Telechargé par Taha Abderrafie Maalla

Revue-TED-22-juin

publicité
03
Mot du président et éditeur
05
Message du ministre de la Santé et des Services sociaux
07
Mot de la présidente de la Fédération québécoise de l’autisme et
des autres TED
08
Éditorial
10
Conférence d’ouverture
Diagnostic
14
La précision et l’injustice du diagnostic d’autisme
16
Processus d’évaluation diagnostique
18
Dépistage et diagnostic de l’autisme
21
Signaler – Dépister – Détecter
23
Dépistage et diagnostic
25
Diagnostic, verdict, dilemme…?
Services aux enfants âgés de 5 à 12 ans
29
Le modèle intégré d’intervention du CRDI Normand-Laramée
31
Les services aux enfants ayant un TED âgés de 5 à 12 ans
34
L’enfant autiste et le rôle du parent
35
Témoignage sur les services publics et privés utilisés
Ressources communautaires
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36
Les ressources communautaires en France
38
Évolution du secteur médico-social dans le dispositif d’aide aux
enfants âgés de 6 à 12 ans, ayant un TED
42
L’autisme au Maroc : état des lieux et des ressources communautaires
43
Ressources disponibles aux francophones d’Ottawa, Ontario
44
Les multiples facettes des ressources communautaires
Éducation
45
Le système d’éducation et les enfants ayant un TED
48
Services offerts aux familles par le milieu scolaire
Expérience internationale
51
Coup d’oeil sur le monde
52
Adresses électroniques
Éditeur
Germain Lafrenière
Rédaction des synthèses
et coordination des travaux
Louise A Morin
Rédactrice en chef
Ginette Côté
Relecture
Brigitte Carrier
Ginette Côté
Pauline Lalancette
Jacinthe Ouimet
Conception
et réalisation graphique
Le Pica
Comité scientifique
de TED sans frontières
Dr Laurent Mottron, président
D Catherine Barthélémy, vice-présidente
r
Dr Rutger Van der Gaag
Dr Jacques Thivierge
Dr Donata Viventi
Dr Yves Tremblay
Gilles Cloutier
2
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L
a cinquième rencontre scientifique internationale tenue en
avril 2006, à Laval (Québec) avait pour thème « Les services
aux enfants TED : Mythe ou Réalité ». Ainsi, le contenu de cette
revue porte sur la situation des personnes ayant un Trouble
envahissant du développement et, différents services dont le diagnostic et l’aide apportée aux enfants de 5 à 12 ans au Québec, en
France, au Maroc, aux Pays-Bas et en Ontario francophone vous
sont ici présentés.
Je vous offre donc ce deuxième numéro
Cette revue vous est offerte également
de la revue Ted sans frontières. Une
grâce à la contribution du Gouvernement
longue période s’est écoulée entre la
du Québec, du Centre de réadaptation
présentation des deux numéros. Les
Normand-Laramée
efforts reliés à la tenue de cet événement
Fédération québécoise de l’autisme et des
d’envergure internationale, le financement
autres troubles envahissants du dévelop-
difficile, le travail énorme de synthèse des
pement (FQATED) et de l’Association pour
conférences, leur relecture, de même que
la recherche sur l’autisme et la prévention
le respect des horaires des auteurs
des inadaptations (ARAPI, France). Ils en
expliquent ce délai. Acceptez nos excuses.
ont favorisé l’achèvement et notre recon-
de
Laval,
de
la
naissance leur est adressée.
Il y aura cependant parution d’un numéro
à thème par année.
Maintenons l’élan qu’a suscité la richesse
des échanges à l’égard des services à offrir
Je remercie vivement les présentateurs, les
aux personnes ayant un TED et à leur
animateurs, les collaborateurs, les bénévoles,
famille, afin de leur donner toutes les pos-
les membres de divers conseils d’adminis-
sibilités de s’épanouir. Grâce à vous, à la
tration, la rédactrice des synthèses, le
diffusion de travaux de recherche et au
comité de relecture, l’éditorialiste, les
partage de l’expertise entre chercheurs,
participants et partenaires de divers pays
praticiens, parents et organismes commu-
francophones ou francophiles qui ont
nautaires, nous progressons en favorisant
rendu possible la tenue de cet évènement
l’amélioration constante des programmes
notable et la présente parution.
conçus à leur endroit.
Bonne lecture et au plaisir de vous voir à
notre prochain rendez-vous, en 2008, à
Laval !
Germain Lafrenière, Adm.A.
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3
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C
’est avec fierté que je m’associe, de nouveau cette année, à l’organisme TED sans
frontières. L’intervention auprès des adultes et des enfants qui ont un trouble
envahissant du développement requière une expertise particulière et notre gouvernement
consacre des efforts importants à développer ce volet, par des activités de recherche et de
formation. Nous accordons une attention toute spéciale à la situation des enfants de
moins de six ans, l’efficacité d’une intervention précoce ayant été démontrée à maintes
reprises.
Les formations universitaires de premier et de deuxième cycle à l’intention des centres de
réadaptation en déficience intellectuelle dont nous avons soutenu le développement et
l’actualisation sont un bel exemple des outils concrets que nous mettons à la disposition
des intervenants du réseau de la santé et des services sociaux. Les parents peuvent également
bénéficier de formations et d’une instrumentation spécifique à leur rôle grâce à différents
projets que nous avons financés sur recommandation de la Fédération québécoise de
l’autisme et des autres troubles envahissants du développement.
Pour favoriser une pleine circulation de l’information et la diffusion des connaissances les
plus récentes, nous avons également instauré un réseau national d’expertise en troubles
envahissants du développement. La construction d’une telle expertise ne pourrait être
possible sans la précieuse collaboration du milieu associatif. Une initiative telle que la revue
internationale de TED sans frontières fera certainement écho à travers la communauté des
chercheurs, praticiens, parents et organismes de milieu concernés par les troubles
envahissants du développement.
Longue vie à TED sans frontières!
Philippe Couillard
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L
a Fédération québécoise de l’autisme et des autres troubles envahissants du
développement est heureuse d’avoir apporté sa contribution à cette rencontre
scientifique internationale de TED sans frontières. Je remercie parents, professionnels et intervenants d’être venus en si grand nombre. J’adresse un merci chaleureux au
Dr Laurent Mottron pour ses travaux qui nous amènent à concevoir différemment la nature
et le niveau de l’intelligence autistique. Merci aux conférenciers et aux animateurs des tables
rondes et à nos commanditaires, sans lesquels un tel événement n’aurait pu avoir lieu.
Cette rencontre nous a donné l’occasion de partager notre expertise avec nos collègues de
trois continents sur les questions du diagnostic et de l’évaluation. Les dernières années ont
démontré une augmentation constante des troubles envahissants du développement à
travers le monde. Dans les différentes régions du Québec, les listes d’attente pour obtenir
un diagnostic ne cessent de croître et les familles sont laissées à elles-mêmes. Devant ce
cul de sac, l’accès aux services ne devrait-il pas être axé sur la réponse aux besoins plutôt
que sur la présence ou l’absence de diagnostic?
Cette rencontre nous a aussi permis de jeter un œil sur les services offerts aux 5-12 ans.
Bien que des projets novateurs se dessinent à certains endroits, il reste énormément de travail
à faire. Nos enfants sont encore trop souvent laissés à eux-mêmes dans le milieu scolaire,
alors qu’on fait encore peu de place à la scolarisation. La complémentarité de service entre
la santé et l‘éducation n’a pas encore donné de résultats convaincants. Le soutien aux
familles tarde, les services de répit, de dépannage et les loisirs sont encore des exceptions.
Chacun d’entre nous, que nous soyons parents, professionnels ou intervenants, retournons
dans nos milieux avec des pistes de réflexions qui teinteront nos approches et nos actions.
J’ose espérer, que l’ensemble de nos interventions aura des retombées significatives sur les
services offerts aux enfants qui présentent un trouble envahissant du développement.
Plus que jamais, je suis convaincue que c’est dans le partage que nous réussirons à
améliorer les services et à faire la différence dans la vie des enfants et de leur famille :
partage d’information, partage d’expertise, partage d’expérience et de vécu. En ce sens,
l’organisme TED sans frontières et cette revue sont de précieux outils de diffusion et de
circulation des connaissances. Je vous souhaite une bonne lecture !
Ginette Côté
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7
Jean-Claude Marion
Pour que le partage des connaissances
suscite une réelle amélioration des services
F
avoriser la diffusion et le partage de l’expertise des chercheurs et des praticiens
sur l’autisme et les autres troubles envahissants du développement, c’est la
mission que TED sans frontières voulait poursuivre en mettant sur pied cette
cinquième rencontre scientifique internationale en avril 2006. Elle avait pour
thème « Les services aux enfants TED – Mythe ou Réalité » et traitait du
dépistage, du diagnostic des TED et des services réservés aux enfants âgés de
5 à 12 ans.
Sans doute pour définir l’originalité de
cette rencontre, est-il bon de rappeler ici
les lignes directrices qui ont inspiré les
organisateurs lors de sa préparation.
vers la naissance de projets fructueux. La
collaboration qui se joue des frontières,
voilà, à mon avis, le meilleur des achèvements dont on peut rêver.
Il a été établi que les communications sur la
recherche scientifique étaient sélectionnées
pour leur qualité et la pertinence de leur diffusion dans la francophonie. Celles-ci sont
évidemment importantes, mais les expertises
des praticiens, qui interviennent chacun
selon leur approche disciplinaire, le sont
aussi. De la même façon, le témoignage
direct des autistes lorsqu’il est possible, celui
de leurs familles si riche d’expériences vécues
de l’intérieur, le savoir-faire des organismes
communautaires, souvent premier soutien
des parents en détresse, toutes ces expertises
accumulées sont également importantes.
Aux yeux des organisateurs, elles procurent à
ceux qui en sont pourvus un statut de partenaire à part entière qu’il convient de privilégier
et de faire connaître. C’est donc la suppression des clivages et l’abandon des frontières,
qu’elles soient géographiques ou qu’elles
soient structurelles, devant ce que l’on pourrait appeler l’ennemi commun, qui fait la
richesse et la singularité des échanges. Ces
caractéristiques sont suffisamment rares au
niveau de la francophonie pour s’empêcher
de les souligner. Célébrons-les en permettant
aux participants de susciter des contacts qui
déboucheront sur des partenariats dirigés
Dans cet ordre d’idée, s’il est d’ailleurs
encourageant et révélateur de cet état
d’esprit de constater que la Fédération
québécoise de l’autisme et des autres troubles
envahissants du développement, le Centre
de réadaptation en déficience intellectuelle
Normand-Laramée (Laval, Québec), l’Association
pour la recherche sur l’autisme et la prévention
des inadaptations (ARAPI, France) sont
devenus partenaires de TED sans frontières,
la Société de l’autisme et TED de Laval et
d’autres organismes outre-mer pour l’organisation de cet évènement.
C’est donc la suppression des clivages et l’abandon des
frontières, qu’elles soient géographiques ou qu’elles soient
structurelles, devant ce que l’on pourrait appeler l’ennemi
commun, qui fait la richesse et la singularité des échanges.
8
Revenons maintenant à la réalité des
présentations et essayons de voir, en
analysant brièvement les propos de
quelques communicateurs, si les services
aux jeunes enfants autistes sont plus que
vœux pieux, s’ils progressent à tout le
moins et si leur situation est différente
outre-Atlantique.
Il semble indéniable que les services que
représentent le dépistage et diagnostic ont
progressé durant ces dernières années.
L’autisme et les autres TED sont des déficiences dont l’étude en profondeur est
relativement récente et il a probablement
fallu une plus grande sensibilisation des
médecins et du public en général pour
créer un état propice au développement
des connaissances. On s’aperçoit aujourd’hui que l’épidémiologie et les critères de
diagnostic suscitent de plus en plus
d’ajustements et d’interrogations auprès
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des chercheurs spécialisés. Les communications livrées au cours de la rencontre
montrent à suffisance que les avancées
sont là et qu’elles contribuent ou contribueront à affiner ces étapes cruciales
que sont le dépistage et le diagnostic.
La présentation du Dr Mottron nous
donne un bel exemple de cet enrichissement. En s’interrogeant sur la distinction
entre autisme dit « de bas niveau » et
« de haut niveau », ses recherches l’ont
poussé à concevoir différemment la nature
et le niveau de l’intelligence autistique.
Il constate que cette intelligence et
aussi la capacité d’effectuer éventuellement
certaines tâches sont sous-estimées et
que certaines classifications épidémiologiques devraient sans doute être
repensées.
De la même façon, le Dr Thivierge ne peut
que susciter un débat profitable quand il
rappelle le caractère imprécis et peu scientifique du diagnostic de trouble envahissant
du développement, quand il en discute les
méthodes et les conséquences et qu’il
démontre ce qu’il considère comme l’ambiguïté de son statut.
Dans d’autres communications, comme
celle du Dr Tremblay, qui mettent davantage l’accent sur le rôle d’une équipe
pluridisciplinaire et sur les problèmes
spécifiques de l’évaluation, le partage de
l’expertise se focalisera sans doute sur les
pièges à éviter pour permettre de comprendre
adéquatement les enfants et de préciser
leur diagnostic.
En France, les services comme le dépistage
et le diagnostic paraissent tributaires de
procédures émises par la Fédération
Française de Psychiatrie. Ils obéissent à un
protocole bien défini. Monsieur Yves
Michelon axe sa présentation sur les
recommandations adressées aux professionnels en contact avec les jeunes enfants
et aux équipes spécialisées en autisme.
Aux professionnels de première ligne par
exemple, on demande une surveillance
systématique du développement de la
communication sociale durant les 3 premières années de l’enfant. Les signaux
d’alerte sont recherchés et lorsque la
procédure est respectée (qui comprend
une évaluation multidisciplinaire), elle
peut aboutir à un diagnostic clinique
d’autisme à partir de l’âge de 2 ans.
Le Professeur van der Gaag, très charismatique, nous expose la situation vécue aux
Pays-Bas dans ce même domaine. Il constate
que l’autisme et les TED, bien que se manifestant avant l’âge de 30 mois, sont souvent
diagnostiqués beaucoup plus tard, voire
vers l’âge de 5 ou 6 ans. Il développe les
raisons de cet état des choses et nous
montre, à la lumière de son expérience,
qu’un renforcement de l’éducation et de la
sensibilisation des pédiatres de base peut
mener à un diagnostic plus rapide et donc
à des méthodes d’intervention et à une
prise en charge plus efficaces.
Vous l’aurez compris, il n’est pas possible
de résumer dans un cadre aussi restreint
toutes les communications, qu’elles soient
sur le diagnostic ou sur les autres services
réservés aux enfants autiste de 5 à 12 ans.
Précisons que ces derniers sont malheureusement encore insuffisants, mais
semblent également progresser comme les
services de diagnostic.
Notre souhait est que ces quelques fragments
d’information vous encouragent à lire le
compte-rendu détaillé de ces communications.
Ne négligez pas celles qui traitent des
ressources communautaires, car ces organismes axés sur les familles sont souvent à
la base d’initiatives originales et combien
profitables. Ils sont en première ligne pour
constater l’insuffisance des services
disponibles, mais peuvent provoquer leur
amélioration en sensibilisant l’opinion
publique et les autorités.
Pour donner plus de force à l’affirmation
que le partage des expertises peut mener à
une amélioration des services, mentionnons en terminant que le modèle intégré
d’intervention du CRDI Normand-Laramée,
adapté par Julie Mcintyre, semble avoir
susciter l’intérêt outre-Atlantique. Des
contacts ont lieu, annonciateurs de progrès pour l’enfant autiste. La tenue de cet
évènement remplit donc déjà sa mission.
En ce temps de mondialisation, comment
ne pas s’en réjouir. Pour nous c’est presque
un cri d’espoir devant les synergies à venir.
La collaboration qui se joue des frontières, voilà, à mon
avis, le meilleur des achèvements dont on peut rêver.
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Dr Laurent Mottron,
professeur titulaire au département de psychiatrie de l’Université de Montréal, Québec
Autres chercheurs impliqués dans le projet « Une autre intelligence » :
Michelle Dawson et Isabelle Soulières, Université de Montréal
Morton Ann Gernsbacher, Université du Wisconsin, Madison, États-Unis
Laval 2006
Une autre intelligence
Sommaire
De quelle nature est la différence entre
l’autisme de haut et de bas niveau?
Dr Laurent Mottron
À l’instar de la plupart des personnes
autistes qui se sont penchées sur cette
question, les chercheurs de la Clinique
spécialisée de l’autisme mettent en doute
la façon dont on conçoit le plus souvent
la distinction entre autisme dit « de bas
niveau » et « de haut niveau ». Nous
présenterons les incertitudes de la communauté scientifique sur l’intelligence
autistique, puis de nouvelles données, qui
nous amènent à concevoir différemment
la nature et le niveau de l’intelligence
autistique. Précisons que cette présentation
concerne l’autisme essentiel (sans maladies
neurologiques associées) et « type », et
non l’autisme secondaire (avec maladies
neurologiques associées), ou le Syndrome
d’Asperger ou les TED non spécifiés.
Clichés
sur l’intelligence autistique que
nous mettons en doute
• L’autisme n’apporte que des désavantages, même chez ceux dits de « haut
niveau ».
Nous sommes en désaccord avec ces
positions. Tout d’abord, ce qu’on nomme
actuellement autisme de bas niveau correspond, en fait, à des tableaux hétérogènes :
• Autiste âgé de 2 à 5 ans, avant le développement du langage, quel que soit
son développement futur;
• Autiste adulte dit « intestable » avec les
épreuves usuelles, ou qui paraît ne pas
comprendre les consignes du test utilisé;
• Autiste ayant une manifestation d’intelligence supérieure (« capacité spéciale »),
mais dont la moyenne des performances
aux tâches mesurant le Q.I. est < 70;
• Autiste sans capacité spéciale, avec
limitation intellectuelle vraie (basse
performance homogène aux tests d’intelligence, y compris ceux où les autistes
excellent généralement).
Seul ce dernier cas correspondrait à la
notion d’autisme avec déficience intellectuelle.
On rapporte généralement que :
• 75 % des autistes « de bas niveau »
ont un retard mental;
• Les « capacités spéciales » autistiques
ne sont pas de la vraie intelligence;
• Les autistes mutiques sont automatiquement de bas niveau;
On ne tient pas compte de ce que les autistes puissent
ne pas être adaptés aux tests qu’on leur fait passer,
alors qu’adaptation et intelligence sont profondément
dissociées dans l’autisme.
10
De plus, on ne tient pas compte de ce que
les autistes puissent ne pas être adaptés
aux tests qu’on leur fait passer, alors
qu’adaptation et intelligence sont profondément dissociées dans l’autisme:
• On sait depuis longtemps que les tests
d’intelligence usuels (test de Wechsler)
sont beaucoup mieux réussis que les
tests de niveau d’adaptation (test de
Vineland), ce qui implique qu’intelligence et adaptation au monde non
autiste sont dissociées chez les autistes.
• Pourtant, pour la mesure du niveau d’intelligence d’un autiste, on considère que
l’adaptation à la tâche (test de Wechsler)
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est optimum, soit que le véhicule utilisé
pour mesurer l’intelligence ne constitue
pas un frein à la mesure de celle-ci.
Donc, on ne dissocie pas comme on le
devrait l’adaptation à la tâche du test et
l’intelligence comme telle dans la
mesure de l’intelligence autistique.
Quel modèle
peut-on prendre pour
comprendre cette situation?
Un autiste qui réussit un test d’intelligence
à un niveau bas est-il « comme » :
• Une personne avec syndrome de
Down à qui on demande de résoudre
un problème de mathématiques
avancées?
OU PLUTÔT
• Un chien à qui on demande de
grimper dans un arbre?
• Un Bantou interrogé sur le code de la
route occidental?
• Un aveugle à qui on demande de lire
un livre imprimé?
• Un enfant à qui on demande de
résoudre à cinq ans le problème qu’il
ne saura résoudre qu’à quinze ans?
Dans la première de ces cinq situations,
l’intelligence autistique serait correctement mesurée par le résultat aux tests. En
revanche, les quatre situations suivantes
représentent chacune un cas où cette
mesure n’est pas valable.
• Un chien à qui on demande de
grimper dans un arbre? Même intelligent, un chien ne grimpe pas aux arbres.
