OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO La Chimie Organique dans la Conception des Médicaments et dans leurs Modes d’Action Cours de la Licence de Chimie Moléculaire du Vivant Université Bordeaux 1 351 cours de la Libération 33405 Talence Cedex 1/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO Textes de Références Silverman, Richard B. The Organic Chemistry of Drug Design and Drug Action, 1992, Academic Press (ISBN: 0-12643730-0) Diederichsen, U.; Lindhorst, T. K.; Westermann, B.; Wessjohann, L. A. Bioorganic Chemistry, 1999, Wiley-VCH (ISBN: 3-527-29665-4) Patrick, G. Medicinal Chemistry, 2001, BIOS Scientific Publishers Ltd (ISBN: 1-85996-207-6) 2/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO La Chimie Médicinale La chimie médicinale est la sous-discipline des sciences chimiques qui concerne la découverte et la conception de composés chimiques exprimant une activité thérapeutique et leur développement en médicaments utiles. Synthèse de substances naturelles, de leurs analogues et de nouveaux composés Etude des relations « structure-activité » Elucidation des modes d’action Etude de la biodisponibilité (absorption, transport et distribution) Etude des transformations métaboliques 3/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO 1. Ce Qu’il Faut Savoir sur la Mise sur le Marché d’un Médicament Phase 0: découverte et tests précliniques sur animaux (6 ans et demi) et description du protocole d’évaluation chez l’homme. Phase I: test de toxicité ⇒ administration du médicament à des volontaires en bonne santé (de 20 à 80 personnes), détermination de la posologie et des effets secondaires, étude du métabolisme du médicament (1 an et demi). en moyenne 2 molécules sur 5 progressent en phase II Phase II: test d’efficacité ⇒ administration du médicament à des malades volontaires (de 100 à 500 personnes, 2 ans). 1 molécule sur 2 progressent en phase III 4/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO 2. Ce Qu’il Faut Savoir sur la Mise sur le Marché d’un Médicament Phase III: administration du médicament à un plus grand nombre de malades volontaires (de 1000 à 5000 personnes, 3 ans et demi) ⇒ dépôt d’un dossier de demande de mise sur le marché incluant le protocole de préparation du médicament. 1 molécule sur 5 reçoit une autorisation de mise sur le marché Phase IV: études des effets à long terme et de l’utilisation du médicaments sur d’autres populations de malades, exploration de nouvelles applications. ⇒ 10 à 15 ans de recherche et de développement de la découverte d’une substance active ou tête de série à sa mise sur le marché. 5/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO I. Découverte d’un Médicament Il y a principalement trois façons de découvrir un nouveau médicament: 1) 2) 3) Criblage de substances naturelles Conception rationnelle Approche combinatoire ⇒ En général, une molécule « tête de série » est d’abord repérée pour son potentiel thérapeutique, puis optimiser par modification structurale selon une logique rationnelle et/ou combinatoire. 6/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO 1. Médicaments sans Tête de Série Le librium (tranquilisant) N NHCH3 7-chloro-2-(methylamino)5-phenyl-3H-1,4benzodiazepine 4-oxide] N Cl O Librium Les pénicillines (antibiotiques) H N O H N O Pénicilline V O O S N CO2H Pénicilline G S N O CO2H NB: les pénicillines bloquent la synthèse de la paroi cellulaire des bactéries. 7/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe a) Découverte du Librium OH CHO (1955-1957, Roche, Leo Sternbach) N CH2Cl N Cl CH2NHCH3 N CH3NH2 O X N Cl O CH3NH2 H N Cl NHCH3 Cl N NHCH3 Cl N O Cl -H N O N Cl NHCH3 N O 8/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe b) Pénicillines et Morphine au secours des GIs... OH CHO HO H N O NMe H HO Morphine O Pénicilline V O O S N CO2H 9/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO Pénicilline, le vétéran des antibiotiques ! Alexander Fleming découvre la pénicilline en 1928 ! H N O O Penicillium notatum une moisissure O S Pénicilline V N CO2H Robinson, Folkers (1943) L’effort de la seconde guerre mondiale par les alliés conduira à la production industrielle de la pénicilline par fermentation à partir de Penicillium chrysogenum (Merck) Fleming, Florey et Chain (PN Médecine & Physiologie 1945) 10/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO c) La Morphine, Analgésique Naturel Les Sumériens utilisaient déjà le pavot en 3400 BC comme analgésique et drogue euphorisante… « La fleur du Bonheur » Elle contient un substance naturelle de la famille des opioïdes, la morphine qui fut isolée par Friedrich Serturner en 1805 à partir d’opium ! Papaver somniferum Qu’est-ce que l’opium ? HO O NMe Morphine H HO 11/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO La morphine est la première substance naturelle commercialisée comme médicament (E. Merck, 1826) Elle constitue l’un des analgésiques les plus pluissants, toujours largement utilisé en médecine. Première synthèse par Gates en 1956 Il reste le pire... AcO HO O O NMe NMe H H AcO HO Morphine Héroine 12/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO Un Autre Dérivé de la Morphine d’Intérêt Pharmacologique : la Codéine MeO Analgésique ou antalgique stupéfiant Empirin® (codéine + aspirine) Tylenol® (codéine + paracetamol) O NMe H HO Utilisé aussi contre la toux Phenergan® (codéine + promethazine) Robitussin AC (codéine + guaifenesin) Codéine 13/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO 2. Comment identifier une tête de série ? ⇒ Il faut tout d’abord avoir un moyen d’évaluer, généralement in vitro, l’activité biologique des molécules candidates: 1° Criblage au hasard, e.g., la streptomycine, les tétracyclines 2° Etudes du métabolisme des drogues, e.g., sulfanilamide, un métabolite du prontosil 3° Observations