en leur faveur. L’Office doit aussi favoriser la coordination et la promotion des services qui répondent à leurs besoins auprès de tous les acteurs concernés, afin de favoriser leur épanouissement et leur pleine participation à la société. L’organisation des services aux personnes ayant un TED fait donc partie des préoccupations de l’Office. Les personnes ayant un TED en relation avec le champ du handicap Pour l’Office, le handicap n’est pas la simple résultante des caractéristiques personnelles d’un individu, car le handicap a aussi une dimension environnementale et donc sociale, ce qui veut dire que l’environnement, tant social que physique, est aussi à l’origine des situations de handicap. Distinguons quelques concepts : Les principaux concepts se rattachant au domaine du handicap, en se référant au modèle conceptuel du processus de production du handicap (PPH)2 sont : les facteurs personnels (c’est-à-dire la déficience et l’incapacité, les facteurs environnementaux (les facilitateurs et les obstacles), la réalisation des habitudes de vie, de même que les concepts de participation sociale et de situation de handicap. Les concepts de déficience et d’incapacité réfèrent à des réalités propres au corps et à l’esprit d’un individu. Il s’agit de facteurs personnels. Une déficience se définit essentiellement par l’atteinte à l’intégrité d’un système organique et une incapacité réfère à la réduction d’une aptitude, pour accomplir une activité physique ou mentale. 1 CRDITED : L’acronyme est utilisé dans le texte afin d’en faciliter la lecture. Il ne s’agit pas nécessairement d’une appellation légale, puisque tous les Centres de réadaptation n’ont pas adopté officiellement cette dénomination sociale. 2 Réseau international sur le processus de production du handicap (1998), Classification québécoise : Processus de production du handicap, Québec. j u i n 2 0 07 31 Un trouble envahissant du développement, occasionnant certaines incapacités, est considéré comme faisant partie des facteurs personnels, mais ne constitue pas en soi un handicap. Le concept d’habitudes de vie correspond à la réalisation d’activités courantes ou de rôles sociaux. La pleine réalisation de ces habitudes de vie correspond à une situation de participation sociale, alors que l’impossibilité de la réaliser constitue plutôt une situation de handicap. De plus, les éléments de l’environnement peuvent agir comme obstacles ou facilitateurs à la réalisation d’habitudes de vie. Ils empêchent, réduisent ou produisent le handicap. Les facteurs environnementaux comprennent des dimensions sociales (l’organisation sociale, les mesures et programmes, les politiques, les valeurs, les préjugés, etc.) et des dimensions physiques (telle que l’accessibilité architecturale). Dans ce cadre, c’est l’interaction entre les facteurs personnels (déficience et incapacité) et les facteurs environnementaux qui facilitent ou empêchent la réalisation d’habitudes de vie et qui occasionnent ou non une situation de handicap. En d’autres mots, la situation de handicap ne réfère pas uniquement aux facteurs personnels de l’individu, mais principalement à la réponse du milieu à ses besoins et aspirations, compte tenu de ses caractéristiques personnelles. Dans ce contexte, il est possible de réduire ou d’éliminer les situations de handicap, malgré la permanence ou la persistance de la déficience ou des incapacités d’une personne. Il s’agit d’intervenir sur les facteurs environnementaux, de manière à faciliter la réalisation des habitudes de vie. L’organisation des services et la façon de les offrir constituent des facteurs environnementaux. Les CRDITED, responsables des services aux personnes touchées par une déficience intellectuelle ou un TED et les organismes communautaires ont une fonction importante pour faciliter leur intégration sociale. Comme chacun de nous, qu’il s’agisse d’enfants âgés de 5 à 12 ans ou d’adultes ayant un TED, ils doivent avoir accès aux services de garde, à l’école, avoir des loisirs, occuper un emploi, se déplacer, développer un réseau social (il s’agit là d’habitudes de vie) bref, assumer divers rôles sociaux. Lorsqu’ils n’y parviennent pas, ils rencontrent des situations de handicap. À l’inverse, lorsqu’on leur en offre la possibilité, ils sont en situation de participation sociale. Lorsque les parents apprennent que leur enfant a un TED, surtout lorsque ce diagnostic arrive tardivement, c’est-à-dire au cours des premières années scolaires, ils ont besoin d’être informés et d’obtenir l’appui nécessaire pour s’orienter dans les différents réseaux de services. Il leur est parfois plus difficile de faire reconnaître l’aide dont ils ont besoin, ce qui constitue un problème. S’ajoute à cela les difficultés à recourir à des services de répit. Souvent, il s’agit de recourir aux très rares et peu nombreuses ressources de répit spécialisées. Même s’il existe des ressources dans la communauté, notamment les ressources des organismes communautaires, peu sont en mesure ou acceptent de desservir une clientèle ayant un TED qui demande un haut niveau d’encadrement, d’où l’importance que d’autres acteurs s’impliquent dans l’offre de services ou d’ajuster les ressources des organismes communautaires, en fonction des besoins. L’impact sur les proches Les défis Les besoins les besoins qui en découlent Il faut également considérer l’impact de la présence de personnes ayant un TED sur les proches. Leurs familles et leur entourage immédiat ont également des besoins à combler. Cette situation peut générer des besoins tels que : • connaître les services et les ressources qui leur sont offerts ; • avoir la possibilité d’exprimer ses besoins comme famille ; • apprendre comment agir et se comporter envers l’enfant ; • poursuivre les activités d’une vie familiale normale, tout en apportant à l’enfant le soutien et les soins nécessaires; • se ressourcer, prendre des temps de repos sans l’enfant. La situation de handicap ne réfère pas uniquement aux facteurs personnels de l’individu, mais principalement à la réponse du milieu à ses besoins et aspirations, compte tenu de ses caractéristiques personnelles. 32 Pour bien répondre aux besoins des jeunes et de leurs proches, le recours aux services généraux demeure un incontournable. À ceux-ci s’ajoutent les services spécialisés, notamment ceux offerts par les CRDITED. Le réseau de la santé et des services sociaux, en créant les Centres de santé et de services sociaux (CSSS), a prévu la mise en place de réseaux intégrés de services, lesquels devraient permettre, affirme t-on, une meilleure coordination entre les services offerts par les CRDITED, les CSSS et les organismes de la communauté. Toutefois, la réponse aux besoins concerne aussi les autres réseaux, dont l’éducation, le loisir, le transport, l’emploi, etc. Il importe ainsi que les réseaux de services se coordonnent entre eux pour assurer la cohésion et la continuité des services, afin que tous les besoins trouvent une réponse dans l’environnement. La participation sociale de la personne en dépend. La mise en place de réseaux intégrés permettra sans doute de mieux définir les responsabilités des différents acteurs du réseau de la santé et des services sociaux. Cependant, il faut éviter le piège d’un j u i n 2 0 07 continuum de services rigide, dans lequel on juxtapose les services sans lien entre eux. Il faut mettre en place des corridors de services et s’assurer que ces réseaux ne laissent personne sans service et qu’ils couvrent l’ensemble des besoins. La flexibilté, plutôt que la rigidité est éminemment souhaitable. Il serait trop facile pour un prestataire de services de refuser de s’impliquer dans une situation, sous prétexte que le service requis ne fait pas partie de son offre. Les besoins de tous doivent être considérés. De plus, la mise en place des réseaux intégrés ne doit pas empêcher le recours à la coordination intersectorielle (éducation, emploi, loisir, etc.), dans le respect des responsabilités de chacun. L’un des outils privilégiés pour réaliser cette coordination est ce que l’on appelle le plan de services individualisés. Celui-ci se veut un outil visant à assurer une continuité (par la planification) et une cohésion (par la coordination) des services destinés à une personne en réponse à ses besoins et à ses attentes spécifiques. de services de revoir leur offre, de l’adapter ou de la repenser en fonction des besoins et des attentes de la personne. Dans L’état de situation sur la pratique du plan de services, publié en 2003 par l’Office, il était constaté deux conceptions diamétralement opposées du plan de services. L’une est issue d’un réseau de distribution de services, c’est-à-dire d’une offre prédéterminée de services en regard des besoins de la personne. Dans ce cas, on vérifie, dans le processus du plan de services, si l’usager relève ou non des services des établissements pour coordonner les interventions. L’autre s’appuie sur les besoins de la personne, sous l’angle de la demande de services en regard des responsabilités des dispensateurs de services. Dans ce dernier cas, on sollicite les établissements ou les organismes pour déterminer une offre de services et coordonner les interventions. Dans cette perspective, on peut aller jusqu’à demander aux dispensateurs On se place soit sous l’angle de l’offre de services (les