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Polynômes et Fractions rationnelles

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24. Polynômes et fractions rationnelles
Dans tout ce chapitre, K désigne un corps quelconque, le programme se limitant officiellement aux cas des sous-corps de C.
I Algèbre K [X ]
Cette section reprend dans les grandes lignes la construction de K [X ] qui a été vue en première année dans les cas de R et C.
I.1 Définitions et premières propriétés
D ÉFINITION 24.1.
(Polynôme, coefficients).
(a) Un polynôme à coefficients dans K est une suite presque nulle d’éléments de K indexée par N.
(b) L’ensemble des polynômes à coefficients dans K est noté K (N) = K [X ].
(c) Pour P = (a k )k∈N ∈ K [X ], les (a k )k∈N ∈ K (N) sont les coefficients de P .
D ÉFINITION 24.2.
(Degré d’un polynôme).
Soit P = (a k )k∈N ∈ K [X ]. Si P est non identiquement nul, le degré de P est
deg P = max{k ∈ N, a k ̸= 0}.
Par convention, le polynôme nul (dont tous les coefficients sont nuls) est de degré −∞.
P ROPOSITION 24.3.
(Propriétés élémentaires des polynômes).
On a les propriétés suivantes.
(a) K [X ] est un K -espace vectoriel pour les lois internes et externes définies pour tout ((a k )k∈N , (b k )k∈N ) ∈ (K (N) )2 et tout
λ ∈ K par
(a k )k∈N + (b k )k∈N = (a k + b k )k∈N
et
λ(a k )k∈N = (λa k )k∈N .
(b) Pour n ∈ N, l’ensemble K n [X ] des polynômes de K [X ] de degré inférieur ou égal à n en est un sous-espace vectoriel.
♢ Démonstration. Il suffit de montrer que K (N) est un sous-espace vectoriel de K N = F (N, K ), ce qui est immédiat, de même que
pour K n [X ]. ♢
Remarque 24.4.
On définit la valuation d’un polynôme P non nul comme par val(P ) = min{k ∈ N, a k ̸= 0}, avec la convention val(0) = +∞.
I.2 Multiplication des polynômes et écriture usuelle
D ÉFINITION 24.5.
(Multiplication des polynômes).
Soient P = (a k )k∈N et Q = (b k )k∈N deux polynômes de K [X ]. On définit le produit PQ = (c k )k∈N par la relation suivante
pour tout k ∈ N (produit de convolution ou produit de Cauchy)
ck =
k
∑
ℓ=0
a ℓ b k−ℓ .
♢ Démonstration. La seule chose à montrer est que la famille (c k ) est presque nulle dès que (a k ) et (b k ) le sont. Or, si d = deg P ,
d ′ = degQ, et si k Ê d + d ′ + 1, alors pour tout ℓ ∈ [[0, d ]], a ℓ b k−ℓ = 0 car k − ℓ Ê d ′ + 1, et pour tout ℓ ∈ [[d + 1, k]], a ℓ b k−ℓ = 0 car
ℓ Ê d + 1. On en déduit que (c k )k∈N est nulle à partir du rang d + d ′ + 1. ♢
T HÉORÈME 24.6.
(Structure d’algèbre de K [X ]).
Le quadruplet (K [X ], +, ·, ×) est une K -algèbre commutative. Les polynômes 0 = (0, 0, . . .) et 1 = (1, 0, 0, . . .) en sont les éléments neutres additif et multiplicatif respectivement.
2
CHAPITRE 24. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
♢ Démonstration. K [X ] est un sous-espace vectoriel de K N , de neutre additif 0K N .
∗ La multiplication des polynômes est associative. En effet, pour tous P = (a k )k∈N , Q = (b k )k∈N , R = (c k )k∈N , on a
(
(
)
)
k
m
∑
∑
a ℓ b m−ℓ c k−m
(PQ)R =
(
=
(
=
(
=
(
=
m=0 ℓ=0
k ∑
m
∑
a ℓ b m−ℓ c k−m
m=0 ℓ=0
)k∈N
k ∑
k
∑
ℓ=0 m=ℓ
k k−ℓ
∑
∑
ℓ=0 m=0
k
∑
ℓ=0
(
aℓ
k∈N
)
a ℓ b m−ℓ c k−m
(permutation de sommes)
)
k∈N
a ℓ b m c k−m−ℓ
(décalage d’indice en m)
k∈N
))
k−ℓ
∑
= P (QR)
b m c k−ℓ−m
m=0
k∈N
∗ La multiplication des polynômes est commutative : pour tous P = (a k )k∈N , Q = (b k )k∈N , par renversement de la somme
(
)
(
)
k
k
∑
∑
PQ =
a ℓ b k−ℓ
=
a k−ℓ b ℓ
= QP.
ℓ=0
ℓ=0
k∈N
k∈N
∗ La multiplication des polynômes est distributive sur l’addition : pour tous P = (a k )k∈N , Q = (b k )k∈N , R = (c k )k∈N , on a
(
)
k
∑
(P +Q)R =
(a m + b m ) c k−m
m=0
(
=
k
∑
k∈N
a m c k−m +
m=0
k
∑
)
= P R +QR
b m c k−m
m=0
k∈N
et de même à gauche par commutativité.
∗ 1 est neutre pour la multiplication des polynômes : pour tout P = (a k )k∈N
(
)
k
∑
1P = P 1 =
δ0,ℓ b k−ℓ
= (b k )k∈N = P.
ℓ=0
∗ Pour tous P = (a k )k∈N , Q = (b k )k∈N et λ ∈ K
(
λ(PQ) = λ
k
∑
ℓ=0
k∈N
)
(
=
a ℓ b k−ℓ
k∈N
k
∑
ℓ=0
)
= (λP )Q
(λa ℓ )b k−ℓ
k∈N
et de même, λ(PQ) = P (λQ).
K [X ] est finalement bien une K -algèbre commutative. ♢
T HÉORÈME 24.7.
(Base canonique de K [X ]).
On pose 0 = (0, 0, . . .), 1 = (1, 0, 0, . . .) et X = (0, 1, 0, 0, . . .).
(a) Avec ces notations, on a pour tout k ∈ N
X k = (δk,n )n∈N .
(b) La famille (X k )k∈N forme une base de K [X ], appelée base canonique.
(c) Pour tout n ∈ N, la famille (X k )0ÉkÉn forme de même la base canonique de K n [X ], qui est donc de dimension n + 1.
♢ Démonstration. (a) On procède par récurrence sur k : c’est la définition même de cet objet pour k = 0, et si X k = (δk,n )k∈N pour
k ∈ N fixé, alors
)
(
n
∑
k+1
k
δk,ℓ δ1,n−ℓ
.
X
= X X = (δk,n )n∈N (δ1,n )n∈N =
ℓ=0
∗
n∈N
Pour (k, n) ∈ N , δk,ℓ δ1,n−ℓ = 1 si et seulement si ℓ = k et n − ℓ = 1 ce qui impose n = k + 1, d’où
X k+1 = (δk+1,n )n∈N
ce qui clôt la récurrence.
(b) Du fait des notations utilisées, on a pour tout P = (a k )k∈N ∈ K (N)
P=
+∞
∑
k=0
ak X k
I. ALGÈBRE K [X ]
3
ce qui montre que (X k )k∈N est génératrice de K [X ] (il s’agit bien d’une somme finie), et
+∞
∑
a k X k = 0 ⇐⇒ (a k )k∈N = 0
k=0
ce qui montre qu’elle est libre.
(c) Pour tout P ∈ K n [X ], il existe par définition (a k )0ÉkÉn ∈ K n+1 tel que
P=
n
∑
ak X k
k=0
de sorte que (X k )0ÉkÉn est génératrice de K n [X ], et elle est libre comme sous-famille d’une famille libre, donc forme une base de
K n [X ]. ♢
Notation 24.8.
(Notation usuelle des polynômes).
Pour tout P = (a k )k∈N ∈ K [X ], on utilise dès lors la notation
P=
+∞
∑
ak X k .
k=0
D ÉFINITION 24.9.
(Monômes).
Les polynômes de la forme a k X k , pour k ∈ N et a k ∈ K \ {0} sont appelés monômes.
D ÉFINITION 24.10.
(Coefficient dominant, polynôme constant).
Si P ∈ K [X ] est de degré d ∈ N, il existe (a k )0ÉkÉd ∈ K d +1 tel que P =
d
∑
ak X k .
k=0
(a) a d est alors le coefficient dominant de P .
(b) a d est non nul par définition du degré.
(c) P est unitaire si et seulement si a d = 1.
(d) Un polynôme de degré 0 ou −∞ est dit constant.
Remarque 24.11.
(Assimilation de K à un sous-anneau de K [X ]).
De façon immédiate, l’ensemble des polynômes constants de K [X ] est assimilable à K . On peut donc dire que K est un
sous-anneau de K [X ].
I.3 Dérivation
D ÉFINITION 24.12.
Soit P =
+∞
∑
(Dérivation des polynômes).
a k X k ∈ K [X ]. Le polynôme dérivé (ou simplement la dérivée) de P est le polynôme
k=0
P′ =
+∞
∑
ka k X k−1 .
k=1
Remarque 24.13.
(a) Dans le cas d’un corps quelconque (et même d’un anneau), pour k ∈ N∗ et a ∈ K , on rappelle que la notation ka signifie
ka = |a + .{z
. . + a}
k fois
et de même avec des conventions évidentes pour k ∈ Z. Il est immédiat que (ka k )n∈N∗ est presque nulle si (a k )k∈N l’est.
4
CHAPITRE 24. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
P ROPOSITION 24.14.
(Propriétés élémentaires de la dérivation des polynômes).
On a les propriétés suivantes.
(a) L’application D : P 7→ P ′ est un endomorphisme de K [X ].
(b) Pour tout P ∈ K [X ], deg(P ′ ) < deg P .
(c) Si K est un sous-corps de C et si deg P Ê 1, alors deg P ′ = deg P − 1.
(d) Pour tout n ∈ N, l’endomorphisme de K n [X ] induit par D est nilpotent. Son indice de nilpotence est n + 1 si K est un
sous-corps de C.
(e) On a pour tout (P,Q) ∈ K [X ]2 la relation
(PQ)′ = PQ ′ + P ′Q.
♢ Démonstration. Les trois premiers points sont évidents par définition, le point (d) découle du (c), en notant que
D n (X n ) = n! ̸= 0
si K est un sous-corps de C, et que
D n+1 (X k ) = 0
pour tout k ∈ [[0, n]], de sorte que D n+1 annule toute la base canonique de K n [X ] donc est l’endomorphisme nul.
Enfin pour le point (e), on a pour P =
+∞
∑
ak X k , Q =
k=0
′
′
P Q + PQ =
+∞
∑
(
k
∑
k=0 ℓ=0
bk X k
k=0
)
ℓa ℓ b k−ℓ X
+∞
∑
k−1
+
+∞
∑
(
)
k
∑
k=0 ℓ=0
a ℓ (k − ℓ)b k−ℓ X
k−1
=
+∞
∑
(
k
∑
k=0 ℓ=0
)
ka ℓ b k−ℓ X k−1 = (PQ)′ . ♢
Notation 24.15.
Pour P ∈ K [X ] et n ∈ N, on note P (n) = D n (P ) la dérivée n-ième de P , avec la convention naturelle P (0) = P . On utilise aussi
les notations usuelles P ′ = P (1) , P ′′ = P (2) , etc.
T HÉORÈME 24.16.
(Formule de Leibniz).
Pour tout (P,Q) ∈ K [X ]2 et tout n ∈ N
(PQ)
(n)
( )
n n
∑
=
P (k)Q (n−k) .
k=0 k
♢ Démonstration. La preuve est identique à la formule de Leibniz usuelle pour la dérivation des fonctions d’une variable réelle. ♢
I.4 Composition
D ÉFINITION 24.17.
Soient P =
+∞
∑
(Composition des polynômes).
a k X k ∈ K [X ] et Q ∈ K [X ]. La composée de P et Q est le polynôme
k=0
P ◦Q =
+∞
∑
ak Q k .
k=0
Si Q = 0, on pose conventionnellement P ◦ Q = a 0 ∈ K 0 [X ].
On utilisera aussi la notation
P ◦ Q = P (Q).
Remarque 24.18.
On a donc pour tout P ∈ K [X ] l’égalité P = P ◦ X = P (X ).
I. ALGÈBRE K [X ]
5
I.5 Propriétés du degré
P ROPOSITION 24.19.
(Degré d’une combinaison linéaire, d’un produit, d’une dérivée, d’une composée).
Le degré vérifie les propriétés suivantes.
(a) Pour tout (P,Q) ∈ K [X ]2 , on a
deg(P +Q) É max(deg P, degQ).
L’égalité est réalisée lorsque deg P ̸= degQ, ou plus généralement lorsque les coefficients dominants ne s’annulent pas
dans la somme.
(b) Pour tout (P,Q) ∈ K [X ]2 , on a
deg(PQ) = deg P + degQ
avec des conventions évidentes si l’un des degrés est −∞.
(c) Pour tout P ∈ K [X ], on a
deg P ′ = deg P − 1
lorsque deg P Ê 1 si K est un sous-corps de C, et en général
deg P ′ É deg P − 1.
(d) Pour tout (P,Q) ∈ K [X ]2 avec Q ̸= 0, on a
deg(P ◦ Q) = (deg P )(degQ).
