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ECHO MEDULLAIRE

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Mise au point
Journal d'imagerie diagnostique et interventionnelle 2018;1:338–347
L'échographie médullaire du
nouveau-né et du nourrisson :
du normal au pathologique
Ultrasound examination of neonatal and infant spine:
Normal and abnormal findings
W. Douira-Khomsi
H. Louati
S. Moueddeb
L. Lahmar
L. Ben Hassine
I. Bellagha
Service de radiologie pédiatrique, hôpital d'enfants
Béchir Hamza, Tunis, Tunisie
Reçu le 13 février 2018 ; accepté le 16 mai 2018
Disponible en ligne sur ScienceDirect le 28 juin 2018
RÉSUMÉ
MOTS CLÉS
L'échographie médullaire est un examen simple, disponible, peu couteux et facile à réaliser chez
le nouveau-né et le nourrisson de moins de 4 mois, idéalement au cours du premier mois de vie.
Elle permet le dépistage des anomalies médullaires congénitales et en particulier des dysraphismes occultes. L'échographie médullaire est indiquée principalement en cas d'anomalies du
revêtement cutané sacro-coccygien. La découverte d'une fossette sacro-coccygienne ne justifie
la réalisation d'une échographie médullaire que lorsqu'elle est atypique par la présence d'une
dépression médiane de plus de 5 mm, située à plus de 25 mm de l'anus ou associée à d'autres
anomalies cutanées. L'échographie médullaire permet d'étudier aussi bien la moelle épinière
que les racines et les espaces péri-médullaires. Elle permet de préciser le niveau du cône
médullaire, qui doit normalement se situer au-dessus du niveau du disque L2-L3, et de visualiser
la mobilité des racines de la queue de cheval. La connaissance de l'écho-anatomie normale de la
moelle et de ses variantes est fondamentale afin de répondre au mieux aux attentes du clinicien
et d'orienter les indications de l'imagerie par résonance magnétique. La découverte d'une
variante de la normale à l'échographie ne justifie en aucun cas la réalisation d'une IRM
médullaire. Cet examen ne doit être indiqué qu'en cas de dysraphisme ouvert, d'anomalie
malformative découverte à l'échographie, de tumeur médullaire ou dans un contexte posttraumatique ou post-infectieux.
Échographie
Nourrisson
Moelle épinière
Dysraphisme
KEYWORDS
Ultrasound
Infant
Spinal cord
Dysraphism
© 2018 Société française de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
SUMMARY
Spinal ultrasound is a simple, available, inexpensive and easy to perform exam in the newborn
and infant under 4 months, ideally during the first month of life. It allows the detection of
congenital spinal anomalies and in particular occult dysraphisms. Spinal ultrasound is indicated
mainly in case of abnormalities of sacro-coccygeal skin. The discovery of a sacrococcygeus
fossa justifies the performance of a spinal ultrasound only when it is atypical by the presence of a
median depression of more than 5 mm, located more than 25 mm from the anus or associated to
other skin abnormalities. Spinal ultrasound can be used to study the spinal cord as well as the
roots and peri-medullary spaces. It enables to specify the level of the medullary cone, which
Auteur correspondant :
W. Douira-Khomsi,
service de radiopédiatrie, hôpital
d'enfants de Tunis, place Bab
Saadoun, 1007 Tunis Jabbari,
Tunisie.
Adresse e-mail :
[email protected]
https://doi.org/10.1016/j.jidi.2018.05.008
© 2018 Société française de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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L'échographie médullaire du nouveau-né et du nourrisson : du normal au
pathologique
Mise au point
should normally be above the level of the L2-L3 disc, and to visualize the mobility of the nerve roots. Knowledge of the normal
echo-anatomy of the spinal cord and its variants is fundamental to best meet the clinician's expectations and guide the indications
of magnetic resonance imaging. The discovery of a variant of the normal on ultrasound does not justify the indication of a spinal
MRI. This examination should be indicated only in case of open dysraphism, spinal malformation discovered on ultrasound, spinal
cord tumor or in a post-traumatic or post-infectious context.