cliniques, e.g., carbutamide et tolbutamide 4° Conception rationnelle, e.g., le contraceptif (+)-norgestrel, les inhibiteurs de protéases du VIH-1 14/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH A la Recherche de Têtes de Série CHO Les pénicillines G/V et le librium sont des médicaments qui ont été découverts sans tête de série, mais ils ont servi de têtes de série pour le développement de nombreux analogues de la famille des β-lactames et des benzodiazepines. Oxacilline (R = H) Cloxacilline (R = Cl) R N O H N O Me N S Cl N O NH2 R N valium CO2H Ampicilline (R = H) Amoxilline (R = OH) O H N O S N O CO2H 15/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO a) Antibiotiques découverts par criblage d’échantillons de sols H NH H2N C NH OH H H Selman A. Waksman PN Medicine 1952 O NH HN C NH2 H OH H N R H O H S N OAc O OH CO2H H Cephalosporines (1948) H O CHO Me OH H O OH CH2OH H MeHN H OH H H H OH O OH O OH NH2 O H O Cl HO Me Streptomycine (1944) Premier antibiotique contre la tuberculose ! H OH NMe2 Chlortetracycline ou Aureomycine (1948) 16/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO b) Métabolisme des Drogues Les Antibiotiques Sulfa (Bayer, 1930’s) NH2 H2N N N SO2NH2 Prontosil Active contre streptococcus in vivo ! Inactive in vitro ? [Red] H2N SO2NH2 Sulfanilamide Active forme in vivo La découverte du prontosil et du sulfanilamide marque le début de la chimie médicinale moderne. Dans les années 40, des milliers de sulfonamides ont été synthétisés et évalués en tant qu’agents antibactériens. 17/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO b) Métabolisme des Drogues Les Antibiotiques Sulfa (Bayer, 1930’s) NH2 H2N N N SO2NH2 Prontosil Active contre streptococcus in vivo ! Inactive in vitro ? [Red] H2N SO2NH2 Sulfanilamide Active forme in vivo La découverte du prontosil et du sulfanilamide marque le début de la chimie médicinale moderne. Dans les années 40, des milliers de sulfonamides ont été synthétisés et évalués en tant qu’agents antibactériens. 18/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO H2N c) Observations Cliniques O S N H O Carbutamide, un agent antibactérien avec un effet secondaire antidiabétique ! O N H Tolbutamide, médicament antidiabétique sans activité antibactérienne H3C O S N H O O N H 19/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO d) Conception Rationnelle « Rational Drug Design » L’approche rationnelle à la conception de nouveaux médicaments est aujourd’hui la voie principale de la découverte de nouvelles têtes de série. Cette approche implique une connaissance préalable bien précise du système biologique (i.e., cause moléculaire d’une maladie) à contrôler et se traduit par la recherche spécifique de: 1) Antagonistes ou agonistes de récepteurs 2) Inhibiteurs d’enzymes 3) Bloqueurs de la biosynthèse et/ou de la fonction de l’ADN 20/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH i) Les Contraceptifs CHO HO O H (+)-Norgestrel Progesterone H H H H H H H O O HO HO H 17β-Estradiol 17α-Ethynylestradiol H H H H H H HO Têtes de série naturelles e.g., hormones stéroïdes à faibles effets contraceptifs H HO Molécules de synthèse à effets contraceptifs de longue durée 21/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH ii) Les Inhibiteurs de Protéases CHO O N N H CONH2 OH H N O H N O Saquinavir (Hoffmann-La Roche, 1995) premier médicament approuvé par la FDA pour le traitement du SIDA H N O O Ki= 0,6 nM O H t-Bu N H Ki= 0,12 nM Ki= 0,56 nM N O H N N N t-Bu N H NH2 OH OH N O OH O Indinavir (Dupont-Merck, 1996) S O Amprenavir (Vertex, 1999) 22/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO II. Développement d’un Médicament. Modification d’une Tête de Série Une fois qu’une tête de série active est identifiée, il n’est pas possible de prévoir avec précision sa toxicité et ses effets secondaires, d’anticiper ni sa biodisponibilité, ni son métabolisme in vivo. Sa structure pourra être modifiée jusqu’à obtenir une molécule répondant à ces différentes caractéristiques, c’est-à-dire un médicament efficace ! Comment modifier la structure d’une tête de série pour améliorer ses propriétés pharmacologiques ? 23/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO 1. Identification des Pharmacophores Les intéractions moléculaires entre une drogue et son récepteur biologique sont très spécifiques, et l’activité qui en découle n’est souvent due qu’à une petite partie de la molécule! Il s’agit alors d’identifier ces motifs structuraux ou pharmacophores essentiels à l’activité d’une tête de série dans le but d’entreprendre les modifications structurales judicieuses à l’amélioration de l’efficacité, voire à la modification de l’activité, de la drogue. « garder l’essentiel, rajouter le nécessaire et supprimer l’inutile ! » 24/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe Pharmacophore Commun aux Agents Stabilisateurs des Microtubules OH CHO O OH AcO O NH O S O O OH O H O HO O OH N O O Taxol O OH O AcO Discodermolide OH O Epothilones O HO O R O MeO O O OH OH Ojima et al., PNAS, 1996, 96, 4256 OH O O NH2 N O N O Eleutherobin 25/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO Polymérisation des Tubulines en Microtubules 26/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH Au Cœur de la Forêt Californienne... Un Médicament contre le Cancer !!! CHO AcO O Ph O OH NH O Ph O OH H HO O OAc O Ph O Taxol Paclitaxel® (Brystol-Myers Squibb) Découverte en 1962 Première synthèse en 1994 (Nicolaou et Holton) Taxus brevifolia Le sacrifice d’un arbre centenaire fournirait 300 mg de taxol, l ’équivalent d’une seule dose du médicament... 