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6 CAT Gangrène de Fournier

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GANGRENE DE FOURNIER
I.
GENERALITES
a. Définition
C’est une cellulite aiguë nécrosante des organes génitaux externes.
b. Intérêts
-
Epidémiologique : affection rare ;
-
Gravité : Urgence médico-chirurgicale. Son évolution est rapide avec un taux de mortalité élevé.
-
Thérapeutique : prise en charge multidisciplinaire ;
-
Pronostique : fonction de la précocité du diagnostic et d’un traitement adéquat.
c. Etiopathogénie
Pas encore claire. Le mécanisme de survenue de la gangrène de Fournier encore appelée gangrène
primitive ou gangrène idiopathique est mal connu de nos jours.
 La gangrène de Fournier serait secondaire à :
-
Une endartérite ;
-
Une thrombose aigue des artères scrotales ou des artères honteuses;
-
Une coagulation intra-vasculaire à manifestations locales ;
-
Oblitération des artérioles cutanées et sous cutanées.
Ces lésions provoquent une ischémie tissulaire qui aboutit à la nécrose. La nécrose ischémique va favoriser
la multiplication et la diffusion des bactéries entrainant une surinfection locale polymicrobienne. La
synergie bactérienne va aggraver la nécrose du tissu cellulaire sous-cutané et la gangrène du derme.
Le taux de destruction décrit est de 2 à 3cm par heure.
 Germes de surinfection : souvent il existe une synergie entre bactéries aérobies et anaérobies.
o aérobies :
-
cocci à Gram positif : streptocoques A et D, staphylocoques
-
bacilles à Gram négatif : Escherichia coli, Enterobacter, Proteus, Pseudomonas aeruginosa.
o Anaérobies : Bacteroides, Clostridium, Peptostreptococcus.
Ces germes existent dans les plis génitaux où la présence de sueur, de poils, de sébum et l'absence
d'hygiène favorisent leur développement.
-
Les différents germes peuvent provoquer une thrombose intra capillaire massive,
-
Les germes anaérobies produisent une héparinase et des exotoxines à l'origine d'une nécrose tissulaire
rapide et étendue.
-
Des enzymes sécrétées par Bacteroides (collagénose, hyaluronidase, ADNase) favorisent l'invasion
microbienne et diminuent la phagocytose des germes aérobies.
-
Les germes aérobies augmentent l'agrégation plaquettaire et accélèrent la coagulation (coagulase des
staphylocoques). Ils détruisent la fibrine et les protéines cellulaires grâce à des enzymes
protéolytiques : streptokinase, streptodornase, hyaluronidase.
-
La nécrose résulte de l'action combinée de germes relativement non pathogènes, plutôt que des effets
d'une seule bactérie virulente.
II.
Diagnostic
A. Diagnostic positif
Le diagnostic est essentiellement clinique. Classiquement elle évolue en quatre phases cliniques :
1. Phase de début (invasion) ou phase prodromique
Elle est généralement brutale et dure 2 jours. Elle est faite de :

Malaise, Irritabilité, une fatigabilité accrue parfois des troubles digestifs.

Puis sensation d'inconfort, d'endolorissement et gêne périnéale (prurit du scrotum et/ou de la verge),

Ensuite surviennent des douleurs scrotales intenses à type de cuisson ;

L’examen physique montre les manifestations inflammatoires locorégionales : oedème et érythème au
niveau du Scrotum et/ou de la Verge ;

Cette phase est parfois précédée ou suivie de fièvre ou hypothermie avec frissons ;

Rapidement peut s’installer un état septicémique.
2. Phase d’état (nécrose)
Survient environ 4 à 5 jours après les premiers signes (2 à 14 jours selon les séries). Caractérise l’affection.

Signes fonctionnels : Exacerbation des douleurs scrotales

Signes généraux :
o Syndrome toxi-infectieux avec :
- prostration,
- AEG sévère,
- frisson, alternance d’hyper et d’hypothermie,
- tachycardie, tachypnée et hypotension artérielle.
o Parfois état de choc Septique.