© 2018 Société française de radiologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
INTRODUCTION
L'échographie médullaire est une technique simple de dépistage des anomalies médullaires congénitales du nourrisson
[1]. Elle permet grâce à l'ossification incomplète des arcs
postérieurs chez le nouveau-né et le jeune nourrisson une
analyse précise de la moelle épinière, des racines et des
espaces péri-médullaires. De ce fait, elle constitue un excellent examen de débrouillage dans la pathologie médullaire
malformative pédiatrique, en particulier dans l'exploration
des dysraphismes occultes afin d'orienter sélectivement les
indications de l'imagerie par résonance magnétique (IRM)
médullaire.
POURQUOI ?
L'échographie médullaire est indiquée en cas de dysraphisme
spinal occulte, de syndrome malformatif locorégional en particulier une malformation ano-rectale ou sacro-coccygienne et
plus rarement en cas de traumatisme médullaire aigu obstétrical. Elle doit être évitée en cas de dysraphisme spinal ouvert
en raison du risque infectieux important, secondaire à l'absence d'épithélialisation de la malformation [2].
Les signes cliniques qui évoquent un dysraphisme spinal
occulte chez le nourrisson sont souvent la constatation d'anomalies du revêtement cutané lombo-sacré proche de la ligne
médiane. Il peut s'agir d'un sinus dermique avec ou sans
écoulement de liquide céphalorachidien (LCR), d'une fossette
lombo-sacrée, d'une hypertrichose localisée, d'un angiome
cutané médian ou paramédian, d'un lipome ou de masse
sous-cutanés et d'une asymétrie des plis fessiers. La fossette
sacro-coccygienne n'est un signe d'appel clinique de dysraphisme que lorsqu'elle est atypique par la présence d'une
dépression médiane de plus de 5 mm ou située à plus de
25 mm de l'anus ou associée à une des anomalies cutanées
sus-décrites [3].
Les autres signes d'appels sont la présence de déformations
rachidiennes, d'une luxation congénitale des hanches bilatérale ou de pieds bots bilatéraux.
QUAND ?
L'échographie médullaire est réalisable tant que le développement osseux et ligamentaire de l'arc postérieur du rachis
n'interfère pas avec le champ de vision, c'est-à-dire de la
naissance jusqu'à l'âge de 3 à 4 mois [4,5], idéalement au
cours du 1er mois de vie où la visibilité du contenu rachidien
sera meilleure. Au-delà de 4 mois, du fait de l'ossification
progressive des arcs postérieurs, l'échographie ne fournit
que des images segmentaires de plus en plus courtes au
travers des espaces inter-épineux.
COMMENT ?
L'exploration médullaire est réalisée à l'aide d'une sonde
linéaire de haute fréquence (au moins 7 MHz) chez un nourrisson placé en procubitus, un coussinet sous le ventre pour
réduire la lordose lombaire et la tête légèrement surélevée. La
flexion du tronc augmente le champ de vision entre les épineuses et les lames et augmente la pression hydrostatique de
la colonne du liquide céphalo-rachidien (LCR) au niveau lombosacré ce qui distend les espaces sous arachnoïdiens et
d'éventuelles structures kystiques telles que les méningocèles. Si le procubitus est impossible, l'examen peut être fait en
décubitus latéral [2].
Figure 1. Échographie médullaire normale : (a) Coupe sagittale au niveau de la jonction bulbo-médullaire avec des tonsilles cérébelleuses
en place. Coupes sagittale (b) et axiale (c) de la moelle dorsale. Notez l'aspect normal du canal épendymaire sous forme d'un écho linéaire
hyperéchogène (têtes de flèches).
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Figure 2. Coupe sagittale montrant un aspect normal effilé du cône
terminal.
Figure 4. Coupe sagittale montrant la réflexion de la dure-mère et
de l'arachnoïde en regard de S2 (têtes de flèches). Notez la
terminaison du filum terminal (astérisque) à la partie postérieure du
premier segment coccygien.