27/95 OH OMe Stéphane Quideau, Ph.D. Taxol and Analogues OH CHO O OH AcO O NH O OH O OH O H O HO O Nonataxel (2 à 8 fois plus actif que le taxol) O OH HO NH O O O NH O O Taxol/Paclitaxel (BMS) O O H O HO O O OH AcO O O O O O O OH Taxotère (Aventis) H O HO O OAc O Taxus baccata 28/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO a) Simplification du Squelette de Base. Les Morphinoïdes Me N Me HO N OH O OR2 OH Cyclazocine analgésique moins narcotique OR1 R1 = H, R2 = H ⇒ Morphine R1 = Me, R2 = H ⇒ Codéine R1 = Ac, R2 = Ac ⇒ Héroïne Levorphanol 3 à 4 fois plus analgésique que la morphine, mais conserve les propriétés narcotiques N NB: le pharmacophore des morphinoïdes est noirci! Me Me OH 29/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO Me Me N N O Me OEt Meperidine (Demerol®) analgésique conservant 10-12 % de l’efficacité de la morphine Me N Me Me O Me O O Dextropropoxyphene (Darvon®) analgésique conservant 50-66 % de l’efficacité de la codéine Methadone analgésique aussi puissant que la morphine, utilisée dans le traitement du syndrome d’abstinence aux opioïdes chez les toxicomanes. 30/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO b) Elaboration du Squelette de Base HO Me Me Pr N O OMe OH Etorphine 1000 fois plus puissant que la morphine, utilisée en médecine vétérinaire pour l’immobilisation des gros animaux. 31/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH 2. Modifications de Groupes Fonctionnels CHO Séparation de l’activité antidiabétique de l’activité antibactérienne: antidiabétique antidiabétique antibiotique H2N O S N H O O Carbutamide N H H3C O S N H O O N H Tolbutamide NB: le remplacement du groupe amino de l’antibiotique carbutamide à effet secondaire antidiabétique par un groupe méthyle a donné lieu à la formation du tolbutamide, antidiabétique sans effet antibiotique. 32/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO Séparation de l’antihypertension de l’effet diurétique: groupe sulfonamide responsable de l’effet diurétique Cl N H2NSO2 S O N NH O Chlorothiazide, agent antihypertension avec un fort effet diurétique (augmentation de l’excrétion d’urine) Cl S O NH O Diazoxide, agent antihypertension sans effet diurétique NB: ces observations des conséquences de la modification de groupes fonctionnels mettent en évidence la relation qui existe entre la structure moléculaire d’une molécule et son activité! Mais comment savoir quelle(s) modification(s) réaliser pour améliorer une tête de série ? 33/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO 3. Amélioration de l’Efficacité et de l’Indice Thérapeutique Des années d’études des relations structure-activité de série de drogues ont conduit au développement d’approches systématiques de modifications structurales en vue de l’augmentation de l’efficacité d’un médicament. Cette efficacité peut se déterminer par la mesure de l’indice thérapeutique, c’est-à-dire du rapport entre les effets indésirables et désirables de la drogue: e.g., LD50/ED50 LD50 = dose léthale pour 50% des animaux testés ED50 = dose d’efficacité maximale pour 50% des animaux testés NB: plus l’indice thérapeutique est grand, plus la marge de sécurité du médicament est grande! Les modifications structurales systématiquement envisagées sont: a) b) c) d) Homologation Ramification Cyclisation Bioisostérisme 34/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH a) Homologation CHO Efficacité Une série homologue est un groupe de molécules différentes les unes des autres par un motif commun, généralement un groupe méthylène CH2. 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Longueur de la Chaîne (nbre de carbones) Cet effet général de l’augmentation de la longueur d’une chaîne carbonée sur l’efficacité d’une drogue est liée à l’augmentation du caractère lipophile de la molécule et, donc, à sa meilleure pénétration des membranes cellulaires jusqu’à ce que son caractère hydrophobe accru pénalise sa solubilité et, donc, son transport dans les milieux aqueux. 35/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH Activité Antibiotique des 4-n-Alkylrésorcinols CHO OH R OH R Phenol Coefficient R Phenol Coefficient R Phenol Coefficient n-propyl 5 n-heptyl 30 n-undecyl 0 n-butyl 22 n-octyl 0 i-butyl 15.2 n-pentyl 33 n-nonyl 0 i-amyl 23.8 n-hexyl 51 n-decyl 0 i-hexyl 27 36/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO b) Ramification de Chaîne En général, la ramification d’une chaîne carbonée occasionne une diminution de l’efficacité lorsque celle-ci est simplement liée au caractère lipophile de la molécule (voir Tableau précédent); La ramification perturbe aussi souvent l’interaction entre une drogue et son récepteur biologique. Les amines primaires sont souvent plus efficaces que les amines secondaires, elles-mêmes plus efficaces que les amines tertiaires. Une ramification peut engendrer une modification de l’activité: S Promethazine (antispasmodique et antihistaminique) N R R = CH2CH(CH3)N(CH3)2 R = CH2CH2CH2N(CH3)2 Promazine (sédatif et tranquilisant) 37/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO c) Cyclisation de Chaîne Une autre modification structurale qui peut être envisagée est la transformation d’une chaîne alkyle en son analogue cyclique: S S N N N N Trimeprazine Methdilazine Ces deux composés expriment une activité antipruritique similaire chez l’homme. NB: prurit = sensation de démangeaison provoquée par une lésion locale ou symptomatique d’une maladie. 38/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO d) Bioisostérisme Les bioisostères sont des substituants ou groupes qui exhibent des similitudes physico-chimiques et qui expriment des propriétés biologiques similaires. Le bioisostérisme est une approche à la modification structurale d’une tête de série qui a démontré à maintes reprises son utilité dans l’atténuation de la toxicité, de la modification de l’activité et dans l’altération du métabolisme d’une tête de série. Isostères classiques = atomes ou groupes d’atomes, ions ou molécules dont la couche périphérique d’électrons peut être considérée comme identique (Erlenmeyer, 1948) ⇒ même nombre d’électron de valence, même taille approximative. Bioisostères non classiques = leur nombre d’atomes, leur nombre d’électron de valence et/ou leur demande stérique peuvent être différents, mais ils expriment une certaine similarité dans leur activité biologique. Voir Tables 2.2 et 2.3! 