services reconnus des établissements ou des organismes) et on coordonne les services existants ou on se place du point de vue de la demande de services et de leur adaptation (on demande alors aux dispensateurs de services d’ajuster leur offre pour répondre aux besoins de la personne). Cette deuxième option est celle privilégiée par l’Office. Elle exige de la souplesse et invite à la transdisciplinarité. Elle fait en sorte, par exemple, que les services éducatifs ne sont pas l’affaire exclusive de l’école. Ils peuvent aussi concerner les CRDITED. Il en va de même pour le loisir et les autres secteurs d’intervention. Ainsi, les différents partenaires doivent se placer en situation de résolution de problème, conjuguer leurs efforts et ajuster leur offre de services pour créer la synergie nécessaire afin de mieux répondre aux besoins. L’offre de services s’adapte alors à la situation individuelle. En conclusion Sur le plan de l’organisation des services, le piège de la rigidité d’un continuum de services visant à délimiter l’intervention est à éviter. Il y a plutôt lieu de s’inscrire dans un processus de résolution de problèmes invitant les acteurs à réajuster continuellement l’offre de services à la réalité de chacun des individus. Voilà le défi des prochaines années ! La mise en place de réseaux intégrés permettra sans doute de mieux définir les responsabilités des différents acteurs du réseau de la santé et des services sociaux. j u i n 2 0 07 33 Point de vue de parent Huguette Boisvert, parent Chapitre francophone de l’autisme d’Ottawa et Société franco-ontarienne de l’autisme L’enfant autiste et le rôle du parent L ’ancien modèle social, selon lequel un patriarche disposait seul de tous les droits moraux et légaux sur sa progéniture, est révolu. On doit aujourd’hui se référer au potentiel, aux champs d’intérêt et à l’individualité de l’enfant. Des chercheurs et des spécialistes ont ainsi fait valoir la contribution des parents à une meilleure compréhension du phénomène de l’autisme et de la personne autiste. Deux rôles sont confiés aux parents : appuyer moralement et affectivement leur enfant et gérer prudemment les biens et le patrimoine d’une personne mineure. Les parents se présentent comme des administrateurs appliqués et responsables, exigeant que la société garantisse les services indispensables aux enfants pour délaisser la dépendance, la fragilité, ainsi que la tutelle morale, légale et intellectuelle. L’aveuglement de notre société blesse davantage qu’un diagnostic. Des ressources considérables sont consacrées à des activités humaines, sans toutefois tenir suffisamment compte du facteur le plus complexe et le plus important qui soit : permettre aux enfants de grandir dans le respect de leur individualité et de contribuer à l’enrichissement de la société. L’appui moral que prodigue les parents à leur enfant se traduit par la valorisation de ce qui appartient à l’enfant, ce qui le rend unique. Ils interviennent de plus en plus dans les processus de prise de décision. L’émotion, l’engagement, la solidarité et l’importance de tenir compte de l’humanité de la personne jouent un rôle essentiel dans toute décision prise au nom des enfants autistes. Un enfant autiste n’est pas un spécimen, un sujet de thèse ou un candidat pour une recherche scientifique. Il s’agit avant tout d’un être complexe, unique, dont on ne peut nier le potentiel. Les parents ont raison d’insister pour participer pleinement aux débats qui étaient réservés, jusqu’à tout récemment, aux seuls spécialistes. Les parents peuvent garder un juste équilibre entre la passion qu’ils éprouvent pour leur propre enfant, et une contribution positive aux débats et aux prises de décisions concernant plusieurs enfants touchés, à divers degrés, par la même condition. Témoigner de cet équilibre, c’est parler de respect d’autrui, de solidarité et de transparence. En conclusion, j’exprime le souhait que les prises de décisions sociales et autres, touchant nos enfants, deviennent plus transparentes et que les débats soient élargis. Un enfant autiste n’est pas un spécimen, un sujet de thèse ou un candidat pour une recherche scientifique. Il s’agit avant tout d’un être complexe, unique, dont on ne peut nier le potentiel. 34 j u i n 2 0 07 Point de vue de parent Lucie Latour, parent Montérégie, Québec Témoignage sur les services publics et privés utilisés T out jeune, notre fils Benoît avait des comportements bizarres. N’ayant aucune connaissance en autisme, mon mari et moi avions besoin de temps pour y voir clair. Arrive un premier son de cloche de la gardienne : « Votre fils Benoît semble avoir des traits autistiques ». Tristes à mourir, nous décidons d’abord de nous informer par l’intermédiaire de livres, du genre « L’autisme pour les nuls ». Nous cherchions une vision globale de l’autisme, sans trop entrer dans les détails. En réalité, on essayait de faire un diagnostic maison avant LE diagnostic. Un premier rendez-vous est fixé avec un pédiatre qui nous conseille de consulter un psychiatre, tout en nous informant que nous risquons d’attendre un an avant d’obtenir un rendez-vous, compte tenu de la liste d’attente. Il nous suggère de nous tourner vers les services privés d’une psychologue. Au bureau du pédiatre, la secrétaire m’affirme que mon fils est autiste (j’étais en colère!) et me donne les coordonnées de la Fédération québécoise de l’autisme. J’y ai été accueillie très chaleureusement et j’ai reçu de la documentation, dont un feuillet d’information sur les dix-sept traits autistiques : six semblaient correspondre à ceux de notre fils. Le diagnostic maison était donné. Une première rencontre avec une psychologue confirme des traits autistiques, mais sans préciser le degré. Elle nous recommande à une collègue spécialisée en autisme, la Dre Sylvie Donais. Quelques semaines plus tard, celle-ci nous annonce le diagnostic officiel : Benoît est touché par un autisme léger (il cote 30 au test Childhood autism rating scale, couramment appelé le CARS). Je lui demande alors : « Qu’est-ce qu’on fait maintenant? » Sa réponse : « Thérapie behaviorale LOVAAS », sa spécialité. Bien que cette thérapie soit très onéreuse, elle nous informe que nous pouvons aussi avoir du soutien du CLSC. j u i n 2 0 07 Je me lance à corps perdu avec des bénévoles dans cette thérapie qui s’avérera très efficace pour Benoît. Au CLSC, une travailleuse sociale nous offre la possibilité d’obtenir une subvention pour des services de répit. Ces services m’ont évité l’épuisement, surtout avec l’arrivée d’un bébé. Elle nous inscrit également sur une liste d’attente pour obtenir les services d’une éducatrice spécialisée du Centre de réadaptation. Cette éducatrice, « une soie », est très à l’écoute de nos besoins. Nous remplissons un questionnaire qui met en évidence ce que Benoît peut faire ou ne pas faire, en ce qui a trait à sa routine journalière et nous établissons des priorités à travailler pour développer son autonomie. Ses conseils nous sont très précieux et nous apportent ce que LOVAAS n’offre pas. Enfin, nous rencontrons le pédopsychiatre qui nous confirme l’autisme léger de Benoît. Il nous propose un programme de stimulation à l’hôpital que nous refusons en raison des distances à parcourir. J’aurais aussi souhaité qu’il nous donne des informations sur ce que nous devons savoir (CLSC, fiscalité, associations de parents, liste de sites internet, etc.) Un troisième enfant arrive au milieu de l’année de la thérapie LOVAAS et je suis épuisée. Benoît est confié à une éducatrice du Centre de réadaptation, ce qui me donne un peu de repos. Je m’intéresse alors aux causes physiques de l’autisme. Suivront des services privés : acupuncture, ostéopathie et naturopathie. Cette dernière discipline, incluant un régime sans caséine et sans gluten, aura, avec la thérapie LOVAAS, le plus d’impact sur le comportement de Benoît. À l’entrée scolaire, un choix difficile s’imposait entre une classe régulière avec accompagnateur ou une classe spécialisée. Nous avons opté pour une classe accueillant des enfants ayant des TED, dans une école régulière de notre commission scolaire. La thérapie LOVAAS est maintenant terminée. Nous rencontrons régulièrement la naturopathe et, ponctuellement, l’ostéopathe. Le régime alimentaire se poursuit aussi. Les premières années scolaires m’ont obligée à enseigner à Benoît une heure par jour, parce que les notions scolaires transmises à l’école étaient insuffisantes. Les trois dernières années scolaires se sont bien déroulées, sauf en ce qui concerne le Plan d’intervention qui met trop l’accent sur ce qui ne va pas. Les classes accueillant des enfants ayant un TED et un haut niveau de fonctionnement sont adaptées aux besoins de Benoît. Des services en orthophonie manquent cependant. Présentement, nous concentrons nos efforts pour développer la socialisation. Nous commençons à nous faire des amis précieux parmi les parents d’enfants de la classe de notre fils. Nous éprouvons le besoin d’apprendre sur l’autisme et nous sommes membres d’une association de parents où nous recevons beaucoup de documentation et participons à des conférences. Nous avons obtenu toutes les informations de façon fortuite, au fil de rencontres. Les intervenants de première ligne devraient avoir une liste de spécialistes et de services gouvernementaux utiles aux parents et nous dire de garder cette liste, car même si on ne digère pas le diagnostic, lors de l’annonce, un jour elle sera utile. 