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et la répétition n’étaient pas essentiels pour la construction
du souvenir flash, à la différence de la réaction émotion-
nelle du sujet dont ils étaient, par ailleurs, indépendants.
La place de l’événement dans les médias et dans les discus-
sions avec d’autres pourrait également expliquer le main-
tien de certains souvenirs flash [19]. L’impact social de
l’événement jouerait alors un rôle important. Dans une
perspective évolutionniste, certains événements pourraient
être plus essentiels à la survie de l’espèce [20] ou plus
importants pour le groupe social, et permettraient ainsi à
l’individu de développer, en marge de sa propre identité,
une identité sociale [19]. Un travail original a consisté à
rechercher des souvenirs flash suite au décès de François
Mitterrand chez des citoyens belges et français [8]. Ce
souvenir particulier –puisque la mort du président était
attendue –génère néanmoins des souvenirs flash. De plus,
le groupe social a effectivement un impact puisque les
Français ont plus de souvenirs flash que les Belges.
L’événement du 11 septembre a donné lieu à plusieurs
études sur les souvenirs flash. Talarico et Rubin [21] ont
étudié les souvenirs biographiques et les souvenirs flash
de cet événement dans trois groupes de 18 sujets jeunes,
1 semaine, 6 semaines et 32 semaines après cette période.
Parallèlement, les auteurs interrogeaient les sujets sur
l’impact émotionnel de l’événement en recherchant des
signes végétatifs. L’évocation de souvenirs n’est pas corrélée
au niveau d’émotion végétative. En revanche, l’importance
de la réaction végétative et de la valence négative attribuée
àl’événement était corrélée au stress post-traumatique.
Récemment Hirst et al. [9] ont pu apporter des données
importantes concernant la nature des souvenirs flash.
Ces auteurs ont étudié l’événement du 11 septembre auprès
d’un échantillon de sujets américains résidant dans divers
États : 391 participants ont répondu une quinzaine de jours
après l’épisode, 11 mois (pour éviter la première commémo-
ration) et trois ans après, à un questionnaire écrit prenant
environ 45 minutes. Ces auteurs n’ont trouvé, dans cette
étude très rigoureuse, aucune relation entre les souvenirs
flash et cinq critères discutés dans la littérature. Il s’agissait
du lieu de résidence (en distinguant : New York et les autres
villes, le quartier des tours et les autres quartiers), les consé-
quences personnelles (une atteinte personnelle objective
comme des dégâts dans le lieu de vie ou la perte d’un emploi
et non un retentissement psychologique subjectif), l’émotion
suscitée par l’événement, le niveau d’intérêtpourletraite-
ment de l’information par les médias et l’importance des
conversations individuelles. Toutes ces dimensions (sauf le
niveau émotionnel) influençaient, en revanche, la qualité
du rappel du souvenir public.
L’évolution dans le temps
des souvenirs flash
Le souvenir flash est un souvenir autobiographique et il
convient de se demander s’il évolue dans le temps comme
l’ensemble de ces souvenirs. Il est admis que la trace mné-
sique perd un certain nombre de détails contextuels lors
de la première année de consolidation d’un souvenir et
que l’on observe ensuite une moindre perte. Dans ce
sens, différents auteurs ont bien montré que les souvenirs
flash n’avaient pas de caractéristiques propres et que,
comme tous les souvenirs épisodiques, ils pouvaient être
soumis à l’oubli et aux déformations, et qu’avec le temps,
le rappel des circonstances d’apprentissage diminuait et
les distorsions augmentaient [3-22]. De plus, la plupart
des travaux objectivent une bonne constance des répon-
ses lorsqu’on teste de nouveau les sujets [8, 22-26]. En fait,
les résultats sont contradictoires, il semble qu’il y ait moins
de constance si l’événement est documenté très tôt après
sa survenue. Les sujets continueraient à apprendre des
choses sur l’événement et enrichiraient alors leur souve-
nir. Hirst et al. [9] montrent ainsi que les sujets, lors
des entretiens à propos du 11 septembre, enrichissent
leur récit de détails vus dans le film de Michael Moore !
Il pourrait s’agir aussi d’un artefact dû à l’oubli des tous
premiers détails. Pour tester cette hypothèse, Winningham
et al. [11] ont évalué le souvenir de l’acquittement d’O.J.
Simpson cinq heures, puis une semaine, après le procès et
confirment l’absence de constance des réponses suggérant
d’analyser la littérature avec soin selon le délai après
lequel on a recueilli le souvenir. Schmolck et al. [12]
ont, quant à eux, rapporté par rapport à ce même événe-
ment qu’en fait, à 15 mois, 40 % des souvenirs flash sont
identiques et que seulement 10 % d’entre eux comportent
de majeures distorsions, mais que ce profil de réponses
s’inverse à 32 mois avec alors seulement 20 % de souve-
nirs flash constants et des distorsions majeures pour 40 %
d’entre eux ! En outre, ces auteurs n’excluent pas que la
nature de l’événement joue également un rôle. La cons-
tance des réponses a été rapportée dans le travail de
Conway et al. [27] qui concernait un événement extrême-
ment émotionnel (de l’ordre du traumatisme pour des mil-
lions d’Américains) puisqu’il s’agit de l’explosionenvol
de la navette Challenger. Talarico et Rubin [21] en étu-
diant le 11 septembre 2001 ont rapporté qu’en fait le
taux de constance des réponses en dépit de la particularité
de ce souvenir très émotionnel était semblable à celui des
souvenirs biographiques survenus les jours précédents
dans la vie des sujets interviewés. Hirst et al. [9], dans
leur évaluation des souvenirs de 391 sujets concernant le
11 septembre, dans un délai de 15 jours, 11 mois et 3 ans,
montrent en fait que le taux d’oubli est plus important la
première année –20 % au moins –puis se ralentit après
la première année (entre 5 à 10 %) et qu’il n’yapasde
différence entre les deux dernières périodes. De plus, ils
ne retrouvent aucun impact de l’âge, du genre, du lieu
de résidence, de l’ethnie, de la religion ou des orientations
politiques ! Surtout, les auteurs ne retrouvent aucune
influence sur le taux d’oubli des facteurs émotionnels,
du lieu de résidence (et des éventuelles conséquences
néfastes personnelles), ni même du niveau d’intérêt porté
aux médias ou l’importance des conversations avec les
proches.
Dossier
R
EVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE
N
EUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
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© John Libbey Eurotext | Téléchargé le 21/02/2022 sur www.cairn.info via Université de Rouen (IP: 195.220.135.36)
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