39/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO S N R N R Phenothiazines neuroleptiques Dibenzazépines antidépresseurs NB: un neuroleptique est un médicament utilisé dans le traitement de psychoses accompagnées d’excitation et comme réducteurs des mécanismes délirants et hallucinatoires. NB: un antidépresseur est un médicament capable d’améliorer l’état dépressif d’un sujet. Le succès des modifications bioisostériques est remarquable lorsque l’on considère les nombreux changements de paramètres physico-chimiques qui peuvent en découler: taille et forme de la molécule, répartition électronique, liposolubilité, hydrosolubilité, pKa, réactivité chimique, liaisons hydrogène. 40/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO Si l’unité remplacée par un bioisostère assure la distribution géométrique de groupes fonctionnels importants, les changements de taille, de forme et de liaisons hydrogènes occasionnés par le bioisostère doivent être considérés avec attention. Si l’unité remplacée par un bioisostère est impliquée dans une interaction spécifique avec un récepteur, la taille, la forme, la répartition électronique, le pKa, la réactivité chimique et les liaisons hydrogène sont tous des facteurs importants. Si l’unité remplacée par un bioisostère est nécessaire à l’absorption, au transport et/ou à l’excrétion de la molécule, alors les caractères lipophile et hydrophile, le pKa et les liaisons hydrogène sont les facteurs importants. Si l’unité remplacée par un bioisostère est impliquée dans le blocage ou la facilitation du métabolisme, alors la réactivité chimique est le facteur important . NB: la pharmacocinétique est l’étude de l’absorption, du transport, du métabolisme et de l’excrétion d’une drogue. 41/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO III. Interactions « Drogue-Récepteur » De façon spécifique, un récepteur est une protéine imbriquée dans la bicouche phospholipidique des membranes cellulaires dont la fonction biologique comprend une composante de reconnaissance moléculaire et une composante d’amplification de signal. Ces composantes peuvent correspondre à un même site ou à des sites différents sur la structure de la protéine: De façon générale, les récepteurs et autres cibles biologiques peuvent être divisés en deux classes: 1) Les récepteurs non-catalytiques, e.g., récepteurs membranaires, ADN/ARN 2) Les récepteurs catalytiques, i.e., enzymes NB: l’étude physico-chimique de l’interaction d’une drogue avec son récepteur constitue la pharmacodynamique. 42/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO 1. Constante de Dissociation KD La force monitrice d’une interaction « drogue-récepteur » est la formation d’un complexe stable caractérisé par un état de basse énergie: drogue + récepteur KD = kon koff drogue–récepteur complexe [drogue] [récepteur] [drogue–récepteur complexe] L’activité biologique d’une drogue est corrélée à son affinité pour le récepteur. Cette affinité est mesurée par la constante KD. Il s’agit d’une constante de « dissociation », donc plus KD est faible, plus la concentration en complexe est grande et, donc, plus l’affinité entre la drogue et son récepteur est grande. 43/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH 2. Les Forces Régissant l’Affinité « Drogue-Récepteur » Généralités CHO a) Les liaisons assurant l’affinité entre une drogue et son récepteur sont en générale des interactions faibles non-covalentes. L’affinité et les effets qui en découlent sont donc réversibles, et la drogue devient inactive aussitôt que sa concentration dans les fluides extracellulaires décroît. Les interactions faibles non-covalentes ne sont généralement possibles qu’entre des surfaces moléculaires relativement proches et complémentaires. L’établissement d’une liaison s’accompagne d’une diminution de l’énergie libre du système considéré (ΔG < 0), et tout changement de cette énergie libre est lié à la constante d’équilibre de l’affinité drogue-récepteur par l’équation suivante: ΔG° = – RT ln Keq NB: à 37°C, une faible diminution de ΔG° de –2.7 kcal/mol change la valeur de la constante d’équilibre de 1 à 100! 44/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO Il est souvent désirable qu’une drogue n’est qu’un effet temporaire de façon à pouvoir mettre fin à l’action pharmacologique. Une action prolongée d’un antidépresseur ou d’un analgésique narcotique peut être dangereux. Par contre, un agent chimiothérapeutique utilisé contre un pathogène ou une tumeur doit pouvoir avoir une action prolongée et donc former un complexe irréversible avec son récepteur. La formation de liaisons covalentes peut alors être recherchée. b) Types de liaisons i) Liaisons Covalentes ⇒ ΔG° = –40 à –110 kcal/mol; ce type de liaison forte est rarement établie entre une drogue et son récepteur, à l’exception des enzymes et de l’ADN. ii) Interaction Ioniques (ou Electrostatiques) ⇒ ΔG° = –5 à –10 kcal/mol; ces liaisons restent efficaces à des distances relativement plus grandes que pour les autres types de liaisons. 