♢ Démonstration. (a) Soient (P,Q) ∈ K [X ]2 , d = deg P , d ′ = degQ, en supposant d ′ É d . On note (a k )k∈N , (b k )k∈N , les coefficients de
P et Q, avec a k = 0 si k > d et b k = 0 si k > d ′ , a d ̸= 0, b d ′ ̸= 0. Alors
P +Q =
d
∑
ak X k +
d′
∑
bk X k =
k=0
k=0
d
∑
(a k + b k )X k
k=0
ce qui montre que deg(P + Q) É d = max(deg P, degQ). En outre, si d < d ′ , alors le coefficient de degré d de P + Q est a d ̸= 0, d’où
deg(P +Q) = d = max(deg P, degQ). Il en va de même si d = d ′ et a d + b d ̸= 0.
(b) Le cas où l’un des degrés est −∞ est évident. Sinon, avec les mêmes notations (sans l’hypothèse d ′ É d )
(
)
+∞
k
∑ ∑
PQ =
a ℓ b k−ℓ X k .
k=0 ℓ=0
On a déjà montré (pour la définition du produit de polynômes) que deg(PQ) É d + d ′ . Or
d∑
+d ′
ℓ=0
a ℓ b d +d ′ −ℓ = a d b d ′ ̸= 0
[[
]]
puisque b d +d ′ −ℓ = 0 si ℓ ∈ 0, d + d ′ − 1 . On en déduit que deg(PQ) = d + d ′ = deg(P ) + deg(Q).
(c) Ce résultat a déjà été prouvé.
(d) Découle de la définition et des deux premiers points. ♢
P ROPOSITION 24.20.
(Famille de polynômes échelonnée en degrés).
Soit B = (P n )n∈N ∈ K [X ]N tel que deg P n = n pour tout n ∈ N. Une telle famille est dite échelonnée en degrés. Alors B est
une base de K [X ].
♢ Démonstration. ∗ Soient n ∈ N, et (λk )0ÉkÉn tels que
n
∑
λk P k = 0. En supposant que tous les λk ne sont pas nuls et en notant
k=0
m = max{k ∈ [[0, n]] , λk ̸= 0}, on a avec les propriétés du degré
)
(
n
∑
λk P k = 0 = deg(λm P m ) = m ̸= −∞
deg
k=0
ce qui est absurde. On en déduit que B est libre, puisque toute sous-famille finie de B est incluse dans une famille de la forme
(P k )0ÉkÉn .
∗ Soit P ∈ K [X ], de degré n ∈ N. Comme (P 0 , . . . , P n ) est de cardinal n + 1, libre et incluse dans K n [X ], c’en est une base, et P est
donc combinaison linéaire de cette famille. On en déduit que Vect(B) = K [X ], et finalement que B est une base de K [X ]. ♢
C OROLLAIRE 24.21.
(Polynômes de degrés deux à deux distincts).
Toute famille de polynômes non nuls de degrés deux à deux distincts est libre.
6
CHAPITRE 24. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
♢ Démonstration. C’est une sous-famille d’une famille échelonnée en degrés, en rajoutant des polynômes des éventuels degrés
manquants. ♢
C OROLLAIRE 24.22.
(Famille finie de polynômes échelonnée en degrés).
Soient n ∈ N et B = (P k )0ÉkÉn ∈ K n [X ]n+1 tels que deg P k = k pour tout k ∈ [[0, n]]. Alors B est une base de K n [X ].
♢ Démonstration. C’est une famille libre de K n [X ] d’après ce qui précède, et contenant n + 1 = dim K n [X ] éléments. ♢
II Division euclidienne dans K [X ], idéaux et arithmétique de K [X ]
II.1 Quelques propriétés élémentaires de l’anneau K [X ]
T HÉORÈME 24.23.
(Intégrité de K [X ]).
K [X ] est un anneau intègre commutatif.
♢ Démonstration. On sait déjà que K [X ] est un anneau commutatif. Soit (P,Q) ∈ K [X ]2 tel que PQ = 0. Alors deg(PQ) = −∞ =
deg P + degQ si bien que deg P ou degQ vaut −∞, autrement dit P = 0 ou Q = 0, d’où K [X ] est intègre. ♢
T HÉORÈME 24.24.
(Inversibles de K [X ]).
Les éléments inversibles de K [X ] sont les polynômes de degré 0 (autrement dit les polynômes constants non nuls). Le
groupe (Inv(K [X ]), ×) des inversibles de K [X ] est donc isomorphe au groupe multiplicatif (K ∗ , ×).
♢ Démonstration. Soit P ∈ K [X ]. S’il existe Q ∈ K [X ] tel que PQ = 1, alors
deg(PQ) = deg P + degQ = 0
d’où deg P = degQ = 0 et P et Q sont constants non nuls. Inversement, si P est constant non nul, P = a ∈ K ∗ , alors a −1 est son
inverse dans K [X ]. ♢
Exemple 24.25.
Les inversibles de F5 [X ] sont les polynômes constants 1, 2, 3, 4.
Remarque 24.26.
(Polynômes associés).
(P,Q) ∈ K [X ]2 sont donc associés (au sens vu dans le chapitre sur les anneaux) si et seulement s’il existe c ∈ K ∗ tel que
P = cQ.
P ROPOSITION 24.27.
(Association à un polynôme unitaire).
Tout polynôme non nul de K [X ] est associé à un unique polynôme unitaire.
Exemple 24.28.
Dans F7 [X ], 3X 2 + 2X + 5 = 3(X 2 + 3X + 4).
II.2 Divisibilité
D ÉFINITION 24.29.
(Divisibilité).
Soit (P,Q) ∈ K [X ]2 . P divise Q si et seulement s’il existe A ∈ K [X ] tel que Q = AP . On note alors P |Q.
Dans ce cas, P est un diviseur de Q et Q est un multiple de P .
Exemple 24.30.
X + 1 divise X 2 − 1 = (X − 1)(X + 1).
II. DIVISION EUCLIDIENNE DANS K [X ], IDÉAUX ET ARITHMÉTIQUE DE K [X ]
P ROPOSITION 24.31.
7
(Propriétés élémentaires de la divisibilité).
On a les propriétés suivantes.
(a) La relation de divisibilité est réflexive et transitive.
(b) Si (P,Q) ∈ K [X ]2 vérifient P |Q et Q|P , alors P et Q sont associés.
(c) Si (P,Q) ∈ K [X ]2 vérifient P |Q et deg P = degQ, alors P et Q sont associés.
(d) Pour (P,Q, R) ∈ K [X ]3 , si P |Q et P |R, alors P |(AQ + B R) pour tout (A, B ) ∈ K [X ]2 .
♢ Démonstration. À part le point (c), ce sont des propriétés générales de la divisibilité dans les anneaux intègres commutatifs.
(c) Il existe R ∈ K [X ] tel que Q = P R, si bien que degQ = deg(P R) = deg P + deg R et donc deg R = 0, d’où P et Q sont associés. ♢
II.3 Division euclidienne
T HÉORÈME 24.32.
(Division euclidienne dans K [X ]).
Soit (A, B ) ∈ K [X ]2 , avec B ̸= 0. Il existe un unique couple (Q, R) ∈ K [X ]2 vérifiant les deux propriétés suivantes.
{
A = BQ + R
deg R < deg B.
L’expression A = BQ+R est la division euclidienne de A par B , Q est le quotient et R est le reste de cette division euclidienne.
♢ Démonstration. On pose E = {deg(A − BQ),Q ∈ K [X ]}. Si −∞ ∈ E , alors il existe Q ∈ K [X ] tel que A = BQ, et l’existence de la
division euclidienne est prouvée. C’est en particulier le cas si A = 0, et on exclut cette possibilité dans la suite.
Si −∞ ̸∈ E , E ⊂ N est non vide car deg A ∈ E . E possède donc un plus petit élément r Ê 0. Comme r ∈ E , il existe Q ∈ K [X ] tel que
deg(A − BQ) = r . Si l’on note R = A − BQ, on a donc A = BQ + R et deg R = r .
Si l’on suppose r Ê deg B = d , on note (c, c ′ ) ∈ K 2 les coefficients dominants (donc non nuls) respectifs de B et R. Alors
S =R−
c′
B X r −d
c
vérifie deg S < r (car les termes en X r s’annulent par construction) et
A = BQ + R = BQ + S +
(
)
c′
c′
B X r −d = B Q + X r −d + S.
c
c
c ′ r −d
X
si bien que deg S ∈ E , ce qui contredit la minimalité de r . On a donc prouvé par l’absurde
c
que r < deg B . L’existence du couple (Q, R) est donc prouvée.
On a donc S = A −B P avec P = Q +
Soit maintenant (Q 2 , R 2 ) un couple vérifiant A = BQ 2 + R 2 et deg R 2 < deg B . Alors
BQ + R = BQ 2 + R 2 ⇐⇒ B (Q −Q 2 ) = R − R 2 .
Or
deg(R − R 2 ) É max(deg R, deg R 2 ) < deg B
et si Q −Q 2 ̸= 0
deg B (Q −Q 2 ) = deg B + deg(Q −Q 2 ) Ê deg B
ce qui est absurde. On a donc nécessairement Q = Q 2 et donc R = R 2 , ce qui prouve l’unicité. ♢
Remarque 24.33.
L’existence d’une division euclidienne sur K [X ] permet de retrouver pour cet anneau la plupart des propriétés arithmétiques de Z. Il existe une théorie plus générale des anneaux euclidiens, c’est-à-dire des anneaux munis d’une division
euclidienne, dont vous pouvez voir l’esquisse ici à travers les deux exemples de votre programme, Z et K [X ].
P ROPOSITION 24.34.
(Divisibilité et division euclidienne).
Soient (P,Q) ∈ K [X ]2 avec Q ̸= 0. Alors Q|P si et seulement si le reste de la division euclidienne de P par Q est nul.
♢ Démonstration. Si Q|P , alors il existe A ∈ K [X ] tel que P = AQ, ce qui constitue l’unique division euclidienne de P par Q avec un
reste nul. La réciproque est immédiate. ♢
8
CHAPITRE 24. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
II.4 Idéaux de K [X ]
T HÉORÈME 24.35.
(Structure des idéaux de K [X ]).
Soit I un idéal de K [X ]. Alors il existe P ∈ K [X ] tel que
I = P K [X ] = {PQ,Q ∈ K [X ]}.
Si I ̸= {0}, P est de plus unique s’il est choisi unitaire.
♢ Démonstration. Si I = {0}, alors I = 0K [X ]. Sinon
E = {deg P, P ∈ I , P ̸= 0}
est une partie non vide de N dont on considère le plus petit élément d . Il existe alors P ∈ I de degré d . Par propriété d’idéal, le
produit de P par le polynôme constant égal à l’inverse de son coefficient dominant est encore dans I , ce qui permet de supposer en
outre P unitaire.
Comme I est un idéal, on a P K [X ] ⊂ I . Soit alors A ∈ I . On effectue la division euclidienne de A par P
A = PQ + R
avec (Q, R) ∈ K [X ]2 et deg R < deg P . Alors A ∈ I et PQ ∈ P K [X ] ⊂ I imposent que R = A − PQ ∈ I . Comme deg R < deg P et que
deg P = min E , ceci impose deg R ̸∈ E et donc R = 0, puis A = PQ ∈ P K [X ], d’où I ⊂ P K [X ] et finalement I = P K [X ].
Si P 2 est un générateur de I , alors P ∈ P 2 K [X ] implique que P 2 divise P , et de même P divise P 2 , donc P et P 2 sont associés. On
en conclut qu’il existe un unique polynôme unitaire P tel que I = P K [X ]. ♢
Remarque 24.36.
K [X ] est donc, comme Z, un anneau principal puisque tous ses idéaux sont principaux (c’est-à-dire engendrés par un seul
élément).
Remarque 24.37.
Ce résultat justifie l’existence du polynôme minimal d’un endomorphisme u ∈ L (E ) comme unique générateur de l’idéal
I noyau du morphisme d’anneaux
K [X ] → L (E )
.
P
7→ P (u)
Exercice 24.38.
p
Soit I = {P ∈ Q[X ], P ( 2) = 0}. Montrer que I est un idéal de Q[X ] et en donner un générateur.
Solution.
Il est clair que 0 ∈ I , que (P,Q) ∈ I 2 implique
p
p
p
(P −Q)( 2) = P ( 2) −Q( 2) = 0
donc P −Q ∈ I et I est un sous-groupe additif, et que (P,Q) ∈ I × K [X ] implique
p
p
p
(PQ)( 2) = P ( 2)Q( 2) = 0
donc
p PQ ∈ I , de sorte que PQ est un idéal de K [X ]. On peut aussi voir I comme le noyau du morphisme d’anneaux P 7→
P ( 2) de Q[X ] dans R.
p
p
Il est clair que X 2 − 2 ∈ I . Si P ∈ I vérifie deg P É 1, alors P ( 2) = 0 impose
P = λX − λ 2 avec λ ∈ R et P ∈ Q[X ], ce qui est
p
impossible puisqu’on ne peut pas avoir simultanément λ ∈ Q et λ 2 ∈ Q. On en déduit que deg P Ê 2 et donc que X 2 − 2
est le polynôme unitaire de plus petit degré de I , si bien que I = (X 2 − 2)Q[X ].
II. DIVISION EUCLIDIENNE DANS K [X ], IDÉAUX ET ARITHMÉTIQUE DE K [X ]
9
II.5 PGCD, PPCM
D ÉFINITION 24.39.
(PGCD, PPCM).
Soient (P,Q) ∈ K [X ]2 .
(a) P K [X ] ∩Q K [X ] étant un idéal de K [X ], il existe un unique M ∈ K [X ] unitaire tel que
P K [X ] ∩Q K [X ] = M K [X ].
M est le PPCM (unitaire) de P et Q. On le notera M = P ∨Q.