REPÈRES ANATOMIQUES
L'examen proprement dit est effectué par voie postérieure du
fait du caractère superficiel de la moelle. L'ensemble du canal
rachidien doit être exploré de la région cervicale jusqu'à la
région sacrée par des coupes axiales et sagittales [6]. La
jonction bulbo-médullaire nécessite une flexion du cou et sera
analysée par une sonde convexe adaptée à la lordose cervicale physiologique.
Le cône médullaire est recherché et son niveau est précisé. La
position centrale ou périphérique de la moelle ainsi que des
racines est appréciée et l'anatomie de la moelle et de ses
enveloppes est étudiée. De même, la pulsatilité normale du
cordon médullaire et des racines doit être recherchée lors des
mouvements de flexion-extension du rachis, des cris et des
pleurs du nourrisson [2]. Si nécessaire, l'examen est complété
par une étude du signal Doppler couleur ou pulsé des différentes structures vasculaires visualisées.
À la fin de l'examen, une échographie transfontanellaire (ETF)
doit être systématique dès qu'il existe la moindre anomalie
à l'échographie médullaire.
Certains repères anatomiques sont importants à identifier afin de
mieux se situer au sein du canal rachidien. Le sommet des
crêtes iliaques est généralement situé en L4 et l'extrémité de la
dernière côte se positionne normalement en L2 qui est habituellement située échographiquement à la hauteur des pédicules
rénaux [7]. La jonction lombo-sacrée est repérée par la première
angulation évidente de la colonne vertébrale ou en comptant les
vertèbres à partir du coccyx (méthode la plus fiable) [2].
ÉCHO-ANATOMIE NORMALE
La moelle apparaît au sein du canal rachidien sous la forme
d'un cordon hypoéchogène limité par deux interfaces hyperéchogènes de l'espace liquidien péri médullaire et centrée par
un écho linéaire hyperéchogène plus ou moins continu, appelé
« écho central », dont la signification n'est pas univoque : canal
épendymaire ou interface entre la commissure blanche et la
fissure médiane antérieure (Fig. 1).
Figure 3. Coupe sagittale montrant un filum terminal normal fin (têtes de flèches) siégeant en arrière des racines de la queue de cheval qui
apparaissent sous forme de traits hyperéchogènes (astérisque).
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L'échographie médullaire du nouveau-né et du nourrisson : du normal au
pathologique
Mise au point
Figure 7. Coupe sagittale montrant une ectasie transitoire du canal
central chez un nouveau-né (têtes de flèches).
Figure 5. Coupe sagittale montrant la répartition harmonieuse des
cinq vertèbres sacrées visibles sous forme de points d'ossification
hyperéchogènes.
La moelle épinière présente deux renflements, un cervical
étendu de C3 à D2 et un lombaire étendu de D9 à L1 et elle
suit normalement les différentes courbures rachidiennes. Elle
occupe normalement la partie la plus antérieure du canal
rachidien dorsal et est centrale aux autres niveaux en procubitus. Son diamètre est de l'ordre de 4,5 mm au niveau de la
moelle dorsale, 5 mm au niveau de la moelle cervicale et de
5,5 mm dans la région du cône médullaire [8].
Sous L1, la moelle s'amincit progressivement en un cône
terminal dont l'extrémité inférieure se situe normalement entre
L1 et L2 (Fig. 2). La position de l'extrémité distale du cône
médullaire chez le nourrisson varie du disque D12-L1 au
disque L2-L3 [6].
Le filum terminal est visualisé en arrière des racines dont il est
parfois indiscernable et s'étend dorsalement à la partie postérieure du premier segment coccygien. Il est d'échostructure
hyperéchogène et mince, son épaisseur normale ne doit pas
dépasser 2 mm (Fig. 3).
Figure 6. Coupe sagittale montrant une formation anéchogène,
ovoïde, à limite nette siégeant à l'origine du filum terminal en
rapport avec un ventricule terminal.
Les racines lombaires et sacrées constitutives de la queue de
cheval se disposent de manière harmonieuse dans la partie
antérieure des espaces sous-arachnoïdiens en procubitus.