La mesure de l’intelligence produite par
le test n’est ici pas valable, parce que le
niveau de similarité entre le test et les
comportements faisant partie du répertoire de l’espèce, à laquelle appartient
l’individu évalué, est très bas.
produite par le test n’est ici pas valable,
parce que la personne testée n’a pas la
capacité de traiter le problème posé.
• Même Kasparov jouait mal à deux ans.
On mesure l’intelligence à un niveau
de maturation de l’espèce suffisant. La
mesure de l’intelligence produite par
le test n’est ici pas valable parce
qu’elle est faite au début du développement.
Qu’est-ce qui mesure
l’intelligence autistique?
• Avec le même niveau d’intelligence,
quelqu’un qui n’a jamais, qui a un peu
ou beaucoup joué aux échecs n’obtiendra
pas le même résultat à une partie
d’échecs. La mesure de l’intelligence
produite par le test n’est ici pas valable,
parce que le niveau de familiarité de l’individu testé avec le matériel de la
tâche est trop bas (absence d’expertise
pour le matériel utilisé dans le test).
• Les pics d’habiletés?
• Un aveugle peut jouer aux échecs, s’il
a un moyen a) de connaître la position
des pièces et b) d’exprimer sa réponse;
l’intelligence d’un sourd profond ne
peut pas être mesurée par le biais du
langage oral. La mesure de l’intelligence
• Leurs déficits?
Pour : Les pics d’habiletés représentent des informations que les autistes
sont capables de traiter (comme la
musique pour les aveugles, ou le langage gestuel pour les sourds).
Contre : Les pics d’habiletés sont
censés être liés à la perception, non à
l’intelligence.
Pour : Les pics d’habiletés reflètent
leur niveau d’adaptation au monde
non-autiste.
Contre : Ils correspondent à l’information qui maximise l’inadaptation
des autistes (comme lire l’alphabet
romain pour les aveugles, ou le langage oral pour les sourds).
• La moyenne des deux?
C’est ce que nous pensions jusqu’à
récemment, mais nous le mettons
maintenant en doute.
Ces incertitudes se traduisent par des
variations extrêmes dans l’estimation
de la proportion d’autistes ayant une
déficience intellectuelle :
• 70 % des autistes sont déficients,
contre 8 % des TEDNS1 (Chakrabarti
& Fombonne, 2001);
• 50 % des autistes sont déficients
(Honda, 1996);
1 TEDNS : Troubles envahissants du développement non spécifiés.
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11
• 40 % des autistes sont déficients
(Baird, 2000);
• 25 % des autistes sont déficients
(Kielinen, 2000).
Quelques données
Certains autistes mutiques, ou presque
non verbaux, ont un résultat normal ou
supérieur aux Matrices de Raven. Nous en
avons dénombré jusqu’ici dans la population
participant à la recherche au laboratoire
(Dawson, Soulière, Gersnsbacher et Mottron,
sous presse).
sur l’intelligence autistique
Que nous apprend la performance au Raven
au sujet d’autistes presque mutiques?
Le choix du test utilisé pour mesurer l’intelligence est important. Selon qu’on
utilise le test de Wechlser (ce qui est utilisé
habituellement), ou les Matrices de Raven,
le résultat change considérablement. Les
Matrices de Raven sont un test de résolution
de problèmes, fondé sur le raisonnement
abstrait et mesurant l’intelligence fluide
(Carpenter, 1990).
• Le Raven peut être résolu sans recourir
au langage chez des autistes.
• Il ne nécessite pas d’instructions orales.
• Il ne nécessite pas la manipulation
d’informations stockées en mémoire à
long terme.
• C’est le test d’intelligence le plus corrélé
avec les autres tests : il est central,
complexe et général (Marshalek, 1983).
• Au contraire, il requiert la maîtrise du
langage chez les non-autistes : le
degré de déficit langagier est corrélé à
la performance au Raven chez les nonautistes (Baldo, 2005).
• Il suggère que l’intelligence puisse se
développer avec un rapport différent
vis-à-vis du langage à celui qui existe
chez le non-autiste
Les pics d’habiletés pourraient donc
représenter une mesure de l’intelligence
• Certains autistes non verbaux sont
capables de réaliser des tests non verbaux à un haut niveau, malgré des performances planchers au reste des tests
cognitifs et un Vineland très bas. Ils
pourraient donc avoir une intelligence
normale.
• À l’échelle du groupe, les pics d’habiletés
au Wechsler donnent un résultat identique à celui du Raven.
• Les pics d’habiletés sont hautement
corrélés à l’intelligence générale, quelle
que soit la façon dont cette dernière
est mesurée.
• Les pics d’habiletés pourraient donc
donner une mesure de l’intelligence
effective des autistes.
Certains autistes non verbaux sont capables de réaliser
des tests non verbaux à un haut niveau, malgré des
performances planchers au reste des tests cognitifs
et un Vineland très bas.
12
j u i n 2 0 07
Importance de l’âge dans la mesure de
l’intelligence autistique
• La testabilité est à son meilleur vers
6 ans ou même plus tard.
• Les données épidémiologiques sur l’intelligence dans l’autisme sont collectées vers l’âge de 4 à 5 ans, et non
quand l’enfant est à son maximum de
testabilité et de potentiel intellectuel.
Cette pratique risque de sous-estimer
considérablement le niveau d’intelligence, surtout si des questions orales
sont utilisées.
• De plus, on peut parler tard (être
« intestable » jusqu’à un âge avancé)
et avoir un Q.I. final élevé. Il n’y a donc
pas de relation entre l’âge de début du
langage et le Q.I. final atteint.
• Il importe donc de tenir compte des
transformations développementales
vis-à-vis de la testabilité, comme du
développement de l’intelligence, car
l’autisme mutique de 4 ans ne représente
pas l’aboutissement de l’intelligence
autistique.
Conclusion
pratique
• Faire le pari de l’intelligence pour un
autiste de l’âge de 2 à 4 ans, c’est dissocier
le niveau apparent d’intérêt pour les
tâches de leur apprentissage implicite.
Donc, il convient d’assurer une rencontre
de l’autiste avec la culture, et spécialement
avec le code écrit, même si cette présentation de la culture à l’enfant se fait dans
un environnement socialement appauvri.
• Nous proposons d’explorer la substitution
au remodelage par renforcement des
étapes développementales du nonautiste (pointage, imitation, communication orale) de type ABA, de l’accès
non social à la culture (accès à des
livres, aux ordinateurs), avant un accès
à une culture socialisée (école).
• Donc, offrir une exposition précoce à
du matériel imprimé, des matériaux
mécaniques, visuels et musicaux complexes, logiciels.
Conclusion
technique
• L’intelligence autistique est sousestimée de 30 à 90 percentiles par les
échelles de Wechsler.
• L’intelligence autistique devrait être
mesurée lorsque la personne est au
faîte de son développement.
• Bien que réalisant les tâches de façon
atypique, l’intelligence autistique peut
réussir certaines tâches « de haut
niveau » avec succès.
• L’épidémiologie de l’intelligence autistique n’est pas actuellement fiable.
Conclusion
philosophique
Les autistes dont nous testons l’intelligence
avec un Wechsler, sont comme :
• Des chiens aveugles,
• n’ayant jamais vu d’arbres,
• à qui un savant fou demanderait, alors
qu’ils sont encore petits, de grimper du
premier coup à un arbre qu’ils ne voient
pas,
• et dont on décréterait, à la lumière de
leur performance à cette épreuve, qu’ils
ne sont généralement pas bons à toute
autre chose pour toute leur vie…
• …y compris une fois adulte, à faire leur
vie de chien.
On peut se demander comment 25 %
arrivent quand même à grimper aux
arbres. Ceux-là méritent vraiment leur
appellation de haut niveau!
Bien que réalisant les tâches de façon atypique,
l’intelligence autistique peut réussir certaines tâches
« de haut niveau » avec succès.
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13
Dr Jacques Thivierge, pédopsychiatre
Hôtel-Dieu du Sacré-Cœur, Québec
La précision et l’injustice
du diagnostic d’autisme
À
titre de pédopsychiatre, le docteur Jacques Thivierge réagit à la tendance générale actuelle selon laquelle il faudrait se comporter
comme si le diagnostic « trouble envahissant du développement - autisme
(TED-A) » était un diagnostic médical informatif et précis, impliquant des
approches précises de traitement.
Cette façon de voir a des conséquences
malheureuses, notamment :
• En entretenant une situation d’injustice à l’égard de plusieurs enfants ayant
un trouble du développement (TD);
• En occasionnant d’inutiles pertes de
temps et d’énergie;
• En maintenant des standards artificiels
pour la publication et l’obtention de
fonds de recherche.
L’évaluation médicale
Le résultat de l’évaluation médicale
demeure non informatif pour la grande
majorité des enfants ayant un TD.
Toutefois, l’on sait que ces enfants ont
besoin :
• D’une bonne évaluation
de leur
développement (habiletés motrices,
sociales, à communiquer, cognitives,
effectuées par des professionnels nonmédecins;
• D’interventions éducationnelles adaptées,
réalisées par des professionnels nonmédecins.
Comment se fait-il alors que le diagnostic
médical revête une importance pratique
si considérable chez ces enfants et
quelles en sont les conséquences ?
Les enfants rencontrés par les pédopsychiatres
sont ceux touchés par un trouble du
développement (TD), c’est-à-dire un TEDAutisme, un trouble mixte du langage
14
(TML) ou un retard mental (RM). En
médecine, l’acte diagnostique vise à comprendre la nature d’un problème et à définir un
traitement spécifique. Or, nous ne retrouvons
aucun de ces avantages lorsque nous portons
un diagnostic de TED-A, car les instruments
modernes servant à poser le diagnostic ne
sont pas précis dans le sens désiré en
médecine, c’est-à-dire capables de nous
aider à comprendre biologiquement et à
traiter spécifiquement. La discussion porte
donc sur deux points :
• Les conséquences indésirables, en pratique
clinique, de tenir la catégorie TED-A
comme précise et impliquant des
traitements spécifiques.
• Les raisons pour lesquelles nous devrions
considérer comme un mythe l’idée que
le diagnostic de TED-A consiste en un
diagnostic précis impliquant un traitement
spécifique.
Ces conséquences indésirables retombent
sur les autres personnes ayant un TD, car
le diagnostic de TED-A « achète » davantage
de services, ouvre davantage de portes à
l’aide publique, et privilégie l’accessibilité
à des services rapides et supérieurs de
stimulation précoce et intense, comparativement aux autres catégories de TD. Cet
état de choses ne pose pas de problèmes
s’il existe des raisons médicales valides le
justifiant. Or, de fait, ce motif de raisons
médicales valides n’existe pas pour les
TED-A. Chaque enfant ayant un RM ou un
TML peut bénéficier d’une approche comportementale intensive. Favoriser cette
approche auprès des TED-A au détriment
des autres TD, sous prétexte de précision
diagnostique et de spécificité de traitement, constitue une injustice à laquelle les
cliniciens doivent faire face quotidiennement.
j u i n 2 0 07
Les raisons pour lesquelles nous devrions
considérer comme un mythe l’idée que le
diagnostic de TED-A est précis et vise un
traitement déterminé sont les suivantes :
1 La catégorie
est cliniquement variable
Avec le temps, un grand nombre de cas
pour lesquels un diagnostic antérieur de
TED-A avait été posé se sont transformés,
exigeant de ce fait une description diagnostique plus appropriée. En outre, il est
fréquent de noter une divergence entre les
diagnostics retenus par différents professionnels pour un même enfant. La signification des TED-A a considérablement
évolué et continue à se modifier. Leur
description est basée sur des référents
comportementaux uniquement. En conséquence, elle est instable en soi et
soumise à toutes sortes de pressions
sociopolitiques.
Ceci fait du diagnostic de TED-A une
condition remuante et instable.
2 Les méthodes dites objectives
et modernes de poser
le diagnostic ne changent
rien à cet état de choses
On pourrait objecter que nous disposons
de méthodes modernes, fiables et valides
pour poser le diagnostic TED-A (par exemple, les instruments d’évaluation ADI1 et
ADOS 2) mais ceci est faux.
Ces méthodes n’ont rien modifié au facteur
d’imprécision de base qu’est le référent
comportemental (pris comme valeur standard)
sous-tendant l’approche clinique du problème.
Nous espérions qu’un travail portant sur la
structure des référents comportementaux
conduirait à établir des relations stables
entre ces catégories diagnostiques et
quelques facteurs biologiques, ou certaines approches précises de traitement,
mais il n’en est rien encore.
j u i n 2 0 07
Aucune relation explicite n’a jamais été
découverte entre une quelconque
définition opérationnelle de TED-A et des
facteurs biologiques et des interventions
de traitement.
Nous agissons comme si les méthodes
modernes étaient plus précises que l’approche clinique elle-même. L’approche
clinique présente un avantage comparativement à l’approche diagnostique
actuelle : elle considère activement les
signes et les symptômes à l’intérieur de
leurs différents contextes d’évolution. Les
instruments modernes sont rapidement
dépassés à cet égard, ainsi que les jugements cliniques trop exclusivement fondés
sur ces instruments.
3 La catégorie TED-A possède
un statut ambigu en recherche
Dans le cadre de la pratique clinique
actuelle, il existe une pression importante
pour utiliser des critères diagnostiques
issus de la recherche (par exemple, les
instruments d’évaluation ADI, ADOS), afin
d’en arriver à un diagnostic précis; des
chercheurs mettent même sur pied des
séances de formation pour les cliniciens.
D’autre part, on constate que des
chercheurs se satisfont de critères diagnostiques très larges et mal définis dans leurs
études à grande échelle. Ceci confirme que la
précision du diagnostic d’autisme est un
mythe.
4 Le diagnostic de TED-A est
associé à une multitude de
neuropathologies
Les TED-A sont associés à un nombre
impressionnant de conditions neuropathologiques différentes, avec un taux de prévalence
souvent supérieur à celui trouvé dans la
population générale. Cette réalité parle en
faveur d’une hétérogénéité biologique de la
condition, chose qui en médecine s’apparente
davantage à un syndrome.
Dans le cas des TED-A, nous parlons davantage de l’imprécision d’un syndrome que de
la précision d’une maladie.
5 Le diagnostic de TED-A
n’est pas assez exclusif
Un diagnostic est informatif pour autant
qu’il exclut. Dans le champ des TED-A,
nous assistons au phénomène contraire,
notamment une inclusion toujours plus
considérable d’individus à partir du groupe
de départ, et ceci, en dehors d’une condition d’épidémie. Il devient illogique de
parler d’une plus grande précision dans ce
contexte. Nous interprétons personnellement ce phénomène comme traduisant le
caractère de moins en moins informatif de
ce que nous appelons TED-A dans notre
société.
Médicalement, TED-A est une catégorie
peu informative et de contenu pauvre.
1 ADI : Autism Diagnostic Interview; il
s’agit d’un guide d’entretien.
2 ADOS : Autism Diagnostic Schedule; il
s’agit d’une grille d’observation.
15
Dr Yves Tremblay, pédiatre
Clinique régionale d’évaluation des troubles complexes du développement, Montérégie, Québec.
Processus
d’évaluation diagnostique
L
a Clinique régionale d’évaluation des troubles complexes du développement regroupe une équipe multidisciplinaire comprenant : des
orthophonistes, neuropsychologues, ergothérapeutes, psychoéducatrices,
travailleuse sociale et pédiatres.
L’évaluation diagnostique, réalisée par
cette équipe, doit viser à : identifier la
nature des problèmes et les compétences,
à identifier les possibilités et les priorités
d’intervention et enfin, à préciser les
besoins de l’enfant et de sa famille.
Un diagnostic différentiel doit être fait,
afin de préciser la nature objective du
trouble.
Une mise en garde est formulée, car divers
troubles neurodéveloppementaux sont
fréquemment associés aux TED et sont
tels qu’on peut les retrouver spécifiquement et isolément chez d’autres enfants
(Trouble du langage, Trouble déficitaire de
l’attention et hyper-activité (TDAH),
Trouble praxique, etc.).
Il faut éviter de nombreux pièges afin de
comprendre adéquatement les enfants et
préciser le diagnostic de TED. En voici
quelques-uns :
• Se pencher trop rapidement sur le jeu :
chez les enfants ayant un trouble
langagier, le jeu n’est pas significativement de qualité différente que chez les
enfants normaux. Les difficultés d’imitation chez les jeunes enfants TED ne
sont pas expliquées par des difficultés
de planification et d’organisation
motrice que certains de ces enfants
présentent;
• Poser divers diagnostics pour englober
l’ensemble des manifestations (Trouble
du langage, TDAH , Dyspraxie, etc.);
• Exclure le TED en raison de l’évolution
favorable de certaines manifestations
(changements développementaux);
• Exclure le TED en raison de la présence
de forces dans un ou plusieurs
domaines du TED;
• Méconnaître la séquence d’acquisition
du langage chez l’enfant autiste (étude
de Prizant, 1983), alors que cela s’avère
un préalable important;
• Chercher des explications à chaque
comportement ou manifestation de
façon isolée;
• Exclure, minimiser ou ne pas tenir
compte de manifestations actuelles ou
antérieures (histoire développementale).
• Attribuer d’emblée certaines difficultés
de communication sociale, d’interac-
Divers troubles neurodéveloppementaux sont
fréquemment associés aux TED
et sont tels qu’on peut les retrouver spécifiquement
et isolément chez d’autres enfants.
16
tion et de socialisation, de variété et de
créativité dans les jeux d’imitation à un
trouble de l’attention, de la compréhension ou de l’expression, ou à
une dyspraxie globale, etc.;
À propos de la communication et du
langage chez les enfants autistes n’ayant
pas de déficience intellectuelle, on
observera parfois, entre l’âge de 3 et 5 ans,
un franchissement accéléré des étapes
décrites par Prizant, jusqu’à une certaine
stabilisation qui correspond au Q.I. Ces
transformations peuvent se dérouler sur
une période aussi courte que six mois.
j u i n 2 0 07
À ce sujet, le docteur Tremblay rapporte
un constat de Mottron et Fecteau (2001) :
« On peut assister à une restitution totale
de la fonction langagière. Cette amélioration ne concerne toutefois pas la fonction
pragmatique du langage, qui concerne ce
que l’on fait par le moyen du langage et
qui constitue une composante atteinte de
façon résiduelle dans l’autisme. »
Le docteur Tremblay affirme ensuite l’importance de mettre en balance les habiletés,
les difficultés et les particularités.
En dernière analyse, tout diagnostic se
précise en documentant, en observant et
en objectivant l’ensemble des manifestations, des caractéristiques et des signes
cliniques. L’ensemble des observations
retenues comme pertinentes permet
d’émettre les hypothèses les plus probables et
de les documenter davantage si nécessaire.
Les sphères précises à évaluer pour poser le
diagnostic sont d’abord celles associées au
TED, c’est-à-dire : la communication et le
langage, la socialisation, l’interaction et la
réciprocité, les comportements stéréotypés, et enfin, les jeux et les champs d’intérêt. De plus, le développement cognitif,
le développement langagier, les habitudes
de vie et le développement sensorimoteur
complètent l’évaluation.
En conclusion, la précision du diagnostic
se base sur l’histoire développementale et
comportementale antérieure, le fonctionnement quotidien dans différents
contextes, les observations antérieures de
professionnels, les questionnaires, les
observations cliniques, les tests standardisés et l’évaluation multidisciplinaire.
Pour ce faire, des principes de rigueur,
d’exhaustivité, d’interdisciplinarité et
« d’économie diagnostique » doivent être
respectés.
En fin d’étape, la nature du trouble, les
atteintes spécifiques, les forces, les émergences et les leviers d’interventions sont
formulés. La présentation aux parents doit
tenir compte des liens entre le diagnostic,
les atteintes et les observations par opposition
aux difficultés, les particularités et le fonctionnement. Des recommandations sont
ensuite énoncées précisant les priorités, les
pistes d’intervention et le fonctionnement.
Des évaluations complémentaires peuvent
être aussi nécessaires. Enfin, un rapport
intègre tous ces éléments.
La présentation aux parents doit tenir compte des liens
entre le diagnostic, les atteintes et les observations
par opposition aux difficultés, les particularités et le
fonctionnement.
j u i n 2 0 07
17
Yves Michelon
Porte-parole du docteur Amaria Baghdadli du Centre de ressources
en autisme du Languedoc-Roussillon, France.
Dépistage
et diagnostic de l’autisme
L
a présentation de M. Yves Michelon porte sur la synthèse des travaux
réalisés et animés par la Fédération Française de Psychiatrie (professeur Charles Aussilloux, Montpellier) sur le dépistage et le diagnostic
de l’autisme. Ce travail s’est fait en partenariat avec la Haute Autorité de
Santé 1 . Le docteur Amaria Baghdadli a coordonné le travail des différents
groupes d’études sur ces sujets.
