DE L'INHIBITION SOCIALE À L'ANXIÉTÉ SOCIALE
Frédéric Fanget
Martin Média | « Le Journal des psychologues »
2007/1 n° 244 | pages 24 à 28
ISSN 0752-501X
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-le-journal-des-psychologues-2007-1-page-24.htm
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Pour citer cet article :
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Frédéric Fanget, « De l'inhibition sociale à l'anxiété sociale », Le Journal des
psychologues 2007/1 (n° 244), p. 24-28.
DOI 10.3917/jdp.244.0024
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La gamme des inhibitions reflète des troubles qui n’ont pas la même gravité,
allant de la simple gêne à la phobie sociale inquiétante en passant par
la timidité. La distinction entre l’inhibition sociale et l’anxiété sociale est ici
éclairante pour différencier les registres. S’il n’y a pas de rupture entre
le normal et le pathologique dans le domaine de l’inhibition, reste que le
diagnostic différentiel est souhaitable pour préconiser un traitement adéquat.
Psychiatre,
psychothérapeute
Enseignant
à l’université Lyon-
I
Centre hospitalier
spécialisé
Le Vinatier
DOSSIER
trouver une signification plus récente dans
le domaine juridique ou ecclésiastique de
l’inhibition au sens proche d’interdiction
ou de prohibition désignant l’acte ou la
décision par lesquels on suspend les pou-
voirs d’un individu.
Le terme d’inhibition ne fait pas partie au
départ du champ de la psychologie, il y
est apparu plus tard.
L’inhibition en psychologie
et en psychiatrie
Il faut attendre le début du XXesiècle pour
voir ce mot surgir dans la littérature en
psychologie. Pour Jackson, la notion d’inhi-
bition est liée à celle d’une organisation
hiérarchique des fonctions cérébrales dans
lesquelles les fonctions situées à un niveau
supérieur, « phylogénétiquement » les plus
récentes, inhibent les fonctions situées
plus bas dans le système nerveux central.
Selon Janet (1909), « Les opérations mentales
semblent se disposer en une hiérarchie dans
laquelle les degrés supérieurs sont difficiles à
atteindre et inaccessibles à nos malades tandis
que les degrés inférieurs sont restés à leurs dis-
positions. » Pour lui, l’inhibition est active et
les excès d’inhibition appauvrissent les
fonctions supérieures sans libérer les fonc-
tions inférieures.
Freud, en 1926, dans Inhibition, symptômes
et angoisse propose sa conception méta-
psychologique de l’inhibition qu’il dit
exprimer « la limitation fonctionnelle du
moi ». Freud (1965, p. 2) écrit : « Bien des
inhibitions sont manifestement des renoncia-
tions à une fonction motivée par le fait que
son exercice provoquerait un développement
de l’angoisse
Il a observé le rôle de l’inhibition au ser-
vice du contrôle de l’angoisse que l’on
retrouve effectivement en clinique chez
les patients souffrant d’anxiété sociale.
L’approche éthologique s’est intéressée à
la notion d’inhibition comportementale.
Des auteurs, comme Bowlby, attirent
notre attention sur le fait qu’une inhibition
peut être volontaire et tout à fait utile. Les
éthologues prennent l’exemple d’un com-
bat entre deux mouettes dans lequel cha-
cune à tendance à attaquer ou à fuir. Pen-
dant ce combat, elles inhibent des
comportements pour lesquels elles ont
pourtant de grandes compétences,
comme lisser leurs plumes ou bâtir un nid.
De L’inhibition sociale
à l’anxiété sociale
Le Journal des psychologues n°244-février 2007
24
Frédéric Fanget
Regard sur l’inhibition
Définitions, historique
Définitions de l’inhibition
L’inhibition est définie comme une restric-
tion ou une interruption de l’activité d’un
organe par stimulation d’une partie éloi-
gnée par voie nerveuse ou hormonale.
