Polynômes et Fractions rationnelles

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24. Polynômes et fractions rationnelles
Dans tout ce chapitre, Kdésigne un corps quelconque, le programme se limitant officiellement aux cas des sous-corps de C.
I Algèbre K[X]
Cette section reprend dans les grandes lignes la construction de K[X] qui a été vue en première année dans les cas de Ret C.
I.1 Définitions et premières propriétés
DÉFINITION 24.1. (Polynôme, coefficients).
(a) Un polynôme à coefficients dans Kest une suite presque nulle d’éléments de Kindexée par N.
(b) L’ensemble des polynômes à coefficients dans Kest noté K(N)=K[X].
(c) Pour P=(ak)kNK[X], les (ak)kNK(N)sont les coefficients de P.
DÉFINITION 24.2. (Degré d’un polynôme).
Soit P=(ak)kNK[X]. Si Pest non identiquement nul, le degré de Pest
degP=max{kN,ak̸=0}.
Par convention, le polynôme nul (dont tous les coefficients sont nuls) est de degré −∞.
PROPOSITION 24.3. (Propriétés élémentaires des polynômes).
On a les propriétés suivantes.
(a) K[X] est un K-espace vectoriel pour les lois internes et externes définies pour tout ((ak)kN,(bk)kN)(K(N))2et tout
λKpar
(ak)kN+(bk)kN=(ak+bk)kN
et
λ(ak)kN=(λak)kN.
(b) Pour nN, l’ensemble Kn[X] des polynômes de K[X] de degré inférieur ou égal à nen est un sous-espace vectoriel.
Démonstration. Il suffit de montrer que K(N)est un sous-espace vectoriel de KN=F(N,K), ce qui est immédiat, de même que
pour Kn[X].
Remarque 24.4.
On définit la valuation d’un polynôme Pnon nul comme par val(P)=min{kN,ak̸=0}, avec la convention val(0) =+∞.
I.2 Multiplication des polynômes et écriture usuelle
DÉFINITION 24.5. (Multiplication des polynômes).
Soient P=(ak)kNet Q=(bk)kNdeux polynômes de K[X]. On définit le produit PQ =(ck)kNpar la relation suivante
pour tout kN(produit de convolution ou produit de Cauchy)
ck=
k
=0
abk.
Démonstration. La seule chose à montrer est que la famille (ck) est presque nulle dès que (ak) et (bk) le sont. Or, si d=degP,
d=degQ, et si kÊd+d+1, alors pour tout [[0,d]],abk=0 car kÊd+1, et pour tout [[d+1,k]],abk=0 car
Êd+1. On en déduit que (ck)kNest nulle à partir du rang d+d+1.
THÉORÈME 24.6. (Structure d’algèbre de K[X]).
Le quadruplet (K[X],+,·,×) est une K-algèbre commutative. Les polynômes 0 =(0,0,...) et 1 =(1,0,0,...) en sont les élé-
ments neutres additif et multiplicatif respectivement.
2 CHAPITRE 24. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
Démonstration. K[X] est un sous-espace vectoriel de KN, de neutre additif 0KN.
La multiplication des polynômes est associative. En effet, pour tous P=(ak)kN,Q=(bk)kN,R=(ck)kN, on a
(PQ)R=k
m=0m
=0
abmckmkN
=k
m=0
m
=0
abmckmkN
=k
=0
k
m=
abmckmkN
(permutation de sommes)
=k
=0
k
m=0
abmckmkN
(décalage d’indice en m)
=k
=0
ak
m=0
bmckmkN=P(QR)
La multiplication des polynômes est commutative : pour tous P=(ak)kN,Q=(bk)kN, par renversement de la somme
PQ =k
=0
abkkN=k
=0
akbkN=QP.
La multiplication des polynômes est distributive sur l’addition : pour tous P=(ak)kN,Q=(bk)kN,R=(ck)kN, on a
(P+Q)R=k
m=0
(am+bm)ckmkN
=k
m=0
amckm+
k
m=0
bmckmkN=PR +QR
et de même à gauche par commutativité.
1 est neutre pour la multiplication des polynômes : pour tout P=(ak)kN
1P=P1=k
=0
δ0,bkkN=(bk)kN=P.
Pour tous P=(ak)kN,Q=(bk)kNet λK
λ(PQ)=λ
k
=0
abkkN=k
=0
(λa)bkkN=(λP)Q
et de même, λ(PQ)=P(λQ).