La présentation est subdivisée en deux
parties, soit des Recommandations pour
les professionnels de première ligne et des
Recommandations pour les équipes spécialisées en autisme.
Pour les professionnels
de première ligne
La définition retenue de l’autisme est celle de
la Classification internationale des maladies,
10e édition, (CIM-10). L’autisme est un
trouble du développement caractérisé par
des perturbations dans les domaines des
interactions sociales réciproques, de la
communication, et par des comportements, champs d’intérêt et activités au
caractère restreint et répétitif.
Données générales
Le diagnostic est clinique et peut être
établi à partir de l’âge de deux ans. Il
repose sur un faisceau d’arguments cliniques recueillis dans des situations variées,
lié à une évaluation des troubles et des
capacités, ainsi qu’à la recherche de maladies
associées. Réalisé par des professionnels, il
s’établit en collaboration avec la famille.
Un professionnel qui n’est pas en mesure
d’assurer la procédure diagnostique doit
référer l’enfant à une équipe spécialisée.
On conseille d’être attentif aux enfants ayant des
difficultés importantes dans les interactions sociales.
18
Recommandations
• Que le développement de la communication sociale fasse l’objet d’une surveillance
systématique au cours des trois premières
années, dans le cadre des examens de
santé, au même titre que les autres
aspects du développement.
• À l’âge scolaire (autisme à expression
plus tardive), on conseille d’être attentif
aux enfants ayant des difficultés
importantes dans les interactions
sociales et des particularités dans les
apprentissages, sans retard mental
important.
Recherche
de signes d’alerte
• Le praticien doit rechercher ces signes
sur la base de l’entrevue des parents et
d’un examen de l’enfant en l’observant
durant une période de temps suffisamment
longue dans une situation d’interaction
avec son environnement. En cas de
doute, l’enfant doit être revu rapidement et régulièrement. Si les doutes
persistent, l’enfant doit être orienté vers
un pédopsychiatre ou un neuropédiatre.
• Les inquiétudes des parents évoquant
une difficulté développementale.
• Chez l’enfant de moins de trois ans :
passivité, faible niveau de réactivité/d’anticipation aux stimuli sociaux, difficulté
dans l’accrochage visuel, dans l’attention
conjointe et l’imitation, retard ou perturbations dans le développement du
langage, absence de pointage et de
comportement de désignation d’objets
à autrui, absence d’initiation de jeux
simples ou non-participation à des jeux
sociaux imitatifs, absence de jeu de
faire semblant, sujets de prédilection
inhabituels et activités répétitives avec
les objets.
j u i n 2 0 07
• Quel que soit l’âge, régression dans le
développement du langage ou des
relations sociales.
Pour les équipes
• Antécédents d’autisme dans la fratrie,
en raison du risque élevé de récurrence.
La définition de l’autisme selon la CIM-10
est retenue.
La présence de tels signes est très importante chez l’enfant de moins de trois ans
et doit conduire à demander rapidement
l’aide de spécialistes (voir l’adaptation de
Baird et coll., 2003)2.
Diagnostic formel
• L’enfant doit être orienté pour confirmation diagnostique vers une équipe
pluridisciplinaire de professionnels
entraînée à l’examen du développement
de l’enfant et apte à proposer aux parents
les soins, l’éducation, l’approche pédagogique et l’accompagnement requis
pour leur enfant. Cette équipe doit
être en relation avec les professionnels
susceptibles d’assurer les consultations
génétiques et neurologiques.
Recommandations
• Ne pas annoncer un diagnostic avant
l’obtention des résultats de l’évaluation pluridisciplinaire. Lorsque l’enfant
a moins de deux ans, éviter le terme
autisme et parler plutôt de la notion
de trouble du développement dont la
nature reste à préciser.
spécialisées en autisme
Données générales
• Les mêmes données générales concernant
les professionnels de première ligne et la
même approche portant sur le diagnostic
s’appliquent également aux équipes
spécialisées.
• Il est souhaitable que le diagnostic se
fasse à proximité du domicile familial
pour en faciliter l’accessibilité et pour
favoriser les liens avec les professionnels.
Recommandations
• Que les Centres de ressources en autisme
(CRA) facilitent l’établissement de
diagnostics par des équipes de proximité
en favorisant leur formation.
• Que le diagnostic soit rapidement
articulé autour des actions de prise en
charge. Des contacts doivent s’établir
entre les équipes qui effectuent le
diagnostic et les professionnels qui
participent à la prise en charge.
Outils d’évaluation
• Le « Childhood Autism Rating Scale
(CARS) 3 est une échelle diagnostique
simple qui permet d’apprécier le degré
de sévérité autistique.
Recommandations
• Recueillir auprès des parents la
description du développement de leur
enfant depuis le jeune âge, afin de
rechercher et également d’identifier
des signes caractéristiques de l’autisme.
« L’autism diagnostic interview » (ADI)4
peut être utilisé. Une observation
standardisée du comportement sociocommunicatif peut être réalisée avec
Recueillir auprès des parents la description du
développement de leur enfant depuis le jeune âge.
j u i n 2 0 07
«l’Autism Diagnostic
Schedule » (ADOS) 5.
Observation
• Évaluer différents secteurs du développement au moyen d’examens réalisés
de façon systématique. Il faut alors les
appliquer en adaptant les procédures
ou les tests qui ne sont pas spécifiques
à l’autisme, ce qui nécessite une observation
clinique d’une durée suffisante et répétée
pour évaluer les capacités et les difficultés. De plus, un examen avec l’Échelle
de Vineland permet de déterminer le profil
intellectuel et socio-adaptatif, tandis que
le Profil psycho-éducatif révisé (PEP-R)
évalue le profil développemental.
• Évaluer les aspects formels, pragmatiques, écrits, et gestuels. L’Échelle
d’Evaluation de la Communication
Sociale Précoce (EECSP) et la Grille de
Whetherby 6 sont recommandées pour
décrire le profil de communication chez
les enfants avec peu ou pas de langage.
• Vérifier la motricité, les praxies et l’intégration sensorielle par un examen du
développement psychomoteur et sensorimoteur.
Procédure diagnostique
• Le temps d’attente pour obtenir une évaluation ne devrait pas dépasser trois mois.
Recommandations
• Donner priorité aux enfants pour lesquels
aucun diagnostic n’est encore établi.
• Une évaluation régulière, tous les 12 à
18 mois, est à envisager pour les
enfants jusqu’à l’âge de 6 ans. Le
rythme des évaluations ultérieures est
fonction de l’évolution.
• Il n’y a pas de procédure diagnostique
standard : elle peut se dérouler sur
plusieurs demi-journées continues ou
être étalée dans le temps sur une ou
deux semaines.
• Les équipes pluridisciplinaires interpellées directement par les familles
demandant un diagnostic, mais qui ne
peuvent assumer une prise en charge,
19
doivent s’assurer qu’une équipe de
proximité est en mesure de réaliser
cette prise en charge.
• Que le médecin responsable et coordonnateur de la procédure diagnostique annonce le diagnostic aux deux
parents lors d’un entretien et prenne le
temps nécessaire pour bien les
informer. Cette information doit être
donnée en s’assurant des conditions
d’accueil des familles (confort des locaux,
proximité du domicile des parents, ne
pas être dérangés, laisser les parents
poser des questions, connaissance de
l’enfant par le praticien annonçant le
diagnostic). Un délai ne dépassant pas
trois mois doit être respecté entre la
demande d’évaluation des parents, la
réalisation de cette évaluation et le
premier rendez-vous. L’information
doit être exhaustive, précise et faire
référence à la définition de la CIM-10.
S’il est difficile d’établir un diagnostic
précis, il importe de l’expliquer aux
parents, de donner un cadre diagnostique
(TED non spécifié ou trouble du
développement) et de proposer une
évaluation ultérieure.
• Remettre aux parents un rapport synthèse
écrit décrivant les principaux résultats des
évaluations ayant conduit au diagnostic.
Recherche des anomalies,
des troubles ou des maladies
associés à l’autisme
La présence d’anomalies associées à
l’autisme, de troubles ou de maladies est
fréquente et leur découverte ne remet pas
en question le diagnostic de l’autisme.
L’entrevue avec les parents et l’examen
physique de l’enfant permettent de
recueillir certaines informations importantes sur :
• les antécédents familiaux : autisme/TED,
retard mental, anomalies congénitales,
fausses couches à répétition ou décès périnataux;
• les antécédents personnels de l’enfant :
problèmes prénataux et périnataux,
problèmes médicaux ou chirurgicaux,
etc.;
• des signes cutanés d’une phacomatose,
anomalies morphologiques mineures,
etc.
Investigations
complémentaires
• Réaliser systématiquement un examen
de la vision et de l’audition et demander
une consultation neuropédiatrique et
génétique.
• Informer les parents de la nécessité de
ces investigations.
• Répéter les investigations à un rythme
qui tient compte de l’évolution des
connaissances et de celle de l’enfant.
• Que ces investigations fassent l’objet
d’une collaboration avec les équipes
responsables du diagnostic et de la
prise en charge, et qu’un compterendu de leurs résultats soit fait aux
parents.
1 Haute Autorité de Santé : Il s’agit
d’un organisme public indépendant
d’expertise scientifique; son rôle est
consultatif.
2 Voir le site : www.has-santé.fr
Recommandations pour les pratiques
professionnelles du diagnostic de
l’autisme.
3 Le CARS est l’instrument standardisé
le plus utilisé dans le cadre du
processus d’évaluation lié au diagnostic de l’autisme. Il peut être utilisé
avec des enfants âgés de
deux ans et plus.
4 L’ADI est un guide d’entretien avec
les parents.
5 L’ADOS permet une observation ciblée
du comportement sociocommunicatif
et sert à vérifier la présence de perturbations .
6 Voir le site : www.has-santé.fr
Réaliser systématiquement
un examen de la vision et de l’audition.
20
Recommandations pour les pratiques
professionnelles du diagnostic de
l’autisme.
j u i n 2 0 07
Dr Rutger Jan Van der Gaag
Professeur de neuropsychiatrie développementale Radboud CHU-Université Nymègues aux Pays-Bas
Karakter, Centre universitaire de psychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence
Signaler – Dépister – Détecter
L
‘autisme et les troubles envahissants du développement se manifestent, selon les règles de systèmes de classification, avant l’âge de
trente mois. Mais, dans la pratique clinique, le diagnostic ne se fait souvent
que plus tard, voire vers l’âge de cinq ou six ans. À ce moment-là, un temps
précieux aura été perdu.
Quelles sont les raisons de ce retard par
rapport à l’évaluation clinique fiable de
ces troubles envahissants du développement pourtant si graves ? Plusieurs facteurs
sont en cause. D’abord au niveau des
familles : souvent, les parents sont
rassurés à tort par leurs proches qui ne
veulent pas percevoir et envisager un
handicap chez leurs petits enfants ou
cousins. Ce phénomène se répète chez
des médecins généralistes qui souvent ne
connaissent pas l’autisme en raison de sa
prévalence relativement basse et des idées
préconçues qui ne s’appliquent qu’aux
cas exceptionnels, mais aussi, chez des
professionnels, pourtant impliqués dans
les services liés aux troubles envahissants
du développement.
Avant l’âge de deux ans, beaucoup de signes
caractéristiques de l’autisme qui apparaissent plus tard
relèvent encore de la normalité : écholalie,
mouvements répétitifs, etc.
j u i n 2 0 07
Pourquoi le diagnostic est-il posé si tard
même par ces professionnels ? En premier
lieu, parce qu’en bas âge, il est en effet
difficile de discerner retard mental, trouble
spécifique du développement du langage
et autisme. En partie, parce que les différences sont minimes, mais aussi parce
que les professionnels avec une expérience
de l’autisme chez les enfants, adolescents,
voire les adultes, se concentrent encore trop
souvent sur les symptômes bien connus de
l’autisme au niveau de la communication
verbale et non verbale et des stéréotypies
motrices. Or, avant l’âge de deux ans,
beaucoup de signes caractéristiques de
l’autisme qui apparaissent plus tard
relèvent encore de la normalité : écholalie,
mouvements répétitifs, etc.
Alors, comment dépister et détecter
l’autisme avant l’âge de deux ans? Il faut
s’en remettre à une métaphore : qui
cherche le petit papillon est une chenille,
donc un animal très différent. Donc,
quelles sont les caractéristiques de la
« chenille » de l’autisme? Elles se trouvent dans les manifestations précoces de
troubles au niveau de la coordination et
de la reconnaissance sociale : ne pas
répondre à son nom, éviter le regard, mais
surtout ne pas développer l’attention
conjointe, suivre le pointer de l’autre et le
reprendre à bon compte après pour
apprendre à maîtriser le langage. Si les
professionnels qui examinent les enfants
très jeunes deviennent attentifs à ces
signes précoces, ils seront en mesure de
signaler plus tôt et d’aiguiller de façon
pertinente ces bébés ou ces très jeunes
enfants vers les services spécialisés.
Ce phénomène s’est produit dans notre
pays. Un premier projet SOSO dans la
province d’Utrecht s’était donné pour
tâche de détecter avec le questionnaire
CHAT1 les cas d’autisme dès l’âge de
quatorze mois. Dans deux tiers des cas, il
s’agissait de faux positifs dans le sens que
la suspicion d’autisme ne pouvait être
21
confirmée. Mais les professionnels de base
spécialisés par l’étude des signes précoces
sont devenus bien meilleurs dans leur
tâche de signaler.
Dans l’étude actuelle DIANE dans les
provinces de Gueldre et d’Overijssel, un
grand effort a été fait pour éduquer et
sensibiliser les pédiatres de base. Le résultat
est qu’un enfant sur 1 500 par année est
pertinemment signalé, permettant la mise
en place d’une prise en charge pour l’enfant
(intervention précoce axée sur la stimulation
de prémisses de la communication et le
développement du langage) et, pour les
familles, des services en centre de jour, de
l’aide à domicile et des examens complémentaires par rapport au diagnostic généticopédiatrique. Des équipes spécialisées
utilisent des instruments validés à cet
effet.
Aux Pays-Bas, en dehors de la pédopsychiatrie comportementaliste et les services
d’enseignement, il y a plusieurs services
complémentaires qui, dans le cadre de la
Convention nationale pour l’autisme,
coopèrent pour le bien-être des individus
et de leurs familles (services pour les personnes
ayant un retard mental, services d’orthophonie et de physiothérapie, « homes »
pour week-end et temps libre, …) Si c’est
un bon début, beaucoup demeure encore
à développer parce qu’à tous les âges,
l’autisme se présente sous tant d’aspects
différents qu’il constitue un défi permanent pour les parents et les professionnels.
1 CHAT : Check list for autism in toddlers
L’autisme se présente sous tant d’aspects différents
qu’il constitue un défi permanent pour les parents
et les professionnels.
22
j u i n 2 0 07
Dr Jacques Roussy, pédiatre
Clinique du développement
de la Clinique ambulatoire de la région de Laval (CARL), Québec
Dépistage et diagnostic
L
a présentation du Dr Jacques Roussy est subdivisée en deux parties,
soit le fonctionnement de la Clinique de développement du CARL et
le protocole d’évaluation conçu expressément pour des enfants présentant
des particularités au plan de la communication, des interactions sociales
et des comportements permettant de cibler la clientèle à risque de
présenter un TED.
Le fonctionnement
de la Clinique
Pour les familles de Laval, les services
offerts sont : l’évaluation, le diagnostic
après la réalisation d’un bilan et l’orientation vers d’autres professionnels de la
santé. Les clientèles ciblées sont les
familles ayant un enfant d’âge préscolaire
présentant des difficultés dans au moins
deux sphères de son développement.
Motifs de consultation
L’enfant âgé de 0 à 5 ans présente des difficultés dans au moins deux sphères de
son développement : communication,
langage; perception; motricité fine;
motricité globale; attention; concentration;
traitement des informations sensorielles;
fonctionnement dans les activités quotidiennes; socialisation; adaptation en
milieu préscolaire ou en garderie;
comportement; émotions.
Composition
de l’équipe interdisciplinaire
• Orthophoniste : communication et
langage, compréhension, expression,
mobilité des muscles de la parole;
• Ergothérapeute : motricité globale et
fine, sphère du développement visuoperceptivo-moteur, traitement des
informations sensorielles, fonctionnement dans les activités quotidiennes;
• Psychologue : niveau de développement et fonctionnement intellectuel,
profil cognitif : forces et difficultés,
fonctions de l’attention et exécutives,
évaluation psychoaffective et du comportement;
• Pédiatre : évaluation initiale et
annonce du diagnostic, évaluation
médicale, références à des examens ou à
des évaluations médicales;
• Travailleur social : évaluation initiale
et annonce du diagnostic, accompagnement des parents, orientation vers les
ressources.
Processus d’évaluation
pour tous les enfants
• Semaine 1 : évaluation initiale;
• Semaines 2, 3, 4 : évaluations complémentaires;
• Semaine 5 : discussion interdisciplinaire
et rencontre bilan.
Exemples de diagnostics
Retard de langage, Dysphasie, Trouble
envahissant du développement-Autisme
(TED-A), Trouble déficitaire de l’attention
et hyper-activité (TDAH), Trouble anxiodépressif, Trouble de l’attachement,
Trouble de modulation sensorielle, Trouble
moteur, Retard global de développement,
Syndrome Gilles de la Tourette, Trouble
oppositionnel/conduite.
Statistiques cumulées
au CARL
• Au cours de la période s’étendant de
2002 au 1er avril 2006, 467 enfants ont
été évalués. De ce nombre, 91 ont reçu
le diagnostic de TED, soit 19 %.
L’enfant âgé de 0 à 5 ans présente des difficultés dans
au moins deux sphères de son développement.
j u i n 2 0 07
23
Selon le niveau
de langage expressif
• Durant les trois premiers mois de l’année
2006, sur 38 enfants, 13 ont reçu le
diagnostic de TED, soit 34 %, alors
qu’au cours des années précédentes, les
pourcentages variaient ainsi, soit en
2002 : 14 %; 2003 : 18 %; 2004 : 24 %
et 2005 : 16 %.
Choix entre 3 modules :
Le protocole
Module 2
Phrases spontanées de 3 mots (constitué
de 14 activités).
d’évaluation des TED
Lors de la première étape du processus
d’évaluation, on vise à : évaluer globalement
le développement de l’enfant et les besoins
de la famille; établir une impression du
niveau de fonctionnement intellectuel et
langagier; dépister des particularités aux
plans de la communication, des interactions
sociales et des comportements permettant
de préciser le risque d’avoir un TED.
Module 1
Non verbal ou mots isolés (niveau pré-verbal).
Module 3
Discours fluide et niveau de langage
expressif d’au moins 4 ans (constitué de
14 activités.
Deux scénarios
Le choix du scénario se fait selon l’impression du niveau de fonctionnement
constaté lors de l’évaluation initiale. Ainsi,
le scénario 1 est basé sur une impression
de bas niveau et le scénario 2 est basé sur
une impression de haut niveau de fonctionnement.
Instruments d’évaluation
Autism Diagnostic Observation Schedule
(ADOS); Interview pour le diagnostic de
l’autisme-Révisé (ADI-R); Childhood Autism
Rating Scale-traduite (CARS-t).
Description de l’ADOS
Conçu pour guider dans l’établissement
d’un diagnostic TED ou d’autisme, il comporte une série d’activités structurées et
semi-structurées favorisant l’interaction et
une grille de cotation permettant l’évaluation de la fréquence et de la qualité des
comportements cibles (communication,
interactions sociales et jeu).
24
j u i n 2 0 07
Point de vue de parent
Françoise Gilbert, parent substitut
Directrice intérimaire des services et programmes de réadaptation
Hôpital juif de réadaptation, Laval, Québec
Diagnostic, verdict, dilemme...?
J
e ne suis pas psychiatre, pas pédiatre, pas neuropsychologue, même pas
psychologue, pas chercheuse… enfin, pas selon la conception classique
du terme, car, pour chercher j’ai cherché, et je cherche encore, sans jamais
trouver. Mais, me suis-je dit pour remonter mon ego chancelant, j’ai peut-être
quelque chose de plus que tous les grands de ce monde merveilleux de
l’autisme, et ce quelque chose, c’est la diversité des angles sous lesquels j’ai
dû l’explorer : l’angle de la clinicienne, l’angle de la planificatrice des services
régionaux à Montréal et à Laval, et l’angle de la mère substitut, puisque j’ai
eu à jouer ce rôle auprès du fils de mon conjoint. C’est donc avec ces
différents titres que je m’insère parmi mes éminents confrères et consœurs
et que je veux partager avec vous, en toute humilité, un peu de vécu et
beaucoup plus de questions que de réponses.