(b) De même, il existe un unique D ∈ K [X ] unitaire tel que
P K [X ] +Q K [X ] = D K [X ].
D est le PGCD (unitaire) de P et Q, noté D = P ∧Q.
Exemple 24.40.
(X 2 + X ) ∧ (X 3 + 1) = X + 1.
D ÉFINITION 24.41.
(PGCD et PPCM d’une famille de polynômes).
Soit (P k )1ÉkÉn ∈ K [X ]n (n Ê 1). Le PPCM et le PGCD de (P k )1ÉkÉn sont les uniques polynômes unitaires M et D tels que
n
∩
P k K [X ] = M K [X ]
k=1
On les notera M =
n
∨
k=1
T HÉORÈME 24.42.
P k et D =
n
∧
et
n
∑
P k K [X ] = D K [X ].
k=1
Pk .
k=1
(Propriétés élémentaires du PGCD et du PPCM).
Soient (P,Q) ∈ K [X ]2 .
(a) P ∨Q est le polynôme unitaire de plus petit degré à la fois multiple de P et de Q.
(b) P ∧Q est le polynôme unitaire de plus haut degré à la fois diviseur de P et de Q.
(c) Plus généralement, pour une famille (P k )1ÉkÉn ∈ K [X ]n avec n Ê 2 on a les propriétés :
n
∨
∗
P k est le polynôme unitaire de plus petit degré multiple de tous les (P k )1ÉkÉn ;
∗
k=1
n
∧
P k est le polynôme unitaire de plus haut degré diviseur de tous les (P k )1ÉkÉn .
k=1
♢ Démonstration. (a) P K [X ] ∩ QK [X ] contient exactement tous les multiples communs de P et Q. Par la preuve du théorème de
structure des idéaux de K [X ], M = P ∨Q est donc le polynôme unitaire de plus petit degré à la fois multiple de P et de Q.
(b) Posons D = P ∧ Q. Comme (P,Q) ∈ (P K [X ] + Q K [X ])2 et que P K [X ] + Q K [X ] = D K [X ], D est un diviseur commun de P et
de Q.
Soit ∆ un autre diviseur commun de P et Q. Comme P ∈ ∆ K [X ] et Q ∈ ∆ K [X ], on a D K [X ] = P K [X ] + Q K [X ] ⊂ ∆ K [X ], ce qui
montre que ∆|D, et D est bien le plus grand diviseur commun de P et Q.
La généralisation à n éléments est immédiate. ♢
D ÉFINITION 24.43.
(Polynômes premiers entre eux).
Soit (P,Q) ∈ K [X ]2 . P et Q sont premiers entre eux (ou P est premier avec Q) si et seulement si P ∧ Q = 1. Une autre
formulation de cette propriété est P K [X ] +Q K [X ] = K [X ].
Pour une famille (P k )1ÉkÉn ∈ K [X ]n , on distinguera les deux notions suivantes.
∗ Les (P k )1ÉkÉn sont premiers entre eux deux à deux si P k ∧ P ℓ = 1 pour tout (k, ℓ) ∈ [[1, n]]2 , k ̸= ℓ ;
n
∧
∗ Ils sont premiers entre eux dans leur ensemble si
P k = 1.
k=1
10
CHAPITRE 24. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
II.6 Théorème de Bézout et lemmes de Gauss
T HÉORÈME 24.44.
(Théorème de Bézout).
Soient (P,Q) ∈ K [X ]2 non nuls. P et Q sont premiers entre eux si et seulement s’il existe (U ,V ) ∈ K [X ]2 tel que
U P + V Q = 1.
♢ Démonstration. Supposons P et Q premiers entre eux. Alors
P ∧Q = 1 ⇐⇒ P K [X ] +Q K [X ] = K [X ].
En particulier, 1 ∈ P K [X ] +Q K [X ], c’est-à-dire qu’il existe (U ,V ) ∈ K [X ]2 tels que U P + V Q = 1.
Réciproquement, si de tels U et V existent et si D ∈ K [X ] divise P et Q, alors D divise 1 = PU +QV , d’où deg D = 0 et P et Q sont
premiers entre eux. ♢
Exemple 24.45.
X 2 + 1 et X 3 + X + 1 sont premiers entre eux dans C[X ] puisque U (X 3 + X + 1) + V (X 2 + 1) = 1 avec U = 1 et V = −X .
Exercice 24.46.
Soit K un sous-corps de C, et soit (P,Q) ∈ K [X ]2 . Montrer que P et Q sont premiers entre eux dans K [X ] si et seulement s’ils
le sont dans C[X ].
Solution.
Si P et Q sont premiers entre eux dans K [X ], alors par le théorème de Bézout, il existe (U ,V ) ∈ K [X ]2 tel que U P + V Q = 1.
Comme U et V sont aussi dans C[X ], alors P et Q sont premiers entre eux dans C[X ], toujours par le théorème de Bézout
(sens réciproque).
Réciproquement, si P et Q sont premiers entre eux dans C[X ] et si D ∈ K[X ] est un diviseur unitaire commun à P et Q, alors
il existe (A, B ) ∈ K [X ]2 tel que P = D A et Q = DB . Comme A, B et D sont aussi dans C[X ], alors D est un diviseur commun
à P et Q dans C[X ], si bien que D = 1, et P et Q sont premiers entre eux dans K [X ].
T HÉORÈME 24.47.
(Lemmes de Gauss).
Soient (P,Q, R) ∈ K [X ]3 . On suppose que P et Q sont premiers entre eux. On a les propriétés suivantes.
(a) Si P divise QR, alors P divise R.
(b) Si P divise R et Q divise R, alors PQ divise R.
♢ Démonstration. (a) Comme P et Q sont premiers entre eux, on considère (U ,V ) ∈ K [X ]2 tels que
PU +QV = 1
d’après le théorème de Bézout. On a alors PU R + QV R = R. Or, P divise PU R et P divise QR donc QV R. On en déduit que P divise
R = PU R +QV R, ce qu’on voulait.
(b) Posons A ∈ K [X ] tel que R = AP . Q divise AP et Q est premier avec P donc Q divise A par le point précédent. Il existe donc
B ∈ K [X ] tel que A = BQ, d’où R = B PQ et PQ divise R. ♢
Remarque 24.48.
Comme dans Z, on généralise le second point à plus deux facteurs premiers entre eux deux à deux.
Exemple 24.49.
Si X et X + 1 divisent P , alors X (X + 1) divise P .
II. DIVISION EUCLIDIENNE DANS K [X ], IDÉAUX ET ARITHMÉTIQUE DE K [X ]
C OROLLAIRE 24.50.
11
(Existence d’un couple minimal dans le théorème de Bézout).
Soient (P,Q) ∈ K [X ]2 non nuls et premiers entre eux.
(a) Si (U ,V ) ∈ K [X ]2 est tel que U P + V Q = 1, alors tout autre couple (R, S) ∈ K [X ]2 tel que RP + SQ = 1 est de la forme
(R, S) = (U + T Q,V − T P )
avec T ∈ K [X ].
(b) Si P et Q ne sont pas tous deux constants, alors il existe un couple (U ,V ) ∈ K [X ]2 tel que
{
UP +V Q = 1
degU < degQ et degV < deg P.
♢ Démonstration. (a) Si (U ,V ) ∈ K [X ]2 sont tels que U P + V Q = 1, alors pour tout T ∈ K [X ], on a
(U + T Q)P + (V − T P )Q = U P + V Q + T PQ − T PQ = 1.
Réciproquement, si (U ,V, R, S) ∈ K [X ]4 vérifient U P + V Q = RP + SQ = 1, on obtient par soustraction
P (U − R) = Q(V − S).
Comme P ∧Q = 1, on déduit du lemme de Gauss que Q|(U − R). En notant U − R = T Q avec T ∈ K [X ], il vient
U P + V Q = RP + SQ = (U + T Q)P + SQ = U P + (S + T P )Q ⇐⇒ V Q = (S + T P )Q
d’où S = V − T P , ce qu’on voulait.
(b) Soit (R, S) ∈ Z2 tel que RP + SQ = 1. On note T le quotient de la division euclidienne de S par P , et on pose U = R + T Q et
V = S − T P . Avec le (a), on a U P + V Q = 1 et degV < deg P . Mais alors
deg(U P ) = degU + deg P = deg(1 − V Q) É max(deg(1), deg(V Q)) = deg(V Q) = degV + degQ < deg P + degQ
d’où degU < degQ. ♢
T HÉORÈME 24.51.
(Théorème de Bézout pour une famille de polynômes).
n
∧
Soit (P k )1ÉkÉn ∈ K [X ]n (n Ê 1). Alors
P k = 1 si et seulement s’il existe (Uk )1ÉkÉn ∈ K [X ]n tel que
k=1
n
∑
Uk P k = 1.
k=1
♢ Démonstration. Il s’agit d’une généralisation immédiate du raisonnement fait pour deux polynômes. ♢
Remarque 24.52.
(Autres résultats).
En généralisant les résultats vus sur les entiers relatifs, on obtient immédiatement pour les polynômes des résultats similaires, par exemple des algorithmes d’Euclide et d’Euclide étendu, ou encore le fait que P R ∧ QR est associé à R(P ∧ Q) (de
même pour le PPCM) ou que PQ est associé à (P ∨Q)(P ∧Q).
II.7 Décomposition d’un polynôme en produit de facteurs irréductibles
D ÉFINITION 24.53.
(Polynôme irréductible).
Soit P ∈ K [X ]. P est irréductible si et seulement s’il vérifie les deux propriétés suivantes
(1) P n’est pas inversible (donc non constant) ;
(2) pour tout Q ∈ K [X ], Q|P implique que Q est constant ou associé à P .
Autrement dit, P non constant est irréductible si et seulement si toute égalité de la forme P = QR entraîne que Q ou R
est constant.
Remarque 24.54.
On connaît (voir la fin de ce chapitre) les polynômes irréductibles de C[X ] et de R[X ]. Ceux de Q[X ] ne peuvent pas être
déterminés aussi simplement. En particulier, il peut en exister de degré aussi grand que l’on veut : on montre par exemple
que X p − 2 est irréductible dans Q[X ] pour tout entier naturel p premier (voir feuille d’exercices en ligne).
12
CHAPITRE 24. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
T HÉORÈME 24.55.
(Les polynômes de degré 1 sont irréductibles).
Tout polynôme de K [X ] de degré 1 est irréductible.
♢ Démonstration. Soit P ∈ K [X ] de degré 1. Alors si Q divise P , degQ ∈ {0, 1}. Soit degQ = 0 et Q est inversible, soit deg(Q) = 1 et il
existe R ∈ K [X ] tel que P = QR. Or, 1 = deg P = degQ + deg R ⇒ deg R = 0, et R est donc inversible. Dans tous les cas, un des deux
facteurs est inversible, et P est donc irréductible. ♢
P ROPOSITION 24.56.
(Lemme d’Euclide).
Soient (A, B ) ∈ K [X ]2 , et P un polynôme irréductible. Si P |AB , alors P |A ou P |B .
♢ Démonstration. Supposons que P ne divise pas A. Alors comme P est irréductible, P ∧ A = 1, et donc P divise B d’après le lemme
de Gauss. ♢
T HÉORÈME 24.57.
(Décomposition en produit de facteurs irréductibles).
Soit A ∈ K [X ] de degré supérieur ou égal à 1. Alors il existe k Ê 1 polynômes unitaires irréductibles (P 1 , . . . , P k ) deux à deux
distincts, et (α1 , . . . , αk ) ∈ (N∗ )k tels que
k
∏
α
A =U
Pi i
i =1
où degU = 0. Cette décomposition est unique à l’ordre des termes près.
♢ Démonstration. On peut supposer A unitaire sans perte de généralité.
Commençons par prouver l’existence d’une décomposition. Soit
D = {deg P, P |A, P non constant}.
D est non vide car A étant de degré supérieur ou égal à 1, on a deg A ∈ D. On peut donc poser p = min D et choisir un diviseur P de
A de degré p.
Si P n’était pas irréductible, alors il aurait un diviseur Q tel que 0 < degQ < deg P , qui serait donc aussi un diviseur de A et
contredirait la minimalité de p. Tout polynôme A ∈ K [X ] possède donc un diviseur irréductible.
Raisonnons ensuite par récurrence : tout polynôme de degré 1 étant irréductible possède trivialement une décomposition sous
la forme annoncée. Supposons que pour n Ê 1 fixé, tous les polynômes de degré k ∈ [[1, n]] aient une décomposition en produit de
facteurs irréductibles sous la forme annoncée, et soit A ∈ K [X ] de degré n + 1. Alors
– si A est irréductible, il possède trivialement une décomposition ;
– si A n’est pas irréductible, il possède un diviseur irréductible P tel que 1 É deg P < n + 1. Alors Q ∈ K [X ] tel que A = PQ est
un polynôme tel que 1 É degQ É n, ce qui permet d’appliquer l’hypothèse de récurrence à Q. Alors A = PQ possède également
une décomposition, ce qui achève la récurrence et montre que tout polynôme possède une décomposition en produit de facteurs
irréductibles.
Penchons-nous désormais sur l’unicité : soit
A=
k
∏
i =1
α
Pi i =
ℓ
∏
j =1
Q j βj
deux décompositions de A avec k Ê 1 polynômes irréductibles (P i )1Éi Ék , ℓ Ê 1 polynômes irréductibles (Q j )1É j Éℓ , et (αi )1Éi Ék ∈
(N∗ )k , (β j )1É j Éℓ ∈ (N∗ )ℓ .
Soit i ∈ [[1, k]]. P i divise
ℓ
∏
j =1
Q j β j . D’après la proposition précédente, P i divise l’un des Q j et donc lui est égal. Par symétrie des
rôles joués par les deux décompositions, on en déduit que ce sont les mêmes facteurs irréductibles qui interviennent dans les deux.