35 Brigitte Chamak Chercheure INSERM au Centre de Recherche en Santé Mentale (CESAMES), France Les ressources communautaires en France E n France, les interventions en autisme relèvent à la fois des secteurs médico-social, hospitalier et libéral, et présentent des disparités départementales. La Lozère, département le moins peuplé, compte un taux d’équipements parmi les plus élevés, alors qu’en Ile-de-France, il est inférieur à la moyenne nationale. Les enfants sont suivis dans des centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP), médico-pédagogiques (CMP) ou médicopsycho-pédagogiques (CMPP), des instituts médicaux-éducatifs (IME), des hôpitaux de jour, des services d’éducation spécialisée et de soins à domicile. Environ 4 500 enfants autistes sont accueillis dans des structures médico-sociales ou dans des établissements pour enfants handicapés. Parmi ceux-ci, 78 % sont dans des structures pour déficients intellectuels. Une étude réalisée en Île-de-France indique que 28 % d’une cohorte de 495 enfants se retrouvent en hôpital de jour et autant en IME externat, 23 % en service ambulatoire, 6 % en IME internat et 1 % en hospitalisation à temps complet. Les autres n’ont aucune prise en charge soutenue. La création des Centres de ressources en autisme a pour objectif de favoriser l’information et la coordination des interventions, mais le manque de structures adaptées et de personnel formé se fait cruellement sentir. En outre, les controverses sur les méthodes à employer pour aider les enfants autistes sont très vives en France où le courant psychodynamique est fort. Alors que les hôpitaux de jour apparaissaient comme un progrès dans les années 1970, de plus en plus de parents refusent aujourd’hui d’y envoyer leurs enfants, jugeant que la formation et les pratiques n’ont pas évolué. Parmi les enfants autistes accueillis dans des structures médico-sociales, 64 % n’ont pas accès à un apprentissage scolaire. Une très grande hétérogénéité caractérise les hôpitaux de jour, dont seuls quelques-uns ont intégré les méthodes éducatives et comportementales tant réclamées par les associations de parents. Les adultes, selon leur capacité de travail et leur niveau d’autonomie, peuvent se retrouver dans des Centres d’aide par le travail, des foyers d’hébergement, des foyers de vie, des maisons d’accueil spécialisées ou des foyers d’accueil médicalisés. Cependant, nombre de personnes autistes vivent chez leurs parents, sans aide, et d’autres familles se sont exilées en Belgique, faute de structures adaptées en France. Les pouvoirs publics se reposent toujours plus sur les initiatives des associations de parents. Cette « politique » peut être considérée comme un moyen pour l’État de se désinvestir du problème, tout en régissant le système en accordant ou non les accréditations et les aides financières aux établissements créés par les associations. En France, les interventions en autisme relèvent à la fois des secteurs médico-social, hospitalier et libéral, et présentent des disparités départementales. 36 j u i n 2 0 07 Le rôle des associations SÉSAME AUTISME1, une association de parents en France, a créé en 1963 le premier hôpital de jour pour enfants à Paris. En 1983, l’ARAPI s’est constituée pour favoriser la recherche. Elle a la particularité de réunir parents et professionnels. Au milieu des années 1980, d’autres associations ont vu le jour afin de créer des structures spécialisées utilisant le programme TEACCH. En 1989, une scission s’opère au sein de SÉSAME AUTISME, car certains, voulant rompre avec les psychiatres et leurs approches psychanalitiques, se tournent vers les méthodes éducatives et comportementales provenant des États-Unis et réclament l’intégration scolaire. Autisme France est alors créé. Au début des années 1990, sous la pression des associations, trois rapports ont été publiés qui ont donné lieu en 1995 à la Circulaire Veil qui propose un plan d’action de cinq ans afin d’améliorer la prise en charge des personnes autistes. Cette circulaire dénonce les difficultés à obtenir un diagnostic précoce, l’utilisation de la classification française et non internationale, l’approche psychanalytique et la méconnaissance de l’origine organique de l’autisme. Autisme France a donc saisi, en 1995, le Conseil Consultatif National d’Éthique (CCNE) en raison des problèmes posés en France par les carences de la prise en charge, mettant en jeu les fondements de l’éthique. L’avis du CCNE en 1996 formulait des recommandations allant dans le sens des associations. Au cours de cette même année, la loi Chossy reconnaît l’autisme comme un handicap. Cette reconnaissance est perçue comme un moyen de s’éloigner de la psychiatrie et de bénéficier d’aide financière. j u i n 2 0 07 Conclusion En France, des recommandations ont été formulées en novembre 2005 pour améliorer les pratiques diagnostiques, mais elles restent encore hétérogènes, de même que les modes d’intervention. Les méthodes éducatives et comportementales intenses, réclamées par les associations de parents, ont du mal à s’implanter et l’intégration scolaire rencontre de nombreuses difficultés matérielles. La Loi du 11 février 2005 pour L’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées pose le principe de l’intégration scolaire pour tout enfant porteur d’un handicap, mais l’application de cette loi aux enfants autistes n’est pas véritablement effective, le manque de formation spécifique, de moyens et de classes à petits effectifs faisant défaut. Les associations de parents jouent un rôle important dans la mobilisation publique et prennent de plus en plus de poids dans la construction des actions en matière d’autisme, mais les pouvoirs publics utilisent parfois les dissensions entre parents et professionnels pour se décharger de leurs responsabilités et se reposer de plus en plus sur les initiatives privées. 1 Auparavant sous le nom de ASITP (Association au Services des personnes Inadaptées ayant des Troubles de la personnalité), celle-ci est devenue, en 1990, la Fédération SÉSAME AUTISME. Les méthodes éducatives et comportementales intenses, réclamées par les associations de parents, ont du mal à s’implanter et l’intégration scolaire rencontre de nombreuses difficultés matérielles. 37 Yves Michelon Directeur de Accueil Adolescents SÉSAME-AUTISME Établissement Médico-Éducatif Expérimental Languedoc, France Évolution du secteur médico-social dans le dispositif d’aide aux enfants âgés de 6 à 12 ans, ayant un TED Le dispositif français Trois grands champs institutionnels caractérisent le dispositif français de soutien aux enfants ayant un TED. Il s’agit du système sanitaire, notamment la pédopsychiatrie, relevant du Ministère de la santé, du système scolaire, relevant du Ministère de l’éducation nationale, et du système médico-social, sous l’autorité du Ministère de la santé. Le système médico-social rassemble des établissements et des services dédiés à l’éducation spécialisée des enfants et adultes handicapés, gérés entre autres par des associations de parents. L’évolution des soins, de l’éducation et de la socialisation des enfants ayant un TED, en France, se comprend d’une part à travers l’introduction de nouvelles connaissances au sujet de l’autisme et de son étiologie et, d’autre part, dans l’observation du dialogue que ces trois champs vont entretenir au cours du temps. Le contexte historique Au début du X1Xe siècle Le docteur Itard rencontre Victor, l’enfant sauvage qui est un enfant autiste, livré à lui-même. Ainsi débute la psychiatrie comme discipline médicale. L’autisme est alors confondu avec l’arriération mentale. Le docteur Itard défend l’idée que la Séguin affirme que l’éducation des enfants idiots n’est pas l’affaire des médecins. La période qui suit est dominée par une psychiatrie asilaire, enfermant les enfants idiots dans des pavillons, sans assistance. 