IFT1065 :: A20 Miklós Cs˝urös 15 septembre 2020
3. Inférence logique
UNE PREUVE établit une nouvelle proposition (la conclusion) à partir
d’autres propositions (les prémisses), selon des règles formelles d’inférence.
En général, on définit un argument comme une séquence de propositions
logiques, avec une conclusion (la dernière proposition) et des prémisses (toute
autre proposition précédant la conclusion, possiblement aucune). Un argu-
ment est dit valide si lorsque les prémisses 1sont vraies, la conclusion est vraie 1. Donc s’il n’y a pas de prémisses, l’argu-
ment est valide quand la conclusion est une
tautologie.
aussi. Noter bien qu’on peut avoir un argument valide avec des fausses pré-
misses. Si l’argument est valide et ses prémisses sont vraies, l’argument est dit
correct.
Considérons, par exemple, les deux raisonnements suivants 2.2. Michael Huth and Mark Ryan. Logic in
Computer Science: Modelling and Reasoning
about Systems. Cambridge University Press,
2nd edition, 2004
?«Si le train est délayé, et elle ne trouve pas de taxi libre à la gare, Jeanne
arrivera en retard. Jeanne est arrivée à temps. Or le train était délayé. Donc,
elle a dû trouver un taxi.»
?«S’il pleut, et Jean n’a pas sa parapluie, il sera trempé. Il est sec. Or il pleut.
Donc, il a dû prendre sa parapluie.»
TABLE 1: Table de vérité pour les exemples
de Jeanne et Jean, rangées avec deux pré-
misses vraies pet ¬r.
p q r ¬r p ∧ ¬q p ∧ ¬qr
1 0 0 1 1 0
1(p) 1(c) 0 1(p) 0 1(p)
(p)=prémisse, (c)=conclusion
Tous les deux raisonnements suivent le même arrangement : on a trois
prémisses p∧ ¬qr,¬r), et pd’où on déduit la conclusion q.
On peut afficher la structure de l’argument symboliquement, en vérticale,
avec une ligne horizontale qui sépare les prémisses de la conclusion :
Le symbole de trois points en triangle
veut dire «par conséquent» (therefore).
p∧ ¬qr
¬r
p
q
ou, pour effet dramatique à la fin,
p∧ ¬qr
¬r
p
q
(3.1)
On peut vérifier la validité de ces arguments par le table de vérité (Table 1).
La vérité des trois prémisses entraîne la vérité de la conclusion. Pourtant un
argument valide peut toujours être incorrect si les prémisses sont fausses 3:3. En fait, on n’a même pas besoin de dé-
battre la correction des prémisses (y incluant
l’implication). Le raisonnement suivant est
aussi valide, «Si la terre est bleue comme une
orange et les mots ne mentent pas, alors les
guêpes fleurissent vert. Les guêpes ne fleu-
rissent pas vert. Or la terre est bleue comme
une orange. Donc, les mots mentent.»
Jeanne a peut-être a pris sa voiture et peut–être avec Jean même.
Les variables propositionnelles dans (3.1) dénotent des propositions diffé-
rentes, mais de point de vue de validité, les deux arguments suivent la même
recette. En fait, on peut remplacer les variables par des formules quelconques
et l’argument reste valide. On peut même conclure que l’équation (3.1) nous
donne une forme d’argument qu’on peut employer dans tout contexte en rem-
plaçant p,q,rpar des formules pertinentes. Par exemple, avec un ensemble
de taxis T, et avec les prédicats «test à la gare» G(t), «test libre» L(t), on
peut écrire «il y a un taxi libre à la gare» comme tT:G(t)L(t)et
remplacer chaque occurrence de qpar cette formule.
INFÉRENCE LOGIQUE 2
3.1 Règles d’inférence
Une règle d’inférence 4est une forme d’argument qu’on utilise pour 4. (fr):règle d’inférence
construire une démonstration formelle. On utilise le symbole de taquet
(turnstile en anglais) `pour dénoter qu’il existe une démonstration formelle
à partir des premisses (listées à la gauche) jusqu’à la conclusion (à la droite) :
c’est la même chose que
φ
χ
· · ·
ψ
φ,χ,η. . .
prémisses
`ψ
conclusion
.
Une telle expression s’appelle un séquent. Par tradition, on utilise les minus-
cules grecques pour formules logiques et les majuscules pour ensembles de
formules : v. Table 2 pour rappel.
TABLE 2: Quelques lettres grècques.
minuscule nom majuscule
φphi Φ
ψpsi Ψ
χkhi *
ξksi Ξ
ωoméga
λlambda Λ
ηéta *
ωoméga
δdelta
γgamma Γ
βbéta *
αalpha *
* Majuscules identiques au latin : Alpha
(A), Béta (B), Éta (E), Chi (X).