K[X] est finalement bien une K-algèbre commutative.
THÉORÈME 24.7. (Base canonique de K [X]).
On pose 0 =(0,0,...), 1 =(1,0,0,...) et X=(0,1,0,0,...).
(a) Avec ces notations, on a pour tout kN
Xk=(δk,n)nN.
(b) La famille (Xk)kNforme une base de K[X], appelée base canonique.
(c) Pour tout nN, la famille (Xk)0ÉkÉnforme de même la base canonique de Kn[X], qui est donc de dimension n+1.
Démonstration. (a) On procède par récurrence sur k: c’est la définition même de cet objet pour k=0, et si Xk=(δk,n)kNpour
kNfixé, alors
Xk+1=XkX=(δk,n)nN(δ1,n)nN=n
=0
δk,δ1,nnN
.
Pour (k,n)N,δk,δ1,n=1 si et seulement si =ket n=1 ce qui impose n=k+1, d’où
Xk+1=(δk+1,n)nN
ce qui clôt la récurrence.
(b) Du fait des notations utilisées, on a pour tout P=(ak)kNK(N)
P=+∞
k=0
akXk
I. ALGÈBRE K[X] 3
ce qui montre que (Xk)kNest génératrice de K[X] (il s’agit bien d’une somme finie), et
+∞
k=0
akXk=0(ak)kN=0
ce qui montre qu’elle est libre.
(c) Pour tout PKn[X], il existe par définition (ak)0ÉkÉnKn+1tel que
P=
n
k=0
akXk
de sorte que (Xk)0ÉkÉnest génératrice de Kn[X], et elle est libre comme sous-famille d’une famille libre, donc forme une base de
Kn[X].
Notation 24.8. (Notation usuelle des polynômes).
Pour tout P=(ak)kNK[X], on utilise dès lors la notation
P=+∞
k=0
akXk.
DÉFINITION 24.9. (Monômes).
Les polynômes de la forme akXk, pour kNet akK\{0} sont appelés monômes.
DÉFINITION 24.10. (Coefficient dominant, polynôme constant).
Si PK[X] est de degré dN, il existe (ak)0ÉkÉdKd+1tel que P=
d
k=0
akXk.
(a) adest alors le coefficient dominant de P.
(b) adest non nul par définition du degré.
(c) Pest unitaire si et seulement si ad=1.
(d) Un polynôme de degré 0 ou −∞ est dit constant.
Remarque 24.11. (Assimilation de K à un sous-anneau de K [X]).
De façon immédiate, l’ensemble des polynômes constants de K[X] est assimilable à K. On peut donc dire que Kest un
sous-anneau de K[X].
I.3 Dérivation
DÉFINITION 24.12. (Dérivation des polynômes).
Soit P=+∞
k=0
akXkK[X]. Le polynôme dérivé (ou simplement la dérivée) de Pest le polynôme
P=+∞
k=1
kakXk1.
Remarque 24.13.
(a) Dans le cas d’un corps quelconque (et même d’un anneau), pour kNet aK, on rappelle que la notation ka signifie
ka =a+...+a
  
kfois
et de même avec des conventions évidentes pour kZ. Il est immédiat que (kak)nNest presque nulle si (ak)kNl’est.
4 CHAPITRE 24. POLYNÔMES ET FRACTIONS RATIONNELLES
PROPOSITION 24.14. (Propriétés élémentaires de la dérivation des polynômes).
On a les propriétés suivantes.
(a) L’application D:P7→Pest un endomorphisme de K[X].
(b) Pour tout PK[X], deg(P)<degP.
(c) Si Kest un sous-corps de Cet si degPÊ1, alors degP=degP1.
(d) Pour tout nN, l’endomorphisme de Kn[X] induit par Dest nilpotent. Son indice de nilpotence est n+1 si Kest un
sous-corps de C.
(e) On a pour tout (P,Q)K[X]2la relation
(PQ)=PQ+PQ.
Démonstration. Les trois premiers points sont évidents par définition, le point (d) découle du (c), en notant que
Dn(Xn)=n!̸=0
si Kest un sous-corps de C, et que
Dn+1(Xk)=0
pour tout k[[0,n]], de sorte que Dn+1annule toute la base canonique de Kn[X] donc est l’endomorphisme nul.
Enfin pour le point (e), on a pour P=+∞
k=0
akXk,Q=+∞
k=0
bkXk
PQ+PQ=+∞
k=0k
=0
abkXk1++∞
k=0k
=0
a(k)bkXk1=+∞
k=0k
=0
kabkXk1=(PQ).