Quitte à les réordonner de façon identique, on obtient
k
∏
i =1
α
Pi i =
k
∏
i =1
β
Pi i .
α
Pour i ∈ [[1, k]] fixé, on peut par exemple supposer αi É βi , et simplifier cette expression par P i i :
k
∏
j =1
j ̸=i
αj
βi −αi
P j = Pi
k
∏
j =1
j ̸=i
αj
Pj .
Le terme de gauche n’étant plus divisible par P i , celui de droite non plus, ce qui impose βi − αi = 0, et prouve finalement l’unicité
de la décomposition. ♢
III. FONCTIONS POLYNÔMES ET RACINES
13
Remarque 24.58.
Si tous les P i sont de plus choisis unitaires, U est alors égal au coefficient dominant de A.
Exercice 24.59.
Décomposer X 4 + 1 en produit de facteurs irréductibles dans R[X ].
Solution.
p
p
X 4 + 1 = (X 2 + 1)2 − 2X 2 = (X 2 + 2X + 1)(X 2 − 2X + 1).
Remarque 24.60.
Un anneau possédant une décomposition en produit de facteurs irréductibles est dit factoriel. Un théorème général affirme
que tout anneau principal est factoriel, par l’intermédiaire d’un théorème de Bézout et de lemmes de Gauss et d’Euclide
analogues à ceux énoncés ici. L’unicité de la décomposition n’est en revanche pas toujours vraie dans les anneaux principaux.
T HÉORÈME 24.61.
(Expressions du PGCD et du PPCM).
Soient (A, B ) ∈ K [X ]2 de degrés au moins 1. On considère (P 1 , . . . P k ) la liste de tous les facteurs premiers apparaissant dans
les décompositions de A et B avec
k
k
∏
∏
β
α
A =U
P i i et B = V
Pi i
i =1
i =1
2
où (U ,V ) ∈ Inv(K [X ]) et (α1 , . . . , αk ), (β1 , . . . , βk ) sont des familles d’entiers naturels (éventuellement nuls si l’un des P i
apparaît dans la décomposition de l’un et pas de l’autre). On note pour tout i ∈ [[1, k]], m i = min(αi , βi ) et M i = max(αi , βi ).
On a alors
k
k
∏
∏
M
m
A ∨B =
P i i et A ∧ B =
Pi i .
i =1
♢ Démonstration. Il est clair que
α
β
k
∏
i =1
Mi
Pi
i =1
est un multiple de A et B . En outre, si C est un multiple de A et B , alors C est en particulier
M
multiple de P i i et de P i i pour tout i ∈ [[1, k]], donc de P i i . On déduit d’une généralisation immédiate du second lemme de Gauss
k
∏
M
que C est multiple de
P i i qui est sonc bien le plus petit multiple commun de A et B . Le raisonnement est analogue pour le
PGCD. ♢
i =1
Exemple 24.62.
(X 2 + 5X + 6) ∧ (X 3 + 1) = X − 5, (X 2 + 5X + 6) ∨ (X 3 + 1) = X 4 + 3X 3 + X + 3 dans F7 [X ].
III Fonctions polynômes et racines
III.1 Évaluation d’un polynôme, fonctions polynômes, racines
P ROPOSITION 24.63.
(Évaluation d’un polynôme, fonction polynôme).
Soit x ∈ K . L’application
ex : P =
+∞
∑
k=0
a k X k 7→
+∞
∑
ak x k
k=0
est un morphisme d’algèbres de K [X ] dans K , appelé évaluation en x.
Pour P ∈ K [X ], on pose alors
+∞
∑
a k x k = P (x). Ceci définit une application
k=0
P̃ : x 7→ P (x) = e x (P )
de K dans K , appelée fonction polynôme associée à P .
14
CHAPITRE 24. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
♢ Démonstration. La propriété de morphisme découle de la définition de la multiplication des polynômes et de la formule du
produit de Cauchy des séries absolument convergentes, qui coïncident. ♢
Remarque 24.64.
On confond souvent le polynôme P et la fonction polynôme P̃ associée, mais ce sont cependant deux objets différents.
P ROPOSITION 24.65.
(Propriétés élémentaires de l’évaluation).
Avec les notations précédentes, on a pour tout (P,Q) ∈ K [X ]2 et tout λ ∈ K les égalités suivantes.
„
(a) P
+Q = P̃ + Q̃.
f
(b) λP = λP̃ .
g = P̃ Q̃.
(c) PQ
(d) P‚
◦ Q = P̃ ◦ Q̃.
(e) Pe′ = (P̃ )′ dans le cas K = R.
Remarque 24.66.
En particulier, P 7→ P̃ est un morphisme d’algèbres de K [X ] dans C (K , K ), et même de R[X ] dans C ∞ (R, R) lorsque K = R.
Il est injectif lorsque K est un sous-corps de C.
♢ Démonstration. La vérification est immédiate dans chaque cas et découle des définitions. ♢
D ÉFINITION 24.67.
(Racine).
Soient P ∈ K [X ] et a ∈ K . a est une racine de P si et seulement si P (a) = 0.
III.2 Formule de Taylor
T HÉORÈME 24.68.
(Formule de Taylor).
On suppose que K est un sous-corps de C. Soient P ∈ K [X ] et a ∈ K . On a alors l’égalité
P=
+∞
∑
P (n) (a)
(X − a)n .
n!
n=0
♢ Démonstration. La famille ((X − a)n )n∈N est échelonnée en degrés donc forme une base de K [X ] : il existe une unique (λn )n∈N ∈
+∞
∑
K (N) telle que P =
λn (X − a)n . Par un calcul immédiat, on a alors P (n) (a) = n!λn pour tout n ∈ N ce qui achève la preuve. ♢
n=0
III.3 Polynômes scindés
P ROPOSITION 24.69.
(Puissances de X − a).
Pour (a, b) ∈ K 2 , a ̸= b, et (α, β) ∈ (N∗ )2 , (X − a)α et (X − b)β sont premiers entre eux.
♢ Démonstration. Pour (a, b) ∈ K 2 distincts, la relation évidente
U (X − a) − V (X − b) = 1
1
montre que X − a et X − b sont premiers entre eux par le théorème de Bézout. (X − a)α et (X − b)β sont alors
b−a
directement donnés par leur décomposition en produit de facteurs irréductibles, d’où leur PGCD qui vaut bien 1. ♢
avec U = V =
D ÉFINITION 24.70.
(Polynôme scindé).
P ∈ K [X ] de degré au moins 1 est scindé si et seulement si tous les facteurs irréductibles de la décomposition de P sont
de degré 1. Autrement dit, P est scindé s’il existe λ ∈ K ∗ , k ∈ N∗ , (a i )1Éi Ék ∈ K k deux à deux distincts et (αi )1Éi Ék ∈ (N∗ )k ,
tels que
k
∏
P = λ (X − a i )αi .
i =1
III. FONCTIONS POLYNÔMES ET RACINES
15
III.4 Propriétés des racines
T HÉORÈME 24.71.
(Factorisation d’un polynôme connaissant une racine).
Soient P ∈ K [X ], et a ∈ K . a est une racine de P si et seulement si X − a divise P .
♢ Démonstration. Soit
P = (X − a)Q + R
la division euclidienne de P par X − a. Comme deg R < deg(X − a) = 1, R est un polynôme constant.
Alors a est une racine de P si et seulement si P (a) = R(a) = 0, donc si et seulement si R = 0, ce qui est encore équivalent à dire
que X − a divise P . ♢
D ÉFINITION 24.72.
(Multiplicité d’une racine).
Pour P ∈ K [X ] et a ∈ K , a est une racine de P d’ordre de multiplicité m Ê 1 (ou simplement d’ordre m ou de multiplicité
m) si et seulement si (X − a)m divise P et (X − a)m+1 ne divise pas P .
a est une racine simple si m = 1, double si m = 2, etc., et plus généralement multiple si m Ê 2.
Exemple 24.73.
2 est racine triple de (X − 2)3 (X + 1) dans R[X ].
T HÉORÈME 24.74.
(Nombre de racines d’un polynôme scindé).
P ∈ K [X ] de degré n Ê 1 est scindé si et seulement s’il possède n racines, comptées avec leur multiplicité.
♢ Démonstration. Si P est scindé, il existe (a i )1Éi Ék ∈ K k , et (αi )1Éi Ék ∈ (N∗ )k avec k Ê 1 et λ ∈ K ∗ tels que P = λ
k
∏
i =1
(X − a i )αi d’où
l’on tire aussitôt que P les (a i )1Éi Ék ∈ K k sont des racines de P , de multiplicités respectives (αi )1Éi Ék ∈ (N∗ )k dont la somme vaut
bien n par considération de degré. Or, pour tout x ∈ K
P (x) = 0 ⇐⇒
k
∏
i =1
(x − a i )αi = 0
⇐⇒ ∃i ∈ [[1, k]] , x − a i = 0
par intégrité de K , de sorte que P n’a pas d’autre racine dans K , ce qui conclut le sens direct.
Réciproquement, supposons que P possède pour racines (a i )1Éi Ék ∈ K k de multiplicités respectives (αi )1Éi Ék ∈ (N∗ )k avec k Ê 1
k
∏
et
αi = n. Alors (X − a i )αi divise P pour tout i ∈ [[1, k]], et d’après le second lemme de Gauss
(X − a i )αi divise P . Comme ces
k
∑
i =1
deux polynômes sont de degré n, ils sont associés, d’où le résultat. ♢
i =1
Exemple 24.75.
X 2 + 1 n’est pas scindé sur R. X 3 − 1 n’est pas scindé, mais pas irréductible non plus puisque X 3 − 1 = (X − 1)(X 2 + X + 1).
Exercice 24.76.
Soit P ∈ Q[X ] de degré supérieur ou égal à 2.
(a) Quel lien logique y a-t-il entre les deux propositions : « P est irréductible dans Q[X ] » et « P n’a pas de racines dans Q » ?
(b) Étudier le cas deg P É 3.
Solution.
(a) Si P ∈ Q[X ] est irréductible de degré supérieur ou égal à 2, il n’a pas de racine dans Q (sinon on le factoriserait par
un terme de la forme X − α). La réciproque est fausse en général, comme le prouve l’exemple de (X 2 + 1)2 qui n’est pas
irréductible (c’est immédiatement un produit de deux polynômes de degré 2 à coefficients dans Q) mais n’a pas de racine
rationnelle.
(b) Si deg P É 3, alors la réciproque est vraie. En effet, si deg P = 3 et si P n’est pas irréductible dans Q[X ], il est nécessairement un produit d’un facteur de degré 1 et d’un facteur de degré 2, et celui de degré 1 a une racine. Il en va de même si
deg P = 2, c’est alors un produit de deux facteurs de degré 1. Par contraposée, si P n’a pas de racine dans Q, il est irréductible.
16
CHAPITRE 24. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
T HÉORÈME 24.77.
(Condition suffisante de nullité d’un polynôme).
Soit P ∈ K [X ] non nul. Alors P possède au plus deg P racines, comptées avec leur multiplicité.
Par contraposition, pour n ∈ N, si P ∈ K n [X ] compte plus de n racines (comptées avec leur multiplicité), en particulier s’il
en a une infinité, alors P = 0.
♢ Démonstration. Soit P ∈ K [X ] un polynôme non nul. Si P n’a pas de racine, il en a donc moins de deg P Ê 0. Sinon, notons
(a 1 , . . . , a k ) les k ∈ N∗ racines deux à deux distinctes de P et (α1 , . . . , αk ) ∈ (N∗ )k leurs ordres de multiplicité respectifs. Alors (X −a i )αi
k
∏
divise P pour tout i ∈ [[1, k]], donc (X − a i )αi également puisqu’ils sont premiers entre eux deux à deux (second lemme de Gauss),
et donc deg P Ê
k
∑
i =1
i =1
αi , ce qu’on voulait. ♢
D ÉFINITION 24.78.
(Polynôme simplement scindé).
P ∈ K [X ] est scindé à racines simples ou simplement scindé s’il possède excatement deg P racines simples.
T HÉORÈME 24.79.
(Ordre de multiplicité d’une racine et dérivées successives).
Soit P ∈ K [X ] et a une racine de P .
(a) Si a est de multiplicité m Ê 1, alors a est une racine de tous les polynômes P (k) pour k ∈ [[0, m − 1]].
(b) Si P (a) = P ′ (a) = 0, alors a est une racine multiple de P .
♢ Démonstration. (a) Si a est racine de multiplicité m de P , il existe Q ∈ K [X ] tel que P = (X − a)m Q avec Q(a) ̸= 0. Pour tout
k ∈ [[0, m − 1]], il vient par la formule de Leibniz
P
(k)
( )
( )
k k
k k
∑
∑
m!
m (i ) (k−i )
=
((X − a) ) Q
=
(X − a)m−i Q (k−i ) .
i =0 i
i =0 i (m − i )!
On en déduit que P (k) (a) = 0 puisque m − i > 0 pour tout i É k É m − 1.
(b) Si a est racine simple de P , alors P = (X − a)Q avec Q(a) ̸= 0 si bien que P ′ = Q + (X − a)Q ′ vérifie P ′ (a) = Q(a) ̸= 0. On en
déduit le résultat annoncé par contraposée. ♢
T HÉORÈME 24.80.
(Ordre de multiplicité d’une racine et dérivées successives, cas des sous-corps de C).
Soit P ∈ K [X ] et a une racine de P , où K est un sous-corps de C, on a l’équivalence entre les propriétés suivantes.