38 sauvagerie de Victor est acquise et peut donc être modifiée par une éducation, mais la méthode initiée par Itard a échoué dans sa tentative de socialiser l’enfant. Selon le docteur Pinel, médecin aliéniste, Victor est un idiot incurable, tandis qu’un disciple de Pinel, le docteur Esquirol, se contentera d’accueillir les enfants autistes dans des hospices, sans soins particuliers. Par la suite, un instituteur, Édouard Séguin, fait une description clinique remarquable de l’idiotie proche de celle que fera Léo Kanner de l’autisme un siècle plus tard. L’idiotie des enfants serait d’origine organique et elle est éducable. Séguin affirme que l’éducation des enfants idiots n’est pas l’affaire des médecins. La période qui suit est dominée par une psychiatrie asilaire, enfermant les enfants idiots dans des pavillons, sans assistance. S’ouvre alors un débat à savoir si l’inadaptation mentale relève de la compétence de la médecine ou de l’éducation. Au terme du X1Xe siècle Le docteur Bourneville ressort les travaux de Séguin et invente les programmes « médicopédagogiques » associant les soins prodigués dans les hôpitaux et une scolarisation adaptée, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’hôpital, offerte par des instituteurs. Il concentre alors les critiques et l’opposition des médecins, des administrateurs et des psychopédagogues, dont Alfred Binet. Ce dernier, en collaboration avec le docteur Simon, met au point le premier test d’intelligence. Avec l’invention du Q.I., s’instaure une hiérarchie dans les niveaux d’intelligence. Ainsi, des enfants sont pris en charge dans des classes de perfectionnement de l’éducation nationale et les autres, dont les enfants autistes, sont laissés sans services dans des familles ou hospitalisés dans des conditions dégradantes. j u i n 2 0 07 Au début du XXe siècle Durant l’après-guerre La question de la folie de l’enfant est posée comme prémisse de la maladie mentale de l’adulte. En 1911, le psychiatre suisse Bleuler introduit le terme autisme, décrivant un symptôme de la schizophrénie de l’adulte. La psychiatrie, qui était alors une discipline sans traitement, subit également l’influence des idées de Sigmund Freud, mais, en 1943, avec les travaux de Léo Kanner, le syndrome autistique se dégage dans le cadre des psychoses de l’enfant. En même temps, Asperger, à Vienne, décrit un syndrome voisin, la psychopathie autistique, sans rapprochement avec les psychoses. Parallèlement au développement d’une pédopsychiatrie psychanalytique, les parents se regroupent en associations, fédérées par une Union Nationale des Amis et Parents d’Enfants Inadaptés (UNAPEI). Leur but consiste à sortir les enfants des asiles psychiatriques et à leur assurer un enseignement spécialisé. Les gouvernements successifs autorisent alors la création d’un réseau d’institutions médico-pédagogiques. La Sécurité sociale finance ces établissements privés associatifs. Ils ne sont donc plus sous l’autorité médicale et sont gérés par des Associations de parents, des congrégations religieuses ou autres. En Europe, la psychanalyse s’intéresse aussi au traitement des enfants autistes et psychotiques, mais le courant Mélanie Klein, psychanalyste, s’oppose à celui d’Anna Freud, institutrice. Suivent les faits tragiques de la dernière guerre mondiale qui influeront sur les orientations théoriques des soins prodigués aux enfants autistes. Les travaux sur l’attachement (Bowlby et Spitz) font en sorte que la théorie psychogénétique domine la psychiatrie française dans les soins donnés aux enfants autistes. En conséquence, on note une humanisation des services et la sortie d’une partie des enfants des services asilaires. Des psychiatres s’attardent alors à inscrire le diagnostic d’autisme dans une sémiologie française et à théoriser les soins psychanalytiques dans les services psychiatriques. Dans ces établissements, les enfants autistes n’étaient généralement pas différenciés des enfants ayant une déficience intellectuelle. L’une des conséquences de ce mouvement fut que l’Éducation nationale a transféré vers le Ministère de la santé la charge de l’éducation d’une partie de l’enfance inadaptée, en excluant les enfants trop déficitaires, au sens de Binet, de la scolarisation. L’Éducation Nationale elle-même ouvrira donc des Instituts Médico-Éducatifs, par le biais d’associations, financés par l’assurance maladie. Médecins, psychiatres, ré-éducateurs et psychologues y assurent des vacations. La pédopsychiatrie, quant à elle, se développait à l’écart de ce secteur médico-social. Au début du XXe siècle, Asperger, à Vienne, décrit un syndrome voisin, la psychopathie autistique, sans rapprochement avec les psychoses. En 1963 Création de la première association française de parents d’enfants autistes et psychotiques, l’ASITP (Association au Service des personnes Inadaptées ayant des troubles de la Personnalité) qui deviendra en 1990, la fédération française SÉSAME AUTISME. Au cours des années 70 Une politique de sectorisation de la pédopsychiatrie se développe en réaction aux pratiques asilaires. Ce mouvement se constitue autour de besoins nouvellement identifiés des enfants touchés par une j u i n 2 0 07 39 psychose infantile ou par l’autisme. Différents services naissent, s’inspirant de la psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle. Le modèle de l’école ouverte à Chicago par Bruno Bettelheim sert alors de référence. Ainsi, certaines théories psychanalytiques avancent une étiologie relationnelle mettant en cause l’attachement parental dans l’apparition de l’autisme. Les effets iatrogènes de ces pratiques sur le développement de l’enfant sont maintenant évidents. En 1975 Une importante loi cadre1 orientée en faveur des personnes handicapées légifère enfin sur un secteur qui avait engendré aussi ses propres asiles médico-sociaux dans les régions les plus déshéritées. En 1988 La Classification Française des Troubles Mentaux de l’Enfant et de l’Adolescent s’oppose par certains points au DSM ou à la CIM, notamment en maintenant le groupe des psychoses de l’enfant et en privilégiant un regard psychodynamique sur des formes psychopathologiques évolutives. Les enfants diagnostiqués psychotiques ou autistes étaient considérés comme des malades mentaux et traités dans les services pédo-psychiatriques. Les enfants avec des TED, dont les troubles n’étaient pas repérés, étaient accueillis dans des internats médicoéducatifs ou dans les Instituts de Rééducation à titre de handicapés mentaux et recevaient une éducation spécialisée non adaptée. Les enfants ayant un Ted n’étaient donc pas scolarisés en milieu scolaire. Dans ce clivage arbitraire des systèmes, les difficultés d’un enfant autiste relevaient d’un secteur ou de l’autre, mais plus difficilement des deux. En conséquence, des situations brutales d’inclusion et d’exclusion et des effets de filière dans les traitements ne répondant pas aux besoins évolutifs de l’enfant et aux demandes des familles sont survenus. La décennie 1985-95 La prise en charge des enfants autistes et psychotiques se diversifie. Des équipes pédo-psychiatriques offrent aux enfants des possibilités de scolarisation par une éducation spécialisée à temps partiel, à l’extérieur de l’hôpital ou en institut médicoéducatif. Des soins en cabinet privé et des interventions à domicile sont également offerts. En même temps, les idées de la pédopsychiatrie psychanalytique pénètrent le secteur éducatif, dans des institutions médico-sociales, et se confrontent aux courants éducatifs et comportementaux. Un travail de partenariat s’engage, mais une certaine pédopsychiatrie psychanalytique française s’immobilise dans une autosuffisance de discours. Au cours des années 1990 Une crise majeure s’engage brutalement en France concernant l’autisme. Elle fait rage au sein des associations de parents, entre ces associations et le corps psychiatrique, et entre professionnels de la santé. Les partisans d’une étiologie organique s’opposent aux partisans d’une étiologie psychogénétique, et les approches éducatives et comportementales viennent se poser comme une alternative aux traitements psychothérapeutiques. Les parents veulent être consultés dans le traitement de leur enfant et aidés dans l’exercice de leur rôle parental. Ils exigent que les besoins éducatifs et de socialisation des enfants autistes soient pris en compte. En 1994 Sous la pression des parents, le Ministère de la santé entreprend des enquêtes sur la situation des personnes autistes en France. Les rapports qui suivent dénoncent les retards et les carences du système. Une politique en faveur des enfants autistes va progressivement conduire à une réorientation des pratiques de prise en charge. En 1995 Une circulaire2 relative à la prise en charge thérapeutique, pédagogique, éducative et à l’insertion sociale des personnes autistes initie la voie au premier plan, nommé plan Veil. Ainsi, des enveloppes financières spécifiquement dédiées à l’autisme sont accordées au secteur médico-social. Ces budgets doivent permettre de rattraper le retard en matière de diagnostic, d’évaluation, de traitement, de complémentarité entre l’éducation et les soins, et favoriser la création d’unités spécifiques en autisme, ainsi que la formation de professionnels spécialisés. En 1996 L’autisme est reconnu légalement comme un handicap. L’éducation, les soins et la socialisation doivent être accessibles aux enfants ayant un TED. Toutefois, l’insuffisance des équipements et de la formation du personnel ne permettent pas une application des textes législatifs. Depuis 1999 Des Centres de Ressources en Autisme (CRA) sont progressivement ouverts dans chaque région, à titre expérimental. Leur mission consiste en l’accueil, l’orientation, l’information des enfants et de leur famille, l’aide à la réalisation des bilans et d’évaluations approfondies, la participation à la formation, le conseil pour les services impliqués dans le diagnostic et la prise en charge des personnes, et le développement de la recherche sur un territoire donné. Les CRA tiennent lieu de pivot pour la coordination du réseau dans une région. 1988 _ Les enfants diagnostiqués psychotiques ou autistes étaient considérés comme des malades mentaux et traités dans les services pédo-psychiatriques. 