Elles apparaissent sous forme de traits hyperéchogènes
autour et en-dessous du cône terminal et du filum, présentant
des battements pulsatiles (Fig. 3).
Le sac dural forme un étui cylindrique à l'intérieur du canal
rachidien dont il est séparé par l'espace épidural. Il contient la
moelle, les racines et le LCR péri médullaire. Sa terminaison
est limitée par la réflexion de la dure mère et de l'arachnoïde en
regard de S2 (Fig. 4). Les différentes pièces sacrées sont
facilement repérées sous la forme de points d'ossification
hyperéchogènes qui doivent être harmonieusement répartis
et bien alignés (Fig. 5). En coupes axiales, les lames vertébrales doivent apparaître obliques de dehors en dedans et
d'avant en arrière, réalisant un « V » inversé.
Figure 8. Coupe axiale montrant une disposition erratique des
racines de la queue de cheval qui apparaissent groupées en amas
et asymétriques.
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Figure 9. Coupes sagittale (a) et axiale (b) montrant un « pseudokyste » rempli de LCR et limité par un fine membranes hyperéchogène
(têtes de flèches).
Figure 10. Coupes sagittale (a) et axiale (b) montrant des espaces sous-arachnoïdiens étroits et hyperéchogènes chez un nouveau-né.
VARIANTES DE LA NORMALE
L'amélioration de la qualité des appareils et des sondes échographiques a permis la découverte d'aspects atypiques chez
des nouveaux-nés et des nourrissons asymptomatiques. Ces
aspects sont relativement fréquents, s'observent chez environ
10 % des nouveaux-nés et correspondent à des variantes de la
normale qui ne nécessitent aucune autre imagerie complémentaire [9]. Ces variantes ne s'accompagnent d'aucune anomalie cutanée ou des tissus mous sous-cutanés et ne sont
jamais associés à une symptomatologie clinique. Les plus
fréquentes sont :
Le ventricule terminal, ou 5e ventricule, est un reliquat
embryonnaire de la moelle terminale qui régresse dans
les premières semaines de vie sans aucune valeur pathologique [10]. Il se traduit par une petite formation anéchogène, ovoïde à limite nette, visible à l'extrémité du
cône médullaire ou à l'origine du filum terminal qui peut
mesurer jusqu'à 10 mm de long et 4 mm de largeur
(Fig. 6).
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Figure 11. Coupe sagittale montrant une moelle attachée basse
avec un cône terminal dysmorphique et large (têtes de flèches) et
un filum terminal court et épais (astérisque).
L'échographie médullaire du nouveau-né et du nourrisson : du normal au
pathologique
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Figure 12. Coupes sagittale (a) et axiale (b) montrant un filum terminal épais et échogène.
Figure 13. Coupe sagittale montrant une masse intra-durale bien
limitée, hyperéchogène, au contact de la face postérieure du cône
médullaire en rapport avec un lipome intradural (flèche).
L'ectasie transitoire du canal central chez le nouveau-né
donnant un dédoublement longitudinal, le plus souvent au
niveau du cône terminal. Cette variante ne doit pas être prise
à tort pour une syringomyélie [1] (Fig. 7).
La disposition erratique des racines de la queue de cheval
qui apparaissent groupées en amas ondulants, asymétriques (Fig. 8).
Les « pseudokystes » remplis de LCR et limités par de fines
membranes hyperéchogènes peuvent être observés parmi
les racines de la queue de cheval, indépendant ou étroitement associés à une racine nerveuse. Ils sont dus à la
coalescence de trabécules arachnoïdiens [11] (Fig. 9).
Les espaces sous-arachnoïdiens peuvent apparaître étroits
et hyperéchogènes chez le nouveau-né au cours des premiers jours de vie et sont dus à la déshydratation physiologique transitoire néonatale (Fig. 10).
La découverte de l'une de ces variantes ne doit pas conduire
à la réalisation d'une IRM médullaire si le cône médullaire est
en place (au-dessus de L2-L3) et les racines de la queue de
cheval sont normalement mobiles dans le fourreau dural.