(i) a est de multiplicité m Ê 1.
(ii) a est une racine des polynômes (P (k) )0ÉkÉm−1 et n’est pas une racine de P (m) .
♢ Démonstration. Le sens direct est issu du cas général, en notant que
P
(m)
( )
m m
∑
m!
=
(X − a)m−i Q (m−i )
i
(m
−
i
)!
i =0
vérifie P (m) (a) = m!Q(a) ̸= 0 puisque K est un sous-corps de C. Étudions la réciproque : on a par la formule de Taylor
P=
où Q =
+∞
∑
+∞
∑ P (k) (a)
P (k) (a)
(X − a)k =
(X − a)k = (X − a)m Q
k!
k!
k=0
k=m
+∞
∑
P (k) (a)
P (m) (a)
(X − a)k−m vérifie Q(a) =
̸= 0, ce qui montre que a est bien racine de multiplicité m de P . ♢
k!
m!
k=m
Exercice 24.81.
Soit M ∈ Mn (C) telle que M 3 + M − I n = 0. Montrer que M est diagonalisable.
Solution.
Il suffit de montrer que les racines complexes de P = X 3 + X −1, qui est annulateur de P , sont simples. Or, on a P ′ = 3X 2 +1
i
dont les racines complexes sont ± p . On vérifie qu’elles ne sont pas racines de P . On en conclut que les racines complexes
3
de P ne sont pas racines de P ′ et sont donc des racines simples.
III. FONCTIONS POLYNÔMES ET RACINES
17
III.5 Relations entre coefficients et racines d’un polynôme
T HÉORÈME 24.82.
(Relations entre coefficients et racines d’un polynôme).
Soit P ∈ K [X ] un polynôme de degré n Ê 1 scindé, de racines (r k )1ÉkÉn où chaque racine figure autant de fois dans la liste
que son ordre de multiplicité. On note
n
∑
P=
ak X k
k=0
la décomposition de P dans la base canonique de K [X ] avec a n ̸= 0. Alors pour tout k ∈ [[1, n]]
∑
k
∏
1Éi 1 <...<i k Én j =1
♢ Démonstration. On a P =
n
∑
k=0
ak X k = an
des coefficients sur la base canonique. ♢
n
∏
ℓ=1
r i j = (−1)k
a n−k
.
an
(X − r ℓ ), et le développement du produit de droite donne le résultat par identification
Exemple 24.83.
Soient P = aX 3 + bX 2 + c X + d ∈ C[X ], a ̸= 0, et (r 1 , r 2 , r 3 ) ses racines complexes. Alors
r1 + r2 + r3 = −
b
c
d
; r1r2 + r1r3 + r2r3 = ; r1r2r3 = − .
a
a
a
On retrouve aisément ces relations en développant
P = a(X − r 1 )(X − r 2 )(X − r 3 )
= aX 3 − a(r 1 + r 2 + r 3 )X 2 + a(r 1 r 2 + r 1 r 3 + r 2 r 3 )X − r 1 r 2 r 3 .
Exercice 24.84.
Soient P = aX 3 + bX 2 + c X + d ∈ C[X ], a ̸= 0, et (r 1 , r 2 , r 3 ) ses racines. Expliciter r 12 + r 22 + r 32 en fonction de a, b, c.
Solution.
On a
r 12 + r 22 + r 32 = (r 1 + r 2 + r 3 )2 − 2(r 1 r 2 + r 1 r 3 + r 2 r 3 ) =
b 2 − 2ac
.
a2
III.6 Rappels sur les polynômes interpolateurs de Lagrange
T HÉORÈME 24.85.
(L’interpolation définit une bijection).
Soient n ∈ N∗ et (x k )0ÉkÉn ∈ K n+1 des scalaires deux à deux distincts. Alors l’application d’interpolation θ de K n [X ] dans
K n+1 définie par
θ : P 7→ (P (x 0 ), . . . , P (x n ))
est un isomorphisme d’espaces vectoriels.
D ÉFINITION 24.86.
(Polynômes interpolateurs de Lagrange).
Dans le cadre du théorème précédent, l’image par θ −1 de la base canonique de K n+1 est une base (L k )0ÉkÉn de K n [X ]
appelée base des polynômes interpolateurs de Lagrange aux points (x k )0ÉkÉn .
Les polynômes de Lagrange possèdent l’expression explicite suivante : pour tout k ∈ [[0, n]]
Lk =
n X −x
∏
i
.
x
−
x
i
k
i =0
i ̸=k
♢ Démonstration. Si P ∈ Ker θ, alors P (x k ) = 0 pour tout k ∈ [[0, n]]. Or, deg P É n et P possède au moins n + 1 racines distinctes, si
bien que P = 0. On en déduit que θ est injective et donc bijective par argument dimensionnel.
Pour démontrer la validité de l’expression explicite fournie, on vérifie simplement que l’image de (L k )0ÉkÉn par θ est bien la base
18
CHAPITRE 24. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
canonique de K n+1 . Or, pour tout k ∈ [[0, n]], on constate sur sa définition que L k (x j ) = 0 lorsque j ∈ [[0, n]] \ {k} et que L k (x k ) = 1, de
sorte que
θ(L k ) = (L k (x 0 ), . . . , L k (x n )) = (δk, j )0É j Én
ce qu’on voulait ♢
P ROPOSITION 24.87.
(Propriétés élémentaires des polynômes de Lagrange).
On garde les notations du théorème précédent.
(a) (L k )0ÉkÉn est l’unique famille de polynômes de K n [X ] vérifiant
L k (x j ) = δk, j
pour tout ( j , k) ∈ [[0, n]]2 .
(b) Pour tout P ∈ K n [X ], on a la décomposition suivante de P sur (L k )0ÉkÉn
P=
n
∑
P (x k )L k .
k=0
♢ Démonstration. (a) La relation a déjà été prouvée, l’unicité d’une telle famille découle du fait que θ est un isomorphisme.
(
)
n
∑
(b) On vérifie immédiatement que θ(P ) = (P (x k ))0ÉkÉn = θ
P (x k )L k ce qui donne le résultat par injectivité. ♢
k=0
Exercice 24.88.
n
∑
(a) Avec les notations précédentes, que vaut
Lk ?
k=0
(b) Toujours avec les mêmes notations, quel est le reste de la division euclidienne de P ∈ K [X ] par B =
n
∏
(X − x k ) ?
k=0
(c) Pour K = R, expliciter la famille (L −1 , L 1 , L 2 ) ∈ R2 [X ]3 des polynômes interpolateurs de Lagrange associés à (−1, 1, 2) et
donner la décomposition de 3X 2 − X + 4 sur cette base.
Solution.
(a) Le polynôme constant égal à 1 vérifie 1 =
n
∑
1 × Lk =
k=0
n
∑
L k ce qui répond directement à la question.
k=0
(b) On a P = BQ + R avec R ∈ K n [X ] puisque deg B = n + 1, puis P (x k ) = B (x k )Q(x k ) + R(x k ) = R(x k ) pour tout k ∈ [[0, n]],
n
∑
d’où R =
P (x k )L k .
k=0
(c) La famille (L −1 , L 1 , L 2 ) ∈ R2 [X ]3 est définie par
L −1 =
et de même
L1 = −
(X − 1)(X − 2)
(X − 1)(X − 2)
=
(−1 − 1)(−1 − 2)
6
(X + 1)(X − 2)
2
;
L2 =
(X + 1)(X − 1)
.
3
La décomposition de P = 3X 2 − X + 4 sur cette base est donnée par
P = P (−1)L −1 + P (1)L 1 + P (2)L 2 = 8L −1 + 6L 1 + 14L 2 .
Remarque 24.89.



Avec les mêmes notations, la matrice de θ dans les bases canoniques de K n [X ] et K n+1 est 


que
det θ = Vn (x 0 , . . . , x n ) =
est un déterminant de Vandermonde.
∏
0Éi < j Én
(x j − x i )
1
1
..
.
1
x0
x1
..
.
xn
...
...
..
.
...
x 0n
x 1n
..
.
x nn



 de sorte


III. FONCTIONS POLYNÔMES ET RACINES
19
III.7 Polynômes irréductibles de R[X ] et de C[X ]
D ÉFINITION 24.90.
(Corps algébriquement clos).
Le corps K est algébriquement clos si et seulement si tout polynôme de K [X ] de degré au moins 1 est scindé.
Remarque 24.91.
Autrement dit, K est algébriquement clos si et seulement si les seuls polynômes irréductibles de K [X ] sont ceux de degré
1.
T HÉORÈME 24.92.
(Théorème de d’Alembert-Gauss).
Le corps C est algébriquement clos.
I DÉE GÉNÉRALE DE LA DÉMONSTRATION . Dans la preuve proposée ici, on montre d’abord qu’un polynôme P non constant possède un
minimum (en module) sur C, puis, par l’absurde, que ce minimum est nul : dans le cas contraire, partant d’un point où le minimum
est atteint, on trouve une une direction dans laquelle le module de P décroît strictement.
♢ Démonstration (Hors programme). Soit P ∈ C[X ] de degré d Ê 1. On montre que P est scindé en deux temps. Tout d’abord, on
montre que P possède au moins une racine, en considérant l’application z 7→ |P (z)| et en démontrant qu’elle possède un minimum
sur C qui est nécessairement nul. Ensuite, par une récurrence facile, on démontre que P a d racines.
Montrons donc que u : z 7→ |P (z)| atteint un minimum global sur C. En notant P =
d
∑
a k X k avec (a 0 , . . . , a d ) ∈ Cd +1 et a d ̸= 0, on
k=0
a pour tout z ∈ C par la seconde inégalité triangulaire, puis la première
¯
¯
¯d∑
¯
−1
d∑
−1
d ¯
k¯
|P (z)| Ê |a d | |z| − ¯
a k z ¯ Ê |a d | |z|d −
|a k | |z k |.
¯k=0
¯
k=0
Or
|a d | |z|d −
d∑
−1
|a k | |z k |
k=0
∼
|z|→+∞
|a d | |z|d
qui diverge vers +∞ quand |z| tend vers +∞. On en déduit qu’il existe R > 0 tel que
|z| > R ⇒ |P (z)| > |P (0)|.
u est par ailleurs continue sur le compact D(0, R) et y atteint donc un minimum en un point z 0 . Pour tout z ∈ C :
∗ soit z ∈ D(0, R), et alors |P (z 0 )| É |P (z)| par définition de z 0 ;
∗ soit z ∈ C \ D(0, R), et alors |P (z 0 )| É |P (0)| É |P (z)| par définition de R et du fait que 0 ∈ D(0, R).
u atteint donc un minimum global sur C en z 0 .
Notre but est alors de prouver que P (z 0 ) = 0, et pour cela, on raisonne par l’absurde en supposant que m = P (z 0 ) ̸= 0. Montrons
qu’il existe alors, dans un voisinage de z 0 , un point z tel que |P (z)| < |P (z 0 )|, ce qui aboutira à une contradiction. On simplifie
d’abord les notations en posant
1
Q(X ) = P (X + z 0 ).
m
Q est alors un polynôme complexe de degré d tel que Q(0) = 1 et dont le module atteint un minimum global (égal à 1) en 0. On note
d
∑
b k X k avec (b 0 , . . . , b d ) ∈ Cd +1 et b 0 = 1, b d ̸= 0.
Q=
k=0
On définit p = min{k ∈ [[1, d ]] , b k ̸= 0}, de sorte que pour tout z ∈ C
Q(z) = 1 + b p z p +
d
∑
b k z k = 1 + b p z p + z p ε(z)
k=p+1
avec lim ε(z) = 0. On va simplement choisir z proche de 0 et tel que b p z p soit un réel strictement négatif. En notant b p = r ei θ la
z→0
forme exponentielle de b p avec r > 0 et θ ∈ R, on choisit z = t e
−i θ+π
p
avec t ∈ R∗+ . Il vient
Q(z) = 1 − r t p − t p e−i θ ε(t e
−i θ+π
p
On choisit alors t > 0 suffisamment proche de 0 pour que 0 < r t p < 1 et |ε(t e
|Q(z)| = |1 − r t p − t p e−i θ ε(t e
−i θ+π
p
)| É |1 − r t p | + t p |ε(t e
).
−i θ+π
p
−i θ+π
p
r
)| É . Alors
2
)| É 1 − r t p + t p
r
r
= 1−tp < 1
2
2
20
CHAPITRE 24. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
ce qui est contradictoire puisque min |Q(z)| = |Q(0)| = 1.
z∈C
On a donc montré par l’absurde que P (z 0 ) = 0, et donc que P possède une racine sur C.
On montre enfin que P est scindé sur C. On sait déjà qu’il s’écrit
P (X ) = (X − z 0 )R(X )
avec deg R = d −1. Si d Ê 2, R possède à son tour une racine, et par une récurrence élémentaire, on montre bien que P est scindé sur
C♢
Remarque 24.93.
On rappelle que si P ∈ R[X ] possède une racine complexe α ∈ C \ R, alors α est également racine de P avec le même ordre
de multiplicité. En effet
P (α) = P (α) = 0
et la multiplicité est obtenue en appliquant le même raisonnement aux dérivées successives de P .
C OROLLAIRE 24.94.
(Éléments irréductibles de R[X ] et de C[X ]).
(a) Les éléments irréductibles de C[X ] sont les polynômes de degré 1.
(b) Les éléments irréductibles de R[X ] sont les polynômes de degré 1, et ceux de degré 2 à discriminant strictement négatif.
♢ Démonstration. (a) On sait déjà que les polynômes de degré 1 sont irréductibles. De plus, tout polynôme de degré au moins 2
étant scindé, il s’écrit comme le produit de polynômes de degré 1 et n’est donc pas irréductible.