40 j u i n 2 0 07 La décennie actuelle En 2002 Une grande diversité institutionnelle constitue le dispositif médico-social français quant aux services offerts enfants ayant des TED. En résumé, on trouve, entre autres, des services pour le diagnostic précoce et le traitement, des services d’éducation et de soins en milieu ordinaire, des Centres de consultations et de rééducation ambulatoire, des Écoles spécialisées avec ou sans internat et des Instituts thérapeutiques avec scolarisation. Compte tenu de l’hétérogénéité des syndromes autistiques, chacun de ces services peut être concerné par un enfant ayant un TED. Certaines institutions ouvrent en leur sein de petites Unités d’Accueil Spécialisées, d’autres accueillent individuellement les enfants au milieu d’autres enfants en situation de handicap. Des instituts médico-éducatifs se créent pour offrir des services spécifiques aux enfants autistes ou ayant des troubles apparentés. La Loi de rénovation sociale fait obligation aux institutions d’entrer dans une démarche de qualité et d’évaluation du service rendu aux personnes. Ainsi, les professionnels doivent faire l’effort de formaliser leurs pratiques éducatives, et les familles sont considérées dans le projet éducatif de leur enfant. Les efforts se concentrent maintenant sur le développement d’une cohérence et d’une continuité tant dans l’action éducative que celle des soins. Depuis 1995, un travail important a été entrepris pour la formation des professionnels, tant médicaux qu’éducatifs. Les fortes avancées de la recherche médicale, ainsi que le développement de pratiques empiriques pédagogiques, sont venues remanier en profondeur les pratiques traditionnelles. De nouvelles pratiques prennent en compte, de manière complémentaire, la vie psychique de l’enfant autiste et les difficultés émotionnelles de sa famille, tout en œuvrant de manière pragmatique à l’éducation et à la socialisation, sur la base d’évaluations individuelles. Il ne s’agit pas d’opposer les méthodes, mais bien de disposer d’un ensemble d’outils d’intervention pour répondre à la diversité des états cliniques et des situations familiales. Concernant la scolarisation des enfants en milieu ordinaire, la création du secteur médico-social a eu un effet secondaire de ségrégation des enfants handicapés. La plupart des enfants handicapés ont été, de fait, exclus du système scolaire ordinaire, alors que le cadre réglementaire permettait d’aménager la scolarisation en milieu ordinaire pour les enfants âgés de 3 à 11 ans, avec divers dispositifs de soutien. En 2005 La publication par la Fédération française de Psychiatrie des « Recommandations pour la pratique du dépistage et du diagnostic des TED » aide les équipes médicales au dépistage et guide les équipes spécialisées pour le diagnostic. En France, des recherches sont actuellement en cours, afin de recenser et mesurer les pratiques et les méthodes de prise en charge dans une perspective de consensus. En conclusion Les dispositifs d’aide aux enfants ont été régulièrement remaniés. Cette évolution se poursuit dans un contexte législatif en mutation. Elle va se réaliser de manière inégale selon les régions, pour diverses raisons. Le Ministère de la santé ne privilégie aucune prise en charge et met en œuvre des législations qui placent l’enfant au centre des préoccupations, dans un cadre de vie des plus ordinaires en considérant les besoins et intérêts de chacun. Les missions de la pédopsychiatrie restent à redéfinir quant au diagnostic précoce, à l’évaluation, à la recherche, au traitement des états de crise et à la prise en charge dès les premières années de l’enfant. Les querelles idéologiques se sont à peu près tues, le mouvement associatif reste très actif, alors que les carences de places sont manifestes et les budgets des établissements insuffisants pour permettre aux institutions de se hausser à la hauteur des attentes législatives et des besoins des enfants. Des décisions politiques sont à prendre. La « Loi pour l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées » (2005) contrarie cette tendance en instituant que tout enfant doit être inscrit à l’école de son quartier et doit bénéficier d’un projet personnalisé de scolarité. Cette révolution va induire un nouveau partenariat des établissements médicosociaux avec l’éducation nationale pour réussir la scolarisation des enfants ayant un TED : c’est un enjeu important. 1 Il s’agit de la Loi du code de la sécurité sociale et de la famille relative aux institutions sociales et médico-sociales. 2 En France, une circulaire est un texte ministériel adressé aux administrations. Elle apporte des précisions, des recommandations et des modalités d’application à défaut de décret d’application d’une loi. j u i n 2 0 07 41 Rachid Ababou, porte-parole du Dr M’hamed Diouri Directeur de l’Institut Princesse Ialla Meryem des enfants autistes de Tanger Maroc L’autisme au Maroc état des lieux et des ressources communautaires L e Secrétariat d’État chargé de la Famille, de l’Enfance et des Personnes Handicapées (SEFEPH) a proposé que 2005 soit déclarée année de l’autisme, pour donner suite aux réflexions émises lors d’un séminaire national, organisé par le SEFEPH, portant sur le « Dépistage précoce de l’autisme ». L’ensemble des intervenants voulaient ainsi contribuer à la promotion des services, appuyer les initiatives et les efforts déployés par les acteurs oeuvrant dans le domaine de l’autisme, et créer des conditions favorables à une meilleure prise en charge des personnes autistes en matière de dépistage précoce, de réadaptation, de prévention et de formation. La situation de l’autisme au Maroc se caractérise par les aspects suivants : l’expérience pionnière des associations, l’engagement et la volonté des parents désireux d’obtenir des services, la motivation du personnel éducatif œuvrant dans les centres spécialisés et l’existence de pratiques et d’initiatives développées par les centres. Le domaine de l’autisme présente aussi un certain nombre de faiblesses, notamment : la difficulté de réalisation du diagnostic, l’absence de continuité du projet éducatif entre le centre et la famille, le coût élevé des classes intégrées dans le secteur privé, la rareté des compétences et de l’expertise, le manque de programmes de formation adaptés, l’absence de fédérations et de réseaux d’associations qui prennent en charge l’autisme, le manque de structures d’accueil, le manque de personnel éducatif et médical et l’absence d’équipes spécialisées et pluridisciplinaires. 42 2005, l’année de l’autisme a été instaurée pour pallier à ces faiblesses. Ce projet visait à sensibiliser les acteurs à la réalité de l’autisme, à créer des opportunités pour le renforcement des intervenants en matière d’autisme, à améliorer la perception des médecins généralistes et pédiatres en matière de dépistage précoce, à favoriser l’échange d’expériences, à encourager la recherche et le développement, à promouvoir les initiatives de la société civile (ONG, Institutions, Centres de recherche, etc.) et à contribuer à une prise en charge appropriée des enfants autistes. j u i n 2 0 07 Point de vue de parent Huguette Boisvert, parent Chapitre francophone de l’autisme d’Ottawa et de la Société franco-ontarienne de l’autisme. Ressources disponibles aux francophones d’Ottawa,Ontario L a ville d’Ottawa, capitale du Canada, est située à quelques heures de Montréal. On y parle deux langues officielles, l’anglais et le français. Les francophones, minoritaires, représentent environ 20 % de la population d’Ottawa, qui compte plus de 700 000 habitants. Les parents francophones n’ont pas accès à tous les services pourtant offerts à la majorité anglophone. Ils sont cependant plus renseignés, grâce aux informations disponibles sur Internet. Les parents manquent sérieusement de professionnels intéressés à l’autisme et, doivent puiser leurs connaissances par eux-mêmes. Il existe des services d’ordre général tels que de l’aide financière, du soutien communautaire ainsi que des Centres communautaires qui offrent certains appuis aux revendications des parents et font de la défense des droits des personnes autistes et de leur famille. Parmi les services proposés aux enfants, le programme provincial, mis sur pied il y a cinq ans, est très recherché. La liste d’attente est fort longue et compte quelques centaines d’enfants d’âge préscolaire. Le Centre de traitement pour enfants de l’est d’Ottawa est financé par le gouvernement provincial et offre des services selon un ratio de un intervenant pour un enfant en Intervention Behaviorale Intensive (IBI), durant des périodes allant de 15 à 40 heures par semaine. La responsabilité de la formation relève du Centre de traitement de l’est d’Ottawa. Environ neuf enfants francophones y sont accueillis en ce moment. Les parents en attente de ce service inscrivent leurs enfants dans une garderie TED qui peut accueillir quatre à six enfants âgés de 2 à 6 ans. Le service est modelé sur le programme IBI et le ratio est de un intervenant pour trois enfants. Les deux Conseils scolaires offrent des programmes aux enfants, dès l’âge de quatre ans. Ces classes, inspirées de la méthode TEACCH, permettent aux enfants autistes de s’intégrer en douceur, ce que les parents apprécient grandement. En ce qui a trait aux services proposés aux adultes, ils sont nettement insuffisants et les listes d’attente sont très longues. Il n’existe que quelques services communautaires et programmes de jour, du soutien à l’emploi et peu de services résidentiels. Les activités de loisirs sont aussi insuffisantes. Les francophones, en raison de leur situation minoritaire, doivent exercer de nombreuses pressions et n’obtiennent que peu de services. Les parents francophones n’ont pas accès à tous les services pourtant offerts à la majorité anglophone. Ils sont cependant plus renseignés, grâce aux informations disponibles sur Internet. j u i n 2 0 07 43 Point de vue de parent Lucille Bargiel, parent et vice-présidente de la FQATED Montérégie, Québec Les multiples facettes des ressources communautaires La Société québécoise de l’autisme Un casse-tête aux multiples visages et couleurs : une nécessaire cohésion Le mouvement communautaire du Québec a contribué à l’élaboration d’un cadre de référence qui régit les ententes entre les Agences régionales, les établissements et les organismes communautaires. L’autonomie concernant la mission des organismes communautaires y est reconnue et des ententes de services peuvent être conclues pour répondre à de nouveaux besoins, sans affecter la mission première. La Fédération québécoise de l’autisme et des autres troubles envahissants du développement (FQATED) regroupant les associations régionales s’est dotée de structures de concertation sur les plans local, régional et provincial. De plus, la FQATED fait partie d’une confédération d’organismes provinciaux, la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN) et, ses associations-membres de regroupements régionaux d’organismes qui sont directement engagés dans les services aux personnes handicapées. 