Mes premiers contacts avec l’autisme ont
été marqués au sceau de la bagarre et je
crois que c’est sous cette même bannière
que j’ai poursuivi mon long parcours.
C’était à la toute fin des années soixante.
Je faisais un stage, dans le cadre d’un baccalauréat en orthopédagogie/psychomotricité.
Ce stage avait lieu dans une école spécialisée
de la Rive-Sud. Il y avait une classe de
« cas lourds », six élèves pour deux titulaires, c’est tout dire. Dans ce groupe, très
J’avais planifié une série de petites activités
avec Christine. Ça allait assez bien, je réussissais
à la mobiliser sur certaines choses,
mais elle criait beaucoup, ce qui perturbait le groupe.
j u i n 2 0 07
hétérogène, il y avait une petite fille
autiste : Christine. Christine arrivait le
matin, s’asseyait dans une petite chaise
berçante, réclamait dans son jargon son
« bébé noir », une poupée noire, et se
berçait. À midi, on arrêtait la chaise
berçante, le temps d’un lunch expédié en
vitesse. Après le lunch, on relançait la
chaise avec Christine et la poupée noire, et
c’était reparti pour le reste de la journée
scolaire.
Avec l’enthousiasme, la confiance et la foi
qui caractérisent les débuts de carrière et
que plusieurs, malheureusement, perdent
en chemin, j’avais décidé que ce n’était
pas vrai qu’il n’y avait rien à faire et j’avais
planifié une série de petites activités avec
Christine. Ça allait assez bien, je réussissais à
la mobiliser sur certaines choses, mais elle
criait beaucoup, ce qui perturbait le
groupe. Et, un beau matin, les titulaires
l’ont enlevée manu militari d’un jeu de
cerceau pour lui faire réintégrer l’asile de
sa chaise berçante, sous la garde de sa
poupée noire. Comme on dit en bon
québécois, la rage m’a « pognée » et j’ai
demandé sans ménagement aux adjudants
de la classe si l’enfant pouvait faire autre
chose que bercer son maudit bébé noir. Ça
n’a pas traîné, j’ai été virée de la classe, j’ai
eu droit à un rapport accablant et j’ai
coulé mon stage. Mais le plus aberrant,
c’est que, la session suivante, nous
devions faire un travail d’analyse de cas
avec nos interventions : j’ai choisi
Christine et j’ai obtenu 98 % avec un
BRAVO des professeurs souligné de deux
traits ! Comble de l’absurde, on n’a pas
éliminé mon échec au stage.
J’ai gardé de cet événement deux choses
dont je ne me suis jamais départie : la
première, un fond de révolte face à la passivité et à l’acceptation de l’impuissance; la
deuxième, mon travail d’université, le seul
que j’aie conservé, pour me rappeler que
les systèmes les mieux montés, les plus
savants, les plus « universitaires », portent
en eux de grandes incohérences.
25
Puis, j’ai commencé ma carrière, au début
des années 70, à la clinique de psychiatrie
infantile de la Rive-Sud, comme psychopédagogue. J’ai eu la chance de faire
partie d’une des premières équipes en
pédopsychiatrie, qui fonctionnait vraiment
de façon multidisciplinaire. Tous les cas
étaient étudiés en équipe et les impressions
cliniques étaient intégrées par le psychiatre
qui émettait alors le diagnostic. On retrouvait,
à cette époque, les enfants autistes sévères
classés en psychiatrie. Les autistes moins
caractéristiques et les TED se retrouvaient
soit en psychiatrie, d’autres en déficience
intellectuelle ou plusieurs, nulle part,
c’est-à-dire éparpillés sous différentes étiquettes de mésadaptation socio-affective.
D’ailleurs, la catégorie TED était totalement
inconnue à ce moment ou, pour le moins,
inutilisée. Les discussions autour des cas
d’autisme étaient rapides. Le diagnostic
tombait comme un verdict et l’intervention
se limitait à un suivi psychosocial auprès
de la famille, ce qui était déjà quelque
chose. En faisant appel au vieux fond de
révolte dont je vous ai parlé tantôt, j’ai
obtenu de suivre ces enfants en psychomotricité. Mais j’étais dans la noirceur
la plus totale. Le diagnostic ne me servait
absolument à rien, les écrits sur le sujet,
très médicaux, dépassaient bien souvent
mes capacités de compréhension du sujet
et n’étaient d’aucune aide pour l’intervention
directe. C’est alors que j’ai introduit le
troisième élément dont je ne me suis
jamais départie : l’observation. Observer,
noter, ajuster l’intervention, et recommencer, encore et encore.
Dans cette petite clinique de la Rive-Sud,
nous avons posé les premiers jalons d’une
organisation régionale de services aux personnes autistes et à leurs familles.
Embryonnaire, bien sûr, mais qui avait au
moins le mérite de briser le modèle de
l’impuissance.
Mais je sais qu’il a fallu attendre longtemps,
très longtemps, en réalité plus de vingt
ans pour que le ministère se penche sur
l’analyse des besoins de cette clientèle et
sur l’organisation des services nécessaires
pour y répondre. En 1992, j’étais à la
Régie régionale de Montréal où je travaillais à l’élaboration des plans régionaux
d’organisation des services, les fameux
PROS, en déficience intellectuelle et en
déficience physique. Il n’y avait pas à la
Régie, de secteur dédié à l’autisme et aux
TED. J’ai pris sur moi de participer à la
première table intersectorielle sur
l’autisme, pilotée par la Société de
l’autisme de Montréal. L’intersectoriel
était, il faut le dire, très élémentaire. Il y
avait des mères d’enfants autistes, beaucoup
de mères, mais pas de pères. Des mères
douloureuses, surtout à une époque où il
était encore admis que la mère pourrait
être la clé du mystère de l’autisme. Cette
table était un chemin de croix toujours
recommencé. Quelques stations d’histoires
d’horreur, des stations en chaîne de crises
de sanglots avec, pour finir, la crucifixion
du système et de son inertie. Je sortais de
là dans un état lamentable.
Pourtant, on avait déjà raffiné les outils
diagnostics, on pouvait différencier
l’autisme et différentes formes de TED.
Mais pour la suite, rien, + rien, + rien. Et
rien non plus du côté scolaire où il existait
encore quelques institutions du genre de
mon école de stage, mais avec des noms
plus poétiques…
Et bien, le petit fond de révolte a commencé à enfler et s’est joint à d’autres
fonds de révolte qui avaient commencé à
couver un peu partout au Québec, et ça a
fini par faire une « balloune » assez grosse
pour être aperçue du ministère. Et cela a
abouti au premier document d’orientation
ministériel en autisme : le « Guide de
C’est alors que j’ai introduit le troisième élément dont je
ne me suis jamais départie : l’observation.
Observer, noter, ajuster l’intervention, et recommencer,
encore et encore.
26
planification et d’évaluation -L’organisation
des services aux personnes autistes, à leurs
familles et à leurs proches » (1996) . Vous
remarquerez qu’il n’y a pas encore l’expression TED dans le titre, quoique le contenu
concerne toutes les personnes touchées
par un TED. Ce document, bien fait et
complet, a insufflé une énergie toute
neuve dans un domaine longtemps laissé à
l’abandon ou à la charge d’initiatives
isolées.
La région de Laval, poussée, pour ne pas
dire bousculée par la Société de l’autisme
et des TED de Laval, et son ineffable président
Germain Lafrenière, a été l’une des premières régions du Québec à se doter d’un
continuum de services pour les personnes
autistes et TED, ainsi que d’une clinique
du développement pour l’évaluation diagnostique en équipe multidisciplinaire.
Vous savez, rien n’est plus gratifiant pour
un agent de planification que de terminer
l’articulation d’un continuum de services,
ou encore mieux, d’un réseau de services
intégrés. On attache tous les morceaux, on
dessine les corridors de services et de
référence, on identifie les intervenants
pivots, on prévoit les plans de transition
garderie-école, école-travail, et tout et
tout. On est très fier. C’est à ce moment là
qu’il faut ressortir son vieux travail d’université
pour se rappeler que les meilleurs systèmes
portent en eux de grandes incohérences.
À Laval, vers l’an 2000, la clinique du
développement était en pleine crise. Le
délai d’attente pour une évaluation
atteignait 2 ans. Par bonheur, les parents
étaient très bien organisés, il y a eu des
lettres bouleversantes, avec photos, envoyées
à la Régie, aux députés et aux ministres, et
autres démarches. Le ministère de la Santé
et des Services sociaux, prenant de plus en
plus conscience de la problématique des
TED a décidé d’élaborer un Plan d’action
afin de mettre en œuvre des orientations.
Mais ce qui m’a le plus amenée à réfléchir
à l’époque, c’était le questionnement sur
la place du diagnostic. Unanimement, les
intervenants avaient statué que le dia-
j u i n 2 0 07
gnostic ne doit pas être le point de départ
de l’intervention. Et qu’il ne doit pas être
non plus précipité, ou retenu, pour permettre
à l’enfant d’obtenir les meilleurs services,
que ce soit dans le domaine de la santé et
des services sociaux ou ailleurs. Dans le
milieu scolaire, par exemple, les services
sont tributaires d’une cote, et la cote est
obtenue par le diagnostic. Pour les intervenants de l’évaluation, le cas de conscience est grave : pas de diagnostic, pas
de services, un diagnostic hâtif et peut-être
pas les bons services… Une incohérence de
taille : le diagnostic risquait-il de devenir
dépendant des services disponibles, plutôt
que d’en dessiner l’ossature? Car, outre
l’orientation en milieu scolaire, il fallait
effectuer une référence vers les services
spécialisés de réadaptation. Mais lesquels?
TED, en déficience intellectuelle, avec une
vingtaine d’heures d’intervention individuelle par semaine? Ou dysphasie, en
déficience physique, avec quelques heures
d’intervention, souvent en groupe?
Lorsqu’en 2003, le Plan d’action ministériel
pour les personnes autistes et TED « Un
geste porteur d’avenir », a été publié, nous
l’avons pris au sens propre à Laval. Car, ce
qui était intéressant dans ce plan, c’est
qu’on reconnaissait l’intérêt, et même le
devoir, d’intervenir avant le diagnostic.
Nous avons donc effectué un maillage
entre le CRDI Normand-Laramée qui offre
les services spécialisés aux enfants TED et
l’Hôpital juif de réadaptation, qui gère le
programme destiné aux enfants dysphasiques, pour monter, avec la collaboration de
la clinique du développement du Centre
ambulatoire régional de Laval, le programme régional d’intervention concertée
en petite enfance. Ce programme permet
d’offrir aux enfants en attente de diagnostic, et à leurs familles, des services de
stimulation globale et ciblée, ainsi que des
services éducatifs à domicile et des allocations
de soutien versées à la famille. Cela permet
de ne pas manquer le momentum pour les
enfants et de donner aux parents le soutien
et l’écoute qui sont tellement indispensables
durant cette période.
Il y avait un consensus. Le projet est
tombé à l’eau faute de budget,, mais j’en
rêve encore…
Je me dois de dire que nous avons dû faire
face à de la résistance de la part des intervenants du réseau, particulièrement des
professionnels de l’évaluation. Qu’est-ce
qu’on allait bien pouvoir faire sans le
« sacro – saint » diagnostic. Nous l’avons
quand même mis en œuvre ce programme,
à la grande satisfaction des quelques
cinquante familles qui en bénéficient
annuellement. Mais, encore maintenant,
tout le monde est loin d’être convaincu
que l’intervention sans diagnostic peut
avoir un impact.
Pour finir, je voudrais vous parler un peu
de mon rôle de mère seconde. Maxime est
entré dans ma vie à 8 ans. Il avait eu un
diagnostic d’audimutité et avait fréquenté
le centre d’audimutité de Sainte-Justine
de 3 1/2 à 6 ans. Il avait commencé à parler
à 6 ans. Ensuite, il est allé en école spéciale,
mais, en raison de problèmes multiples, il
était systématiquement retourné chez lui. En
fait, il n’était pas du tout scolarisé. Il vivait
chez sa mère à cette époque.
La clinique du développement a été créée
pour faire du diagnostic différentiel. En
fait, le gros enjeu était de différencier les
enfants TED des enfants dysphasiques, de
façon à les orienter vers les services spécialisés pertinents qui sont offerts par des
centres situés à des endroits différents. Et
puis, il y a l’orientation en milieu scolaire
aussi, très importante. On a fait reprendre
toutes les évaluations faites par des pédiatres en clinique privée qui donnaient un
double diagnostic de TED et de dysphasie.
Mais voilà-t-il pas que le Dr Laurent Mottron,
il y a environ 2 ans, nous assène le coup
de masse : 30 % des enfants TED seraient
aussi dysphasiques! Super! On les envoie où
ces enfants? En intervention comportementale intensive à 20 heures/semaine, ou dans
les services de dysphasie qui demeurent les
enfants pauvres du système ? Le diagnostic
risque-t-il encore d’être décidé selon la
disponibilité et l’intensité des services
requis ?
Nous avons manqué d’un cheveu, à Laval,
de mettre sur pied une organisation de
services qui aurait pu être géniale. Nous
avions conçu le projet d’un centre intégré
de réadaptation pédiatrique, qui aurait
traité toutes les déficiences et toutes les
problématiques neuro-développementales.
Dans le milieu scolaire, les services sont tributaires
d’une cote, et la cote est obtenue par le diagnostic.
j u i n 2 0 07
Lorsqu’il avait 11 ans, après une saga aberrante à laquelle ont participé notamment
l’école, un psychiatre et les intervenants du
Centre jeunesse, Maxime a été déclaré très
malade et dangereux, et le Tribunal de la
jeunesse l’a envoyé 2 ans en centre d’accueil
pour « mésadaptés » Un pied de pages de
diagnostics et d’évaluations pour en arriver
là. Lamentable! Durant son séjour, il était
considéré comme trop « lourd » pour être
scolarisé. Il avait une ou deux heures d’enseignement individuel au centre, dans
lequel il ne s’investissait absolument pas.
À travers tout cela, son diagnostic d’audimutité a été changé pour celui de « syndrome
autistique ».
Lorsqu’il est sorti pour venir vivre chez
nous, à 13 ans, il ne savait ni lire, ni écrire,
ni compter. Et cela a été le début d’une
autre interminable bagarre avec le milieu
scolaire qui a, lui aussi, ses diagnostics,
pour ne pas dire verdicts dans certains cas.
Si tu ne sais pas lire à 13 ans, c’est que tu
n’apprendras jamais! Je me suis dressée
contre cela, soutenue par mon vieux fond
de révolte. J’ai passé pour la mère qui n’a
jamais accepté le handicap de son enfant,
qui refuse de faire son deuil… Mais qu’importe. J’ai tiré sans aucune vergogne
toutes les ficelles du système et j’ai fini par
obtenir un passe-droit. Maxime a obtenu
1 heure d’orthopédagogie, 4 jours/semaine.
J’ai complété à la maison, 2 heures/soir,
avec, il va sans dire, de multiples pauses.
Le jeune s’est accroché. C’est lui qui a fait
l’essentiel du chemin, et il a réussi.
27
Dans l’intervalle, après une désorganisation
(la seule qu’il ait vécu à l’adolescence) qui
l’a amené à Sainte-Justine, son diagnostic
a encore changé pour celui de syndrome
d’Asperger. En toute honnêteté, j’ai de très
sérieux doutes là-dessus et je suis sûre que
le Dr Laurent Mottron les partageraient.
Mais à quoi cela servirait-il de fouiller
davantage? Maxime va avoir 30 ans
demain. Il sait lire, écrire et compter et il
est entièrement autonome. Il vit dans un
appartement en bordure du Plateau
Mont-Royal, avec son chien. Nous avons
dû récemment opter pour l’euthanasie de
sa trop vieille chatte à trois pattes (elle
avait eu un accident il y a 15 ans). J’ai
presque eu envie de lui faire faire une
pierre tombale avec l’épitaphe « Ci-gît
Cosette, la meilleure thérapeute que j’aie
connue ».
Car, à travers mes multiples expériences
pour bâtir un pont entre Maxime et nous,
mes meilleurs alliés ont été les animaux.
Cela a commencé avec un ours en peluche
qui faisait de la musique quand on l’appuyait
sur une patte. Maxime avait déjà 12 ans,
et son père lui refusait le toutou, de peur
qu’il ne fasse rire de lui. C’est la première
et la seule fois où j’ai vu Maxime pleurer.
Je ne savais pas pourquoi, mais je savais
que c’était très important. Finalement, j’ai
racheté un ours en peluche, et je ne l’ai
pas regretté. Nous avons communiqué par
l’entremise de son Bruno comme jamais
auparavant. Par la suite, Bruno a été remplacé
par la chatte, et puis le chien s’est ajouté à la
conversation. Maintenant, le détour n’est plus
nécessaire, sauf dans certains cas où « l’affect »
est trop sollicité et où il y a de l’anxiété.
Et, en parlant « d’affect », j’aimerais
beaucoup, une autre fois, que l’on s’attarde
à cet aspect de la personnalité de nos
jeunes qui, en ce qui me concerne, est un
véritable champ en friche, envahi de questionnements. Je m’y perds. On traite beaucoup du
volet intellectuel et développemental, mais
qu’en est-il du monde des sentiments?
J’ai encore tellement à découvrir…
En bref, j’ai un fils adoptif de trente ans,
qui a changé trois fois de diagnostic, qui a
reçu des services dans sa petite enfance
apparemment au mauvais endroit, qui a
été institutionnalisé deux ans parce qu’il
n’était supposément pas intégrable socialement, qui n’a pas eu de services scolaires
adaptés à ses besoins. Et pourtant, il est
autonome et surtout, il est bien dans sa peau.
Alors, l’évaluation diagnostique, oui, bien
sûr. Mais quand, et surtout pour faire
quoi? Chaque enfant autiste est unique
dans sa propre complexité. Pour moi, il n’y
a pas de recette collective. On parle toujours d’approches thérapeutiques, et ce
qui m’accroche le plus dans l’expression,
c’est le mot « approche », dans le sens de
s’approcher, de saisir l’unicité de la personne, et d’intervenir en conséquence, en
étant au besoin créatif, inventif. Car, ne
l’oubliez pas, les meilleurs systèmes portent
en eux de grandes incohérences…
Il se trouve des intervenants qui, encore
aujourd’hui, en voyant le niveau de
développement de Maxime, me disent :
« C’était pas un vrai! ». Dans le fond, ils
ont peut-être raison. Parce que, c’est
À travers mes multiples expériences pour bâtir un pont
entre Maxime et nous, mes meilleurs alliés ont été les
animaux.
28
quoi, ou plutôt qui, un vrai autiste?
j u i n 2 0 07
Julie Mc Intyre
Orthophoniste et conseillère clinique
Centre de réadaptation en déficience intellectuelle (CRDI) Normand-Laramée, Laval, Québec
Le modèle intégré d’intervention
du CRDI Normand-Laramée
L
e modèle intégré d’intervention (MII), préconisé au CRDI NormandLaramée est une adaptation1 du modèle SCERTS proposé par Prizant,
Wetherby, Rubin, Laurent et Rydell (2002). Il met l’accent sur les dimensions
fondamentales à considérer dans tout programme d’intervention visant à
soutenir le développement harmonieux des personnes présentant un TED et
supporter leur famille.
L’approche individualisée et globale occupe
toujours une place principale dans le
processus clinique, car elle représente l’assise
de toute l’articulation des évaluations, des
observations et des stratégies d’intervention
auprès de la personne. Cette approche
requiert une rigueur clinique qui facilitera
le choix des stratégies et des outils d’intervention pertinents au développement des
capacités et des habiletés de la personne.
Cette manière d’aborder le sujet (développementale, familiale, de réseau et du
milieu) met aussi en relief le fait que notre
accompagnement et nos interventions spécialisées s’adressent non plus uniquement à
la personne ayant un TED, mais bien à
l’interaction entre la personne et son environnement, ce qui favorise une modulation
de nos actions en fonction :
• des besoins de la personne et de ses
caractéristiques;
• des attentes des parents et de la famille;
• des caractéristiques des milieux fréquentés.