Notation 24.15.
Pour PK[X] et nN, on note P(n)=Dn(P) la dérivée n-ième de P, avec la convention naturelle P(0) =P. On utilise aussi
les notations usuelles P=P(1),P′′ =P(2),etc.
THÉORÈME 24.16. (Formule de Leibniz).
Pour tout (P,Q)K[X]2et tout nN
(PQ)(n)=
n
k=0n
kP(k)Q(nk).
Démonstration. La preuve est identique à la formule de Leibniz usuelle pour la dérivation des fonctions d’une variable réelle.
I.4 Composition
DÉFINITION 24.17. (Composition des polynômes).
Soient P=+∞
k=0
akXkK[X] et QK[X]. La composée de Pet Qest le polynôme
PQ=+∞
k=0
akQk.
Si Q=0, on pose conventionnellement PQ=a0K0[X].
On utilisera aussi la notation
PQ=P(Q).
Remarque 24.18.
On a donc pour tout PK[X] l’égalité P=PX=P(X).
I. ALGÈBRE K[X] 5
I.5 Propriétés du degré
PROPOSITION 24.19. (Degré d’une combinaison linéaire, d’un produit, d’une dérivée, d’une composée).
Le degré vérifie les propriétés suivantes.
(a) Pour tout (P,Q)K[X]2, on a
deg(P+Q)Émax(degP,degQ).
L’égalité est réalisée lorsque degP̸= degQ, ou plus généralement lorsque les coefficients dominants ne s’annulent pas
dans la somme.
(b) Pour tout (P,Q)K[X]2, on a
deg(PQ)=degP+degQ
avec des conventions évidentes si l’un des degrés est −∞.
(c) Pour tout PK[X], on a
degP=degP1
lorsque degPÊ1 si Kest un sous-corps de C, et en général
degPÉdegP1.
(d) Pour tout (P,Q)K[X]2avec Q̸=0, on a
deg(PQ)=(degP)(degQ).
Démonstration. (a) Soient (P,Q)K[X]2,d=degP,d=degQ, en supposant dÉd. On note (ak)kN, (bk)kN, les coefficients de
Pet Q, avec ak=0 si k>det bk=0 si k>d,ad̸=0, bd̸=0. Alors
P+Q=
d
k=0
akXk+
d
k=0
bkXk=
d
k=0
(ak+bk)Xk
ce qui montre que deg(P+Q)Éd=max(degP,degQ). En outre, si d<d, alors le coefficient de degré dde P+Qest ad̸= 0, d’où
deg(P+Q)=d=max(degP,degQ). Il en va de même si d=det ad+bd̸=0.
(b) Le cas où l’un des degrés est −∞ est évident. Sinon, avec les mêmes notations (sans l’hypothèse dÉd)
PQ =+∞
k=0k
=0
abkXk.
On a déjà montré (pour la définition du produit de polynômes) que deg(PQ)Éd+d. Or
d+d
=0
abd+d=adbd̸=0
puisque bd+d=0 si 0,d+d1. On en déduit que deg(PQ)=d+d=deg(P)+deg(Q).
(c) Ce résultat a déjà été prouvé.
(d) Découle de la définition et des deux premiers points.
PROPOSITION 24.20. (Famille de polynômes échelonnée en degrés).
Soit B=(Pn)nNK[X]Ntel que degPn=npour tout nN. Une telle famille est dite échelonnée en degrés. Alors Best
une base de K[X].
Démonstration. Soient nN, et (λk)0ÉkÉntels que
n
k=0
λkPk=0. En supposant que tous les λkne sont pas nuls et en notant
m=max{k[[0,n]],λk̸=0}, on a avec les propriétés du degré
degn
k=0
λkPk=0=deg(λmPm)=m̸=−∞
ce qui est absurde. On en déduit que Best libre, puisque toute sous-famille finie de Best incluse dans une famille de la forme
(Pk)0ÉkÉn.
Soit PK[X], de degré nN. Comme (P0,...,Pn) est de cardinal n+1, libre et incluse dans Kn[X], c’en est une base, et Pest
donc combinaison linéaire de cette famille. On en déduit que Vect(B)=K[X], et finalement que Best une base de K[X].
COROLLAIRE 24.21. (Polynômes de degrés deux à deux distincts).
Toute famille de polynômes non nuls de degrés deux à deux distincts est libre.
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