(b) Il suffit de scinder P sur C et de regrouper les éventuelles racines imaginaires par paires de conjuguées, ce qui donne les
termes de degré 2 à discriminant négatif. ♢
C OROLLAIRE 24.95.
(Décomposition en produit de facteurs irréductibles dans C[X ] et R[X ]).
(a) Soit P ∈ C[X ] de degré au moins 1. Il existe k ∈ N∗ , (a i )1Éi Ék ∈ Ck deux à deux distincts et (αi )1Éi Ék ∈ (N∗ )k , tels que
P =λ
k
∏
i =1
(X − a i )αi
où λ ∈ C∗ le coefficient dominant de P .
(b) Soit P ∈ R[X ] de degré au moins 1. Il existe (k, p) ∈ N2 , l’un des deux au moins étant non nul, et des coefficients
(a i )1Éi Ék ∈ Rk deux à deux distincts, (b j , c j )1É j Ép ∈ (R2 )p des couples deux à deux distincts et vérifiant b 2j − 4c j < 0, et
(αi )1Éi Ék ∈ (N∗ )k , (β j )1É j Ép ∈ (N∗ )p , tels que
P =λ
k
∏
i =1
(X − a i )αi
p
∏
j =1
(X 2 + b j X + c j )β j
où λ ∈ R∗ le coefficient dominant de P .
Exercice 24.96.
Soit (P,Q) ∈ K [X ]2 . Quel lien logique y a-t-il entre les deux propositions : « P et Q sont premiers entre eux » et « P et Q n’ont
pas de racine commune » ?
Solution.
Si P et Q sont premiers entre eux, ils n’ont pas de racine commune (si a ∈ K était une racine commune de P et Q, X − a
en serait un diviseur commun). La réciproque est fausse comme le montre l’exemple de X (X 2 + 1) et (X + 1)(X 2 + 1) dans
R[X ].
C OROLLAIRE 24.97.
(Polynômes premiers entre eux dans les sous-corps de C).
Lorsque K est un sous-corps de C, P et Q dans K [X ] sont premiers entre eux si et seulement s’ils n’ont pas de racine
complexe commune.
IV. FRACTIONS RATIONNELLES
21
IV Fractions rationnelles
IV.1 Construction du corps des fractions rationnelles sur le corps K
Remarque 24.98.
Pour simplifier les notations, on pose dans toute cette sous-section E = K [X ] et E ′ = K [X ] \ {0}.
D ÉFINITION 24.99.
(Relation d’équivalence sur les couples de polynômes).
On définit sur E × E ′ la relation ∝ suivante : pour tout (P,Q, R, S) ∈ (E × E ′ )2
(P,Q) ∝ (R, S) ⇐⇒ P S = QR.
Il s’agit d’une relation d’équivalence sur E × E ′ .
♢ Démonstration. Réflexivité. Pour tout (P,Q) ∈ E × E ′ , PQ = PQ donc (P,Q) ∝ (P,Q).
Symétrie. Pour tout (P,Q, R, S) ∈ (E × E ′ )2 , P S = QR ⇐⇒ RQ = SP donc (P,Q) ∝ (R, S) ⇐⇒ (R, S) ∝ (P,Q).
Transitivité. Pour tout (P,Q, R, S, T,U ) ∈ (E × E ′ )3 , si P S = QR et RU = ST , alors P SU = QRU = QST donc PU = QT puisque S ̸= 0
c’est-à-dire (P,Q) ∝ (T,U ). ♢
Remarque 24.100.
R
P
= . Bien entendu, cette écriture n’est pas encore définie
Q S
P
à ce stade, mais il est bon, à tout moment, de se rappeler qu’un couple (P,Q) est voué à devenir rapidement la fraction .
Q
(a) L’idée de cette relation est d’identifier les couples tels que
(b) On constate immédiatement que pour tout (P,Q, R) ∈ E × E ′2
(P R,QR) ∝ (P,Q).
D ÉFINITION 24.101.
(Ensemble des fractions rationnelles).
L’ensemble des fractions rationnelles sur K est l’ensemble des classes d’équivalence de la relation d’équivalence précédente. Cet ensemble est noté K (X ).
Remarque 24.102.
Pour (P,Q) ∈ E × E ′ , on note dans la suite (P,Q) sa classe d’équivalence pour ∝ (notation temporaire, en attendant de
P
pouvoir l’écrire ).
Q
D ÉFINITION 24.103.
(Addition et multiplication des fractions rationnelles).
Pour tout (F,G) ∈ K (X )2 , il existe (P,Q, R, S) ∈ (E × E ′ )2 tel que F = (P,Q) et G = (R, S). On pose alors
F +G = (P S +QR,QS)
et
F ×G = (P R,QS).
Les lois de compositions internes + et × ainsi définies sont bien définies sur K (X ), en ce sens qu’elles sont indépendantes
des représentants (P,Q, R, S) ∈ (E × E ′ )2 choisis.
♢ Démonstration. Soit (P 2 ,Q 2 , R 2 , S 2 ) ∈ (E × E ′ )2 tel que F = (P 2 ,Q 2 ) et G = (R 2 , S 2 ). On a alors
PQ 2 = P 2Q
et RS 2 = R 2 S
de sorte que
(P S +QR)Q 2 S 2 = P SQ 2 S 2 +QRQ 2 S 2 = P 2 SQS 2 +QR 2Q 2 S = (P 2 S 2 +Q 2 R 2 )QS
c’est-à-dire que
(P S +QR,QS) = (P 2 S 2 +Q 2 R 2 ,Q 2 S 2 ).
Un travail similaire montre que
(P R,QS) = (P 2 R 2 ,Q 2 S 2 )
22
CHAPITRE 24. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
ce qui montre bien l’indépendance de la définition de ces lois quant au choix des représentants. ♢
T HÉORÈME 24.104.
(Structure de corps de K (X )).
Le triplet (K (X ), +, ×) est un corps. L’élément neutre pour la loi + est
0K (X ) = (0, 1)
et l’élément neutre pour la loi × est
1K (X ) = (1, 1).
′
Pour tout (P,Q) ∈ E × E , le symétrique de (P,Q) pour + est
−(P,Q) = (−P,Q)
et si P ̸= 0, le symétrique de (P,Q) pour × est
(P,Q)
−1
= (Q, P )
♢ Démonstration. Il s’agit de vérifications élémentaires, quoiqu’un peu longues. À titre d’exemple, on montre ici la distributivité de
× sur +. Il suffit pour cela de revenir aux représentants : pour tout (F,G, H ) ∈ K (X )3 , en notant (P,Q), (R, S), (T,U ) des représentants
respectifs de F , G et H , on a
(F +G) × H = ((P S +QR)T,QSU ) = (P ST,QSU ) + (QRT,QSU ) = (P ST,QSU ) + (QRT,QSU ) = (P T,QU ) + (RT, SU ) = F × H +G × H .
On procède de même pour toutes les autres vérifications. ♢
Notation 24.105.
(Notations usuelles pour les fractions rationnelles).
Pour tout (P,Q) ∈ E × E ′ , on note
F = (P,Q) =
P
.
Q
Cette notation n’est pas unique. La loi multiplictative sera traditionnellement notée sans symbole : pour tout (F,G) ∈ K (X )2
F ×G = FG.
Les éléments neutres additif et multiplicatif seront respectivement notés
(0, 1) = 0
(1, 1) = 1
et
et d’une façon générale, pour tout P ∈ K [X ] On note
(P, 1) = P.
Remarque 24.106.
(a) On a immédiatement pour (P,Q, R) ∈ E 2 × E ′
P +Q P Q
= + .
R
R R
(b) De même, pour (P,Q, R, S) ∈ E × E ′3
P
Q
R
S
=
PS
.
QR
IV.2 Fractions irréductibles
D ÉFINITION 24.107.
(Forme irréductible d’une fraction rationnelle).
Soit F ∈ K (X ). Il existe (P,Q) ∈ E × E ′ tel que P ∧Q = 1 et
F=
P
.
Q
Une telle écriture est appelée forme irréductible de F . Si on impose une condition supplémentaire (par exemple Q unitaire), une telle écriture est alors unique.
♢ Démonstration. Soit F ∈ K (X ) : il existe (R, S) ∈ K [X ]2 tel que F =
R
. On considère alors D = R ∧ S : il existe (P,Q) ∈ E × E ′ tel que
S
IV. FRACTIONS RATIONNELLES
23
R = DP , S = DQ et P ∧Q = 1, et il vient
F=
R DP
P
=
= . ♢
S DQ Q
Exemple 24.108.
X4 +1
est irréductible car (X 4 + 1) ∧ (X 2 + 1) = 1, par exemple avec le théorème de Bézout en notant que
X2 +1
1 4
1
(X + 1) − (X 2 − 1)(X 2 + 1) = 1.
2
2
P ROPOSITION 24.109.
(Réduction au même dénominateur).
Soit (P,Q, R, S) ∈ (E × E ′ )2 . Alors
P R PU + RV
+ =
Q S
Q ∨S
où (U ,V ) ∈ K (X )2 sont tels que
Q ∨ S = QU = SV.
♢ Démonstration. Quitte à multiplier les deux fractions en haut et en bas par les inverses des coefficients dominants de Q et S, on
suppose ces deux polynômes unitaires. Posons D = Q ∧ S : il existe (U ,V ) ∈ K [X ]2 tel que U ∧ V = 1 et Q = DV , S = DU . On a alors
D 2 V U = QS = (Q ∨ S)(Q ∧ S) = D(Q ∨ S).
Il vient en simplifiant par D
Q ∨ S = QU = SV.
En revenant à la définition de la somme de deux fractions rationnelles, on obtient
P R P S + RQ P DU + RDV
PU + RV
+ =
=
=
Q S
QS
(Q ∨ S)D
Q ∨S
comme souhaité. ♢
Exemple 24.110.
1
X3 −1
+
1
X2 −1
=
X 2 + 2X + 2
.
(X − 1)(X + 1)(X 2 + X + 1)
Remarque 24.111.
Avec les notations du théorème précédent, même si
P
R
PU +QV
et sont irréductibles, ce n’est pas le cas en général de
.
Q
S
Q ∨S
Exemple 24.112.
1
1
X
1
−
=
=
.
X 2 X 2 (X + 1) X 2 (X + 1) X (X + 1)
Remarque 24.113.
La totalité du travail précédent peut être généralisée en remplaçant K [X ] par un anneau intègre commutatif quelconque
A. On obtient alors le corps des fractions de A. Un tel travail permet, par exemple, de construire le corps Q à partir de Z, ou
encore le corps K (X 1 , . . . , X n ) des fractions rationnelles à n ∈ N∗ indéterminées à partir de K [X 1 , . . . , X n ].
24
CHAPITRE 24. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
IV.3 Structure d’algèbre de K (X )
P ROPOSITION 24.114.
(Algèbre K (X )).
Pour tout F ∈ K [X ] de la forme F =
P
avec (P,Q) ∈ E × E ′ et pour tout λ ∈ K , on définit la loi externe
Q
(λ, F ) 7→ λ · F =
λP
.
Q
(K (X ), +, ×, ·) est une K -algèbre commutative.
♢ Démonstration. Il ne reste qu’à vérifier les axiomes concernant la loi externe, ainsi que la compatibilité entre · et ×, ce qui est
immédiat. ♢
Notation 24.115.
(Loi externe de K (X )).
La loi externe est usuellement notée sans symbole, comme une multiplication traditionnelle.
P ROPOSITION 24.116.
(K et K [X ] comme sous-algèbres de K (X )).
x
de K dans K (X ) permet d’identifier K comme sous-algèbre de K (X ).
1
P
De même, l’injection triviale P 7→ de K [X ] dans K (X ) permet d’identifier K [X ] comme sous-algèbre de K (X ).
1
L’injection triviale x 7→
IV.4 Degré des fractions rationnelles
D ÉFINITION 24.117.
(Degré d’une fraction rationnelle).
Soit F ∈ K (X ), de la forme F =
P
avec (P,Q) ∈ E × E ′ . Le degré de F est l’élément de Z ∪ {−∞} défini par
Q
deg(F ) = deg(P ) − deg(Q).
Cette quantité est indépendante du représentant
P
choisi.
Q
♢ Démonstration. Soient (P,Q, R, S) ∈ (E × E ′ )2 tel que F =
P R
= . Alors P S = QR de sorte que
Q S
deg(P ) + deg(S) = deg(Q) + deg(R)
ce qui donne bien
deg(P ) − deg(Q) = deg(R) − deg(S). ♢
Exemple 24.118.
deg
X3 +1
X
X2
= 1, deg
= 0, deg 4
= −2.
2
X +X
X −1
X +1
Remarque 24.119.
(a) La fraction rationnelle nulle est l’unique fraction rationnelle de degré −∞.
(b) K [X ] \ {0} est inclus dans (mais non confondu avec) l’ensemble des fractions rationnelles de degré positif ou nul.
P ROPOSITION 24.120.
(Propriétés du degré des fractions rationnelles).
Soit (F,G) ∈ K (X )2 . On a alors les propriétés suivantes, avec des conventions évidentes pour la fraction nulle.
(a) deg(F +G) É max(deg(F ), deg(G)).
(b) deg(FG) = deg(F ) + deg(G).
♢ Démonstration. (a) Si F =
P
R
et G = avec (P,Q, R, S) ∈ (E × E ′ )2 , alors
Q
S
deg(F +G) = deg(P S +QR)−deg(QS) É max(deg(P S), deg(QR))−deg(QS) = max(deg(P )+deg(S), deg(Q)+deg(R))−deg(Q)−deg(S).