Considérant la perspective multidimensionnelle à la base de notre approche,
nous reconnaissons l’importance du travail
d’équipe et de la concertation avec les
partenaires, car les aspects d’interdisciplinarité, de jugement clinique et d’autonomie
professionnelle occupent une place privilégiée. Ce n’est qu’une fois réalisée la mise en
Modèle intégré d’intervention auprès des personnes
présentant un trouble envahissant du développement (MII)
adaptation du modèle SCERTS de Prizant et all. par Julie McIntyre
commun des observations et des évaluations,
qu’une vision globale commune se
dégage. Des objectifs fonctionnels sont
alors fixés, en accord avec le projet éducatif
(s’il s’agit d’un enfant) ou avec le projet
personnel (s’il s’agit d’un adolescent, d’un
adulte ou d’un aîné), en tenant compte
aussi des besoins de la personne et des
attentes de sa famille.
En lien avec les recherches sur les interventions efficaces et les connaissances actuelles
sur le fonctionnement neurologique des
personnes ayant un TED, le modèle intégré
d’intervention structure, d’une manière
interactive et cohérente, les sphères
d’intervention relatives à : la communication
sociale, la régulation émotionnelle et le
traitement de l’information. Malgré le fait
que les personnes ayant un TED partagent
des difficultés similaires touchant chacune
de ces sphères, il n’en demeure pas moins
qu’il existe une grande hétérogénéité de
profils au sein de cette clientèle. De
même, la contribution des familles et des
partenaires varie grandement en matière
de ressources utilisées pour soutenir leur
développement et leur intégration. Compte
tenu de ces précisions, le MII permet une
vision globale des forces et des limitations
de la personne et des défis qu’elles suscitent
dans sa famille. Des choix qui seront faits,
découleront des approches et des outils
d’intervention personnalisés, tenant compte
de cette vision globale.
Les sphères
d’intervention
Nous croyons pertinent de préciser de
nouveau que les sphères d’intervention
s’inscrivant à l’intérieur d’une conception
de la personne qui englobe l’ensemble des
facteurs personnels, incluent les aspects
liés aux systèmes organiques et aux aptitudes, ainsi que ses habitudes de vie et ses
modes de fonctionnement au quotidien.
1
Adaptation réalisée par Julie McIntyre, conseillère clinique en TED
au CRDI Normand-Laramée
j u i n 2 0 07
29
On compte trois sphères d’intervention :
la communication sociale, la régulation
émotionnelle et le traitement de l’information.
La communication sociale
Cette sphère a pour but d’amener progressivement la personne à communiquer
efficacement et à prendre confiance en ses
capacités de communication et ainsi,
d’être un participant actif au sein d’activités
sociales. Communiquer et interagir avec
autrui de manière satisfaisante fait partie
des buts à poursuivre.
Cette sphère a pour principaux fondements le développement des capacités
d’attention conjointe et de réciprocité,
ainsi que des capacités d’utilisation et de
référence à des symboles.
La régulation émotionnelle
Cette deuxième sphère met l’accent sur
l’habileté de la personne à réguler son état
d’éveil émotionnel. La régulation émotionnelle est une capacité essentielle et
fondamentale pour interagir et apprendre.
Il s’agit de soutenir la personne à s’adapter
et à composer avec les inévitables défis
qu’elle aura à surmonter sur une base
quotidienne, en maintenant des états
optimaux d’éveil émotionnel pour favoriser
des relations affectives positives.
Cette sphère vise à promouvoir les capacités
d’auto-régulation, de régulation mutuelle
et de récupération en réponse à une perte
de régulation. Elle regroupe les capacités
de la personne selon deux modes : le mode
sensori-moteur (pré-symbolique) et le
mode cognitivo-linguistique (symbolique).
Le traitement de l’information
Cette troisième sphère réfère à la dimension
cognitive. Elle tient compte des caractéristiques individuelles en ce qui a trait à
l’analyse, à l’organisation et à l’intégration
des informations pour élaborer une
réponse pertinente.
Elle met l’accent sur les capacités d’apprentissage et le développement des habiletés
liées aux fonctions exécutives, en tirant
profit des forces et des particularités, telles
que : l’intégration rapide de blocs d’information, la mémoire à long terme permettant l’apprentissage et la répétition de
longues routines, l’utilisation significative de
l’information visuelle, la compréhension des
informations concrètes et hors contexte et
la concentration sur des sujets précis et des
champs d’intérêt spécifiques.
Les sphères d’intervention
Le soutien
transactionnel
Le soutien transactionnel représente la
deuxième partie du MII. Il consiste à
déterminer et à mettre en application des
stratégies, relatives aux caractéristiques de
la personne, découlant des trois sphères
d’intervention, ainsi qu’aux caractéristiques
des partenaires d’interaction. De fait, le
soutien transactionnel, parce qu’il se situe
au cœur de l’interaction personne/environnement, s’ajuste constamment aux
réactions de l’une ou l’autre des personnes
impliquées dans l’interaction. Il se divise
en deux catégories de facteurs en constante
interaction : le soutien interpersonnel et
le soutien environnemental.
Les partenaires
d’interaction
Les partenaires d’interaction représentent
la troisième partie du MII. Tout individu
qui interagit avec la personne ayant un
TED en fait partie. L’objectif du MII, dans
ce domaine, est de développer une vision
globale, une compréhension commune et
des stratégies d’intervention cohérentes
impliquant l’ensemble des partenaires.
Modèle dynamique, le soutien transactionnel est à la fois généralisé et adapté à
chacun des partenaires d’interaction.
adaptation du modèle SCERTS de Prizant et all. par Julie McIntyre
Le MII permet également une articulation
concrète des sphères d’intervention, du
soutien transactionnel et des partenaires
d’interaction en fonction d’un certain
nombre d’approches propres à cette clientèle.
Ainsi, pour répondre le plus efficacement
possible aux besoins des personnes
présentant un TED, il convient de considérer, en tout premier lieu, les approches
s’inscrivant dans une perspective
développementale et fonctionnelle. Le
modèle permet l’harmonisation de ces
approches afin d’élaborer un plan
d’accompagnement et d’intervention qui
soit cohérent et qui touche les sphères
identifiées comme étant le berceau des
principaux défis auxquels auront à faire
face les personnes TED et leur entourage.
30
j u i n 2 0 07
Pierre Berger
Directeur de l’intervention nationale
Office des personnes handicapées du Québec
Les services aux enfants
ayant un TED âgés de 5 à 12 ans
C
et article vise à présenter l’Office des personnes handicapées du
Québec (ci-après OPHQ ou l’Office), à situer les personnes ayant un
trouble envahissant du développement (TED) à l’intérieur du champ du
handicap, tout en identifiant certains de leurs besoins et ceux de leurs
proches. Il propose aussi quelques réflexions par rapport à des orientations de services à privilégier, et, conséquemment, les défis qui attendent
les prestataires de services, dont les Centres de réadaptation responsables
des services aux personnes ayant une déficience intellectuelle ou un TED
(ci-après CRDITED)1 et leurs partenaires.
L’Office
des personnes
handicapées du Québec
L’Office des personnes handicapées du
Québec est un organisme gouvernemental
qui a essentiellement pour mandat de
veiller au respect des principes et des règles
énoncés dans la Loi assurant l’exercice des
droits des personnes handicapées en vue
de leur intégration scolaire, professionnelle
et sociale. Ainsi, l’Office doit s’assurer,
dans la mesure des pouvoirs qui lui sont
conférés, que les ministères et leurs
réseaux, les municipalités, ainsi que les
organismes publics et privés poursuivent
leurs efforts afin d’améliorer les possibilités
offertes aux personnes handicapées de
s’intégrer et de participer ainsi pleinement
à la vie en société.
L’Office veille également à la coordination
des actions relatives à l’élaboration et à la
prestation des services aux personnes
handicapées et à leur famille. Il favorise et
évalue leur intégration scolaire, professionnelle et sociale. En plus de promouvoir
leurs intérêts, l’Office les informe, les conseille, les assiste et fait des représentations
en leur faveur.
L’Office doit aussi favoriser la coordination
et la promotion des services qui répondent
à leurs besoins auprès de tous les acteurs
concernés, afin de favoriser leur épanouissement et leur pleine participation à la
société. L’organisation des services aux
personnes ayant un TED fait donc partie
des préoccupations de l’Office.
Les personnes ayant un TED
en relation avec le champ
du handicap
Pour l’Office, le handicap n’est pas la simple
résultante des caractéristiques personnelles
d’un individu, car le handicap a aussi une
dimension environnementale et donc
sociale, ce qui veut dire que l’environnement, tant social que physique, est aussi à
l’origine des situations de handicap.
Distinguons quelques concepts :
Les principaux concepts se rattachant au
domaine du handicap, en se référant au
modèle conceptuel du processus de
production du handicap (PPH)2 sont :
les facteurs personnels (c’est-à-dire la déficience et l’incapacité, les facteurs environnementaux (les facilitateurs et les obstacles),
la réalisation des habitudes de vie, de
même que les concepts de participation
sociale et de situation de handicap.
Les concepts de déficience et d’incapacité
réfèrent à des réalités propres au corps et
à l’esprit d’un individu. Il s’agit de facteurs
personnels. Une déficience se définit
essentiellement par l’atteinte à l’intégrité
d’un système organique et une incapacité
réfère à la réduction d’une aptitude, pour
accomplir une activité physique ou mentale.
1 CRDITED : L’acronyme est utilisé dans le texte afin d’en faciliter la lecture. Il ne s’agit pas
nécessairement d’une appellation légale, puisque tous les Centres de réadaptation
n’ont pas adopté officiellement cette dénomination sociale.
2 Réseau international sur le processus de production du handicap (1998), Classification
québécoise : Processus de production du handicap, Québec.
j u i n 2 0 07
31
Un trouble envahissant du développement,
occasionnant certaines incapacités, est
considéré comme faisant partie des facteurs
personnels, mais ne constitue pas en soi
un handicap.
Le concept d’habitudes de vie correspond
à la réalisation d’activités courantes ou de
rôles sociaux. La pleine réalisation de ces
habitudes de vie correspond à une situation
de participation sociale, alors que l’impossibilité de la réaliser constitue plutôt une
situation de handicap.
De plus, les éléments de l’environnement
peuvent agir comme obstacles ou facilitateurs
à la réalisation d’habitudes de vie. Ils
empêchent, réduisent ou produisent le
handicap. Les facteurs environnementaux
comprennent des dimensions sociales
(l’organisation sociale, les mesures et programmes, les politiques, les valeurs, les
préjugés, etc.) et des dimensions physiques
(telle que l’accessibilité architecturale).
Dans ce cadre, c’est l’interaction entre les
facteurs personnels (déficience et incapacité)
et les facteurs environnementaux qui
facilitent ou empêchent la réalisation
d’habitudes de vie et qui occasionnent ou
non une situation de handicap.
En d’autres mots, la situation de handicap
ne réfère pas uniquement aux facteurs
personnels de l’individu, mais principalement
à la réponse du milieu à ses besoins et
aspirations, compte tenu de ses caractéristiques personnelles.
Dans ce contexte, il est possible de réduire
ou d’éliminer les situations de handicap,
malgré la permanence ou la persistance de
la déficience ou des incapacités d’une
personne. Il s’agit d’intervenir sur les facteurs
environnementaux, de manière à faciliter
la réalisation des habitudes de vie.
L’organisation des services et la façon de
les offrir constituent des facteurs environnementaux. Les CRDITED, responsables
des services aux personnes touchées par
une déficience intellectuelle ou un TED et
les organismes communautaires ont une
fonction importante pour faciliter leur
intégration sociale.
Comme chacun de nous, qu’il s’agisse
d’enfants âgés de 5 à 12 ans ou d’adultes
ayant un TED, ils doivent avoir accès aux
services de garde, à l’école, avoir des
loisirs, occuper un emploi, se déplacer,
développer un réseau social (il s’agit là
d’habitudes de vie) bref, assumer divers
rôles sociaux. Lorsqu’ils n’y parviennent
pas, ils rencontrent des situations de
handicap. À l’inverse, lorsqu’on leur en
offre la possibilité, ils sont en situation de
participation sociale.
Lorsque les parents apprennent que leur
enfant a un TED, surtout lorsque ce
diagnostic arrive tardivement, c’est-à-dire
au cours des premières années scolaires, ils
ont besoin d’être informés et d’obtenir
l’appui nécessaire pour s’orienter dans les
différents réseaux de services. Il leur est
parfois plus difficile de faire reconnaître
l’aide dont ils ont besoin, ce qui constitue
un problème. S’ajoute à cela les difficultés
à recourir à des services de répit. Souvent,
il s’agit de recourir aux très rares et peu
nombreuses ressources de répit spécialisées.
Même s’il existe des ressources dans la
communauté, notamment les ressources
des organismes communautaires, peu sont
en mesure ou acceptent de desservir une
clientèle ayant un TED qui demande un
haut niveau d’encadrement, d’où l’importance que d’autres acteurs s’impliquent
dans l’offre de services ou d’ajuster les
ressources des organismes communautaires,
en fonction des besoins.
L’impact sur les proches
Les défis
Les besoins
les besoins qui en découlent
Il faut également considérer l’impact de la
présence de personnes ayant un TED sur
les proches. Leurs familles et leur
entourage immédiat ont également des
besoins à combler. Cette situation peut
générer des besoins tels que :
• connaître les services et les ressources
qui leur sont offerts ;
• avoir la possibilité d’exprimer ses
besoins comme famille ;
• apprendre comment agir et se comporter envers l’enfant ;
• poursuivre les activités d’une vie familiale
normale, tout en apportant à l’enfant le
soutien et les soins nécessaires;
• se ressourcer, prendre des temps de
repos sans l’enfant.
La situation de handicap ne réfère pas uniquement
aux facteurs personnels de l’individu,
mais principalement à la réponse du milieu
à ses besoins et aspirations,
compte tenu de ses caractéristiques personnelles.
32
Pour bien répondre aux besoins des jeunes
et de leurs proches, le recours aux services
généraux demeure un incontournable. À
ceux-ci s’ajoutent les services spécialisés,
notamment ceux offerts par les CRDITED.
Le réseau de la santé et des services sociaux,
en créant les Centres de santé et de services
sociaux (CSSS), a prévu la mise en place de
réseaux intégrés de services, lesquels
devraient permettre, affirme t-on, une
meilleure coordination entre les services
offerts par les CRDITED, les CSSS et les
organismes de la communauté. Toutefois,
la réponse aux besoins concerne aussi les
autres réseaux, dont l’éducation, le loisir,
le transport, l’emploi, etc. Il importe ainsi
que les réseaux de services se coordonnent
entre eux pour assurer la cohésion et la
continuité des services, afin que tous les
besoins trouvent une réponse dans l’environnement. La participation sociale de la
personne en dépend.
La mise en place de réseaux intégrés permettra sans doute de mieux définir les
responsabilités des différents acteurs du
réseau de la santé et des services sociaux.
Cependant, il faut éviter le piège d’un
j u i n 2 0 07
continuum de services rigide, dans lequel
on juxtapose les services sans lien entre
eux. Il faut mettre en place des corridors
de services et s’assurer que ces réseaux ne
laissent personne sans service et qu’ils
couvrent l’ensemble des besoins. La flexibilté, plutôt que la rigidité est éminemment souhaitable. Il serait trop facile pour
un prestataire de services de refuser de
s’impliquer dans une situation, sous prétexte que le service requis ne fait pas partie de son offre. Les besoins de tous
doivent être considérés. De plus, la mise en
place des réseaux intégrés ne doit pas
empêcher le recours à la coordination
intersectorielle (éducation, emploi, loisir,
etc.), dans le respect des responsabilités de
chacun.
L’un des outils privilégiés pour réaliser
cette coordination est ce que l’on appelle
le plan de services individualisés. Celui-ci se
veut un outil visant à assurer une continuité
(par la planification) et une cohésion (par la
coordination) des services destinés à une personne en réponse à ses besoins et à ses
attentes spécifiques.
de services de revoir leur offre, de l’adapter
ou de la repenser en fonction des besoins
et des attentes de la personne.
Dans L’état de situation sur la pratique du
plan de services, publié en 2003 par l’Office,
il était constaté deux conceptions diamétralement opposées du plan de services.
L’une est issue d’un réseau de distribution
de services, c’est-à-dire d’une offre
prédéterminée de services en regard des
besoins de la personne. Dans ce cas, on
vérifie, dans le processus du plan de services, si l’usager relève ou non des services
des établissements pour coordonner les
interventions. L’autre s’appuie sur les
besoins de la personne, sous l’angle de la
demande de services en regard des responsabilités des dispensateurs de services.
Dans ce dernier cas, on sollicite les établissements ou les organismes pour déterminer
une offre de services et coordonner les
interventions. Dans cette perspective, on
peut aller jusqu’à demander aux dispensateurs
On se place soit sous l’angle de l’offre de services (les services reconnus des établissements
ou des organismes) et on coordonne les
services existants ou on se place du point
de vue de la demande de services et de
leur adaptation (on demande alors aux
dispensateurs de services d’ajuster leur
offre pour répondre aux besoins de la personne). Cette deuxième option est celle
privilégiée par l’Office. Elle exige de la
souplesse et invite à la transdisciplinarité.
Elle fait en sorte, par exemple, que les services éducatifs ne sont pas l’affaire exclusive
de l’école. Ils peuvent aussi concerner les
CRDITED. Il en va de même pour le loisir
et les autres secteurs d’intervention.
Ainsi, les différents partenaires doivent se
placer en situation de résolution de problème,
conjuguer leurs efforts et ajuster leur offre
de services pour créer la synergie nécessaire
afin de mieux répondre aux besoins. L’offre
de services s’adapte alors à la situation individuelle.
En conclusion
Sur le plan de l’organisation des services,
le piège de la rigidité d’un continuum de
services visant à délimiter l’intervention est
à éviter. Il y a plutôt lieu de s’inscrire dans un
processus de résolution de problèmes invitant
les acteurs à réajuster continuellement
l’offre de services à la réalité de chacun
des individus.
Voilà le défi des prochaines années !
La mise en place de réseaux intégrés permettra sans
doute de mieux définir les responsabilités des différents
acteurs du réseau de la santé et des services sociaux.
j u i n 2 0 07
33
Point de vue de parent
Huguette Boisvert, parent
Chapitre francophone de l’autisme d’Ottawa et Société franco-ontarienne de l’autisme
L’enfant autiste
et le rôle du parent
L
’ancien modèle social, selon lequel un patriarche disposait seul de
tous les droits moraux et légaux sur sa progéniture, est révolu. On doit
aujourd’hui se référer au potentiel, aux champs d’intérêt et à l’individualité
de l’enfant. Des chercheurs et des spécialistes ont ainsi fait valoir la
contribution des parents à une meilleure compréhension du phénomène
de l’autisme et de la personne autiste.
Deux rôles sont confiés aux parents :
appuyer moralement et affectivement leur
enfant et gérer prudemment les biens et le
patrimoine d’une personne mineure.
Les parents se présentent comme des
administrateurs appliqués et responsables,
exigeant que la société garantisse les services indispensables aux enfants pour
délaisser la dépendance, la fragilité, ainsi
que la tutelle morale, légale et intellectuelle. L’aveuglement de notre société
blesse davantage qu’un diagnostic. Des
ressources considérables sont consacrées à
des activités humaines, sans toutefois tenir
suffisamment compte du facteur le plus
complexe et le plus important qui soit :
permettre aux enfants de grandir dans le
respect de leur individualité et de contribuer
à l’enrichissement de la société.
L’appui moral que prodigue les parents à
leur enfant se traduit par la valorisation de
ce qui appartient à l’enfant, ce qui le rend
unique. Ils interviennent de plus en plus
dans les processus de prise de décision.
L’émotion, l’engagement, la solidarité et
l’importance de tenir compte de l’humanité
de la personne jouent un rôle essentiel
dans toute décision prise au nom des
enfants autistes.
Un enfant autiste n’est pas un spécimen,
un sujet de thèse ou un candidat pour une
recherche scientifique. Il s’agit avant tout
d’un être complexe, unique, dont on ne
peut nier le potentiel. Les parents ont raison
d’insister pour participer pleinement aux
débats qui étaient réservés, jusqu’à tout
récemment, aux seuls spécialistes.
Les parents peuvent garder un juste équilibre
entre la passion qu’ils éprouvent pour leur
propre enfant, et une contribution positive
aux débats et aux prises de décisions concernant plusieurs enfants touchés, à divers
degrés, par la même condition.