Le contexte de la preuve définit le modèle, incluant les règles syntaxiques
des formules et des termes du domaine de discours, ainsi que les axiomes
qui sont des propositions logiques fondamentales du modèle, et les variables
avec leur liaisons. On se sert des axiomes dans les démonstrations, mais on les
omet 5dans la notation `. Une conclusion ψqu’on démontre sans prémisses
5. Par exemple, dans géométrie euclidienne,
un théorème ne réitère pas les 5 axiomes
fondamentaux d’Eclid.
s’écrit par `ψet s’appelle un théorème. (Typiquement, ψest une implica-
tion de forme pq, où l’antécédente pencode les conditions sous lesquelles
le résultat de la conséquence qest applicable. )
On engendre une conclusion à partir des axiomes et des prémisses à tra-
vers d’une démonstration formelle en utilisant les règles d’inférence. Une
démonstration Γ`ψest valide si et seulement si ψest vrai toujours quand les
prémisses Γsont vraies, c’est à dire Γψest une tautologie.
Il faut bien observer que Γ`ψn’est pas la même chose que Γψ: ce
dernier est une proposition logique avec une valeur de vraie ou fausse, tandis
que `dénote la manipulation de symboles selon des règles «mécaniques», sans
égard à la vérité.
Un jeu de règles mal conçu peut mener à des démonstration formelles de
fausses conclusions 6. D’autre part, il peut aussi arriver qu’on n’a pas assez de 6. Par exemple, si on introduit une règle
non-valide φη,φ` ¬η, on peut déduire
toute proposition q(et sa négation ¬q) avec
la prémisse «2×2=4ou q» (ou sa négation
avec «2×2=4ou ¬q).
règles pour formaliser tout argument : Γψpeut être vrai mais on ne trouve
pas de preuve Γ`ψ.
On dit qu’un jeu de règles est correct si toute démonstration formelle est
valide (dans d’autres mots, lorsqu’il y a une preuve Γ`ψ,Γψdoit être
une tautologie).
INFÉRENCE LOGIQUE 3
3.2 Inférence pour calcul des propositions
Table 3 montre des règles d’inférence nommées dans calcul des proposi-
tions. Chaque règle est valide parce que chacune corresponde à une tautolo-
gie.
nom prémisses conclusion
modus ponens φ,φψ`ψ
modus tollens ¬ψ,φψ` ¬φ
addition φ`φψ
simplification φψ`φ
conjonction φ,ψ`φψ
syllogisme hypothétique φψ,ψη`φη
syllogisme disjonctif φψ,¬φ`ψ
résolution φψ,¬φη`ψη
TABLE 3: Règles d’inférence dans calcul des
propositions
La plus importante règle est le modus ponens qui a la forme
φ φ ψ
ψ(MP)
correspondant à la tautologie p(pq)q. Modus pollens, ou la
méthode d’affirmer (poser) l’antécedent, est une forme d’argument classique.
Elle est fondamentale 7dans le sens que les autres règles correspondent souvent 7. En fait, l’approche classique à l’inférence
logique, celle de systèmes à la Hilbert, ne
permet que modus ponens dans l’inférence.
à une application de modus ponens, possiblement en combinaison avec une
tautologie.
Modus tollens, ou la méthode de dénier le conséquent, utilise modus
ponens avec la contraposée : (pq)(¬q→ ¬p)
¬ψ φ ψ
¬φ(MT)
Addition,simplification, et conjonction permettent de grouper et
séparer les arguments par cas, ou par preuves imbriquées. Comme les autres
règles, on peut les inférer aussi à partir de modus ponens. Addition ajoute une
formule quelconque à la conséquence par disjonction, et simplification laisse
tomber une partie des prémisses :
φ(Addition)
φψ
φψ(Simplification)
φ(3.2)
par (MP) avec les implications φ(φψ)et φψφqui sont des tau-
tologies 8. La règle définit la rôle de multiples prémisses : il faut les combiner 8. Par exemple,
φ(φψ)≡ ¬φ(φψ)défn. de
(¬φφ)ψassociativité de
1ψnégation
1domination
par conjonction.
φ ψ (Conjonction)
φψ(3.3)
Le syllogisme hypothétique est basé sur la transitivité du conditionnel :
(pq)(qr)(pr)
INFÉRENCE LOGIQUE 4
est une tautologie :
φψ ψ η
φη(3.4)
Le syllogisme disjonctif est la même chose que modus ponens, avec l’impli-
cation ¬φψφψ:
φψ¬φ
ψ(3.5)
Résolution est une règle utilisée souvent dans des logiciels de démonstra-
tion automatique :
φψ¬φη
ψη(3.6)
qui correspond à un syllogisme hypothétique ¬ψφ,φη`(¬ψη).
3.3 Déduction naturelle
Disons qu’on a un théorème φψavec des formules quelconques φ,ψ. Maintenant, si on suppose φ,φψreste
toujours vrai, et on obtient ψpar modus ponens. Donc
`φψ
φ`ψ
devrait être une forme d’argument valide.