Signes physiques
-
inspection : plaque noirâtre, d'odeur fétides et extensives de nécrose au niveau du pénis et des
bourses pouvant atteindre le périnée, l’abdomen et les cuisses ;
-
palpation : douloureuse, la crépitation neigeuse sous-cutanée (+++) s’observe dans 40% des cas. Elle
peut s'étendre au niveau des cuisses, de la paroi abdominale antérieure ou du thorax ;
-
L'extension de la gangrène au pénis et au scrotum se fait en quelques heures et s'accompagne d'une
diminution de la douleur par destruction des fibres nerveuses sensitives.
-
Les croûtes noires d’odeur putride tombent 2 à 7 jours après le début de la gangrène.
-
A l’excision : nécrose fétide qui laisse à nu le pénis et les testicules dont la vitalité est respectée
L'évolution de la gangrène reste limitée en profondeur et les testicules sont mis à nu sans être atteints
par la nécrose : leur vascularisation élective les protège de l'ischémie.
-

Parfois présence de signes digestifs : nausées, vomissements.
Examens complémentaires
o Biologie :
-
Prélèvements bactériologiques au niveau des lésions +culture,
-
Hémocultures répétées,
-
NFS : hyperleucocytose à PNN, anémie,
-
Ionogramme sanguin : troubles hydro-électrolytiques, Une hyponatrémie, une hypokaliémie, une
hypoprotidémie, une chute de la réserve alcaline,
-
Glycémie (déséquilibre chez le diabétique),
-
Créatininémie.
o Radiologie :
Elle n’est pas importante pour le diagnostic, mais au stade précoce, elle aide à faire le diagnostic quand la
clinique n’est pas spécifique. Elle peut retrouver les gaz sur :
-
les radiographies sans préparation centrées sur les bourses : hyper clarté (présence de gaz) ;
-
L'échographie met en évidence la présence de gaz dans le scrotum avant l'apparition des signes
cliniques, met en évidence l’extension de la nécrose le long des fascias.
-
La TDM et l’IRM pourraient encore améliorer la précocité du diagnostic et permettraient de préciser
l’existence des gaz et l'extension de la nécrose.
3. Phase de restauration
-
survient de 4 à 12 jours après la détersion des tissus nécrosés,
-
La résolution peut se faire spontanément en quelques jours, la peau se restaure lentement,
-
Elle survient assez rapidement sous traitement avec baise de la fièvre, amélioration de l’état général,
-
La cicatrisation spontanée est obtenue en 2 à 3 mois. Bourgeonnement du fond puis épidermisation
centripète.
4. Evolution
L’évolution spontanée peut :

Favorable comme décrite dans la phase de restauration,

Mais défavorable émaillée des complications :
- Précoces : décès dans un tableau de choc septique ;
- A moyen terme : sont celles d’un séjour prolongé en unité de soins intensif : thromboemboliques,
Cardiorespiratoire, Infectieux et Cutanée ;
- A long terme : séquelles sont esthétiques, fonctionnelles et psychologiques.
B. Diagnostic différentiel
-
Periurétrite aigue diffuse. il existe des troubles urinaires importants
-
Orchiépididymite : fièvre, signe infectieux, la manœuvre de Prehn est positive ;
-
Érysipèle ;
-
Gangrène de Meleney ou Fasciite streptococcique : complication rare et grave de l’érysipèle ;
-
Gangrène gazeuse (Clostridium) ;
-
Traumatisme des OGE ;
-
Abcès de la bourse
-
Torsion testiculaire négligée ;
-
Hydrocèle surinfectée ;
-
Cancer du testicule en poussée inflammatoire
-
Lymphoedéme scrotal
C. Diagnostic étiologique

Interrogatoire : Age, sexe, terrain (diabétiques, obésité, cirrhotiques et immunodépression), ATCD
urologique et digestifs

Examen clinique :
 douleurs scrotales ;
 Syndrome toxi-infectieux ;
 Nécrose du pénis, du scrotum, du périnée et de l’abdomen et une évolution foudroyante ;
 On recherche une porte d’entrée qui peut faire écarter le diagnostic d’une gangrène de Fournier
Il faut noter qu’en 1883, Jean Alfred Fournier a publié la première description détaillée de la maladie
dans son article « Gangrène foudroyante de la verge » en insistant sur caractéristiques suivants:
-
le début brutal,
-
chez un homme jeune en bonne santé,
-
avec une progression rapide vers la gangrène sans cause apparente.
Donc la gangrène de Fournier comme décrite est un diagnostic d’élimination.