L’autre définition étant un état caractérisé
par un ralentissement ou une diminution
d’une activité physique ou psychique. L’in-
hibition a été au départ un concept de
physiologie. Vers le milieu du XIXesiècle,
lors d’études sur le cœur, des physiolo-
gistes démontrent qu’une activité ner-
veuse stimulatrice peut entraîner une sus-
pension d’activité, ce phénomène étant
actif et temporaire. Mais l’on peut dans
une approche purement sémantique repé-
rer aussi d’autres significations. Au sens
latin originel, ce mot signifiait le fait de frei-
ner. Cicéron utilisait également ce terme
pour désigner le mouvement d’un orateur
se dégageant de son texte écrit sans que
son auditoire s’en aperçoive. On voit à
quel point, lorsque l’on suit des patients
souffrant d’anxiété sociale, ces propos de
Cicéron étaient visionnaires et montraient
un sens de l’observation. On peut aussi
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Le Journal des psychologues n°244-février 2007
On le voit, petit à petit, on passe d’une
conception physiologique de l’inhibition à
une conception plus dynamique et psy-
chologique où l’on se rend compte que
l’inhibition sert à quelque chose pour le
sujet. Les éthologistes commencent de
plus à mettre l’accent sur l’utilisation de
l’inhibition dans un contexte de relation à
l’autre qui va nous amener progressive-
ment à la notion d’inhibition sociale.
La définition de l’inhibition sociale
C’est la diminution des contacts sociaux.
On introduit ici la notion d’altérité. Freud
emploie l’expression de l’inhibé quant au
but qu’il définit comme qualifiant une pul-
sion qui sous l’effet d’obstacles externes
ou internes n’atteint pas son mode direct
de satisfaction (ou but) et trouve une satis-
faction atténuée dans des activités ou des
relations qui peuvent être considérées
comme des approximations plus ou
moins lointaines du but premier.
Les neurosciences modernes nous appor-
tent des éléments de compréhension de
l’inhibition sociale avec en particulier les
travaux sur l’empathie et la cognition
sociale. Ces travaux montrent que les
mêmes aires cérébrales sont activées
selon que l’on bouge soi-même sa main
droite pour prendre un objet, qu’on ima-
gine faire ce geste, mais sans le faire vrai-
ment ou même que l’on regarde un sujet
face à nous faire ce geste. Cela signifie
que le cerveau active les mêmes régions,
que l’on fasse l’action, que l’on pense la
faire ou que l’on regarde un tiers la faire.
Notre cerveau réagit lorsque nous
sommes en relation avec l’autre.
Les définitions de l’anxiété sociale
Selon le DSM-IV, l’anxiété sociale est la peur
persistante et intense d’une ou plusieurs
situations sociales ou de situations de
performances durant lesquelles le sujet
est en contact avec des gens non familiers
ou peut être exposé à des observations
éventuelles d’autrui. Le sujet craint d’agir
(ou de montrer les symptômes anxieux de
façon embarrassante ou imminente).
La définition de la CIM10 est la suivante :
crainte d’être exposé à l’observation atten-
tive d’autrui dans des groupes relativement
restreints et habituellement à l’origine d’un
évitement des situations sociales.
L’anxiété sociale est donc un trouble rela-
tionnel. Le point commun entre les deux
définitions est l’expression : « Exposer à
l’observation attentive d’autrui. »
Historique de l’inhibition sociale
et de l’anxiété sociale
En 1846, Caspers publie le premier cas
d’éreuthophobie (phobie du rougisse-
ment en public dont on peut considérer
qu’il s’agit du premier cas d’inhibition
sociale pathologique décrit).
En 1893 et 1895, Freud évoque la terreur
des étrangers et des gens en général. En
1902, dans Les Obsessions et les impulsions,
« Observation 31 », Pitres et Régis décri-
vent l’obsession idéative, la peur de ne
plus savoir parler, et l’« éreuthose obsé-
dante ». En 1909, Pierre Janet dans Les
Névroses identifie et décrit « les phobies des
situations sociales ». En 1970, Isaac Marks
(en Grande-Bretagne) précise la position
des phobies sociales parmi les autres
phobies. En 1974, Alberti et Emmons
veloppent les thérapies par affirmation
de soi pour les patients souffrant d’anxiété
sociale. En 1980, une classification des
troubles mentaux considère la phobie
sociale comme une entité clinique à part
entière. En 1985, Liebowitz utilise les anti-
dépresseurs de la classe des IMAO dans les
phobies sociales.
Les mécanismes
de l’inhibition et de l’anxiété
sociale
La psychopathologie de l’anxiété sociale
ne peut plus se comprendre uniquement à
travers une vision intrapsychique de l’indi-
vidu, mais à travers une psychodynamique
qui concerne à la fois l’individu dans son
rapport à lui-même et à son propre psy-
chisme, mais aussi la vision qu’il a des
autres et surtout ce qu’il pense que les
autres pensent de lui. C’est à partir de là
que les travaux sur l’estime de soi vont se
velopper. Elle est souvent basse chez
les patients souffrant d’anxiété sociale. On
va distinguer l’estime de soi personnelle et
l’estime de soi sociale. Schématiquement,
on peut dire que l’on peut avoir une estime
de soi envers soi-même dite « incondition-
nelle»: «Je m’aime quoi que je fasse »; et
Il faut distinguer l’anxiété sociale pathologique de l’anxiété de performances et du trac.