44 Au Québec, au cours des années 1970, une croyance était répandue à savoir que les enfants autistes isolés dans leur monde, sans langage et imperméables à leur environnement souffraient d’une condition due à la relation avec leur mère. Quant à ceux qui manifestaient un comportement plus explosif, ils étaient considérés comme ayant un retard mental avec des troubles du comportement et se retrouvaient parmi les plus exclus et médicamentés. Ils vivaient en institution où, d’ailleurs, plusieurs passaient une grande partie de leur existence. Croyant alors qu’un enfant autiste ne parlait pas, cette vision ajoutait à l’isolement des parents qui se voyaient incompris lorsqu’ils demandaient des services, car leur enfant ne correspondait pas au profil généralement accepté. Les parents membres, à l’origine de la Société québécoise de l’autisme (SQA), souhaitaient se soutenir entre eux, connaître et faire connaître l’autisme. La SQA a organisé des congrès, mis sur pied un camp de vacances estival provincial, établi des ententes avec l’Université du Québec à Trois-Rivières pour développer un programme de formation et participé aux travaux du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) pour l’élaboration d’orientations en 1996 et d’un plan d’action en 2003. À la fin des années 1990, la SQA se transformait pour rejoindre non seulement les associations régionales, mais aussi d’autres organismes concernés par l’autisme, dont des ressources de répit, des services de garde, des centres de réadaptation, des milieux scolaires, etc. La Fédération québécoise de l’autisme et des autres TED En 2006, la FQATED regroupe 65 membres. Elle a publié et diffusé la Trousse d’information sur l’autisme, le Guide pour les parents dans leurs premières démarches, le Guide pour les animateurs de camps de jour et ressources de répit, le DVD Grandir avec toi, pour les frères et sœurs, un bottin des ressources existantes, etc. En collaboration avec des partenaires, elle travaille à l’élaboration du Répertoire québécois des activités de formation. Elle consolide également son site Internet. La FQATED contribue avec le MSSS au suivi de l’implantation du plan d’action et collabore à divers comités nationaux, dont celui concernant les lignes directrices pour l’évaluation et le diagnostic et celui portant sur la complémentarité entre les établissements en déficience intellectuelle et en déficience physique pour les personnes ayant un TED. Quant aux associations régionales, leurs services comprennent le soutien aux parents, les groupes d’entraide, les loisirs pour les enfants et adolescents, les camps (bases de plein air) ou maisons de répit, et une ferme, Les Entreprises Qualité de vie, situées à Laval (Québec) où travaillent des adultes autistes. Certaines associations offrent aussi des activités aux adultes autistes ou touchés par le Syndrome d’Asperger. Des groupes d’entraide pour la fratrie existent également. Leur déploiement est cependant inégal, car leur financement est très variable. j u i n 2 0 07 Joanne Camirand, personne-ressource Commission scolaire de Laval, des Laurentides et de Lanaudière Service régional de soutien et d’expertise en autisme Le système d’éducation et les enfants ayant un TED L’orientation fondamentale de la Politique de l’adaptation scolaire (2000) Aider l’élève handicapé ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage à réussir sur les plans de l’instruction et de la qualification. À cette fin, accepter que cette réussite puisse se traduire différemment selon les capacités et les besoins des élèves. La clientèle visée par le Programme de formation Ce programme s’adresse à l’ensemble des élèves sans difficultés spécifiques, à risque ou handicapés. Par ailleurs, des programmes particuliers ont été élaborés pour les élèves ayant une déficience intellectuelle (D.I.) allant de modérée à profonde. Les six voies d’action L’adaptation scolaire et le Programme de formation La politique de l’adaptation scolaire s’inscrit particulièrement dans le Programme de formation de l’école québécoise, basé sur le développement de compétences. de la politique • Reconnaître l’importance de la prévention et de l’intervention rapide; placer l’adaptation scolaire comme première préoccupation de tout intervenant; • fonder l’organisation des services sur l’évaluation individuelle et la mettre en oeuvre le plus près possible du lieu de résidence en privilégiant l’intégration en classe ordinaire; • créer une communauté éducative avec l’élève, ses parents, les organismes de la communauté et les partenaires externes; • évaluer la réussite éducative de l’élève (instruction, socialisation, et qualification) et la qualité des services, et rendre compte des résultats; • porter attention à la situation des élèves à risque; • déterminer des pistes d’intervention pour mieux répondre à leurs besoins. Les moyens d’action S’assurer que : • les besoins des élèves handicapés ou à risque soient considérés dans la révision du curriculum, dans la formation initiale et dans la mise à jour des compétences du personnel enseignant; Note Ce texte est un résumé de la présentation sur PowerPoint de Mme Camirand j u i n 2 0 07 45 • que les services régionaux soutiennent les milieux scolaires afin qu’ils développent une expertise tenant compte des besoins particuliers des élèves, dans une perspective de maintien en classe ordinaire. communication et, de façon marquée, par un répertoire restreint, répétitif et stéréotypé des activités, des champs d’intérêt et du comportement. Les services régionaux ayant le mandat d’assurer le soutien aux commissions scolaires et aux écoles, il importe d’offrir une formation continue au personnel, de réaliser des activités de recherche et de développement et d’offrir une expertise à l’ensemble des commissions scolaires. Depuis 1998, dans la région de Laval, des Laurentides et de Lanaudière (LLL), une personneressource intervient spécifiquement auprès des élèves ayant un TED avec ou sans D.I. Le MELS reconnaît également les autres TED, soit le syndrome de Rett, le trouble désintégratif de l’enfance, le syndrome d’Asperger et le TED non spécifié. Les élèves ayant un TED : qui sont-ils? Pour le MELS, le trouble autistique est un ensemble de dysfonctions apparaissant dès le jeune âge se caractérisant par le développement nettement anormal ou déficient de l’interaction sociale et de la de services. Au niveau régional, un responsable en adaptation scolaire et une personneressource assurent le soutien et l’expertise. Le nombre d’élèves Les services offerts En 1994, les premières classes TEACCH sont créées dans la région de Laval et de St-Jérôme. Depuis 1994, l’expertise s’est enrichie et des points de services spécialisés sont offerts dans toutes les commissions scolaires. Le personnel disponible Dans les huit commissions scolaires de la région, nous disposons d’enseignants, de personnel dédiés aux services éducatifs complémentaires, de conseillers pédagogiques, de coordonnateurs, de directeurs ayant un diagnostic de TED dans la région de LLL 2002-2003 : 491 2003-2004 : 603 (+22 %) 2004-2005 : 771 (+30 %) L’organisation des services au préscolaire et au primaire On compte cinq écoles spécialisées, des élèves en classes ordinaires, en classes spécialisées dans des écoles ordinaires ou en écoles spécialisées (4 à 6 élèves au préscolaire; 5 à 7 au primaire). Les stratégies éducatives utilisées L’enseignement individualisé et structuré, selon le modèle TEACCH; le PECS (Picture Exchange Communication System); les scénarios sociaux et le PEP-r (Profil psychoéducatif révisé), etc. Les types d’intégration L’intégration se réalise à temps plein ou à temps partiel. L’élève reçoit le soutien d’un éducateur spécialisé, le nombre d’heures accordées varie en fonction des normes déterminées par la commission scolaire et les besoins de l’élève. L’intégration à temps plein : Elle a lieu en classe ordinaire, si possible dans l’école de quartier, lorsque l’élève répond aux critères d’intégration, avec l’aide d’un éducateur spécialisé. Les critères d’intégration à temps plein : Il importe que l’ensemble des intervenants s’entende pour dire que le service répond le mieux aux besoins de l’élève; que l’élève éprouve peu de difficultés comportementales et que la situation géographique le permette. 