45/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO liaison ionique with acétylcholine O O O O surface du récepteur N iii) Interactions Ion-Dipole et Dipole-Dipole ⇒ ΔG° = –1 à –7 kcal/mol; ce type d’interaction s’établit lorsque les charges de signes opposés sont adéquatement alignés. Les charge d’un dipole étant plus faible que celle d’un ion, une interaction dipole-dipole est plus faible qu’une interaction ion-dipole, ellemême plus faible qu’une interaction ionique. H δ O δ ion-dipole δO NH3 δ O δ OH N dipole-dipole δ 46/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO iv) Liaisons Hydrogène ⇒ ΔG° = –3 à –5 kcal/mol; les liaisons hydrogène sont des cas particuliers d’interactions dipole-dipole entre un atome d’hydrogène attaché à un atome électronégatif X et un autre atome électronégatif Y pourvu d’un doublet électronique non-liant. X H O H O OMe Methyl salicylate, utilisé contre les douleurs musculaires, est un faible agent antibactérien Y OH MeO O L’isomer para, methyl p-hydroxybenzoate, dont la fonction phénol est libre, est un antibactérien actif, aussi utilisé comme agent de conservation alimentaire 47/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO v) Complexation de Transfert de Charges ⇒ ΔG° = –1 à –7 kcal/mol; cette interaction s’établit lorsqu’une molécule (ou un groupe) électro-donneuse (i.e., systèmes électroniques π tels que des alcènes, alcynes ou cycles aromatiques porteurs de substituants électro-donneurs ou des groupes constitués d’atomes avec des doublets non-liants tels que l’oxygène, l’azote et le souffre) contacte une autre molécule électro-acceptrice (i.e., systèmes possédant des orbitales π déficientes en électron tels que des alcènes, alcynes ou cycles aromatiques porteurs de substituants électro-accepteurs ou des protons faiblement acides). Il s’agit en fait d’une interaction dipole-dipole moléculaire. Cl N HN N Des interactions de ce type sont considérées à l’origine de l’intercalation de certaines drogues antimalariques aromatiques,telles que la chloroquine, dans l’ADN parasite 48/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO vi) Interactions Hydrophobes ⇒ Ces interactions correspondent à la diminution d’energie libre qui résulte du rapprochement de régions non-polaires d’une drogue et de son récepteur en conséquence de l’augmentation d’entropie des molécules d’eau avoisinantes. vii) Interactions de van der Waals ou Forces de London ⇒ ΔG° = –0.5 kcal/mol; ces interactions s’établissent lorsque les dipoles temporaires entre atomes d’un groupe non polaire induisent des dipoles opposés au sein du groupe d’une autre molécule duquel ils se rapprochent. L’attraction qui en résulte peut contribuer de façon significative à l’affinité entre la drogue et son récepteur si la surface de contact entre les atomes des deux molécules est grande, c’est-à-dire lorsque la complémentarité des deux molécules permet la combinaison de nombreuses interactions atomiques contribuant chacune environ –0.5 kcal/mol à l’energie libre du complexe drogue-récepteur. 49/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH 3. Ionisation CHO L’état d’ionisation d’une drogue est un facteur déterminant non seulement de son affinité avec son récepteur, mais aussi de sa biodisponibilité. HO Ph N Ph N O Ph N Ph N O Phenylbutazone, une drogue uricosurique est active sous sa forme anionique que l’on trouve seulement en faible quantité dans l’urine; son pKa est de 4.5, mais le pH de l’urine est 4.8. NB: un agent uricosurique augmente la sécretion d’acide urique dans l’urine. O O Ph S O Ph N Ph N O Sulfinpyrazone a un pKa de 2.8. Plus acide, la concentration de sa forme anionique dans l’urine est plus grande, et son activité est 20 fois supérieure à celle de la phenylbutazone. 50/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO A pH physiologique (pH 7.4), même les groupes faiblement acides comme les acides carboxyliques (pKa 4-5) sont sous la forme d’anions carboxylates. Les phénols (pKa 8-11) peuvent être partiellement ionisés. Les groupes basiques comme les amines sont partiellement ou totalement ionisées sous la forme de cations. Groupes acides et basiques des récepteurs biologiques: • groupes anioniques dans l’ADN ⇒ acides phosphoriques (pKa 1.5 ou 6.5), purines et pyrimidines (pKa ~9) • groupes anioniques dans les protéines ⇒ acides carboxyliques (acide aspartique et glutamique; pKa 3.5-5), phénols (tyrosine; pKa 9.5-11), thiols (cystéine; pKa 8.5), alcools (sérine et thréonine; pKa 13.5) • groupes cationiques dans l’ADN ⇒ amines (adénine, cytidine; pKa 3.5-4) • groupes cationiques dans les protéines ⇒ imidazole (histidine; pKa 6.5-7), amino (lysine; pKa ~10), guanido (arginine; pKa ~13) NB: les valeurs de pKa de nombreux groupes imbriqués dans un récepteur peuvent varier considérablement dans certains microenvironnements jusqu’à sortir de leur gamme habituelle de valeurs. 51/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO 4. Chiralité de la Drogue et de son Récepteur a) Généralités Les récepteurs biologiques sont des protéines constituées d’acides aminés chiraux. Les deux complexes qui peuvent se former entre un récepteur et deux drogues énantiomères sont Emil Fischer des diastéréoisomères, caractérisés par des énergies et des (PN 1902) propriétes physico-chimiques différentes! Les constantes de concept dissociation des deux complexes peuvent donc aussi être « clé-serrure » différentes, voire même impliquer des sites d’affinité différents ! Une drogue chirale peut être active (eutomère), et son énantiomère inactif (distomère). Le rapport d’efficacité de deux énantiomères est le rapport eudismique. Pour qu’un rapport eudismique important soit observé, il faut bien sûr que le pharmacophore de la drogue soit porteur de la chiralité de façon à ce que l’interaction avec le récepteur puisse être stéréosélective. 