Figure 14. Coupe sagittale d'un dysraphisme complexe associant
un lipome sous-cutané et un sac hypoéchogène faisant hernie
à travers un défect osseux postérieur et contenant des racines
nerveuses.
ASPECTS PATHOLOGIQUES
Anomalies malformatives
Elles regroupent les dysraphismes ouverts et les dysraphismes
occultes. Les dysraphismes ouverts sont secondaires à une
anomalie de fermeture du tube neural avec hernie d'un sac
liquidien postérieur dont le revêtement externe n'est en général
pas épithélialisé et qui contient soit des méninges (méningocèle), soit du tissu nerveux (myéloméningocèle). Ces dysraphismes relèvent surtout du diagnostic anténatal et leur
fréquence est estimée à 2/1000 naissances [6]. L'échographie
médullaire post-natale n'est pas réalisable, en cas de revêtement externe non épithélialisé, du fait du risque septique secondaire important. L'IRM est l'examen de référence et c'est, en
pratique, le premier à réaliser. Elle permet de faire le bilan exact
des anomalies malformatives locorégionales et doit systématiquement être complétée par une exploration encéphalique,
à la recherche d'une malformation d'Arnold-Chiari et/ou d'une
hydrocéphalie qui sont presque toujours associées.
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Figure 15. Coupes sagittale (a) et axiales (b et c) montrant un sac liquidien sous-cutané contenant le cône médullaire qui est bas situé et
un lipome englobant les racines nerveuses (astérisque).
Figure 16. Coupe axiale montrant une diastématomyélie visible
sous forme de deux hémi-moelles séparées par un éperon fibreux.
Figure 17. Coupe sagittale montrant un sinus dermique qui apparaît
sous forme d'un trajet fistuleux rectiligne hypoéchogène traversant
la graisse sous-cutanée (têtes de flèches) et se dirigeant vers le
canal rachidien (astérisque).
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Les dysraphismes occultes sont des malformations fermées
généralement sans expansion de tissu nerveux, fréquemment
associée à des défects osseux (spina bifida) avec ou sans
masse sous-cutanée mais toujours couverte par une peau
normale [11]. L'échographie médullaire doit être réalisée dès
que l'on suspecte ces malformations occultes. Différentes
anomalies peuvent être identifiées à l'échographie de façon
isolée ou associée.
La moelle attachée basse se traduit à l'échographie par un
cône médullaire en position anormalement basse et postérieure, situé en dessous du niveau du plateau supérieur de
L3 et qui peut être déformé, élargi ou au contraire trop fin avec
un filum terminal court et souvent épais (Fig. 11). Les mouvements de la moelle terminale et des racines de la queue de
cheval sont généralement absents dans ce cadre.
Le filum épais est la conséquence d'une involution incomplète
de la portion caudale de la moelle au cours de l'embryogenèse
[6]. L'échographie médullaire montre un filum terminal épais et
échogène (> 2 mm de diamètre) (Fig. 12), qui peut être parfois
le siège d'un kyste ou d'un lipome [1]. Lorsqu'il est associé à un
cône médullaire en place et des racines battantes, le filum
épais est considéré comme une variante de la normale et ne
nécessite aucune prise en charge chirurgicale.
La moelle attachée basse et le filum épais peuvent être isolés,
mais ils sont le plus souvent associés à un dysraphisme plus
complexe à type de lipome, de méningocèle, de myéloméningocèle ou d'une diastématomyélie [6].
Le lipome peut être isolé localisé en intradural ou s'intégrer
dans une malformation plus complexe à type de lipoméningocèle ou lipomyéloméningocèle. L'aspect échographique du
lipome intradural est celui d'une masse bien limitée, hyperéchogène, de taille variable, située au contact de la face
postérieure de la moelle qu'il refoule en avant ou en regard
du filum terminal (Fig. 13). Lorsque le lipome s'intègre dans un
dysraphisme plus complexe, l'échographie médullaire peut
montrer différents aspects tel qu'un lipome sous-cutané associé à un sac hypoéchogène faisant hernie à travers un défect
osseux postérieur et contenant des racines nerveuses
(Fig. 14), ou un sac liquidien sous-cutané contenant le cône
médullaire bas situé et un lipome qui englobe les racines
nerveuses (Fig. 15).