IV. FRACTIONS RATIONNELLES
25
Si deg(P ) + deg(S) Ê deg(Q) + deg(R), il vient
deg(F +G) É deg(P ) + deg(S) − deg(Q) − deg(S) = deg(P ) − deg(Q) = deg(F ).
De même, si deg(P ) + deg(S) É deg(Q) + deg(R), alors deg(F + G) É deg(G), et on a bien deg(F + G) É max(deg(F ), deg(G)) en toute
généralité.
(b) Avec les mêmes notations, on a aussitôt
deg(FG) = deg(P R) − deg(QS) = deg(P ) − deg(Q) + deg(R) − deg(S) = deg(F ) + deg(G). ♢
IV.5 Dérivation des fractions rationnelles
D ÉFINITION 24.121.
(Dérivation des fractions rationnelles).
Soit F ∈ K (X ), de réprésentation F =
P
avec (P,Q) ∈ E ×E ′ . La fraction rationnelle dérivée de F (ou simplement la dérivée
Q
de F ) est
F′ =
P ′Q − PQ ′
.
Q2
Cette définition est indépendante des représentants choisis.
♢ Démonstration. Supposons que F =
QR ′ − P S ′ puis
P R
= avec (P,Q, R, S) ∈ (E ×E ′ )2 , alors P S = QR donc P ′ S +P S ′ = Q ′ R +QR ′ ⇐⇒ P ′ S −Q ′ R =
Q S
P ′Q − PQ ′ P ′QS − PQ ′ S P ′QS −QQ ′ R P ′ S −Q ′ R QR ′ − P S ′ QR ′ S − P S ′ S QR ′ S −QS ′ R R ′ S − S ′ R
=
=
=
=
=
=
=
Q2
Q 2S
Q 2S
QS
QS
QS 2
QS 2
S2
(
ce qui donne bien
P
Q
)′
=
( )′
R
.♢
S
P ROPOSITION 24.122.
(Propriétés élémentaires de la dérivation des fractions rationnelles).
On a les propriétés suivantes.
(a) L’application D : F 7→ F ′ est un endomorphisme de K (X ).
(b) Pour tout F ∈ K (X ), deg(F ′ ) < deg F .
(c) On a pour tout (F,G) ∈ K (X )2 la relation
(FG)′ = FG ′ + F ′G.
♢ Démonstration. (a) Pour tout (F,G) ∈ K (X )2 de représentation F =
(F + λG)′ =
=
(
P S + λQR
SQ
P
R
et G = avec (P,Q, R, S) ∈ (E × E ′ )2 , et pour tout λ ∈ K
Q
S
)′
P S ′ SQ + P ′ S 2Q + λQ ′ RSQ + λQ 2 R ′ S − P SS ′Q − P S 2Q ′ − λQ 2 RS ′ − λQRSQ ′
(SQ)2
Q 2 R ′ S −Q 2 RS ′
P ′ S 2Q − P S 2Q ′
+
λ
(QS)2
(SQ)2
′
′
′
P Q − PQ
R S − RS
=
+λ
Q2
S2
=
= F ′ + λG ′
comme voulu.
(b) Avec les mêmes notations
deg(F ′ ) = deg(P ′Q − PQ ′ ) − deg(Q 2 )
É max(deg(P ′ ) + deg(Q), deg(P ) + deg(Q ′ )) − 2 deg(Q)
É deg(P ) + deg(Q) − 1 − 2 deg(Q) = deg(P ) − deg(Q) − 1 < deg(F ).
(c) Toujours avec les mêmes notations
(FG)′ =
(
PR
QS
)′
=
P ′ RQS + P R ′QS − P RQ ′ S − P RQS ′ P R ′QS − P RQS ′ P ′ RQS − P RQ ′ S P R ′ S − RS ′ P ′Q − PQ ′ R
=
+
=
+
= F ′G +FG ′
Q 2S2
Q 2S2
Q 2S2
Q
S2
Q2
S
26
CHAPITRE 24. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
comme voulu. ♢
Remarque 24.123.
En général, pour F ∈ K (X ), deg(F ′ ) n’est pas nécessairement égal à deg(F ) − 1.
Exemple 24.124.
Si F =
X
, deg(F ) = 0 mais
X +1
deg(F ′ ) = deg
(
)
1
= −2.
(X + 1)2
IV.6 Parties entières
D ÉFINITION 24.125.
(Partie entière d’une fraction rationnelle).
P
avec (P,Q) ∈ E ×E ′ . La partie entière de F est le quotient A de la division euclidienne
Q
de P par Q. En notant R le reste de cette division euclidienne, on a alors
Soit F ∈ K (X ) de représentant F =
F = A+
R
.
Q
Exemple 24.126.
La partie entière de
X4 +1
est X 2 − 1 puisque
X2 +1
X 4 + 1 = (X 2 − 1)(X 2 + 1) + 2.
On a alors
P ROPOSITION 24.127.
X4 +1
2
= X2 −1+ 2
.
X2 +1
X +1
(Unicité de la partie entière).
Soit F ∈ K (X ). Il existe un unique (A,G) ∈ E × K (X ) avec deg(G) < 0 tel que
F = A +G.
Dans ce cas, A est la partie entière de F .
♢ Démonstration. On écrit F sous forme irréductible F =
P
avec P ∧Q = 1, puis
Q
P = AQ + R
avec (A, R) ∈ K [X ]2 et deg(R) < deg(Q) la division euclidienne de P par Q. Alors
F=
avec G =
P
R
= A + = A +G
Q
Q
R
de degré strictement négatif. Considérons une autre écriture F = B + H avec B ∈ K [X ] et H ∈ K (X ), deg(H ) < 0. Alors
Q
A +G = B + H ⇐⇒ A − B = H −G.
Comme deg(H −G) É max(deg(H ), deg(G)) < 0, on a donc A −B ∈ K [X ] avec deg(A −B ) < 0 donc deg(A −B ) = −∞, si bien que A = B
puis G = H . ♢
P ROPOSITION 24.128.
(Linéarité de la partie entière).
L’application qui associe à une fraction rationnelle sa partie entière est linéaire sur K (X ).
♢ Démonstration. Soient (F,G) ∈ K (X )2 et λ ∈ K . Il existe deux couples uniques (A, H ) et (B, I ) dans K [X ]×K (X ) tels que deg(H ) < 0
et deg(I ) < 0 et F = A + H , G = B + I , A et B étant les parties entières respectives de F et G. On a alors
F + λG = (A + λB ) + H + λI .
IV. FRACTIONS RATIONNELLES
27
Comme A + λB ∈ K [X ] et H + λI ∈ K (X ) est de degré strictement négatif, par unicité, la partie entière de F + λG est bien A + λB , ce
qui prouve bien la linéarité de la partie entière. ♢
IV.7 Évaluation des fractions rationnelles, fonctions rationnelles, racines, pôles
P ROPOSITION 24.129.
(Évaluation d’une fraction rationnelle, fonction rationnelle).
Soit x ∈ K . L’application
ex : F =
P
P (x)
7→
Q
Q(x)
de K (X ) dans K est appelée évaluation en x. Elle est définie sur K \ Q −1 ({0}).
Pour F =
P (x)
P
∈ K (X ), et x ∈ K \ Q −1 ({0}), on pose F (x) =
. Ceci définit une application
Q
Q(x)
F̃ : x 7→ F (x) = e x (F )
de K \ Q −1 ({0}) dans K , appelée fonction rationnelle associée à F .
Remarque 24.130.
Comme pour les polynômes, on confond parfois la fraction rationnelle F et la fonction rationnelle F̃ associée, ce qui n’est
d’ailleurs pas toujours pertinent pour des raisons de domaine de définition.
P ROPOSITION 24.131.
(Propriétés élémentaires de l’évaluation).
Avec les notations précédentes, on a pour tout (F,G) ∈ K (X )2 et tout λ ∈ K les égalités suivantes.
„
(a) F
+G = F̃ + G̃.
f
(b) λF = λF̃ .
g = F̃ G̃.
(c) FG
(d) Fe′ = (F̃ )′ dans le cas K = R.
♢ Démonstration. La vérification est immédiate dans chaque cas et découle des définitions. ♢
D ÉFINITION 24.132.
(Racine, pôle).
P
avec (P,Q) ∈ E × E ′ et P ∧Q = 1, et a ∈ K .
Q
(a) a est une racine de F si et seulement si P (a) = 0.
Soient F ∈ K (X ) de forme irréductible F =
(b) a est un pôle de F si et seulement si Q(a) = 0.
Remarque 24.133.
Comme P ∧Q = 1, on ne peut pas avoir simultanément P (a) = 0 et Q(a) = 0.
D ÉFINITION 24.134.
(Multiplicité d’une racine, d’un pôle).
P
avec (P,Q) ∈ E × E ′ , P ∧Q = 1, et a ∈ K .
Q
(a) Si a est une racine de F , son ordre de multiplicité est son ordre de multplicité en tant que racine de P .
Soient F ∈ K (X ) de forme irréductible F =
(b) De même, si a est un pôle de F , son ordre de multiplicité est son ordre de multplicité en tant que racine de Q.
Remarque 24.135.
Comme pour les racines des polynômes, on parlera de racine ou de pôle simple, double, etc., et plus généralement multiple.
Exemple 24.136.
(a) 1 est une racine double de
(b)
X3
X2+X
+1
X 2 − 2X + 1
(X − 1)2
X −1
et
une
racine
simple
de
=
.
2
2
X
X − 3X + 2 X − 2
ne possède aucun pôle dans R et deux pôles simples dans C, à savoir j = ei
2π
3
et j 2 .
28
CHAPITRE 24. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
IV.8 Décomposition en éléments simples
Pour démontrer, ici dans toute sa généralité, le théorème de décomposition en éléments simples, on énonce plusieurs lemmes
préparatoires. Toutes les démonstrations, et, hormis dans le cas des corps R et C, tous les résultats de cette sous-section sont horsprogramme, mais constituent des exercices classiques très intéressants.
L EMME 24.137.
(Décomposition selon les puissances d’un polynôme fixe (Hors-programme)).
Soient Q ∈ K [X ] de degré q Ê 1, et m ∈ N∗ . Pour tout P ∈ K qm−1 [X ], il existe un unique m-uplet (R 0 , . . . , R m−1 ) ∈ K q−1 [X ]m
tel que
m−1
∑
P=
Rk Q k .
k=0
♢ Démonstration (Hors programme). L’application φ : K q−1 [X ]m → K qm−1 [X ] définie par
φ : (R 0 , . . . , R m−1 ) 7→
m−1
∑
Rk Q k
k=0
est évidemment linéaire, et si (R 0 , . . . , R m−1 ) ∈ Ker φ, alors
m−1
∑
R k Q k = 0.
k=0
Si l’on suppose que les (R 0 , . . . , R m−1 ) ne sont pas tous nuls, alors on a en posant k 0 = max{k ∈ [[0, m − 1]] , R k ̸= 0}
(
)
k∑
0 −1
k0
k
deg(R k0 Q ) Ê k 0 q > deg
Rk Q
k=0
puisque deg(R k Q k ) É q − 1 + qk = q(k + 1) − 1 < qk 0 pour tout k ∈ [[0, k 0 − 1]]. Il vient
(
)
m−1
∑
k
deg
R k Q = qk 0
k=0
ce qui est absurde puisque ce polynôme est nul. Il en résulte que Ker φ = {0}, et donc que φ est injectif. Comme
dim(K q−1 [X ]m ) = mq = dim(K qm−1 [X ])
φ est bijectif, ce qui traduit exactement pour tout P ∈ K qm−1 [X ] l’existence et l’unicité de (R 0 , . . . , R m−1 ) ∈ K q−1 [X ]m tel que
P = φ(R 0 , . . . , R m−1 ) =
m−1
∑
Rk Q k . ♢
k=0
P ROPOSITION 24.138.
programme)).
(Décomposition en éléments simples pour les dénominateurs puissances d’irréductible (Hors-
Soient Q ∈ K [X ] un polynôme irréductible de degré q Ê 1, m ∈ N∗ et P ∈ K [X ] premier avec Q et tel que deg P < deg(Q m ).
Alors il existe un unique (R 1 , . . . , R m ) ∈ K q−1 [X ]m tel que
m R
∑
P
k
=
.
m
k
Q
Q
k=1
♢ Démonstration. En multipliant la relation voulue par Q m , on constate qu’elle est équivalente, à renversement d’indices près, à
celle du lemme précédent. ♢
L EMME 24.139.
(Application résultante de deux polynômes (Hors-programme)).
Soit (P,Q) ∈ K [X ]2 , de degrés respectifs deg(P ) = p ∈ N∗ et deg(Q) = q ∈ N∗ . Alors l’application
φ : K q−1 [X ] × K p−1 [X ] → K p+q−1 [X ]
définie par
φ : (U ,V ) 7→ U P + V Q
est un isomorphisme d’espaces vectoriels si et seulement si P ∧Q = 1.
♢ Démonstration (Hors programme). φ est trivialement linéaire. Supposons que φ soit un isomorphisme d’espaces vectoriels. Elle
en en particulier surjective, et il existe donc (U ,V ) ∈ K q−1 [X ] × K p−1 [X ] tel que
φ(U ,V ) = 1 ⇐⇒ U P + V Q = 1
IV. FRACTIONS RATIONNELLES
29
de sorte que P ∧Q = 1 par le théorème de Bézout.
Réciproquement, supposons que P ∧Q = 1, et considérons (U ,V ) ∈ Ker φ. On a alors
U P = −V Q
donc P |V Q, puis P |V par le lemme de Gauss. Comme degV < deg P , ceci impose V = 0. On montre de même que U = 0 et donc
Ker φ = {(0, 0)} si bien que φ est injective, puis bijective car
dim(K q−1 [X ] × K p−1 [X ]) = p + q = dim(K p+q−1 [X ]). ♢
Remarque 24.140.