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Le Journal des psychologues n°244-février 2007
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DOSSIER
une estime de soi conditionnelle à l’appro-
bation par les autres : « Je m’aime lorsque je
me sens aimé par l’autre. » (Fanget, 2003.)
Sur le plan du mécanisme, l’inhibition
sociale ne peut pas se réduire, comme les
définitions de l’inhibition l’ont montré plus
haut, à un simple mécanisme de restric-
tion, de ralentissement ou de diminution
d’une activité physique ou psychique.
Dans l’anxiété sociale, c’est l’intensité de
l’émotion anxieuse qui va inhiber le com-
portement en empêchant les contacts
sociaux. Cela n’est pas de l’ordre du désir,
mais plutôt de l’angoisse et de la peur de
l’autre. La stimulation du système neuro-
végétatif, en situation sociale, va entraîner
tachycardie, sueur, tremblement, rougisse-
ment… La stimulation du système cognitif
va faire percevoir les situations sociales
comme dangereuses (comme une invita-
tion à dîner, une prise de parole en public
ou un entretien avec son supérieur hiérar-
chique) et entraîner des scenarii catastro-
phiques avant la situation avec des cogni-
tions comme : « Je ne serai pas à la hauteur,
je ne saurai pas quoi dire, les autres vont mal
me juger, on va me licencier… » L’activation
neurovégétative serait probablement le
reflet d’une hyperactivité du système lim-
bique émotionnel alors que l’activation
cognitive serait probablement le reflet
d’une hyperactivité corticale.
De l’inhibition sociale
à l’anxiété sociale
pathologique
L’inhibition sociale adaptative
Toute inhibition sociale n’est pas patholo-
gique. Pour des raisons éthologiques, en
cas de danger, un être humain peut décider
de se mettre en inhibition et de ne pas dis-
cuter. C’est le cas de l’incarcération par
exemple. C’est aussi le cas dans des expé-
riences sensorielles où des chercheurs des-
cendent volontairement dans une grotte
afin de mener des expériences. Ici l’inhibi-
tion d’isolement est volontaire. Cette inhi-
bition peut être utile pour l’individu afin de
se protéger. On pourrait encore citer des
expériences plus proches de nous dans
le monde professionnel. Un subalterne
inhibant ses comportements en ne disant
pas ce qu’il a à dire afin d’éviter les sanc-
tions d’un de ses supérieurs… ou plus glo-
balement des populations opprimées qui
pour survivre se protègent par l’inhibition.
C’est aussi le cas du petit enfant qui, à l’arri-
vée du grand oncle qu’il n’a pas vu depuis
des années et malgré l’insistance de sa
maman : « Dis bonjour à ton grand oncle », va
baisser le regard, la tête, arrêter de parler et
jouer tant il sera effrayé par cet inconnu.
Les adultes souffrant d’anxiété sociale
auront le même genre d’attitude lorsqu’ils
se retrouveront dans des situations sociales
inquiétantes pour eux. L’inhibition joue un
rôle donc essentiel dans l’homéostasie des
relations humaines.
Mais qu’en est-il du vécu de ces per-
sonnes qui extérieurement ne disent rien
et ne posent pas de problèmes ? On
retrouve ici une différence entre le com-
portement extérieurement visible (inhibi-
tion comportementale) et le comporte-
ment interne qui peut être fait d’émotions,
de souffrance, d’angoisse, d’anxiété, de
honte, et des cognitions négatives (« Je me
tais, mais je n’en pense pas moins »). Cette
inhibition « décidée » par le sujet pour se
protéger peut aussi l’aider dans sa pro-
gression et lui éviter des ennuis. Ces phé-
nomènes d’inhibition adaptative sont
temporaires et disparaissent lorsque le
sujet sort de la situation évaluée comme
dangereuse pour lui.