46 j u i n 2 0 07 L’intégration à temps partiel Il s’agit d’une intégration physique dans une classe spécialisée, située dans une école ordinaire; l’intégration inversée se réalise dans la classe de l’élève éprouvant des difficultés; l’intégration sociale se réalise pendant des moments tel que le dîner, la récréation, ou à l’occasion d’activités spéciales; l’intégration scolaire se réalise dans la classe ordinaire durant les périodes d’enseignement. Les services éducatifs complémentaires Il s’agit de services d’orthophonie, de psychologie, d’éducation spécialisée, d’ergothérapie, etc. Le soutien aux commissions scolaires Il se réalise par la formation du personnel et l’exercice d’un rôle conseil et de soutien aux intervenants. La formation du personnel Elle porte sur les caractéristiques des élèves ayant un TED, des instruments d’évaluation, des stratégies d’enseignement, la communication et les habiletés sociales. Le soutien offert aux intervenants Il est offert aux conseillers pédagogiques, orthophonistes, psychologues, éducateurs spécialisés, enseignants et à des directions d’école. Ce soutien porte sur les facteurs qui peuvent favoriser l’intégration, l’ouverture de nouvelles classes, le classement, la préparation de transitions ou sur des situations problématiques entraînant des difficultés de comportement. La recherche et le développement La commission scolaire de Laval détient un mandat régional de recherche et développement en autisme. Le soutien offert aux intervenants porte sur les facteurs qui peuvent favoriser l’intégration, l’ouverture de nouvelles classes, le classement, la préparation de transitions ou sur des situations problématiques entraînant des difficultés de comportement. j u i n 2 0 07 47 Point de vue de parent Brigitte Carrier, parent Laval, Québec Services offerts aux familles par le milieu scolaire M on fils Guillaume a été diagnostiqué TED à trois ans et, immédiatement, je l’ai inscrit à la Commission scolaire de Laval (Québec). À quatre ans, il a commencé à fréquenter une classe TEACCH à l’école Beau-Séjour. En 2000, les enfants étaient transférés à l’école Saint-Gilles (Laval), une école primaire de près de 700 enfants qui loge 10 classes TEACCH (de 6 ou 7 enfants chacune, avec un enseignant et un éducateur spécialisé) accueillant les enfants TED présentant des déficits importants au niveau du langage, mais n’ayant pas de problèmes moteurs graves (aucun n’est en fauteuil roulant). Le reste des élèves suit le programme régulier. Nous avons eu la chance de « tomber sur la bonne » classe, car plusieurs enfants ne sont pas diagnostiqués aussi clairement (TED non spécifique, X fragile, dysphasie, etc.) et fréquentent diverses classes (régulières avec ou sans accompagnateur, d’adaptation, etc.). La mise en œuvre du programme « Pareil pas pareil »1 a favorisé l’intégration de cette nouvelle population autiste en douceur. Il a donné l’occasion aux élèves, à leurs parents et à leurs enseignants d’exprimer leurs craintes et leurs appréhensions suscitées par l’arrivée de plus de 70 enfants autistes dans leur école. Tous les aspects de cette intégration ont été discutés (localisation des classes TEACCH dans les deux pavillons de l’école, prise du repas du midi, fréquentation de la cour d’école, du gymnase et de la bibliothèque, ratio peu élevé, transport adapté, etc.), ainsi que le profil de l’enfant avec déficience intellectuelle (comportement, langage, contacts, crises, etc.). Nous sommes tous « pareils », en dépit du fait que nous ne soyons « pas pareils ». Il faut accueillir ces différences, car elles contribuent à notre enrichissement en tant que société. Il y a quelques années, un autre programme appelé « Vers le Pacifique » a aussi été mis sur pied à l’école. Il consiste à favoriser la résolution pacifique des conflits en classe et dans tous les autres lieux que fréquentent les élèves à l’école. De jeunes « médiateurs » qui ont reçu une formation spéciale, patrouillent les corridors et la cour de récréation pour y maintenir un climat de respect et de saine camaraderie, incluant les prises de contact avec « les amis TED » comme on les appelle familièrement. À l’école Saint-Gilles, c’est « un pour tous et tous pour un ». Le personnel enseignant est excellent : il est dévoué, à l’écoute, flexible, ouvert aux suggestions, souligne les progrès et communique avec nous quotidiennement par le biais d’un agenda scolaire. Des rencontres sont aussi organisées, au besoin, pour discuter de points touchant particulièrement notre enfant. Le bulletin met en évidence ses forces et souligne ses acquis. Ceci nous permet de poursuivre les mêmes objectifs à la maison. Le plan d’intervention (PI) est rédigé par la directrice et l’enseignant et donne lieu à des échanges auxquels nous participons. Quant au matériel, il est en piètre état et disponible en quantité réduite (je fournis personnellement des jeux, jouets et livres usagés chaque année). Il y a toutefois 2 ordinateurs dans chaque classe et divers logiciels adaptés aux besoins des enfants. Après quelques mois passés au service de garde, notre fils a dû en être retiré, car il était devenu très anxieux. Après plusieurs 1 Ce programme a été conçu en 1997 par M. Germain Lafrenière, directeur général de la Société de l’autisme et des TED de Laval. Il met en évidence la similitude et non pas la différence entre la personne handicapée et la personne dite « normale ». 48 j u i n 2 0 07 essais infructueux pour trouver une bonne gardienne (plusieurs excellentes personnes nous ayant quittés pour poursuivre leurs études), une perle rare, Annie, s’occupe bien de notre fils depuis plus de 4 ans maintenant et le CLSC, dans le cadre du programme de soutien à domicile, défraie les coûts de gardiennage de deux heures par jour, après l’école (Annie garde aussi Guillaume durant certaines journées pédagogiques et « Mamie » Solange fait le reste). Les parents doivent trouver eux-mêmes une gardienne, ce qui n’est pas facile (annonces dans les journaux, sur des babillards, tableaux d’affichage communautaires, etc.). pour obtenir la chose demandée (collation, jouet, etc.). À l’école, l’orthophoniste, débordée, rencontre tous les enfants de la classe en même temps, durant 30 minutes par semaine, et diverses stratégies sont mises en place pour chacun d’eux, au besoin (histoires sociales, pictogrammes, etc.). Elle ne peut rencontrer les enfants individuellement. Les parents qui en ont les moyens font appel au secteur privé (à plus de 60 $ l’heure). Les enfants TED présentent de graves lacunes au plan de la communication et du langage : il est essentiel qu’ils reçoivent des services individuels réguliers à raison d’au moins 2 périodes de 30 minutes par semaine. Les services en orthophonie sont rarissimes. Cependant une orthophoniste est venue à la maison nous expliquer le « Picture Exchange Communication System » (PECS) il y a plusieurs années et c’est la méthode que nous avons utilisée pendant un certain temps, à la maison. Guillaume devait nous tendre un pictogramme, en établissant un contact visuel, Quant aux services en ergothérapie, nous ne bénéficions actuellement que d’une heure par semaine, à domicile, offerte par le Centre de réadaptation en déficience intellectuelle (CRDI) Normand-Laramée, responsable des services aux personnes ayant un TED. Ce Centre veille aussi aux autres besoins de l’enfant et de sa famille (réduction de l’anxiété, gestion de stress, conseils de vie quotidienne, etc.) et rencontre le personnel enseignant au besoin – ceci est très précieux. Nous aurions également besoin de services en psychothérapie, pour apprendre à gérer et à modifier certains comportements de l’enfant (les personnes ayant des TED sont anxieux plus de 80 % du temps) et, de plus, rien n’est offert pour soutenir les parents et la fratrie. L’éducation physique ou la motricité offertes en alternance chaque jour, sont des activités nécessaires et très appréciées. Elles répondent bien aux besoins de nos enfants qui présentent souvent des problèmes sensoriels (ce qui n’est pas le cas de Guillaume qui a maintenant 12 ans) et expriment difficilement leurs besoins et leurs émotions. Cette année, l’enseignant organise, entre autres, des batailles à coups d’épée en mousse pour aider les enfants à exprimer leur agressivité et à faire la différence entre le « faire-semblant » et de vraies batailles. Il faut comprendre que les personnes ayant des TED sont des garçons, dans une proportion de 4 pour 1 et que bien peu de filles fréquentent l’école Saint-Gilles. Les classes comportent donc presque toujours 6 ou 7 garçons qui ont besoin de bouger. Le transport scolaire s’effectue bien, d’après ce que je peux voir. Les chauffeurs semblent être très patients, car certains chantent, font jouer de la musique, ont apposé des pictogrammes dans leur véhicule ou offrent même des autocollants pour souligner un bon comportement. Leur tâche est souvent difficile, surtout quand leurs jeunes passagers crient ou pleurent. Nous avons déménagé en face de l’école il y a 5 ans : Guillaume n’est donc plus voyagé