52/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH Le Drame des Thalidomides... CHO Un distomère est en fait souvent une impurité inutile si la drogue est utilisée sous la forme d’un mélange racémique. Il peut malheureusement aussi être la source d’effets secondaires indésirables, voire d’une toxicité. N O H H acide ! N S N O O O O N H O HO N H O O H O O R N H O Le thalidomide racémique était commercialisée dans les années 60 en tant que sédatif-hypnotisant pour les femmes à grossesse douloureuse. Seul l’énantiomère S est un sédatif, l’énantiomère R est un tératogène causant des malformations chez le nourisson. Pas de solution ! Les deux énantiomères s’équilibrent en moins de 10 minutes dans le sang. 53/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO Ibuprofène analgésique non-stupéfiant antipyrétique O S OH Advil®, Motrin®, Nuprin® antiinflammatoire non stéroïdien Inhibition de la cyclooxygénase, une enzyme responsable de la conversion de l’acide arachidonique en prostaglandines ⇒ médiation des réponses inflammatoires Actif contre l’arthrite! NB: Seul l’énantiomère de configuration S de l’ibuprofène est actif et inhibe la cyclooxygénase! La racémisation s’effectue in vitro! 54/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO Dans certains cas, les deux énantiomères sont désirables car leurs activités biologiques se complètent. Indacrinone, un agent diurétique dont l’énantiomère-d est responsable de l’activité diurétique (augmentation de l’excrétion d’eau) et de la rétention d’acide urique. Par contre, l’énantiomère-l est un agent uricosurique! Cl Cl O O Me CO2H ∗ Dans d’autres cas, les deux énantiomères peuvent avoir des activités thérapeutiques différentes, voire opposées! Me N Me O Me * * O Darvon®, (2S,3R)-(+)-dextropropoxyphène, est un analgésique, alors que l’énantiomère-l, Novrad®, est un agent contre la toux ! NB: les noms commerciaux sont énantiomériques ! 55/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO b) Reconnaissance Drogue-Récepteur à Trois Points L’hormone épinéphrine, plus connue sous le nom d’adrénaline, est un stimulateur cardiaque et augmente la tension sanguine en se liant au récepteur adrénergique α. Si l’on considère la reconnaissance des deux énantiomères de l’épinéphrine avec un récepteur à deux points de liaisons, il devient apparent que cette reconnaisance ne peut pas être stéréosélective. HO H R NH2CH3 HO HO Ar HO OH S NH2CH3 HO H Ar 56/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO Trois points d’attachement sont nécessaires pour que la stéréodifférentiation soit possible: R HO H NH2CH3 HO HO Ar H HO OH S NH2CH3 HO H Ar H Easson and Stedman, 1933 La forme d’une drogue, la topologie de ses motifs structuraux, en d’autres termes sa configuration et sa liberté conformationnelle sont des éléments clés du contrôle de son interaction avec son récepteur et, par conséquent, des réponses biologiques et thérapeutiques qui peuvent en résulter. 57/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO IV. Enzymes, Récepteurs Catalytiques Les enzymes sont des protéines qui catalyzent des réactions chimiques dans les systèmes biologiques. a) Mécanismes de la catalyse enzymatique Une fois que le substrat (i.e., la drogue) se lie au site actif de l’enzyme (i.e., le récepteur), il existe différents mécanismes par lesquels l’enzyme catalyse la transformation du substrat en produit i) Approximation ⇒ l’enzyme force les substrats à se disposer dans le site actif de telle façon que les centres réactionnels soient proches les uns des autres pour faciliter la réaction et donc accroître la vitesse de celle-ci. Il s’agit en quelque sorte d’un blocage des substrats dans leur conformation réactive (i.e., état de transition); il y a perte de l’entropie de rotation et de translation des substrats, mais les substrats ainsi imbriqués dans le site actif de l’enzyme ne font plus qu’un, et la réaction devient cinétiquement du premier ordre plutôt que du second ordre lorsque les substrats sont libres en solution. 58/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO ii) Catalyse Covalente ⇒ certaines enzymes utilisent les groupes nucléophiles de leur chaîne latérale de leur site actif pour former des liaisons covalentes avec le substrat. Un second substrat peut alors réagir avec l’intermédiaire réactionnel formé entre le premier substrat et l’enzyme pour donner le produit. Il s’agit d’une catalyse nucléophile. X R Y O X R –Y X Y O Z R O X R Z O NB: sites enzymatiques nucléophiles les plus communs ⇒ le groupe thiol de la cystéine, le groupe hydroxyle de la sérine, l’imidazole de l’histidine, le groupe amino de la lysine, le groupe carboxylate de l’aspartate ou du glutamate. 59/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO iii) Catalyse Générale Acide-Base ⇒ dans toute réaction chimique au cours de laquelle un transfert de proton se déroule, la catalyse générale acide et/ou la catalyse générale basique est opérationnelle. e.g., hydrolyse de l’acétate d’éthyle: H3O O H O H O O + HO H2O + O + H2O OH O OH HO O O + O + HO O OH + O O + HO NB: La réaction devrait être doublement accélérée si une base et un acide sont présents! Right? 60/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO En fait, une enzyme a la capacité de présenter un acide et une base de façon simultanée ! H B e.g., cas de l’α-chymotrypsine, une sérine protéase qui exprime à la fois une catalyse covalente et une catalyse générale acide-base O R charge relay system Y H OH O RHN B R1 NB: les pKa indiqués correspondent aux valeurs déterminées en solution. Il est évident que les pKa des mêmes groupes sont différents au sein du site actif de l’enzyme! Ser R2 N H O H NHR' O pKa 6.1 N N H pKa 14 His pKa 3.9 OOC Asp 61/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO iv) Catalyse Electrostatique et Désolvatation ⇒ une enzyme catalyse une réaction en déstabilisant l’état fondamental des substrats et en stabilisant l’état de transition.La déstabilisation de l’état fondamental peut se faire par la désolvatation des groupes chargés du site actif lors de l’entrée du substrat (élimination des molécules d’eau avoisinantes), exposant ainsi le substrat à un microenvironnement de plus basse constante diélectrique, voire hydrophobe. Ceci aura aussi pour conséquence de déstabiliser le substrat s’il est lui-même porteur de charges. Cette desolvatation a aussi pour conséquence de favoriser la stabilisation d’une charge naissante à l’état de transition par interactions électrostatiques avec les groupes chargés du site actif. NH3 NH3 O RHN R2 O NHR' N R1 O O RHN R2 NHR' N R1 O O 62/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH V. Inhibition d’Enzymes 1. Inhibition Réversible CHO E + I +S -S koff ES EP kon EI Ki = koff / kon E + P NB: plus la valeur de Ki est faible, plus l’inhibiteur réversible et compétitif est efficace. Un apport continu de l’inhibiteur réversible est nécessaire pour maintenir la compétition, i.e., la formation du complexe EI ! 