L’anxiété sociale
Mais il existe aussi des états d’inhibition
permanente que l’on rencontre en patho-
logie. La fréquence de l’anxiété sociale
pathologique se situerait en France entre
2 % et 3 % de la population (Lépine J.-P.,
1999). Il s’agit dans ce pourcentage de
forme grave avec un véritable handicap
social et professionnel. Les femmes sont
légèrement plus touchées que les
hommes (guère plus de trois femmes
pour deux hommes). Le taux de célibat
est anormalement élevé chez ces
patients. L’âge de début des troubles
semble précoce, à l’adolescence entre
treize et quinze ans. Un début de l’anxiété
sociale après vingt-cinq ans est tout à fait
inhabituel et doit faire évoquer un autre
diagnostic.
Les causes de l’anxiété sociale nous per-
mettent de dégager quatre grands fac-
teurs. Le premier est la prédisposition avec
des tendances anxieuses face à la nou-
veauté, à l’inconnu, décrit par Jérôme
Kagan qui évoque le tempérament inhibé
et la mise en évidence de facteurs géné-
tiques (travaux de Kendler, 1992). Le
deuxième facteur est un facteur éducatif.
On le retrouve fréquemment dans des
familles où tous les membres souffrent
d’anxiété sociale. Ils ont souvent reçu une
éducation peu affirmée. Le troisième facteur
est traumatique. Il semble très important
dans l’anxiété sociale. Une expérience
sociale traumatique est retrouvée plus
d’une fois sur deux. Elle a lieu le plus sou-
vent à l’adolescence ou au début de l’âge
adulte lors des premières confrontations
au groupe social (exposé oral au lycée ou
premières réunions professionnelles ou
premières expériences de drague). Le
quatrième facteur étiologique est culturel.
Au japon le « Taijin-Kyofu-sho » est la peur
d’offenser ou d’embarrasser les autres, de
les mettre mal à l’aise, avec un regard trop
insistant, une expression faciale insolente
ou même une odeur désagréable.
Cinq grands types de situations sociales
peuvent déclencher l’anxiété. Il s’agit des
situations de performances, d’échanges
superficiels, d’échanges approfondis,
d’affirmation de soi (faire valoir ses droits
en respectant ceux des autres), et d’ob-
servation par autrui.
La sémiologie de l’anxiété sociale est
émotionnelle. D’abord le sujet est anxieux
avant la situation sociale qu’il redoute.
Après la situation, il va ressentir une émo-
tion de honte. La sémiologie est aussi
cognitive et accompagne la précédente, il
y a une anxiété d’évaluation avant d’aller
dans la situation (« Je ne serai pas à la hau-
teur ») et une évaluation négative de soi-
même (« Je n’ai pas été à la hauteur »). Au
moment de la situation sociale, le sujet
anxieux a des cognitions de focalisation
sur lui-même avec auto-observation de
ses propres performances (« regarde, tu
n’es pas aussi intelligent que les autres, tu
n’arrives pas à prendre la parole ») et d’éva-
luation des autres sur lui, « ils se rendent bien
compte que tu es en train de rougir et que tu
n’as pas grand-chose à dire »…) La sémiolo-
gie est également neurophysiologique
avec des symptômes d’anxiété physique
intense et obsédante : palpitations, sueurs,
bouche sèche, pouvant aller jusqu’à la
panique. Insistons sur ce caractère neuro-
physiologique du trouble anxiété sociale,
le sujet pouvant aller à un véritable état de
panique qui va authentiquement lui faire
perdre ses performances comportemen-
tales. En effet, comment prendre la parole
en public lorsque l’on est soumis à une
véritable attaque de panique ?
Du normal au pathologique :
un continuum
L’inhibition sociale n’est donc pas un phé-
nomène pathologique en soi. Il y a une
sorte de continuum allant de la simple
gêne à la timidité, à la phobie sociale
Regard sur l’inhibition
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Le Journal des psychologues n°244-février 2007
grave avec évitements sociaux multiples.
La gêne sociale concerne Monsieur ou
Madame Tout-le-monde. Qui ne s’est pas
retrouvé impressionné lors d’une situation
sociale ? Par exemple en prenant la parole
devant des professeurs éminents ? Ou pour
ceux qui ont l’expérience de passer devant
une caméra de télévision ? Ou lors des pre-
mières dragues au cours de l’adolescence ?
En soi, la gêne sociale est donc un méca-
nisme psychologique normal et même
adaptatif. D’ailleurs, elle permet en quelque
sorte d’éviter l’impolitesse et l’agressivité.