en berline. Plus d’un enfant sur trois des classes régulières offre ainsi ses services pour s’occuper d’un ami TED et son dévouement est reconnu par les enseignants et la direction. j u i n 2 0 07 Lors de la semaine de relâche, en mars, un grand nombre de parents doivent prendre des vacances, faute de places disponibles dans les services de répit ou en raison des coûts élevés à la longue. Le même problème se répète à Noël, lors des autres jours fériés, des nombreuses journées pédagogiques et des vacances d’été. Ceci 49 est un vrai problème. Heureusement que la Société de l’autisme et des TED (Laval) est là : si on s’inscrit à temps et qu’on paie les frais raisonnables (45 $) pour un samedi ou un dimanche de répit par mois (qui peuvent même être remboursés par le CLSC), on reçoit un service spécialisé et adapté. Le matériel de jeu à l’extérieur de l’école était inexistant lors de l’arrivée des enfants ayant des TED à l’école Saint-Gilles. Grâce à la contribution financière de la Société de l’autisme et des TED (Laval) et d’autres organismes, un grand module de jeu, ainsi qu’une bascule à deux, ont pu être installés dans une aire clôturée et recouverte de sable. Les autres enfants de l’école en bénéficient aussi, de même que ceux fréquentant les services de garde, après la classe. L’école favorise beaucoup l’intégration, de diverses manières. Un enfant ayant un TED peut faire une activité académique (lecture, calcul, musique, etc.) ou ludique (gymnastique, jeux de société, bibliothèque) dans une classe régulière, avec un accompagnateur adulte; un enfant du régulier peut venir en classe TED faire une activité avec un enfant en particulier, ou l’accompagner dans la grande cour de récréation commune, le midi après le repas, etc. Plus d’un enfant sur trois des classes régulières offre ainsi ses services pour s’occuper d’un ami TED et son dévouement est reconnu par les enseignants et la direction. Nous recevons régulièrement un cahier de communication nous informant, suite à des observations, des expériences d’intégration et du comportement de notre enfant. Notre fils ne fait malheureusement pas d’intégration cette année, en raison du manque d’accompagnateurs adultes. Ceci est très regrettable, car il socialise de plus en plus et recherche la compagnie d’autres enfants. Il fréquente un camp de jour régulier durant 7 semaines chaque été, avec un accompagnateur adulte, et il est dommage que ses acquis sociaux ne puissent continuer de se développer durant l’année scolaire. Nous avons l’impression qu’un temps précieux est ainsi perdu. Au cours du développement des enfants autistes, comme c’est le cas avec les enfants qui ne présentent aucun retard, plus les interventions sont fréquentes et précoces, plus elles sont efficaces et ont un effet durable. Au cours de cette année scolaire, notre fils a fait l’objet de violence de la part d’un élève de sa classe, ce qui a provoqué beaucoup d’angoisse chez lui, à l’école et à la maison : toute la famille l’a donc ressentie. Résoudre cette situation a été très long (plus de 6 mois). Heureusement que Guillaume a toujours beaucoup aimé l’école. Nous sommes fiers du courage dont il a fait preuve pour côtoyer un élève qui le frappait dans le dos plusieurs fois par semaine, lui qui est tout sourire et douceur. Les cours de musique se déroulent très bien. L’enseignant de Guillaume joue de la guitare et a même enregistré un CD avec les enfants pour Noël. Faire ainsi de la musique en classe chaque jour a un effet calmant et rassembleur et favorise le développement du langage. Le service en zoothérapie est quasi inexistant, faute de budget. Les enfants apprécient cette activité apaisante de familiarisation avec des animaux. Les sorties ou activités spéciales sont trop peu nombreuses. Par exemple, des visites aux commerçants locaux ou la participation à des spectacles seraient très profitables, ainsi que des sorties à la piscine à des heures où les lieux ne sont pas trop bruyants (l’écho dérange les personnes ayant un TED). En conclusion, j’affirme que, si ce n’était du travail acharné des enseignants au quotidien, encadrés par de rares spécialistes trop occupés, nos enfants ne progresseraient que très peu, tant du point de vue pédagogique que comportemental, ce dernier aspect ayant d’importantes répercussions sur la vie familiale. Les besoins en services spécialisés (orthophonie, ergothérapie et psychologie) sont criants et très, très peu comblés. Les congés sont trop nombreux et les parents doivent se tourner vers de rares services de répit dont les frais sont élevés à la longue ou alors, ils s’absentent du travail ou doivent carrément le quitter. Le milieu scolaire, comme le milieu familial, « fait avec ce qu’il a ». Mais combien de temps cette situation peut-elle durer sans user irrémédiablement les enseignants et les parents ? L’enseignant de Guillaume joue de la guitare. Faire ainsi de la musique en classe chaque jour a un effet calmant et rassembleur et favorise le développement du langage. 50 j u i n 2 0 07 Coup d’oeil sur le monde À Lausanne, en Suisse, TED sans frontières était présent au Forum organisé par l’Association internationale de Recherche scientifique en faveur des personnes handicapées mentales (ARIHM), en août 2006. Deux présentations ont été offertes aux participants. L’une s’intitulait : Soutenir la famille et les proches, oui, mais comment ? et l’autre : Captivantes personnes – Participantes actives. La tenue de cette rencontre a permis de connaître des services offerts aux personnes ayant un Trouble envahissant du développement (TED) par d’autres pays, de créer ou de renouer des liens avec différents dispensateurs de services dont ceux du Maroc et de parfaire nos connaissances; un échange productif ! j u i n 2 0 07 À Oslo, en Norvège, TED sans frontières a participé en septembre 2006 au conseil d’administration d’Autisme-Europe dans le cadre des préparatifs du Congrès d’AutismeEurope qui se tiendra en août 2007, à Oslo. La tenue de cet événement a permis de découvrir et de créer des liens avec l’Association norvégienne de parents d’enfants ayant un TED. À Budapest, en Hongrie, en mai 2007, TED sans Frontières a participé au conseil d’administration d’Autisme-Europe, à l’Assemblée générale annuelle et au Congrès portant sur les Troubles envahissants du développement organisé par la Hongrie. Cette présence a permis de connaître les services offerts aux personnes ayant un TED dans ce pays. De plus, TED sans Frontières a visité la Clinique dirigée par le Dr Rutger van der Gaag à Nymègues aux Pays–Bas. Celle-ci offre des services d’évaluation et de diagnostic; elle offre aussi des activités de jour. Cette clinique fait partie du Centre Universitaire de Psychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence. Enfin, TED sans frontières a participé à la première rencontre du Réseau national d’expertise en autisme, organisée par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec en avril 2007. Une conférence donnée par le Dr Éric Fombonne portant sur les taux de prévalence des Troubles envahissants du développement a été fort enrichissante. 51 Association pour la recherche sur l’autisme et la prévention des inadaptations (ARAPI) Tours, France Commission scolaire de Laval Laval, Québec (Joanne Camirand) Le Chat Botté Laval, Québec (Germain Lafrenière) [email protected] [email protected] Fédération québécoise des CRDI Longueil, Québec Les Entreprises Qualité de vie Laval, Québec (Germain Lafrenière) [email protected] [email protected] Fédération québécoise de l’autisme et des autres troubles envahissants du développement Montréal, Québec (Jo-Ann Lauzon) Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ) Drummondville, Québec [email protected] Centre de réadaptation en déficience intellectuelle (CRDI) Normand-Laramée Laval, Québec (Julie Mc Intyre) [email protected] Centre de réadaptation en déficience intellectuelle Normand-Laramée Laval Québec (Rachid Ababou) [email protected] Chapitre francophone de l’autisme d’Ottawa et de la Société franco-ontarienne de l’autisme Ontario (Huguette Boisvert) [email protected] [email protected] ou (Lucille Bargiel) [email protected] Hôpital juif de réadaptation, Laval, Québec (Françoise Gilbert) [email protected] CHU- Université Nymègues aux Pays-Bas Karakter, Centre universitaire de psychiatrie de l’enfance et de l’adolescence (Dr Rutger van Der Gaag) Hôpital l’Hôtel-Dieu-du-Sacré-Cœur, Québec, Québec (Dr Jacques Thivierge) [email protected] [email protected] Clinique du développement de la Clinique ambulatoire de la région de Laval (CARL) Québec (Dr Jacques Roussy) [email protected] Clinique régionale d’évaluation des troubles complexes du développement Montérégie, Québec (Dr Yves Tremblay) [email protected] Hôpital Rivières-des-Prairies, Montréal, Québec (Dr Laurent Mottron) [email protected] INSERM, Centre de recherche en santé mentale (CESAMES) Paris, France (Brigitte Chamak) Pour consulter les recommandations françaises en matière de diagnostic et de dépistage www.sesame-autisme.com www.has.sante.fr. Sesame-Autisme Languedoc France (Yves Michelon) [email protected] Société de l’autisme et des TED de Laval Laval, Québec (Germain Lafrenière) [email protected] TED sans Frontières Laval, Québec (Germain Lafrenière) [email protected] [email protected] [email protected] 52 j u i n 2 0 07