Témoigner de cet équilibre, c’est parler de
respect d’autrui, de solidarité et de transparence.
En conclusion, j’exprime le souhait que
les prises de décisions sociales et autres,
touchant nos enfants, deviennent plus
transparentes et que les débats soient
élargis.
Un enfant autiste n’est pas un spécimen, un sujet de
thèse ou un candidat pour une recherche scientifique.
Il s’agit avant tout d’un être complexe, unique,
dont on ne peut nier le potentiel.
34
j u i n 2 0 07
Point de vue de parent
Lucie Latour, parent
Montérégie, Québec
Témoignage
sur les services publics et privés utilisés
T
out jeune, notre fils Benoît avait des comportements bizarres.
N’ayant aucune connaissance en autisme, mon mari et moi avions
besoin de temps pour y voir clair.
Arrive un premier son de cloche de la gardienne : « Votre fils Benoît semble avoir
des traits autistiques ». Tristes à mourir,
nous décidons d’abord de nous informer
par l’intermédiaire de livres, du genre
« L’autisme pour les nuls ». Nous cherchions
une vision globale de l’autisme, sans trop
entrer dans les détails. En réalité, on
essayait de faire un diagnostic maison
avant LE diagnostic.
Un premier rendez-vous est fixé avec un
pédiatre qui nous conseille de consulter un
psychiatre, tout en nous informant que
nous risquons d’attendre un an avant
d’obtenir un rendez-vous, compte tenu de la
liste d’attente. Il nous suggère de nous tourner
vers les services privés d’une psychologue.
Au bureau du pédiatre, la secrétaire m’affirme
que mon fils est autiste (j’étais en colère!)
et me donne les coordonnées de la
Fédération québécoise de l’autisme. J’y ai
été accueillie très chaleureusement et j’ai
reçu de la documentation, dont un feuillet
d’information sur les dix-sept traits autistiques :
six semblaient correspondre à ceux de notre
fils. Le diagnostic maison était donné.
Une première rencontre avec une psychologue confirme des traits autistiques, mais
sans préciser le degré. Elle nous recommande
à une collègue spécialisée en autisme, la
Dre Sylvie Donais. Quelques semaines plus
tard, celle-ci nous annonce le diagnostic
officiel : Benoît est touché par un autisme
léger (il cote 30 au test Childhood autism
rating scale, couramment appelé le CARS).
Je lui demande alors : « Qu’est-ce qu’on fait
maintenant? » Sa réponse : « Thérapie
behaviorale LOVAAS », sa spécialité. Bien
que cette thérapie soit très onéreuse, elle
nous informe que nous pouvons aussi
avoir du soutien du CLSC.
j u i n 2 0 07
Je me lance à corps perdu avec des bénévoles
dans cette thérapie qui s’avérera très efficace
pour Benoît.
Au CLSC, une travailleuse sociale nous
offre la possibilité d’obtenir une subvention
pour des services de répit. Ces services
m’ont évité l’épuisement, surtout avec
l’arrivée d’un bébé. Elle nous inscrit également sur une liste d’attente pour obtenir
les services d’une éducatrice spécialisée du
Centre de réadaptation. Cette éducatrice,
« une soie », est très à l’écoute de nos
besoins. Nous remplissons un questionnaire
qui met en évidence ce que Benoît peut
faire ou ne pas faire, en ce qui a trait à sa
routine journalière et nous établissons des
priorités à travailler pour développer son
autonomie. Ses conseils nous sont très
précieux et nous apportent ce que
LOVAAS n’offre pas.
Enfin, nous rencontrons le pédopsychiatre
qui nous confirme l’autisme léger de
Benoît. Il nous propose un programme de
stimulation à l’hôpital que nous refusons
en raison des distances à parcourir.
J’aurais aussi souhaité qu’il nous donne
des informations sur ce que nous devons
savoir (CLSC, fiscalité, associations de parents, liste de sites internet, etc.)
Un troisième enfant arrive au milieu de
l’année de la thérapie LOVAAS et je suis
épuisée. Benoît est confié à une éducatrice
du Centre de réadaptation, ce qui me
donne un peu de repos. Je m’intéresse
alors aux causes physiques de l’autisme.
Suivront des services privés : acupuncture,
ostéopathie et naturopathie. Cette
dernière discipline, incluant un régime
sans caséine et sans gluten, aura, avec la
thérapie LOVAAS, le plus d’impact sur le
comportement de Benoît.
À l’entrée scolaire, un choix difficile s’imposait entre une classe régulière avec
accompagnateur ou une classe spécialisée.
Nous avons opté pour une classe accueillant des enfants ayant des TED, dans une
école régulière de notre commission scolaire.
La thérapie LOVAAS est maintenant terminée.
Nous rencontrons régulièrement la naturopathe et, ponctuellement, l’ostéopathe. Le
régime alimentaire se poursuit aussi. Les
premières années scolaires m’ont obligée à
enseigner à Benoît une heure par jour,
parce que les notions scolaires transmises
à l’école étaient insuffisantes. Les trois
dernières années scolaires se sont bien
déroulées, sauf en ce qui concerne le Plan
d’intervention qui met trop l’accent sur ce
qui ne va pas. Les classes accueillant des
enfants ayant un TED et un haut niveau
de fonctionnement sont adaptées aux
besoins de Benoît. Des services en orthophonie
manquent cependant. Présentement, nous
concentrons nos efforts pour développer
la socialisation.
Nous commençons à nous faire des amis
précieux parmi les parents d’enfants de la
classe de notre fils. Nous éprouvons le
besoin d’apprendre sur l’autisme et nous
sommes membres d’une association de
parents où nous recevons beaucoup de
documentation et participons à des conférences.
Nous avons obtenu toutes les informations
de façon fortuite, au fil de rencontres.
Les intervenants de première ligne
devraient avoir une liste de spécialistes
et de services gouvernementaux utiles
aux parents et nous dire de garder cette
liste, car même si on ne digère pas le
diagnostic, lors de l’annonce, un jour
elle sera utile.
35
Brigitte Chamak
Chercheure INSERM au Centre de Recherche en Santé Mentale (CESAMES), France
Les ressources communautaires
en France
E
n France, les interventions en autisme relèvent à la fois des secteurs
médico-social, hospitalier et libéral, et présentent des disparités
départementales. La Lozère, département le moins peuplé, compte un
taux d’équipements parmi les plus élevés, alors qu’en Ile-de-France, il est
inférieur à la moyenne nationale.
Les enfants sont suivis dans des centres
d’action médico-sociale précoce (CAMSP),
médico-pédagogiques (CMP) ou médicopsycho-pédagogiques (CMPP), des instituts
médicaux-éducatifs (IME), des hôpitaux
de jour, des services d’éducation spécialisée et
de soins à domicile. Environ 4 500 enfants
autistes sont accueillis dans des structures
médico-sociales ou dans des établissements
pour enfants handicapés. Parmi ceux-ci,
78 % sont dans des structures pour
déficients intellectuels. Une étude réalisée
en Île-de-France indique que 28 % d’une
cohorte de 495 enfants se retrouvent en
hôpital de jour et autant en IME externat,
23 % en service ambulatoire, 6 % en IME
internat et 1 % en hospitalisation à temps
complet. Les autres n’ont aucune prise en
charge soutenue.
La création des Centres de ressources en
autisme a pour objectif de favoriser
l’information et la coordination des interventions, mais le manque de structures
adaptées et de personnel formé se fait
cruellement sentir. En outre, les controverses
sur les méthodes à employer pour aider les
enfants autistes sont très vives en France
où le courant psychodynamique est fort.
Alors que les hôpitaux de jour apparaissaient
comme un progrès dans les années 1970,
de plus en plus de parents refusent
aujourd’hui d’y envoyer leurs enfants,
jugeant que la formation et les pratiques
n’ont pas évolué. Parmi les enfants
autistes accueillis dans des structures
médico-sociales, 64 % n’ont pas accès à
un apprentissage scolaire. Une très grande
hétérogénéité caractérise les hôpitaux de
jour, dont seuls quelques-uns ont intégré
les méthodes éducatives et comportementales
tant réclamées par les associations de parents.
Les adultes, selon leur capacité de travail
et leur niveau d’autonomie, peuvent se
retrouver dans des Centres d’aide par le
travail, des foyers d’hébergement, des foyers
de vie, des maisons d’accueil spécialisées
ou des foyers d’accueil médicalisés.
Cependant, nombre de personnes autistes
vivent chez leurs parents, sans aide, et
d’autres familles se sont exilées en
Belgique, faute de structures adaptées en
France.
Les pouvoirs publics se reposent toujours
plus sur les initiatives des associations
de parents. Cette « politique » peut être
considérée comme un moyen pour l’État
de se désinvestir du problème, tout en
régissant le système en accordant ou non
les accréditations et les aides financières
aux établissements créés par les associations.
En France, les interventions en autisme relèvent
à la fois des secteurs médico-social, hospitalier et libéral,
et présentent des disparités départementales.
36
j u i n 2 0 07
Le rôle
des associations
SÉSAME AUTISME1, une association de
parents en France, a créé en 1963 le premier
hôpital de jour pour enfants à Paris. En
1983, l’ARAPI s’est constituée pour
favoriser la recherche. Elle a la particularité
de réunir parents et professionnels. Au
milieu des années 1980, d’autres associations
ont vu le jour afin de créer des structures
spécialisées utilisant le programme TEACCH.
En 1989, une scission s’opère au sein de
SÉSAME AUTISME, car certains, voulant
rompre avec les psychiatres et leurs
approches psychanalitiques, se tournent
vers les méthodes éducatives et comportementales provenant des États-Unis et
réclament l’intégration scolaire. Autisme
France est alors créé.
Au début des années 1990, sous la pression
des associations, trois rapports ont été
publiés qui ont donné lieu en 1995 à la
Circulaire Veil qui propose un plan d’action
de cinq ans afin d’améliorer la prise en
charge des personnes autistes. Cette circulaire
dénonce les difficultés à obtenir un
diagnostic précoce, l’utilisation de la
classification française et non internationale, l’approche psychanalytique et la
méconnaissance de l’origine organique de
l’autisme. Autisme France a donc saisi, en
1995, le Conseil Consultatif National
d’Éthique (CCNE) en raison des problèmes
posés en France par les carences de la prise
en charge, mettant en jeu les fondements de
l’éthique. L’avis du CCNE en 1996 formulait
des recommandations allant dans le sens
des associations. Au cours de cette même
année, la loi Chossy reconnaît l’autisme
comme un handicap. Cette reconnaissance
est perçue comme un moyen de s’éloigner
de la psychiatrie et de bénéficier d’aide
financière.
j u i n 2 0 07
Conclusion
En France, des recommandations ont été
formulées en novembre 2005 pour
améliorer les pratiques diagnostiques, mais
elles restent encore hétérogènes, de même
que les modes d’intervention. Les méthodes
éducatives et comportementales intenses,
réclamées par les associations de parents,
ont du mal à s’implanter et l’intégration
scolaire rencontre de nombreuses difficultés matérielles. La Loi du 11 février
2005 pour L’égalité des droits et des
chances, la participation et la citoyenneté
des personnes handicapées pose le
principe de l’intégration scolaire pour tout
enfant porteur d’un handicap, mais l’application de cette loi aux enfants autistes
n’est pas véritablement effective, le
manque de formation spécifique, de
moyens et de classes à petits effectifs
faisant défaut.
Les associations de parents jouent un rôle
important dans la mobilisation publique et
prennent de plus en plus de poids dans la
construction des actions en matière
d’autisme, mais les pouvoirs publics
utilisent parfois les dissensions entre
parents et professionnels pour se décharger
de leurs responsabilités et se reposer de
plus en plus sur les initiatives privées.
1 Auparavant sous le nom de ASITP
(Association au Services des personnes Inadaptées ayant des Troubles de
la personnalité), celle-ci est devenue,
en 1990, la Fédération SÉSAME
AUTISME.
Les méthodes éducatives et comportementales intenses,
réclamées par les associations de parents,
ont du mal à s’implanter et l’intégration scolaire
rencontre de nombreuses difficultés matérielles.
37
Yves Michelon
Directeur de Accueil Adolescents SÉSAME-AUTISME Établissement Médico-Éducatif Expérimental
Languedoc, France
Évolution du secteur médico-social
dans le dispositif d’aide aux enfants
âgés de 6 à 12 ans, ayant un TED
Le dispositif français
Trois grands champs institutionnels caractérisent le dispositif français de soutien
aux enfants ayant un TED. Il s’agit du
système sanitaire, notamment la pédopsychiatrie, relevant du Ministère de la santé,
du système scolaire, relevant du Ministère
de l’éducation nationale, et du système
médico-social, sous l’autorité du Ministère
de la santé.
Le système médico-social rassemble des
établissements et des services dédiés à
l’éducation spécialisée des enfants et
adultes handicapés, gérés entre autres par
des associations de parents.
L’évolution des soins, de l’éducation et de
la socialisation des enfants ayant un TED,
en France, se comprend d’une part à travers
l’introduction de nouvelles connaissances
au sujet de l’autisme et de son étiologie et,
d’autre part, dans l’observation du dialogue
que ces trois champs vont entretenir au
cours du temps.
Le contexte historique
Au début du X1Xe siècle
Le docteur Itard rencontre Victor, l’enfant
sauvage qui est un enfant autiste, livré à
lui-même. Ainsi débute la psychiatrie
comme discipline médicale. L’autisme est
alors confondu avec l’arriération mentale.
Le docteur Itard défend l’idée que la
Séguin affirme que l’éducation des enfants idiots
n’est pas l’affaire des médecins. La période qui suit
est dominée par une psychiatrie asilaire, enfermant
les enfants idiots dans des pavillons, sans assistance.
38
sauvagerie de Victor est acquise et peut
donc être modifiée par une éducation,
mais la méthode initiée par Itard a échoué
dans sa tentative de socialiser l’enfant.
Selon le docteur Pinel, médecin aliéniste,
Victor est un idiot incurable, tandis qu’un
disciple de Pinel, le docteur Esquirol, se
contentera d’accueillir les enfants autistes
dans des hospices, sans soins particuliers.
Par la suite, un instituteur, Édouard
Séguin, fait une description clinique
remarquable de l’idiotie proche de celle
que fera Léo Kanner de l’autisme un siècle
plus tard. L’idiotie des enfants serait d’origine
organique et elle est éducable. Séguin
affirme que l’éducation des enfants idiots
n’est pas l’affaire des médecins. La période
qui suit est dominée par une psychiatrie
asilaire, enfermant les enfants idiots dans
des pavillons, sans assistance. S’ouvre alors
un débat à savoir si l’inadaptation mentale
relève de la compétence de la médecine ou
de l’éducation.
Au terme du X1Xe siècle
Le docteur Bourneville ressort les travaux de
Séguin et invente les programmes « médicopédagogiques » associant les soins prodigués
dans les hôpitaux et une scolarisation
adaptée, à l’intérieur ou à l’extérieur de
l’hôpital, offerte par des instituteurs. Il
concentre alors les critiques et l’opposition
des médecins, des administrateurs et des
psychopédagogues, dont Alfred Binet. Ce
dernier, en collaboration avec le docteur
Simon, met au point le premier test
d’intelligence. Avec l’invention du Q.I.,
s’instaure une hiérarchie dans les niveaux
d’intelligence. Ainsi, des enfants sont pris
en charge dans des classes de perfectionnement de l’éducation nationale et les
autres, dont les enfants autistes, sont laissés
sans services dans des familles ou hospitalisés
dans des conditions dégradantes.
j u i n 2 0 07
Au début du XXe siècle
Durant l’après-guerre
La question de la folie de l’enfant est
posée comme prémisse de la maladie
mentale de l’adulte. En 1911, le psychiatre
suisse Bleuler introduit le terme autisme,
décrivant un symptôme de la schizophrénie de l’adulte. La psychiatrie, qui
était alors une discipline sans traitement,
subit également l’influence des idées de
Sigmund Freud, mais, en 1943, avec les
travaux de Léo Kanner, le syndrome autistique
se dégage dans le cadre des psychoses de
l’enfant. En même temps, Asperger, à
Vienne, décrit un syndrome voisin, la psychopathie autistique, sans rapprochement
avec les psychoses.
Parallèlement au développement d’une
pédopsychiatrie psychanalytique, les parents
se regroupent en associations, fédérées par
une Union Nationale des Amis et Parents
d’Enfants Inadaptés (UNAPEI). Leur but
consiste à sortir les enfants des asiles psychiatriques et à leur assurer un enseignement
spécialisé. Les gouvernements successifs
autorisent alors la création d’un réseau
d’institutions médico-pédagogiques. La
Sécurité sociale finance ces établissements
privés associatifs. Ils ne sont donc plus
sous l’autorité médicale et sont gérés par
des Associations de parents, des congrégations
religieuses ou autres.
En Europe, la psychanalyse s’intéresse
aussi au traitement des enfants autistes et
psychotiques, mais le courant Mélanie
Klein, psychanalyste, s’oppose à celui
d’Anna Freud, institutrice. Suivent les faits
tragiques de la dernière guerre mondiale
qui influeront sur les orientations théoriques
des soins prodigués aux enfants autistes. Les
travaux sur l’attachement (Bowlby et Spitz)
font en sorte que la théorie psychogénétique
domine la psychiatrie française dans les
soins donnés aux enfants autistes. En conséquence, on note une humanisation des
services et la sortie d’une partie des enfants
des services asilaires. Des psychiatres
s’attardent alors à inscrire le diagnostic
d’autisme dans une sémiologie française et à
théoriser les soins psychanalytiques dans les
services psychiatriques.
Dans ces établissements, les enfants
autistes n’étaient généralement pas différenciés des enfants ayant une déficience
intellectuelle. L’une des conséquences de
ce mouvement fut que l’Éducation nationale
a transféré vers le Ministère de la santé la
charge de l’éducation d’une partie de l’enfance
inadaptée, en excluant les enfants trop
déficitaires, au sens de Binet, de la scolarisation. L’Éducation Nationale elle-même
ouvrira donc des Instituts Médico-Éducatifs,
par le biais d’associations, financés par
l’assurance maladie. Médecins, psychiatres,
ré-éducateurs et psychologues y assurent
des vacations. La pédopsychiatrie, quant à
elle, se développait à l’écart de ce secteur
médico-social.
Au début du XXe siècle, Asperger, à Vienne,
décrit un syndrome voisin, la psychopathie autistique,
sans rapprochement avec les psychoses.
En 1963
Création de la première association
française de parents d’enfants autistes et
psychotiques, l’ASITP (Association au
Service des personnes Inadaptées ayant
des troubles de la Personnalité) qui
deviendra en 1990, la fédération française
SÉSAME AUTISME.
Au cours des années 70
Une politique de sectorisation de la
pédopsychiatrie se développe en réaction
aux pratiques asilaires. Ce mouvement se
constitue autour de besoins nouvellement
identifiés des enfants touchés par une
j u i n 2 0 07
39
psychose infantile ou par l’autisme.
Différents services naissent, s’inspirant de
la psychanalyse et de la psychothérapie
institutionnelle. Le modèle de l’école
ouverte à Chicago par Bruno Bettelheim
sert alors de référence. Ainsi, certaines
théories psychanalytiques avancent une
étiologie relationnelle mettant en cause
l’attachement parental dans l’apparition
de l’autisme. Les effets iatrogènes de ces
pratiques sur le développement de l’enfant
sont maintenant évidents.
En 1975
Une importante loi cadre1 orientée en
faveur des personnes handicapées légifère
enfin sur un secteur qui avait engendré
aussi ses propres asiles médico-sociaux
dans les régions les plus déshéritées.
En 1988
La Classification Française des Troubles
Mentaux de l’Enfant et de l’Adolescent
s’oppose par certains points au DSM ou à
la CIM, notamment en maintenant le
groupe des psychoses de l’enfant et en
privilégiant un regard psychodynamique sur
des formes psychopathologiques évolutives.
Les enfants diagnostiqués psychotiques ou
autistes étaient considérés comme des
malades mentaux et traités dans les services
pédo-psychiatriques. Les enfants avec des
TED, dont les troubles n’étaient pas repérés,
étaient accueillis dans des internats médicoéducatifs ou dans les Instituts de
Rééducation à titre de handicapés mentaux
et recevaient une éducation spécialisée non
adaptée. Les enfants ayant un Ted n’étaient
donc pas scolarisés en milieu scolaire.