63/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH Les Inhibiteurs de Protéases du VIH CHO O N N H CONH2 OH H N O H N O Saquinavir (Hoffmann-La Roche, 1995) premier médicament approuvé par la FDA pour le traitement du SIDA H N O O Ki= 0,6 nM O H t-Bu N H Ki= 0,12 nM Ki= 0,56 nM N O H N N N t-Bu N H NH2 OH OH N O OH O Indinavir (Dupont-Merck, 1996) S O Amprenavir (Vertex, 1999) 64/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO Structure de la Protéase du VIH 99 amino acides ! NB: C’est un homodimère présentant un seul site actif de symétrie C2 65/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO Structure de la Protéase du VIH 66/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO Structure de la Protéase du VIH 67/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO Conception Rationelle à partir du Mécanisme Enzymatique HO HO N N R R R N O H H H O O H O O O R N O H H H O H O ASP25' ASP25 O O O ASP25' ASP25 68/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe intermédiaire tétrahédrique OH HO CHO HO N N R N O O H H H O ASP25 O H H O ASP25 O ASP25' HO ASP25 N O R N H O O O ASP25' N H H O R O H R N H O H R O R N O H O H H O O ASP25' O O O HO R H H O ASP25 R O O ASP25' 69/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO Conception d’isostères de l’état de transition correspondant OH H N P hydroxyethylene H N P H N O P O P P N O H P H HO OH N N H P O intermédiaire tétrahédrique OH O P statine O phosphonamide P H HO OH N Si P O silanediol OH H N P dihydroxyethylene P OH O OH H N N P O hydroxyethylamine 70/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO L’exemple de la Conception de Saquinavir OH H N N P O N N H CONH2 OH H N O hydroxyethylamine O H N O H t-Bu N H Ki= 0,12 nM Saquinavir (Hoffmann-La Roche, 1995) Basé sur un isostère de type hydroxéthylamine de l’état de transition d’un clivage Phe-Pro ! 71/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH 2. Inhibition Irréversible CHO Un inhibiteur irréversible a une structure similaire à celle du substrat ou du produit de l’enzyme ciblée et, généralement, forme une liaison covalente avec l’un des résidus du site actif via un mécanisme d’acylation ou d’alkylation. E + I KI . E I kinact EI Il n’est pas nécessaire d’assurer un apport continu de l’inhibiteur, puisqu’une fois qu’il a réagi avec l’enzyme, le complexe covalent formé (EI) ne peut, généralement, plus se dissocier. Ceci se traduit par l’utilisation moins fréquente de doses plus petites, mais l’action de la drogue n’est pas permanente, car l’organisme continue d’encoder de nouvelles copies de l’enzyme ciblée. L’excellence d’un inhibiteur irréversible dépend de sa faculté à reconnaître de façon spécifique le site actif de l’enzyme ciblée pour former le complexe E.I, qui se comporte ensuite comme une molécule unique dans une réaction unimoléculaire rapide (108 fois plus rapide qu’une réaction bimoléculaire non spécifique). 72/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO a) Aspirine, Inhibiteur Irréversible de la Prostaglandine Synthase Il y a plus de 2000 ans, les Sumériens utilisaient des feuilles de saule (Salix alba) comme antidouleur Hippocrate (460-377 BC) préconisait une décoction d’écorce de saule blanc pour soulager les douleurs de l’accouchement et faire baisser la fièvre En 1835, Karl J. Löwig isole et identifie l’acide salicylique comme principe acif d’une autre plante antipyrétique, la reine des prés (Spirea ulmaria) Salix alba CO2H OH Acide salicylique 73/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO L’acide salicylique a des effets secondaires trop prononcés (mauvais goût, irritation de la bouche et de l’estomac) Une réaction chimique permet d’obtenir un dérivé tout aussi actif, mais moins désagréable; il s’agit de l’acide acétylsalicylique (Charles Gerhardt, 1853), plus connu sous le nom d’aspirine (A- pour acétyl et spirine de Spirea ulmaria) Synthèse mis au point par Hoffmann en 1897 et commercialisation par Bayer en 1899 comme antipyrétique, anti-inflammatoire (arthrite) et analgésique. Premier médicament commercialisé et dérivé d’une substance naturelle. En 1997, 40 000 tonnes de cet anti-inflammatoire sont produits dans le monde. C’est aussi un antiagrégant plaquettaire préconisé pour le traitement de l’infarctus du myocarde. CO2H O Me O 74/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH Biosynthèse des Prostaglandines CHO CO2H PG synthase (cyclooxygenase) O2 O CO2H O Acide arachidonique OOH PGG2 O CO2H PGE2 O HO CO2 H O OH HO OH CO2H HO PGH2 CO2H O OH EJ Corey (PN 1990) PGD2 HO OH PGF 2α 75/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO Prostaglandines et Inflammation Les prostaglandines sont impliquées dans la pathogenèse de l’inflammation et de la fièvre et sont secrétées lorsque les cellules sont endommagées. Une injection de prostaglandines provoquent les effets de l’inflammation tels que l’apparition de rougeurs sur la peau et l’augmentation local du flux sanguin. Les prostaglandines ont un effet vasodilatateur de longue durée, peuvent provoquer des maux de tête, et sont à l’origine de l’élévation de la température du corps lors d’une infection. ⇒ L’inhibition de la prostaglandine synthase est ainsi apparue comme une approche appropriée à la conception de drogues anti-inflammatoire, antipyrétique et analgésique ! 