La diastématomyélie est une malformation dans laquelle la
moelle est dédoublée dans le plan sagittal avec visualisation
de deux parties inégales appelées hémi-moelles, en général
séparées par un éperon osseux, cartilagineux ou fibreux [12].
Ces deux hémi-moelles se réunissent le plus souvent audessous de la fente en un cône médullaire unique [1]. L'échographie permet de mettre en évidence la diastématomyélie
sous forme de deux cordons à l'intérieur du canal rachidien,
L'échographie médullaire du nouveau-né et du nourrisson : du normal au
pathologique
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Figure 18. (a) Coupe axiale montrant une collection hypoéchogène intra-médullaire en rapport avec un abcès compliquant un sinus
dermique. Notez l'épaississement lepto-méningé (têtes de flèches) secondaire à une méningite associée. (b) et (c) Coupes sagittales
montrant des collections à contenu échogène sur le trajet du sinus dermique (astérisques).
Figure 19. (a) Séquence sagittale en pondération T2 d'une IRM médullaire montrant un sinus dermique visible sous forme d'un trajet
fistuleux sacré en hyposignal T2 (flèche) traversant la graisse sous-cutanée et communiquant avec le canal rachidien. Séquences sagittale
(b) et axiale (c) en pondération T1 après injection de Gadolinium montrant une collection intramédullaire en hyposignal T1 avec un
rehaussement annulaire après injection de produit de contraste en rapport avec un abcès (astérisque).
Figure 20. Coupe sagittale montrant une cavité syringomyélique
localisée au niveau jonction dorsolombaire de la moelle réalisant un
kyste épendymaire.
surtout bien visible en coupes axiales (Fig. 16). Elle précise la
localisation et l'extension en hauteur de la diastématomyélie
mais elle visualise mal l'éperon. Une IRM doit être pratiquée
pour affiner le diagnostic dans tous les cas [13,14].
Le sinus dermique est un fin pertuis épithélialisé médian ou
plus rarement paramédian, étendu de la peau au canal rachidien, le plus souvent borgne mais peut communiquer avec les
espaces sous arachnoïdiens. Il est souvent de siège lombosacré et associé à une spina bifida occulta [4]. L'échographie
médullaire montre, en particulier les coupes sagittales, un
trajet fistuleux rectiligne ascendant hypoéchogène traversant
la graisse sous-cutanée et se dirigeant vers le canal rachidien
(Fig. 17). Tout cathétérisme de la fistule est formellement
contre-indiqué. En pratique, la communication du sinus dermique avec les espaces sous arachnoïdiens est difficile à affirmer à l'échographie mais la présence d'un écoulement de LCR
pose le diagnostic. L'échographie précise également
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W. Douira-Khomsi et al.
Mise au point
Figure 21. Coupes sagittale (a) et axiale (b) montrant une dilatation du canal épendymaire sur toute sa longueur réalisant une cavité
syringomyélique.
l'association éventuelle à une moelle attachée basse, un
lipome ou un kyste dermoïde. Elle permet aussi de rechercher
une complication infectieuse à type de collection et d'abcès en
cas de sinus dermique communicant avec les espaces périmédullaires dont le bilan sera mieux apprécié par une IRM
(Fig. 18 et 19).