Dans ce clivage arbitraire des systèmes, les difficultés d’un enfant autiste relevaient d’un
secteur ou de l’autre, mais plus difficilement
des deux. En conséquence, des situations
brutales d’inclusion et d’exclusion et des effets
de filière dans les traitements ne répondant pas
aux besoins évolutifs de l’enfant et aux
demandes des familles sont survenus.
La décennie 1985-95
La prise en charge des enfants autistes et
psychotiques se diversifie. Des équipes
pédo-psychiatriques offrent aux enfants
des possibilités de scolarisation par une
éducation spécialisée à temps partiel, à
l’extérieur de l’hôpital ou en institut médicoéducatif. Des soins en cabinet privé et des
interventions à domicile sont également
offerts. En même temps, les idées de la
pédopsychiatrie psychanalytique pénètrent
le secteur éducatif, dans des institutions
médico-sociales, et se confrontent aux
courants éducatifs et comportementaux.
Un travail de partenariat s’engage, mais
une certaine pédopsychiatrie psychanalytique française s’immobilise dans une
autosuffisance de discours.
Au cours des années 1990
Une crise majeure s’engage brutalement
en France concernant l’autisme. Elle fait
rage au sein des associations de parents,
entre ces associations et le corps psychiatrique, et entre professionnels de la santé.
Les partisans d’une étiologie organique
s’opposent aux partisans d’une étiologie
psychogénétique, et les approches éducatives et comportementales viennent se
poser comme une alternative aux traitements psychothérapeutiques. Les parents
veulent être consultés dans le traitement
de leur enfant et aidés dans l’exercice de
leur rôle parental. Ils exigent que les
besoins éducatifs et de socialisation des
enfants autistes soient pris en compte.
En 1994
Sous la pression des parents, le Ministère
de la santé entreprend des enquêtes sur la
situation des personnes autistes en France.
Les rapports qui suivent dénoncent les
retards et les carences du système. Une
politique en faveur des enfants autistes va
progressivement conduire à une réorientation
des pratiques de prise en charge.
En 1995
Une circulaire2 relative à la prise en charge
thérapeutique, pédagogique, éducative et
à l’insertion sociale des personnes autistes
initie la voie au premier plan, nommé plan
Veil. Ainsi, des enveloppes financières spécifiquement dédiées à l’autisme sont
accordées au secteur médico-social. Ces
budgets doivent permettre de rattraper le
retard en matière de diagnostic, d’évaluation,
de traitement, de complémentarité entre
l’éducation et les soins, et favoriser la
création d’unités spécifiques en autisme,
ainsi que la formation de professionnels
spécialisés.
En 1996
L’autisme est reconnu légalement comme
un handicap. L’éducation, les soins et la
socialisation doivent être accessibles aux
enfants ayant un TED. Toutefois, l’insuffisance des équipements et de la formation du
personnel ne permettent pas une application
des textes législatifs.
Depuis 1999
Des Centres de Ressources en Autisme
(CRA) sont progressivement ouverts dans
chaque région, à titre expérimental. Leur
mission consiste en l’accueil, l’orientation,
l’information des enfants et de leur
famille, l’aide à la réalisation des bilans et
d’évaluations approfondies, la participation
à la formation, le conseil pour les services
impliqués dans le diagnostic et la prise en
charge des personnes, et le développement
de la recherche sur un territoire donné. Les
CRA tiennent lieu de pivot pour la coordination du réseau dans une région.
1988 _ Les enfants diagnostiqués psychotiques ou
autistes étaient considérés comme des malades mentaux
et traités dans les services pédo-psychiatriques.
40
j u i n 2 0 07
La décennie actuelle
En 2002
Une grande diversité institutionnelle constitue
le dispositif médico-social français quant
aux services offerts enfants ayant des TED.
En résumé, on trouve, entre autres, des
services pour le diagnostic précoce et le
traitement, des services d’éducation et de
soins en milieu ordinaire, des Centres de
consultations et de rééducation ambulatoire, des Écoles spécialisées avec ou sans
internat et des Instituts thérapeutiques
avec scolarisation. Compte tenu de
l’hétérogénéité des syndromes autistiques,
chacun de ces services peut être concerné
par un enfant ayant un TED. Certaines
institutions ouvrent en leur sein de petites
Unités d’Accueil Spécialisées, d’autres
accueillent individuellement les enfants au
milieu d’autres enfants en situation de
handicap. Des instituts médico-éducatifs
se créent pour offrir des services spécifiques
aux enfants autistes ou ayant des troubles
apparentés.
La Loi de rénovation sociale fait obligation
aux institutions d’entrer dans une
démarche de qualité et d’évaluation du
service rendu aux personnes. Ainsi, les
professionnels doivent faire l’effort de formaliser leurs pratiques éducatives, et les
familles sont considérées dans le projet
éducatif de leur enfant.
Les efforts se concentrent maintenant sur
le développement d’une cohérence et d’une
continuité tant dans l’action éducative que
celle des soins. Depuis 1995, un travail
important a été entrepris pour la formation
des professionnels, tant médicaux qu’éducatifs.
Les fortes avancées de la recherche médicale,
ainsi que le développement de pratiques
empiriques pédagogiques, sont venues
remanier en profondeur les pratiques traditionnelles. De nouvelles pratiques prennent
en compte, de manière complémentaire, la
vie psychique de l’enfant autiste et les
difficultés émotionnelles de sa famille,
tout en œuvrant de manière pragmatique
à l’éducation et à la socialisation, sur la
base d’évaluations individuelles. Il ne s’agit
pas d’opposer les méthodes, mais bien de
disposer d’un ensemble d’outils d’intervention pour répondre à la diversité des
états cliniques et des situations familiales.
Concernant la scolarisation des enfants en
milieu ordinaire, la création du secteur
médico-social a eu un effet secondaire de
ségrégation des enfants handicapés. La
plupart des enfants handicapés ont été, de
fait, exclus du système scolaire ordinaire,
alors que le cadre réglementaire permettait
d’aménager la scolarisation en milieu ordinaire pour les enfants âgés de 3 à 11 ans,
avec divers dispositifs de soutien.
En 2005
La publication par la Fédération française
de Psychiatrie des « Recommandations pour
la pratique du dépistage et du diagnostic des
TED » aide les équipes médicales au dépistage
et guide les équipes spécialisées pour le
diagnostic.
En France, des recherches sont actuellement
en cours, afin de recenser et mesurer les
pratiques et les méthodes de prise en
charge dans une perspective de consensus.
En conclusion
Les dispositifs d’aide aux enfants ont
été régulièrement remaniés. Cette évolution se poursuit dans un contexte
législatif en mutation. Elle va se réaliser
de manière inégale selon les régions,
pour diverses raisons. Le Ministère de la
santé ne privilégie aucune prise en
charge et met en œuvre des législations
qui placent l’enfant au centre des
préoccupations, dans un cadre de vie
des plus ordinaires en considérant les
besoins et intérêts de chacun. Les missions
de la pédopsychiatrie restent à redéfinir
quant au diagnostic précoce, à l’évaluation, à la recherche, au traitement des
états de crise et à la prise en charge dès les
premières années de l’enfant.
Les querelles idéologiques se sont à peu
près tues, le mouvement associatif reste
très actif, alors que les carences de
places sont manifestes et les budgets
des établissements insuffisants pour
permettre aux institutions de se hausser
à la hauteur des attentes législatives et
des besoins des enfants. Des décisions
politiques sont à prendre.
La « Loi pour l’égalité des droits et des
chances des personnes handicapées »
(2005) contrarie cette tendance en instituant
que tout enfant doit être inscrit à l’école de
son quartier et doit bénéficier d’un projet
personnalisé de scolarité.
Cette révolution va induire un nouveau
partenariat des établissements médicosociaux avec l’éducation nationale pour
réussir la scolarisation des enfants ayant
un TED : c’est un enjeu important.
1 Il s’agit de la Loi du code de la sécurité sociale et de la famille relative aux institutions
sociales et médico-sociales.
2 En France, une circulaire est un texte ministériel adressé aux administrations. Elle
apporte des précisions, des recommandations et des modalités d’application à défaut
de décret d’application d’une loi.
j u i n 2 0 07
41
Rachid Ababou, porte-parole du Dr M’hamed Diouri
Directeur de l’Institut Princesse Ialla Meryem des enfants autistes de Tanger
Maroc
L’autisme au Maroc
état des lieux
et des ressources communautaires
L
e Secrétariat d’État chargé de la Famille, de l’Enfance et des Personnes
Handicapées (SEFEPH) a proposé que 2005 soit déclarée année de
l’autisme, pour donner suite aux réflexions émises lors d’un séminaire
national, organisé par le SEFEPH, portant sur le « Dépistage précoce de
l’autisme ».
L’ensemble des intervenants voulaient
ainsi contribuer à la promotion des
services, appuyer les initiatives et les
efforts déployés par les acteurs oeuvrant
dans le domaine de l’autisme, et créer des
conditions favorables à une meilleure prise
en charge des personnes autistes en
matière de dépistage précoce, de réadaptation, de prévention et de formation.
La situation de l’autisme au Maroc se
caractérise par les aspects suivants :
l’expérience pionnière des associations,
l’engagement et la volonté des parents
désireux d’obtenir des services, la motivation
du personnel éducatif œuvrant dans les
centres spécialisés et l’existence de pratiques
et d’initiatives développées par les centres.
Le domaine de l’autisme présente aussi un
certain nombre de faiblesses, notamment :
la difficulté de réalisation du diagnostic,
l’absence de continuité du projet éducatif
entre le centre et la famille, le coût élevé
des classes intégrées dans le secteur privé,
la rareté des compétences et de l’expertise,
le manque de programmes de formation
adaptés, l’absence de fédérations et de
réseaux d’associations qui prennent en
charge l’autisme, le manque de structures
d’accueil, le manque de personnel éducatif
et médical et l’absence d’équipes spécialisées
et pluridisciplinaires.
42
2005, l’année de l’autisme a été instaurée
pour pallier à ces faiblesses. Ce projet
visait à sensibiliser les acteurs à la réalité
de l’autisme, à créer des opportunités pour
le renforcement des intervenants en
matière d’autisme, à améliorer la perception
des médecins généralistes et pédiatres en
matière de dépistage précoce, à favoriser
l’échange d’expériences, à encourager la
recherche et le développement, à promouvoir
les initiatives de la société civile (ONG,
Institutions, Centres de recherche, etc.) et
à contribuer à une prise en charge appropriée
des enfants autistes.
j u i n 2 0 07
Point de vue de parent
Huguette Boisvert, parent
Chapitre francophone de l’autisme d’Ottawa
et de la Société franco-ontarienne de l’autisme.
Ressources disponibles
aux francophones d’Ottawa,Ontario
L
a ville d’Ottawa, capitale du Canada, est située à quelques heures de
Montréal. On y parle deux langues officielles, l’anglais et le français.
Les francophones, minoritaires, représentent environ 20 % de la population
d’Ottawa, qui compte plus de 700 000 habitants.
Les parents francophones n’ont pas accès
à tous les services pourtant offerts à la
majorité anglophone. Ils sont cependant
plus renseignés, grâce aux informations
disponibles sur Internet. Les parents
manquent sérieusement de professionnels
intéressés à l’autisme et, doivent puiser
leurs connaissances par eux-mêmes.
Il existe des services d’ordre général tels
que de l’aide financière, du soutien
communautaire ainsi que des Centres
communautaires qui offrent certains
appuis aux revendications des parents et
font de la défense des droits des personnes
autistes et de leur famille.
Parmi les services proposés aux enfants, le
programme provincial, mis sur pied il y a
cinq ans, est très recherché. La liste d’attente est fort longue et compte quelques
centaines d’enfants d’âge préscolaire. Le
Centre de traitement pour enfants de l’est
d’Ottawa est financé par le gouvernement
provincial et offre des services selon un
ratio de un intervenant pour un enfant en
Intervention Behaviorale Intensive (IBI),
durant des périodes allant de 15 à
40 heures par semaine. La responsabilité
de la formation relève du Centre de traitement
de l’est d’Ottawa. Environ neuf enfants
francophones y sont accueillis en ce
moment.
Les parents en attente de ce service
inscrivent leurs enfants dans une garderie
TED qui peut accueillir quatre à six
enfants âgés de 2 à 6 ans. Le service est
modelé sur le programme IBI et le ratio est
de un intervenant pour trois enfants.
Les deux Conseils scolaires offrent des
programmes aux enfants, dès l’âge de
quatre ans. Ces classes, inspirées de la
méthode TEACCH, permettent aux enfants
autistes de s’intégrer en douceur, ce que
les parents apprécient grandement.
En ce qui a trait aux services proposés aux
adultes, ils sont nettement insuffisants et
les listes d’attente sont très longues. Il
n’existe que quelques services communautaires et programmes de jour, du soutien à
l’emploi et peu de services résidentiels. Les
activités de loisirs sont aussi insuffisantes.
Les francophones, en raison de leur
situation minoritaire, doivent exercer de
nombreuses pressions et n’obtiennent
que peu de services.
Les parents francophones n’ont pas accès à tous les services pourtant offerts à la majorité anglophone. Ils sont
cependant plus renseignés, grâce aux informations
disponibles sur Internet.
j u i n 2 0 07
43
Point de vue de parent
Lucille Bargiel, parent et vice-présidente de la FQATED
Montérégie, Québec
Les multiples facettes
des ressources communautaires
La Société québécoise
de l’autisme
Un casse-tête aux multiples
visages et couleurs :
une nécessaire cohésion
Le mouvement communautaire du Québec
a contribué à l’élaboration d’un cadre de
référence qui régit les ententes entre les
Agences régionales, les établissements et les
organismes communautaires. L’autonomie
concernant la mission des organismes
communautaires y est reconnue et des
ententes de services peuvent être conclues
pour répondre à de nouveaux besoins,
sans affecter la mission première.
La Fédération québécoise de l’autisme et
des autres troubles envahissants du
développement (FQATED) regroupant les
associations régionales s’est dotée de
structures de concertation sur les plans local,
régional et provincial. De plus, la FQATED fait
partie d’une confédération d’organismes
provinciaux, la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec
(COPHAN) et, ses associations-membres de
regroupements régionaux d’organismes
qui sont directement engagés dans les
services aux personnes handicapées.
44
Au Québec, au cours des années 1970,
une croyance était répandue à savoir que
les enfants autistes isolés dans leur
monde, sans langage et imperméables à
leur environnement souffraient d’une
condition due à la relation avec leur mère.
Quant à ceux qui manifestaient un comportement plus explosif, ils étaient considérés
comme ayant un retard mental avec des
troubles du comportement et se retrouvaient
parmi les plus exclus et médicamentés. Ils
vivaient en institution où, d’ailleurs,
plusieurs passaient une grande partie de
leur existence. Croyant alors qu’un enfant
autiste ne parlait pas, cette vision ajoutait
à l’isolement des parents qui se voyaient
incompris lorsqu’ils demandaient des
services, car leur enfant ne correspondait
pas au profil généralement accepté.
Les parents membres, à l’origine de la
Société québécoise de l’autisme (SQA),
souhaitaient se soutenir entre eux, connaître
et faire connaître l’autisme. La SQA a
organisé des congrès, mis sur pied un
camp de vacances estival provincial, établi
des ententes avec l’Université du Québec à
Trois-Rivières pour développer un programme de formation et participé aux
travaux du ministère de la Santé et des
Services sociaux (MSSS) pour l’élaboration
d’orientations en 1996 et d’un plan d’action
en 2003.
À la fin des années 1990, la SQA se transformait pour rejoindre non seulement les
associations régionales, mais aussi d’autres
organismes concernés par l’autisme, dont
des ressources de répit, des services de
garde, des centres de réadaptation, des
milieux scolaires, etc.
La Fédération
québécoise de l’autisme
et des autres TED
En 2006, la FQATED regroupe 65 membres.
Elle a publié et diffusé la Trousse
d’information sur l’autisme, le Guide pour
les parents dans leurs premières
démarches, le Guide pour les animateurs
de camps de jour et ressources de répit, le
DVD Grandir avec toi, pour les frères et
sœurs, un bottin des ressources existantes,
etc. En collaboration avec des partenaires,
elle travaille à l’élaboration du Répertoire
québécois des activités de formation. Elle
consolide également son site Internet.
La FQATED contribue avec le MSSS au
suivi de l’implantation du plan d’action et
collabore à divers comités nationaux, dont
celui concernant les lignes directrices pour
l’évaluation et le diagnostic et celui portant
sur la complémentarité entre les établissements en déficience intellectuelle et en
déficience physique pour les personnes
ayant un TED.
Quant aux associations régionales, leurs
services comprennent le soutien aux parents,
les groupes d’entraide, les loisirs pour les
enfants et adolescents, les camps (bases
de plein air) ou maisons de répit, et une
ferme, Les Entreprises Qualité de vie,
situées à Laval (Québec) où travaillent des
adultes autistes. Certaines associations
offrent aussi des activités aux adultes
autistes ou touchés par le Syndrome
d’Asperger. Des groupes d’entraide pour la
fratrie existent également. Leur déploiement
est cependant inégal, car leur financement
est très variable.
j u i n 2 0 07
Joanne Camirand, personne-ressource
Commission scolaire de Laval, des Laurentides et de Lanaudière
Service régional de soutien et d’expertise en autisme
Le système d’éducation
et les enfants ayant un TED
L’orientation fondamentale
de la Politique
de l’adaptation scolaire (2000)
Aider l’élève handicapé ou en difficulté
d’adaptation ou d’apprentissage à réussir sur
les plans de l’instruction et de la qualification.
À cette fin, accepter que cette réussite
puisse se traduire différemment selon les
capacités et les besoins des élèves.
La clientèle visée
par le Programme de formation
Ce programme s’adresse à l’ensemble des
élèves sans difficultés spécifiques, à risque
ou handicapés. Par ailleurs, des programmes
particuliers ont été élaborés pour les élèves
ayant une déficience intellectuelle (D.I.) allant
de modérée à profonde.
Les six voies d’action
L’adaptation scolaire
et le Programme de formation
La politique de l’adaptation scolaire s’inscrit
particulièrement dans le Programme de
formation de l’école québécoise, basé sur
le développement de compétences.
de la politique
• Reconnaître l’importance de la prévention et de l’intervention rapide; placer
l’adaptation scolaire comme première
préoccupation de tout intervenant;
• fonder l’organisation des services sur
l’évaluation individuelle et la mettre en
oeuvre le plus près possible du lieu de
résidence en privilégiant l’intégration en
classe ordinaire;
• créer une communauté éducative avec
l’élève, ses parents, les organismes de la
communauté et les partenaires externes;
• évaluer la réussite éducative de l’élève
(instruction, socialisation, et qualification) et la qualité des services, et rendre
compte des résultats;
• porter attention à la situation des élèves
à risque;
• déterminer des pistes d’intervention
pour mieux répondre à leurs besoins.
Les moyens d’action
S’assurer que :
• les besoins des élèves handicapés ou à
risque soient considérés dans la révision
du curriculum, dans la formation initiale
et dans la mise à jour des compétences
du personnel enseignant;
Note
Ce texte est un résumé de la présentation sur PowerPoint de Mme Camirand
j u i n 2 0 07
45
• que les services régionaux soutiennent
les milieux scolaires afin qu’ils développent
une expertise tenant compte des
besoins particuliers des élèves, dans une
perspective de maintien en classe ordinaire.
communication et, de façon marquée, par
un répertoire restreint, répétitif et stéréotypé des activités, des champs d’intérêt et
du comportement.
Les services régionaux ayant le mandat
d’assurer le soutien aux commissions scolaires
et aux écoles, il importe d’offrir une formation continue au personnel, de réaliser
des activités de recherche et de développement et d’offrir une expertise à l’ensemble
des commissions scolaires. Depuis 1998,
dans la région de Laval, des Laurentides et
de Lanaudière (LLL), une personneressource intervient spécifiquement auprès
des élèves ayant un TED avec ou sans D.I.
Le MELS reconnaît également les autres
TED, soit le syndrome de Rett, le trouble
désintégratif de l’enfance, le syndrome
d’Asperger et le TED non spécifié.
Les élèves ayant un TED :
qui sont-ils?
Pour le MELS, le trouble autistique est un
ensemble de dysfonctions apparaissant dès
le jeune âge se caractérisant par le
développement nettement anormal ou
déficient de l’interaction sociale et de la
de services. Au niveau régional, un responsable
en adaptation scolaire et une personneressource assurent le soutien et l’expertise.