Ce résultat permet de redémontrer l’existence (et l’unicité si P et Q sont tous deux de degré supérieur ou égal à 1) d’un
couple minimal dans le théorème de Bézout.
T HÉORÈME 24.141.
(Décomposition en éléments simples dans K (X ) (Hors-programme)).
Soit F ∈ K (X ), de forme irréductible F =
(donc non nul) et P ∧Q = 1. On considère
P
avec (P,Q) ∈ K [X ]2 tels que Q est unitaire et de degré supérieur ou égal à 1
Q
Q=
d
∏
k=1
α
Qk k
la décomposition de Q en produit de facteurs irréductibles dans K [X ], avec d ∈ N∗ , (Q 1 , . . . ,Q d ) ∈ K [X ]d des polynômes
irréductibles deux à deux distincts, de degrés respectifs (q 1 , . . . , q d ) et (α1 , . . . , αd ) ∈ (N∗ )d . Alors il existe un unique A ∈ K [X ]
et une unique famille (R 1,1 , . . . , R 1,α1 , . . . , R d ,1 , . . . , R d ,αd ) ∈ K q1 −1 [X ]α1 × . . . × K qd −1 [X ]αd telle que
F=
αk
d ∑
∑
R k,ℓ
P
= A+
.
ℓ
Q
k=1 ℓ=1 Q
k
♢ Démonstration (Hors programme). ∗ On considère d’abord la partie entière A de F . Alors F − A est de la forme
P2
avec deg(P 2 ) <
Q
degQ.
∗ On est ramené ainsi au cas où deg(F ) < 0, ce qu’on suppose dans toute la suite : jusqu’à la fin de la preuve de l’existence, on
considère le cas où deg P < degQ. On raisonne alors par récurrence sur d , le cas d = 1 faisant l’objet de la proposition précédente sur
le cas d’un dénominateur puissance d’irréductible. Supposons que le résultat d’existence soit établi pour un entier d − 1 ∈ N∗ fixé,
d∏
−1
α
et considérons (P,Q) vérifiant deg P < degQ, avec toutes les notations de l’énoncé. D’après le lemme précédent, comme
Qk k
k=1
(
)
d∏
−1
( αd )
αd
αk
2
et Q d sont premiers entre eux et que deg P < degQ = deg
Q k + deg Q d , il existe un unique couple (U ,V ) ∈ K [X ] tel que
degU < αd q, deg(V ) <
d∑
−1
k=1
αk q et
k=1
U
d∏
−1
k=1
Il vient
α
α
Q k k + V Q d d = P.
U
V
P
=
+
.
Q Q αd d −1 αk
d
Π Qk
k=1
En appliquant la propostion sur le cas d’un dénominateur puissance d’irréductible à
U
α
Qd d
, et l’hypothèse de récurrence à
V
q−1
Π
k=1
α
Qk k
,
on aboutit bien à une décomposition de la forme voulue pour F . Ceci achève la récurrence et montre l’existence d’une décomposition en éléments simples pour F .
∗ Montrons maintenant l’unicité de cette décomposition. Supposons que A ∈ K [X ], (R 1,1 , . . . , R 1,α1 , . . . , R d ,1 , . . . , R d ,αd ) ∈ K q1 −1 [X ]α1 ×
. . . × K qd −1 [X ]αd , B ∈ K [X ] et (S 1,1 , . . . , S 1,α1 , . . . , S d ,1 , . . . , S d ,αd ) ∈ K q1 −1 [X ]α1 × . . . × K qd −1 [X ]αd vérifient
F = A+
αk
d ∑
∑
R k,ℓ
k=1 ℓ=1
Q kℓ
=B+
αk
d ∑
∑
S k,ℓ
k=1 ℓ=1
Q kℓ
.
Alors le polynôme A − B est somme de fractions toutes de degré strictement négatif, donc nul, si bien que A = B et donc
αk
d ∑
∑
R k,ℓ − S k,ℓ
k=1 ℓ=1
Q kℓ
= 0.
30
CHAPITRE 24. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
α
α
On multiplie cette égalité par Q = Q 1 1 . . .Q d d . Pour tout k ∈ [[1, d ]], tous les termes de la somme obtenue sont alors multiples de
Q k , hormis, a priori le terme R k,αk − S k,αk , qui doit donc également être multiple de Q k . Cependant, deg(R k,αk − S k,αk ) < degQ k
par hypothèse, et donc R k,αk = S k,αk . On peut donc simplifier le terme correspondant dans l’égalité précédente, et recommencer
α −1
autant que nécessaire (multiplier par Q k k et constater que Q k divise R k,αk −1 −S k,αk −1 etc.). On obtient bien ainsi l’égalité des deux
familles de polynômes, et l’unicité de la décomposition en éléments simples. ♢
T HÉORÈME 24.142.
(Décomposition en éléments simples dans C(X )).
Soit F ∈ C(X ), de forme irréductible F =
non nul) et P ∧Q = 1. On considère
P
avec (P,Q) ∈ C[X ]2 tels que Q est unitaire et de degré supérieur ou égal à 1 (donc
Q
Q=
q
∏
(X − a k )αk
k=1
la décomposition de Q en produit de facteurs irréductibles dans C[X ], avec q ∈ N∗ , (a 1 , . . . , a q ) ∈ Cq deux à deux distincts
et (α1 , . . . , αq ) ∈ (N∗ )q . Alors il existe un unique A ∈ C[X ] et une unique famille (c 1,1 , . . . , c 1,α1 , . . . , c q,1 , . . . , c q,αq ) ∈ Cα1 +...+αq
telle que
q ∑
αk
∑
c k,ℓ
P
F = = A+
.
ℓ
Q
k=1 ℓ=1 (X − a k )
T HÉORÈME 24.143.
(Décomposition en éléments simples dans R(X )).
Soit F ∈ R(X ), de forme irréductible F =
non nul) et P ∧Q = 1. On considère
P
avec (P,Q) ∈ R[X ]2 tels que Q est unitaire et de degré supérieur ou égal à 1 (donc
Q
(
Q=
q
∏
)(
(X − a k )
k=1
αk
r
∏
ℓ=1
)
2
(X + b k X + c k )
βk
la décomposition de Q en produit de facteurs irréductibles dans R[X ], avec (q, r ) ∈ N2 et q + r Ê 1 (les cas où q ou r est
nul correspondant à l’absence des termes correspondants), (a 1 , . . . , a q ) ∈ Cq deux à deux distincts, (α1 , . . . , αq ) ∈ (N∗ )q ,
((b ℓ , c ℓ ))1ÉℓÉr deux à deux distincts tels que b ℓ2 −4c ℓ < 0 pour tout ℓ ∈ [[1, r ]], et (β1 , . . . , βr ) ∈ (N∗ )r . Alors il existe un unique
A ∈ R[X ] et des familles uniques (u 1,1 , . . . , u 1,α1 , . . . , u q,1 , . . . , u q,αq ) ∈ Rα1 +...+αq , (v 1,1 , . . . , v 1,β1 , . . . , v r,1 , . . . , v r,βr ) ∈ Rβ1 +...+βr ,
(w 1,1 , . . . , w 1,β1 , . . . , w r,1 , . . . , w r,βr ) ∈ Rβ1 +...+βr telles que
F=
q ∑
βℓ
αk
r ∑
∑
∑
v ℓ, j X + w ℓ, j
u k,i
P
= A+
+
.
i
2
j
Q
k=1 i =1 (X − a k )
ℓ=1 j =1 (X + b ℓ X + c ℓ )
♢ Démonstration. Il s’agit d’applications directes du théorème général, compte tenu de la forme des irréductibles de R[X ] et de
C[X ]. ♢
Remarque 24.144.
On renvoie au polycopié en ligne « Calculs » pour un grand nombre de méthodes pratiques et d’exemples de décompositions en éléments simples.
Exercice 24.145.
Pour n ∈ N∗ , décomposer
1
en éléments simples.
X (X + 1) . . . (X + n)
IV. FRACTIONS RATIONNELLES
31
Solution.
Il existe (a 0 , . . . , a n ) ∈ Rn+1 tels que
n
∑
1
ak
=
.
X (X + 1) . . . (X + n) k=0 X + k
En multipliant cette égalité par X + k pour k ∈ [[0, n]] fixé et en évaluant le résultat en −k, il vient
( )
1
(−1)k
(−1)k n
ak =
=
=
(−k)(−k + 1) . . . (−1)(1) . . . (n − k) k!(n − k)!
n! k
si bien que
( )
n n (−1)k
1 ∑
1
=
.
X (X + 1) . . . (X + n) n! k=0 k X + k
IV.9 Cas d’un pôle simple, décomposition de
P ROPOSITION 24.146.
(Coefficient de
P′
P
1
lorsque a est un pôle simple).
X −a
Pour (P,Q) ∈ K [X ]2 avec P ∧Q = 1 et degQ Ê 1, si a est un pôle simple de
en éléments simples de
P
P (a)
est ′
.
Q
Q (a)(X − a)
P
1
, alors le terme en
dans la décomposition
Q
X −a
♢ Démonstration. a étant racine simple de Q, il existe R ∈ K [X ] tel que Q = (X − a)R. Notons qu’on obtient par dérivation
Q ′ = R + (X − a)R ′
et donc
Q ′ (a) = R(a)
par évaluation en a. On a alors d’après le théorème de décomposition en éléments simples l’existence de c ∈ K tel que
P
c
=
+G
Q X −a
où G est une fraction rationnelle dont a n’est pas un pôle. Par multiplication par X − a, il vient
P
= c + (X − a)G
R
puis c =
P (a)
par évaluation en a, ou encore
R(a)
c=
P (a)
Q ′ (a)
ce qu’on voulait. ♢
Exercice 24.147.
Soit n Ê 2.
1
en éléments simples dans C(X ).
−1
∑ ωp
(b) Pour tout p ∈ [[1, n]], écrire
sous forme irréductible
ω∈Un X − ω
(a) Décomposer
Xn
32
CHAPITRE 24. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
Solution.
(a) P n = X n − 1 =
∏
ω∈Un
(X − ω) est la décomposition de X n − 1 en produit de facteurs irréductibles. Tous les pôles étant
simples, en notant que pour tout ω ∈ Un
P n′ (ω) = nωn−1 =
il vient avec le résultat précédent
n
ω
ω
1
1 ∑
=
.
− 1 n ω∈Un X − ω
Xn
(b) Comme
∑
ω∈Un
ωp
est de degré strictement négatif, il existe P ∈ Cn−1 [X ] tel que
X −ω
∑
ω∈Un
et on a alors pour tout ω ∈ Un
ωp
P
= n
.
X −ω X −1
P (ω)
= ωp ⇐⇒ P (ω) = nωp−1 .
nωn−1
P coïncide ainsi en n points distincts avec le polynôme nX p−1 et lui est donc égal puisqu’ils sont tous deux de degré
strictement inférieur à n : on aboutit à
∑ ω2
nX p−1
= n
.
X −1
ω∈Un X − ω
P ROPOSITION 24.148.
(Décompostion en éléments simples de
Soit P ∈ K [X ] scindé, P = c
d
∏
P′
).
P
(X − a k )αk avec un coefficient dominant c ∈ K ∗ , des racines (a 1 , . . . , a d ) ∈ K d deux à deux
k=1
distinctes (d Ê 1) et de multiplicités respectives (α1 , . . . , αd ) ∈ (N∗ )d . On a alors
d
αk
P′ ∑
.
=
P k=1 X − a k
♢ Démonstration. On a
P′ = c
d
∑
k=1
αk (X − a k )αk −1
d
∏
ℓ=1
ℓ̸=k
(X − a ℓ )αℓ
ce qui donne immédiatement
d
P′ ∑
αk
=
P k=1 X − a k
comme voulu. ♢
Remarque 24.149.
P′
a tous ses pôles simples.
P
(b) On rencontre de nombreuses applications classiques de ce résultat : voir vos feuilles de TD et d’exercices.
(a) Ce résultat découle aussi du précédent puisque
Exercice 24.150.
Déterminer tous les polynômes on nuls P ∈ C[X ] tels que P ′ divise P .
Solution.
P
∈ K 1 [X ] : il existe
P′
′
1
P
P
1
1
(λ, a) ∈ K∗ × K tel que ′ = λ(X − a), d’où
, puis P est de la forme c(X − a) λ . Ceci impose = d . Finalement,
=
P
P
λ(X − a)
λ
les solutions sont les polynômes c(X − a)d avec (a, c) ∈ K × K ∗ et d ∈ N∗ .
On note d = deg P ∈ N∗ (les polynômes constants ne sont pas solutions). P ′ est de degré d − 1 donc
IV. FRACTIONS RATIONNELLES
33
Exercice 24.151.
Soient (P,Q) ∈ K [X ]2 scindés, avec P ∧Q = 1 et PQ ̸= 0. Donner la décomposition en éléments simples de
P
F′
où F = .
F
Q
Solution.
On a aussitôt F ′ =
En écrivant P = c
P ′Q − PQ ′
et donc
Q2
d
∏
k=1
évidentes, on a donc
(X − a k )αk et Q = c ′
F ′ P ′Q − PQ ′ P ′ Q ′
=
=
− .
F
PQ
P
Q
d′
∏
(X − b k )βk les décompositions des ces deux polynômes, avec des notations
k=1
d
d′
∑
F′ ∑
αk
βk
=
−
.
F k=1 X − a k k=1 X − b k
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