Germes de surinfection fréquemment rencontrés sont :
o Anaérobies : clostridium, Bacterioides
o Aérobies : stréptococcus, E.coli, Enterobacter, Klebsiella, Proteus
o Porte d’entrée : généralement un traumatisme banal de la région urogénitale
D. Traitement
1. Buts
-
Stériliser les foyers infectieux ;
-
Stabiliser l’état hémodynamique ;
-
Réséquer le tissu nécrosé ;
-
Traiter et prévenir les complications.
2. Moyens

Médicaux
o La réanimation médicale vise à lutter contre et à corriger les troubles induits par l’état toxi-infectieux :
-
les troubles hydro électrolytiques,
-
les troubles hémodynamiques
-
et les troubles nutritionnels : nutrition parentérale hypercalorique et hyper protidique,;
o Antibiothérapie active sur aérobies et anaérobies. D’emblée triantibiothérapie: pénicillines +
Aminosides + imidazolés. Rélais per os en fonction des résultats bactériologique dès que possible.
Durée 2 à 6 semaines.
o Antalgiques,
o Une sérovaccination antitétanique est indispensable (SAT),
o Oxygénothérapie hyperbare en post opératoire :
- Augmente l’activité phagocytique des leucocytes,
- Action, à la fois, bactéricide sur les anaérobies et bactériostatique sur les autres germes,
- Active la formation de collagène, la croissance des fibroblastes et l’angiogénèse : favorise la
régénération tissulaire en améliorant l’oxygénation des zones ischémiées
-
Elle peut donc être proposée comme complément du traitement chirurgical, immédiatement après
la première mise à plat, en séances répétées de 90 minutes à 2,5 atm.
o Héparinothérapie (de bas poids moléculaire) : pour limiter le risque thrombotique.
o Correction de l'hyperglycémie si présente ;
o Soins locaux (antiseptiques locaux, eau oxygénée, ).

Chirurgicaux
o Nécrosectomie ou débridement : excision large des tissus nécrotiques avec respect des testicules et de
la vaginale. Le débridement est fondamental car lui seul peut accélérer la Guérison par le Retrait des
foyers non vascularisés :
-
où diffusent mal les ATB ;
-
et diminue le taux des bactéries.
Permet l’exploration chirurgicale avec appréciation correcte de l’étendue de l’infection sous estimée par
l’examen des lésions cutanées.
L’étendue des la zone à exciser est discutée :
-
Pour certains, des excisions «minimales» et répétées permet de réduire le temps d’Hospitalisation;
-
Pour la plupart des auteurs, le débridement doit être maximal et intéresser la totalité des tissus
macroscopiquement atteints et douteux.
o Cystostomie ou sonde vésicale selon l’extension de la nécrose. Un drainage urinaire suspubien est
recommandé dans les gangrènes extensives car il améliore les soins des plaies et diminue les
complications du sondage uréthral prolongé ;
o Colostomie ;
o L’enfouissement des testicules dénudés dans des poches sous cutanées de la face interne des cuisses ;
o reconstructions cutanées utilisant des sutures secondaires,
o Chirurgie plastique à distance utilisant des greffes cutanée sémi-épaisse des lambeaux musculocutanés.
3. Indications

Dans tous les cas :
-
Réanimation;
-
Après prélèvements bactériologiques, tri-antibiothérapie à large spectre d’emblée ;
-
Débridement en urgence sous AG : excision de tous les tissus nécrotiques jusqu’en zone saine ;
-
Prévention des maladies thrombo-emboliques par héparine de bas poids moléculaire.

devant une atteinte rectale et sphinctérienne étendue et en cas d’incontinence fécale qui peut
souiller la plaie débridée, la colostomie de dérivation est indiquée.

Si mise à nu des testicules après nécrosectomie : enfouissement pour éviter leur dessication.

Soins locaux :
 Antiseptiques comme la Povidone iodée ou l’hypochlorite de Na+ est systématique,
 Lavage de la plaie à l’eau oxygénée,

Reconstructions cutanées : Le problème principal réside dans le choix du moment de la
reconstruction. Celle-ci peut débuter dès que la plaie devient propre.
Conclusion
Pathologie grave, le pronostic est largement amélioré par une prise en charge précoce et adaptée
associant chirurgie en urgence, antibiothérapie, réanimation non spécifique et, dans le meilleur des cas,
séances d’oxygénothérapie hyperbare.
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