C’est parce que nous sommes parfois
impressionnés par l’autre que nous aurons
tendance à l’observer, mais aussi à le res-
pecter et à tenir compte de lui. D’ailleurs, les
thérapies par affirmation de soi permettent
aux patients souffrant d’anxiété sociale de
velopper à la fois l’intérêt envers soi-
même mais aussi envers les autres. On s’ex-
prime et l’on exprime nos besoins pour sor-
tir d’une passivité, mais on tient compte de
l’autre et des besoins des autres pour éviter
l’agressivité. À ce titre, le traitement de l’in-
hibition sociale, pathologique si elle doit
permettre aux sujets d’aller vers l’autre, doit
aussi éviter des comportements agressifs
qui ne respecteraient plus les autres.
La timidité peut, selon les enquêtes, repré-
senter jusqu’à 40 % de la population. La
fréquence de la phobie sociale au sens
strict du terme est évaluée à 3 %. Elle s’ac-
compagne alors de nombreux évitements
et représente un véritable handicap ayant
d’importantes conséquences dans la vie
sociale, professionnelle, amicale, affective
de l’individu, l’empêchant de mener une
vie normale. Elle justifie à ce titre une prise
en charge par les professionnels du soin.
Qu’est-ce qui relève de la timidité simple ou
de la gêne sociale normale et qu’est-ce qui
relève de l’anxiété sociale pathologique ?
On peut résumer les principales différences
sous forme d’un tableau (voir ci-contre).
On le voit, ce qui va donner le caractère
pathologique à l’inhibition sociale est
d’abord la force de l’évitement qui est une
obligation pour le sujet et non pas une
décision de sa part, l’absence d’habituation
lorsque le sujet se retrouve en situations
sociales, l’intensité du malaise émotionnel
en situations sociales, et l’appauvrissement
des relations.
Diagnostic différentiel
et troubles associés
En clinique, il est important de rechercher
des troubles associés.
En effet, l’anxiété sociale est très fré-
quemment comorbide et s’accompagne
d’autres troubles qu’il faudra rechercher et
mettre en évidence, car ils pourront
influencer le traitement.
Il s’agit essentiellement de l’anxiété de
séparation, il sera alors nécessaire d’ex-
plorer l’enfance. Un diagnostic différen-
tiel difficile est l’anxiété généralisée. Ici
les situations qui angoissent le sujet ne
sont pas que sociales. Il est aussi
angoissé par l’argent, ses enfants, la
maladie, tous les sujets d’actualité et les
évitements sont faibles. Bien sûr, il faudra
distinguer l’anxiété sociale pathologique
de l’anxiété de performances et du trac
présent chez les musiciens, les chanteurs,
les sportifs, les conférenciers qui sont des
phénomènes adaptatifs normaux et ne
représentent pas en soi une anxiété
sociale pathologique, sauf si leur inten-
sité paralyse le sujet et l’empêche de faire
sa prestation. En dehors de ces cas
extrêmes, ils n’éprouvent pas de
détresse, ils nont pas de handicap social,
ils n’ont pas la peur des autres, ils n’évi-
tent pas les situations. L’agoraphobie est
relativement facile à différencier, le
désastre est ici intérieur, c’est la peur de
perdre le contrôle, de faire un malaise et
même d’en mourir. Alors que, dans
l’anxiété sociale, le désastre est extérieur,
c’est le regard des autres sur nous qui
nous préoccupe. La personnalité schi-
zoïde est un diagnostic différentiel fon-
damental. Mais, ici, il n’existe pas de désir
d’entretenir des relations sociales avec
l’autre, le sujet ne recherche pas ces rela-
tions et il est relativement indifférent à la
critique, à la différence de l’anxieux social
qui lui est très sensible à la critique. No tons
que les dépressions sont fréquemment
Inhibition sociale normale
Votre anxiété sociale ne vous oblige pas
à fuir les situations sociales.
Au bout d’un certain nombre de ren-
contres avec les personnes ou les situa-
tions, votre anxiété est moins forte.
Vous ressentez surtout de la gêne et de
l’embarras.
Vous avez des amis et des relations même
sil vous faut du temps pour vous lier.
Anxiété sociale pathologique
Vous êtes obligé(e) d’éviter un grand
nombre de situations sociales.
Il arrive que vous ne soyez jamais ras-
suré(e) même auprès de personnes ou
de situations que vous rencontrez très
souvent.
Vous prouvez souvent une véritable
panique et une grande honte.
Vous avez peu d’amis et de relations.
Tableau I.
Ce qui est normal et ce qui ne l’est pas.
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