La
langue,
appareil
naturel
d'orthopédie
dento-faciale
«
pour
le
meilleur
et
pour
le
pire
•>
Figure
5 b
Cet enfant de 15 mois, atteint d'un
syndrome
de
ROBIN,
et
trachéoto-
misé,
met sa langue dans la fosse
nasale lors du sommeil.
déglutition et de sa coordination, le couple moteur automatique succion-
déglutition demande l'intégrité de tous les noyaux moteurs du tronc cérébral.
Cette activité de succion-déglutition engrammée pendant la vie fœtale
demande, comme nous l'avons déjà mentionné, l'efficacité neuro-anatomique
de toutes les paires nerveuses du tronc cérébral. (Elle peut être objectivée par
l'échographie dès la quinzième semaine). C'est dire que la défaillance de ce
couple moteur aura pour conséquence le rétrognathisme par défaut de stimula-
tion condylienne, et le palais creux par défaut de conformation palatine par
pression linguale. Le couple succion-déglutition est un automatisme réflexe
dont le centre est bulbaire et déclenché par toutes les stimulations orales, que ce
soit au niveau de la lèvre supérieure ou de la muqueuse de la région pré-
maxillaire. Son efficacité est vitalement requise dès la naissance afin d'assurer
Poralité alimentaire du nouveau-né.
Au cours de la première année, l'oralité succionnelle est progressivement
doublée puis relayée par une nouvelle stratégie alimentaire, c'est-à-dire le
passage à la cuillère. Cette double stratégie orale, qui dans les pays occidentaux
va durer un à deux ans, correspond à la superposition, pour un temps, de deux
stades de maturation neuropsychologique du bébé : le stade oral primaire et le
stade sadique oral, qui correspond au stade à partir duquel le nourrisson
présente le début de l'occlusion lactéale incisive lui permettant de couper et de
faire ainsi son expérience impressionnante de la morsure. Le comportement
lingual de l'oralité primaire succionnelle peut persister jusqu'à 7 ans. (Au-delà
de cet âge, elle peut être responsable de proalvéolie supérieure).
Alors que la succion-déglutition réflexe, automatisme du stade oral,
demandait l'efficacité du tronc cérébral, l'apport alimentaire par la cuillère va
constituer une praxie au sens propre du terme, car réclamant l'équipement
neurologique du cerveau télencéphalique assurant l'apprentissage : le bébé
doit, dans la sérénité que le couple mère-enfant requiert, ouvrir la bouche de
manière appropriée en mimant le parent, accepter dans la bouche l'objet
métallique qu'est la cuillère, celle-ci étant porteuse d'un aliment de goût
différent, de constitution nouvelle, puis le faire transiter d'une crête alvéolaire à
l'autre ou le téter avec sa langue et enfin déglutir après une période de
stagnation orale. Cette praxie alimentaire, dont l'apprentissage va durer deux à
quatre ans, demande l'équipement neurologique du cortex cérébral : cortex
visuel, limbus hippocampique, aires associatives... (on comprend que les
atteintes corticales malformatives ou acquises par anoxie perturbent ces
séquences). Son analyse clinique permet d'apprécier son stade de maturation
corticale.
La plupart des neurobiologistes pensent que le centre de coordination de
la praxie orale alimentaire est hypothalamique alors que celui du couple
succion-déglutition est bulbo-protubérentiel.
Ainsi, en prenant comme exemple le passage de la succion-déglutition à la
praxie orale alimentaire par la cuillère, nous constatons que :
— gnosies et praxies linguales demeurent asservies l'une à l'autre ;
— la langue, au cours de son développement neurophysiologique, est
soumise à un gradient croissant de complexité praxique et gnosique, qui
prendra toute sa signification lors de l'éclosion du langage articulé alors que le
jeune enfant élargit sa panoplie alimentaire et porte à la bouche nombre
d'objets à des fins de connaissance. (Alors que le comportement d'ingestion de
toute substance portée à la bouche disparaît vers douze mois, il peut persister
dangereusement, pour certaines, comme l'eau de Javel ou la soude caustique,
au-delà de cette date et prend le nom de Pica.)
Rev Orlhop Demo Faciale 23: 9-17,
1989 13