Le nombre d’élèves
Les services offerts
En 1994, les premières classes TEACCH
sont créées dans la région de Laval et de
St-Jérôme. Depuis 1994, l’expertise s’est
enrichie et des points de services spécialisés
sont offerts dans toutes les commissions
scolaires.
Le personnel disponible
Dans les huit commissions scolaires de la
région, nous disposons d’enseignants, de
personnel dédiés aux services éducatifs
complémentaires, de conseillers pédagogiques, de coordonnateurs, de directeurs
ayant un diagnostic de TED
dans la région de LLL
2002-2003 : 491
2003-2004 : 603 (+22 %)
2004-2005 : 771 (+30 %)
L’organisation des services
au préscolaire et au primaire
On compte cinq écoles spécialisées, des
élèves en classes ordinaires, en classes
spécialisées dans des écoles ordinaires ou
en écoles spécialisées (4 à 6 élèves au
préscolaire; 5 à 7 au primaire).
Les stratégies
éducatives utilisées
L’enseignement individualisé et structuré,
selon le modèle TEACCH; le PECS (Picture
Exchange Communication System); les
scénarios sociaux et le PEP-r (Profil psychoéducatif révisé), etc.
Les types d’intégration
L’intégration se réalise à temps plein ou à
temps partiel. L’élève reçoit le soutien d’un
éducateur spécialisé, le nombre d’heures
accordées varie en fonction des normes
déterminées par la commission scolaire et
les besoins de l’élève.
L’intégration à temps plein : Elle a lieu en
classe ordinaire, si possible dans l’école de
quartier, lorsque l’élève répond aux
critères d’intégration, avec l’aide d’un
éducateur spécialisé.
Les critères d’intégration à temps plein : Il
importe que l’ensemble des intervenants
s’entende pour dire que le service répond
le mieux aux besoins de l’élève; que l’élève
éprouve peu de difficultés comportementales et que la situation géographique le
permette.
46
j u i n 2 0 07
L’intégration
à temps partiel
Il s’agit d’une intégration physique dans
une classe spécialisée, située dans une
école ordinaire; l’intégration inversée se
réalise dans la classe de l’élève éprouvant
des difficultés; l’intégration sociale se
réalise pendant des moments tel que le
dîner, la récréation, ou à l’occasion
d’activités spéciales; l’intégration scolaire
se réalise dans la classe ordinaire durant
les périodes d’enseignement.
Les services éducatifs
complémentaires
Il s’agit de services d’orthophonie, de psychologie, d’éducation spécialisée,
d’ergothérapie, etc.
Le soutien
aux commissions scolaires
Il se réalise par la formation du personnel
et l’exercice d’un rôle conseil et de soutien
aux intervenants.
La formation
du personnel
Elle porte sur les caractéristiques des
élèves ayant un TED, des instruments
d’évaluation, des stratégies d’enseignement, la communication et les habiletés
sociales.
Le soutien
offert aux intervenants
Il est offert aux conseillers pédagogiques,
orthophonistes, psychologues, éducateurs
spécialisés, enseignants et à des directions
d’école. Ce soutien porte sur les facteurs
qui peuvent favoriser l’intégration,
l’ouverture de nouvelles classes, le classement, la préparation de transitions ou sur
des situations problématiques entraînant
des difficultés de comportement.
La recherche
et le développement
La commission scolaire de Laval détient un
mandat régional de recherche et développement en autisme.
Le soutien offert aux intervenants porte
sur les facteurs qui peuvent favoriser l’intégration,
l’ouverture de nouvelles classes, le classement,
la préparation de transitions
ou sur des situations problématiques
entraînant des difficultés de comportement.
j u i n 2 0 07
47
Point de vue de parent
Brigitte Carrier, parent
Laval, Québec
Services offerts aux familles
par le milieu scolaire
M
on fils Guillaume a été diagnostiqué TED à trois ans et, immédiatement, je l’ai inscrit à la Commission scolaire de Laval (Québec).
À quatre ans, il a commencé à fréquenter une classe TEACCH à l’école
Beau-Séjour.
En 2000, les enfants étaient transférés à
l’école Saint-Gilles (Laval), une école
primaire de près de 700 enfants qui loge
10 classes TEACCH (de 6 ou 7 enfants
chacune, avec un enseignant et un éducateur spécialisé) accueillant les enfants TED
présentant des déficits importants au
niveau du langage, mais n’ayant pas de
problèmes moteurs graves (aucun n’est en
fauteuil roulant). Le reste des élèves suit le
programme régulier. Nous avons eu la
chance de « tomber sur la bonne » classe, car
plusieurs enfants ne sont pas diagnostiqués
aussi clairement (TED non spécifique,
X fragile, dysphasie, etc.) et fréquentent
diverses classes (régulières avec ou sans
accompagnateur, d’adaptation, etc.).
La mise en œuvre du programme « Pareil
pas pareil »1 a favorisé l’intégration de
cette nouvelle population autiste en
douceur. Il a donné l’occasion aux élèves,
à leurs parents et à leurs enseignants d’exprimer leurs craintes et leurs appréhensions suscitées par l’arrivée de plus de 70
enfants autistes dans leur école. Tous les
aspects de cette intégration ont été discutés (localisation des classes TEACCH
dans les deux pavillons de l’école, prise du
repas du midi, fréquentation de la cour
d’école, du gymnase et de la bibliothèque,
ratio peu élevé, transport adapté, etc.),
ainsi que le profil de l’enfant avec déficience intellectuelle (comportement, langage, contacts, crises, etc.). Nous sommes
tous « pareils », en dépit du fait que nous
ne soyons « pas pareils ». Il faut accueillir
ces différences, car elles contribuent à
notre enrichissement en tant que société.
Il y a quelques années, un autre programme appelé « Vers le Pacifique » a
aussi été mis sur pied à l’école. Il consiste
à favoriser la résolution pacifique des conflits en classe et dans tous les autres lieux
que fréquentent les élèves à l’école. De
jeunes « médiateurs » qui ont reçu une
formation spéciale, patrouillent les corridors
et la cour de récréation pour y maintenir
un climat de respect et de saine camaraderie, incluant les prises de contact avec
« les amis TED » comme on les appelle
familièrement. À l’école Saint-Gilles, c’est
« un pour tous et tous pour un ».
Le personnel enseignant est excellent : il
est dévoué, à l’écoute, flexible, ouvert aux
suggestions, souligne les progrès et communique avec nous quotidiennement par le biais
d’un agenda scolaire. Des rencontres sont
aussi organisées, au besoin, pour discuter
de points touchant particulièrement notre
enfant. Le bulletin met en évidence ses
forces et souligne ses acquis. Ceci nous
permet de poursuivre les mêmes objectifs
à la maison. Le plan d’intervention (PI) est
rédigé par la directrice et l’enseignant et
donne lieu à des échanges auxquels nous
participons. Quant au matériel, il est en
piètre état et disponible en quantité
réduite (je fournis personnellement des
jeux, jouets et livres usagés chaque
année). Il y a toutefois 2 ordinateurs dans
chaque classe et divers logiciels adaptés
aux besoins des enfants.
Après quelques mois passés au service de
garde, notre fils a dû en être retiré, car il
était devenu très anxieux. Après plusieurs
1 Ce programme a été conçu en 1997 par M. Germain Lafrenière, directeur général de
la Société de l’autisme et des TED de Laval. Il met en évidence la similitude et non pas
la différence entre la personne handicapée et la personne dite « normale ».
48
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essais infructueux pour trouver une bonne
gardienne (plusieurs excellentes personnes
nous ayant quittés pour poursuivre leurs
études), une perle rare, Annie, s’occupe
bien de notre fils depuis plus de 4 ans
maintenant et le CLSC, dans le cadre du
programme de soutien à domicile, défraie
les coûts de gardiennage de deux heures
par jour, après l’école (Annie garde aussi
Guillaume durant certaines journées pédagogiques et « Mamie » Solange fait le reste).
Les parents doivent trouver eux-mêmes une
gardienne, ce qui n’est pas facile (annonces
dans les journaux, sur des babillards,
tableaux d’affichage communautaires,
etc.).
pour obtenir la chose demandée (collation, jouet, etc.). À l’école, l’orthophoniste,
débordée, rencontre tous les enfants de la
classe en même temps, durant 30 minutes
par semaine, et diverses stratégies sont
mises en place pour chacun d’eux, au
besoin (histoires sociales, pictogrammes,
etc.). Elle ne peut rencontrer les enfants
individuellement. Les parents qui en ont
les moyens font appel au secteur privé (à
plus de 60 $ l’heure). Les enfants TED
présentent de graves lacunes au plan de la
communication et du langage : il est essentiel qu’ils reçoivent des services individuels
réguliers à raison d’au moins 2 périodes de
30 minutes par semaine.
Les services en orthophonie sont rarissimes. Cependant une orthophoniste est
venue à la maison nous expliquer le
« Picture Exchange Communication
System » (PECS) il y a plusieurs années et
c’est la méthode que nous avons utilisée
pendant un certain temps, à la maison.
Guillaume devait nous tendre un pictogramme, en établissant un contact visuel,
Quant aux services en ergothérapie, nous
ne bénéficions actuellement que d’une
heure par semaine, à domicile, offerte par
le Centre de réadaptation en déficience
intellectuelle (CRDI) Normand-Laramée,
responsable des services aux personnes
ayant un TED. Ce Centre veille aussi aux
autres besoins de l’enfant et de sa famille
(réduction de l’anxiété, gestion de stress,
conseils de vie quotidienne, etc.) et rencontre le personnel enseignant au besoin
– ceci est très précieux. Nous aurions
également besoin de services en psychothérapie, pour apprendre à gérer et à
modifier certains comportements de l’enfant (les personnes ayant des TED sont
anxieux plus de 80 % du temps) et, de
plus, rien n’est offert pour soutenir les
parents et la fratrie.
L’éducation physique ou la motricité
offertes en alternance chaque jour, sont
des activités nécessaires et très appréciées.
Elles répondent bien aux besoins de nos
enfants qui présentent souvent des
problèmes sensoriels (ce qui n’est pas le
cas de Guillaume qui a maintenant 12 ans)
et expriment difficilement leurs besoins et
leurs émotions. Cette année, l’enseignant
organise, entre autres, des batailles à
coups d’épée en mousse pour aider les
enfants à exprimer leur agressivité et à faire
la différence entre le « faire-semblant » et
de vraies batailles. Il faut comprendre que
les personnes ayant des TED sont des
garçons, dans une proportion de 4 pour 1
et que bien peu de filles fréquentent l’école
Saint-Gilles. Les classes comportent donc
presque toujours 6 ou 7 garçons qui ont
besoin de bouger.
Le transport scolaire s’effectue bien,
d’après ce que je peux voir. Les chauffeurs
semblent être très patients, car certains
chantent, font jouer de la musique, ont
apposé des pictogrammes dans leur
véhicule ou offrent même des autocollants
pour souligner un bon comportement.
Leur tâche est souvent difficile, surtout
quand leurs jeunes passagers crient ou
pleurent. Nous avons déménagé en face
de l’école il y a 5 ans : Guillaume n’est
donc plus voyagé en berline.
Plus d’un enfant sur trois des classes régulières offre
ainsi ses services pour s’occuper d’un ami TED et son
dévouement est reconnu par les enseignants et la direction.
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Lors de la semaine de relâche, en mars, un
grand nombre de parents doivent prendre
des vacances, faute de places disponibles
dans les services de répit ou en raison des
coûts élevés à la longue. Le même problème se répète à Noël, lors des autres
jours fériés, des nombreuses journées
pédagogiques et des vacances d’été. Ceci
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est un vrai problème. Heureusement que la
Société de l’autisme et des TED (Laval) est
là : si on s’inscrit à temps et qu’on paie les
frais raisonnables (45 $) pour un samedi ou
un dimanche de répit par mois (qui peuvent
même être remboursés par le CLSC), on
reçoit un service spécialisé et adapté.
Le matériel de jeu à l’extérieur de l’école
était inexistant lors de l’arrivée des enfants
ayant des TED à l’école Saint-Gilles. Grâce
à la contribution financière de la Société
de l’autisme et des TED (Laval) et d’autres
organismes, un grand module de jeu, ainsi
qu’une bascule à deux, ont pu être installés
dans une aire clôturée et recouverte de
sable. Les autres enfants de l’école en
bénéficient aussi, de même que ceux
fréquentant les services de garde, après la
classe.
L’école favorise beaucoup l’intégration,
de diverses manières. Un enfant ayant un
TED peut faire une activité académique
(lecture, calcul, musique, etc.) ou ludique
(gymnastique, jeux de société, bibliothèque) dans une classe régulière, avec
un accompagnateur adulte; un enfant
du régulier peut venir en classe TED faire
une activité avec un enfant en particulier,
ou l’accompagner dans la grande cour de
récréation commune, le midi après le
repas, etc. Plus d’un enfant sur trois des
classes régulières offre ainsi ses services
pour s’occuper d’un ami TED et son
dévouement est reconnu par les
enseignants et la direction. Nous
recevons régulièrement un cahier de
communication nous informant, suite à
des observations, des expériences d’intégration et du comportement de notre
enfant.
Notre fils ne fait malheureusement pas
d’intégration cette année, en raison du
manque d’accompagnateurs adultes. Ceci
est très regrettable, car il socialise de plus
en plus et recherche la compagnie d’autres
enfants. Il fréquente un camp de jour
régulier durant 7 semaines chaque été,
avec un accompagnateur adulte, et il est
dommage que ses acquis sociaux ne puissent
continuer de se développer durant l’année
scolaire. Nous avons l’impression qu’un
temps précieux est ainsi perdu. Au cours
du développement des enfants autistes,
comme c’est le cas avec les enfants qui ne
présentent aucun retard, plus les interventions
sont fréquentes et précoces, plus elles sont
efficaces et ont un effet durable.
Au cours de cette année scolaire, notre fils
a fait l’objet de violence de la part d’un
élève de sa classe, ce qui a provoqué beaucoup d’angoisse chez lui, à l’école et à la
maison : toute la famille l’a donc ressentie.
Résoudre cette situation a été très long
(plus de 6 mois). Heureusement que
Guillaume a toujours beaucoup aimé l’école.
Nous sommes fiers du courage dont il a
fait preuve pour côtoyer un élève qui le
frappait dans le dos plusieurs fois par
semaine, lui qui est tout sourire et
douceur.
Les cours de musique se déroulent très
bien. L’enseignant de Guillaume joue de la
guitare et a même enregistré un CD avec
les enfants pour Noël. Faire ainsi de la
musique en classe chaque jour a un effet
calmant et rassembleur et favorise le
développement du langage.
Le service en zoothérapie est quasi inexistant,
faute de budget. Les enfants apprécient
cette activité apaisante de familiarisation
avec des animaux.
Les sorties ou activités spéciales sont trop
peu nombreuses. Par exemple, des visites
aux commerçants locaux ou la participation
à des spectacles seraient très profitables,
ainsi que des sorties à la piscine à des
heures où les lieux ne sont pas trop
bruyants (l’écho dérange les personnes
ayant un TED).
En conclusion, j’affirme que, si ce n’était
du travail acharné des enseignants au
quotidien, encadrés par de rares spécialistes
trop occupés, nos enfants ne progresseraient que très peu, tant du point de vue
pédagogique que comportemental, ce
dernier aspect ayant d’importantes répercussions sur la vie familiale. Les besoins en services
spécialisés (orthophonie, ergothérapie et
psychologie) sont criants et très, très peu
comblés. Les congés sont trop nombreux
et les parents doivent se tourner vers de
rares services de répit dont les frais sont
élevés à la longue ou alors, ils s’absentent
du travail ou doivent carrément le quitter.
Le milieu scolaire, comme le milieu familial,
« fait avec ce qu’il a ». Mais combien de
temps cette situation peut-elle durer
sans user irrémédiablement les enseignants
et les parents ?
L’enseignant de Guillaume joue de la guitare. Faire ainsi
de la musique en classe chaque jour a un effet calmant
et rassembleur et favorise le développement du langage.
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Coup d’oeil
sur le monde
À
Lausanne, en Suisse, TED sans frontières était présent au Forum
organisé par l’Association internationale de Recherche scientifique
en faveur des personnes handicapées mentales (ARIHM), en août 2006.
Deux présentations ont été offertes aux
participants. L’une s’intitulait : Soutenir
la famille et les proches, oui, mais comment ? et l’autre : Captivantes personnes
– Participantes actives.
La tenue de cette rencontre a permis de
connaître des services offerts aux personnes ayant un Trouble envahissant du
développement (TED) par d’autres pays, de
créer ou de renouer des liens avec différents
dispensateurs de services dont ceux du
Maroc et de parfaire nos connaissances;
un échange productif !
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À Oslo, en Norvège, TED sans frontières a
participé en septembre 2006 au conseil
d’administration d’Autisme-Europe dans le
cadre des préparatifs du Congrès d’AutismeEurope qui se tiendra en août 2007, à
Oslo. La tenue de cet événement a permis
de découvrir et de créer des liens avec
l’Association norvégienne de parents
d’enfants ayant un TED.
À Budapest, en Hongrie, en mai 2007,
TED sans Frontières a participé au conseil
d’administration d’Autisme-Europe, à
l’Assemblée générale annuelle et au
Congrès portant sur les Troubles envahissants
du développement organisé par la Hongrie.
Cette présence a permis de connaître les
services offerts aux personnes ayant un
TED dans ce pays.
De plus, TED sans Frontières a visité la
Clinique dirigée par le Dr Rutger van der Gaag
à Nymègues aux Pays–Bas. Celle-ci offre
des services d’évaluation et de diagnostic;
elle offre aussi des activités de jour. Cette
clinique fait partie du Centre Universitaire
de Psychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence.
Enfin, TED sans frontières a participé à la
première rencontre du Réseau national
d’expertise en autisme, organisée par le ministère de la Santé et des Services sociaux
du Québec en avril 2007. Une conférence
donnée par le Dr Éric Fombonne portant
sur les taux de prévalence des Troubles
envahissants du développement a été fort
enrichissante.
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Association pour la recherche sur l’autisme
et la prévention des inadaptations (ARAPI)
Tours, France
Commission scolaire de Laval
Laval, Québec (Joanne Camirand)
Le Chat Botté
Laval, Québec (Germain Lafrenière)
[email protected]
[email protected]
Fédération québécoise des CRDI
Longueil, Québec
Les Entreprises Qualité de vie
Laval, Québec (Germain Lafrenière)
[email protected]
[email protected]
Fédération québécoise de l’autisme et des
autres troubles envahissants du développement
Montréal, Québec
(Jo-Ann Lauzon)
Office des personnes handicapées du
Québec (OPHQ)
Drummondville, Québec
[email protected]
Centre de réadaptation en déficience
intellectuelle (CRDI) Normand-Laramée
Laval, Québec (Julie Mc Intyre)
[email protected]
Centre de réadaptation en déficience
intellectuelle Normand-Laramée
Laval Québec (Rachid Ababou)
[email protected]
Chapitre francophone de l’autisme
d’Ottawa et de la
Société franco-ontarienne de l’autisme
Ontario (Huguette Boisvert)
[email protected]
[email protected]
ou
(Lucille Bargiel)
[email protected]
Hôpital juif de réadaptation,
Laval, Québec (Françoise Gilbert)
[email protected]
CHU- Université Nymègues aux Pays-Bas
Karakter, Centre universitaire de psychiatrie
de l’enfance et de l’adolescence
(Dr Rutger van Der Gaag)
Hôpital l’Hôtel-Dieu-du-Sacré-Cœur,
Québec, Québec (Dr Jacques Thivierge)
[email protected]
[email protected]
Clinique du développement de la Clinique
ambulatoire de la région de Laval (CARL)
Québec (Dr Jacques Roussy)
[email protected]
Clinique régionale d’évaluation des troubles
complexes du développement
Montérégie, Québec (Dr Yves Tremblay)
[email protected]
Hôpital Rivières-des-Prairies,
Montréal, Québec (Dr Laurent Mottron)
[email protected]
INSERM, Centre de recherche en santé
mentale (CESAMES)
Paris, France (Brigitte Chamak)
Pour consulter les recommandations
françaises en matière de diagnostic
et de dépistage
www.sesame-autisme.com
www.has.sante.fr.
Sesame-Autisme Languedoc
France (Yves Michelon)
[email protected]
Société de l’autisme et des TED de Laval
Laval, Québec (Germain Lafrenière)
[email protected]
TED sans Frontières
Laval, Québec (Germain Lafrenière)
[email protected]
[email protected]
[email protected]
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