La cavité syringomyélique, ou syrinx, correspond à une accumulation de liquide céphalo-rachidien dans une cavité intramédullaire. Son origine peut être post-traumatique, secondaire
à une tumeur médullaire ou congénitale [12]. La cavité syringomyélique peut être localisée, essentiellement à la jonction
dorsolombaire, réalisant un kyste épendymaire (Fig. 20) ou
étendue le long du cordon médullaire (Fig. 21). Elle peut être
isolée ou associée à d'autres anomalies malformatives telles
qu'une malformation d'Arnold Chiari, une moelle attachée
basse ou une diastématomyélie [2]. Échographiquement, elle
se traduit par une cavité centromédullaire à contenu anéchogène parfois difficile à distinguer d'une hydromyélie. Cette
distinction est difficile quelle que soit la technique d'imagerie,
parfois même en anatomo-pathologie et n'a pas de conséquence pratique. Il est néanmoins nécessaire de compléter
l'exploration par une IRM médullaire à la recherche d'une
étiologie tumorale, malformative, post-infectieuse ou plus rarement post-traumatique (traumatisme obstétrical).
Le syndrome de régression caudale est un syndrome malformatif rare (1/7500 naissances) [6], associant à des degrés
variables une agénésie des vertèbres sacrées et
coccygiennes, des anomalies de croissance des os longs
des membres, des anomalies génito-urinaires et des anomalies cardio-vasculaires [6]. Ce syndrome comporte, dans certains cas, des agénésies vertébrales, lombaires ou
lombosacrées et s'associe souvent à des anomalies viscérales. En échographie, deux types d'anomalies peuvent se voir :
soit un cône médullaire émoussé, voire carré ayant une terminaison anormalement haute (au-dessus de L1), soit une
élongation du cône médullaire qui est associé à un filum
terminal épais ou un lipome spinal [14] (Fig. 22).
Autres indications
Les tumeurs médullaires congénitales sont très rares chez
le nourrisson. Les plus fréquentes sont le tératome sacrococcygien, le kyste neuro entérique, le kyste dermoïde et la
méningocèle antérieure dans le cadre de la triade de Curarrino
dont le diagnostic est de plus en plus anténatal [11]. En
pratique, lorsqu'on suspecte une tumeur médullaire congénitale, l'échographie n'a pas de place et le premier examen
à réaliser est une IRM. De même, dans le bilan d'une méningoencéphalite ou d'un traumatisme médullaire, l'échographie
n'a pas sa place et l'examen de référence est une IRM. Dans
un contexte infectieux, l'échographie peut parfois orienter le
diagnostic en montrant un épaississement leptoméningé péri
médullaire, mais l'IRM reste l'examen de référence dans tous
les cas.
Figure 22. Syndrome de régression caudale. (a) Nouveau-né présentant une tuméfaction lombo-sacrée. Radiographies du rachis de face
(b) et de profil (c) montrant une agénésie lombo-sacrée (flèche). (d) Coupe échographique sagittale montrant un cône médullaire émoussé
ayant une terminaison anormalement haute (tête de flèche).
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L'échographie médullaire du nouveau-né et du nourrisson : du normal au
pathologique
Points-clés
L'échographie médullaire est indiquée en cas de
fossette sacro-coccygienne atypique. Elle permet
une analyse aussi bien morphologique que dynamique de la moelle et des racines nerveuses.
Le filum terminal peut être indistinct des racines
nerveuses. Il peut être le siège de kyste ou de
lipome.
Le ventricule terminal est une variante anatomique. Il
peut siéger à l'extrémité du cône médullaire ou à l'origine du filum terminal.
Le sinus dermique peut s'associer à une moelle
attachée basse, un lipome ou un kyste dermoïde.
Il peut se compliquer de méningite et/ou d'abcès.
CONCLUSION
L'échographie médullaire est un bon examen de débrouillage,
peu coûteux, de réalisation aisée pouvant être fait au lit du
malade. C'est la méthode de choix du dépistage des dysraphismes occultes chez le nourrisson. Lorsqu'elle est réalisée
avec une technique optimale, elle permet de limiter le recours
à des examens complémentaires inutiles tels que l'IRM. En
effet, les aspects normaux et les variantes typiques de la
normale ne nécessitent aucun examen complémentaire.
Cependant, une IRM doit être réalisée dès que l'échographie
met en évidence des anomalies médullaires.
Déclaration de liens d'intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.
RÉFÉRENCES
Mise au point
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