Cette règle nous dit que si une implication est vraie, alors il y a aussi une preuve valide qui infère la conclusion à par-
tir de la prémisse de l’hypothèse. Cette forme élimine l’opérateur . Si on veut démontrer des théorèmes, on a besoin de
règles pour introduire des aussi. Considérons par exemple, la règle de modus tollens qui nous donne le raisonnement
valide pq,¬q` ¬p. Est-ce qu’on peut construire le séquent (pq)`(¬q→ ¬p)? On procède de nouveau
avec une une preuve conditionnelle, parce qu’on suppose ¬qpour appliquer les règles formelles :
1pqprémisse
2¬qsupposition
3¬pMT, 2,1
4¬q→ ¬pI,2––3
Déduction dans notation Fitch : indentation dénote
preuve conditionnelle, avec une supposition.
On a besoin d’une règle dans Ligne 4qui introduit l’implication à partir de la preuve imbriquée 2––3(règle I). Le
théorème suivant nous montre la validité d’une telle règle. La preuve exacte du théorème dépend de l’ensemble de règles
qu’on adopte.
Théorème 3.1 (Théorème de Déduction).Soit Γun ensemble (possiblement vide) de formules (le contexte), et soit φ,ψdeux
formules (l’hypothèse et la conclusion). Alors
Γ,φ`ψ
Γ`(φψ)(3.7)
est une forme d’argument valide.
INFÉRENCE LOGIQUE 5
TABLE 4: Règles de base dans déduction
naturelle.
I: règle d’introduction
E: règle d’élimination
Iφ ψ
φψ.
Eφψ
φet la forme symétrique φψ
ψ.
Iφ
φψet la forme symétrique ψ
φψ.
Eφψ φ `χ ψ `χ
χ.
Iφ`ψ
φψ.
Eφ φ ψ
ψ.
¬¬E
¬¬φ
φ
¬Iφ`0
¬φ.
¬Eou 0Iφ¬φ
0
.
0E
0
φ.
TABLE 5: Preuve de ¬pq`pqet de
pq` ¬pq.
1¬pqprémisse
2¬psupposition
3psupposition
400I,3,2
5q0E,4
6pqI,3––5
7qsupposition
8psupposition
9qcopier, 7
10 pqI,8––9
11 pqE,1,2––6,7––9
1pqprémisse
2p∨ ¬pLME
3psupposition
4qE,3,1
5¬pqI2,4
6¬psupposition
7¬pqI1,6
8¬pqE,2,3––5,6––7
Théorèmes d’équivalence (par I) :
`(¬pq)(pq)
`(pq)(¬pq)
Règles d’élimination et introduction
En fait, on peut trouver des règles d’élimination et introduction systéma-
tiquement pour tous nos opérateurs, et non pas seulement pour . Table 4
montre une telle collection.
Les règles d’introduction (I) et élimination (E) de conjonction cor-
respondent à ce qu’on appelle Conjonction et Simplification dans Éqs. (3.3)
et (3.2). La règle d’élimination existe en deux formes (E1et E2) selon le
côté qu’on garde dans la conclusion. Les propriétés des opérateurs (commuta-
tivité, associativité, distributivité) ne sont pas définies par règles additionnelles,
parce qu’on peut les inférer par l’interaction des règles d’élimination et intro-
duction. Par exemple, le séquent pq`qpest valide :
1pqprémisse
2pE1,1
3qE2,1
4qpI,3,2
(3.8)
La règle d’introduction de disjonction est la règle d’Addition de (3.2).
Elle existe en deux formes (I1et I2) selon le côté où on copie la prémisse.
L’élimination de disjonction (E) nous donne une recette : démonter la
prémisse, donner des preuves cas par cas, et combiner les conclusions à la fin.
La règle d’élimination d’implication ou «élimination de flèche» (E)
est modus ponens. La règle d’introduction (I) correspond au théorème de
déduction.
Les règles de double négation (¬¬Iet ¬¬E) expriment que φ≡ ¬¬φ
(«il n’est pas vrai que φsoit faux»), donc on a le droit de les introduire ou
enlever librement. La règle d’introduction (¬¬I) est dérivée en combinant ¬E
et ¬I(v. Table 7).
Les règles de négation considèrent les contradictions. Par la définition
de l’implication, 0φest une tautologie pour toute formule logique φ.
La règle d’élimination de faux (0E) encode le fait que tout peut être inféré à
partir d’une prémisse fausse : 0`φ. La règle d’élimination de négation (¬E)
encode le principe de non-contradiction. Elle est aussi la règle d’introduire
faux (0I). L’introduction de la négation (¬I) nous permet de laisser tomber
une supposition. (Voir aussi réduction à l’absurde). La règle ¬Iencode la loi
du milieu exclu. En particulier, elle nous permet de dériver une règle qui
correspond à la loi directement : `φ∨ ¬φ(LME).
Table 4 contient toutes les règles dont on a besoin. Les propriétés des
opérateurs, et les équivalences sont bel et bien encodées par ce jeu. Eq. (3.8)
montre la commutativité de conjonction. Pour un exemple plus compliqué,
l’équivalence ¬pqpqest impliée : les séquents ¬pq`pqet
pq` ¬pqsont tous les deux valides. Table 5 montre les preuves.
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