76/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO Inhibition de la Prostaglandine Synthase Hème Acétyl-serine Salicylate 77/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CO2H O CHO Inactivation de la PG Synthase par Transestérification avec l’Aspirine Ph N H H N O CO2H O O Aspirine Ph O N H OH + CH3 CH3 H N O + CO2H OH O O O O 78/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO b) Penicillines, Inhibiteurs Irréversible de la Peptidoglycan Transpeptidase Les pénicillines ont un mode d’action particulier: elles bloquent la ramification des petites chaînes peptidiques des peptidoglycanes des parois cellulaires des bactéries. Les bactéries sont alors incapables de maintenir une rigidité suffisante des parois pour résister à la pression osmotique et finissent par se lyser. Les images cidessous montrent des cellules de Bacillus cereus mises en culture en absence de pénicilline (gauche) ou en présence d’une faible dose d’ampicilline (droite). En affectant la ramification des parois cellulaires, l’ampicilline poussent les bactéries à grossir sans se diviser aussi fréquemment. 79/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. NAG NAM NAG NAG NAM NAG OH O O NAG NAM NAG CHO CHCH3 CHCH3 O C O C O CHCH3 L- Ala L- Ala C O D-γ- Glu D-γ- Glu L- Ala L- Lys (Gly)5NH2 L- Lys (Gly)5NH2 D-γ- Glu NH NH L- Lys (Gly)5NH2 transpeptidase CHCH3 CHCH3 NH Ser O O C O C CHCH3 D- Ala O D-Ala D- Ala C O Ser NH D- Ala L- Lys (Gly)5NH CHCH3 B H D- Ala D-γ- Glu COO L- Lys (Gly)5NH2 L- Ala D-γ- Glu C O L- Ala CHCH3 C O NAG = β-D-N-acetylglucosamine O NAM = β-D-N-acetylmuramic acid CHCH3 NAG NAM NAG O NAG NAM NAG 80/95 OMe OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO c) 5-Fluorouracil, un Inactivateur Mécanistique de la Thymidylate Synthase 81/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO VI. Drogues qui Interagissent avec l’ADN 1. Les Intercalants 2. Les Alkylants 3. Les Coupeurs de Brins 82/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO 83/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH 1. Les Intercalants CHO H2N NH2 N Br O HO O Campthotécine bloque l’activité de N la topoisomérase I N Ethidium bromide est un pigment fluorescent O OH O O X Les intercalants sont en général des structures aromatiques planes qui s’insère en s’empilant entre les paires de bases de la double hélice de l’ADN. Il s’agit d’une opération énergétiquement favorisée par l’évacuation de la drogue du milieu aqueux et par l’effet hydrophobe de l’intercalation. OH CH3O O OH OH O O NH3 Daunorubicine/daunomycine (X = H) et doxorubicine/adriamycine (X = OH) bloquent l’activité de la topoisomérase II 84/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH 2. Les Alkylants CHO La différence entre les alkylants et les intercalants de l’ADN est analogue à celle entre les inhibiteurs irréversibles et réversibles d’enzymes. Les intercalants se lient à l’ADN de manière non-covalente alors que les alkylants réagissent avec l’ADN pour former des liaisons covalentes. Les premiers pas de la chimiothérapie moderne pour la lutte contre le cancer commence dans les années 30…(recherche militaire classifiée et révélée au publique américain en 1946) Cl Cl S R N analogues azotés moins réactifs gaz moutarde ! Cl R Cl Cl N Nu1 R N Cl Nu1 ions aziridinium N R Nu1 Nu2 Nu2 R N Nu1 85/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH L’Alkylation Biologique, Application Simple des Réactions de Substitution Nucléophiles SN1 et SN2 CHO L’ordre de réactivité des bionucléophiles vis-à-vis des réactions de substitutions SN2 à pH physiologique (7.4) en solution aqueuse à 37°C est: thiolate > amino > phosphate > carboxylate Pour l’ADN, l’ordre de réactivité des sites des bases des nucléosides est: N-7 guanine > N-3 adénine > N-1 adénine > N-1 cytosine O 7 N N Sucre purines 6 NH N guanine NH2 NH2 7 N N Sucre N N 3 adénine O NH2 1 N3 N 1 Sucre NH pyrimidines O cytosine thymine N O Sucre 86/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH Méchloréthamine et Analogues CHO O HN N N N O H2N O O P O O Cl N Cl O O P O O N O N N NH N O O O P O O NH2 O P O O Méchloréthamine est un prototype d’agents « moutarde » azotés, très réactif, mais encore utilisé pour le traitement de la maladie d’Hodgkin. Cette drogue peut réagir avec 2 guanines de l’ADN. Cette alkylation produit un ion ammonium en position N-7 de la guanine, rendant celle-ci plus acide et capable d’adopter sa forme énol pour former une paire de base avec la cytosine au lieu de la thymine ! 87/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO Cl N Cl H Paire de base GC au lieu de GT ⇒ mauvais codage à la N réplication !!! DNA O H N H N O Cl H N H O Drogue N N N DNA NB: instable en milieu aqueux, la méchloréthamine est vendu sous forme d’un sel à mettre en solution juste avant l’injection CO2H Les analogues moins réactifs… NH2 CO2H Cl Silverman, p. 249 N CO2H Cl Cl N Cl Chlorambucil Cl N Melphalan Cl 88/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH 3. Les Coupeurs de Brin(s) CHO NADP NADPH O OH O O 1e . OH O X X OH CH3O O OH O OH CH3O Sucre O OH O Sucre Daunorubicine (X = H) Doxorubicine (X = OH) . HO + O2 – HO + 2 O2 + 2H O2 + H2O2 O2 H2O2 H2O2 . HO + + O2 – HO + O2 89/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO OR O P O O Cission par Réarrangement de Criegee O Base H-abstraction via . H O O P O OR' e H _ OR O P O O + HO OR O P O O HO . Drogue Drogue–Fe(V) =O O O O O P O OR' Base Criegee OR Base O P O Base O O O . O2 O .O O O O P O O P O OR' OR' OR O P O O OH O Base O O O P O OR' 90/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO OR O P O O O HO O OR O P O O O Base – O O P O OR' 2– R'OPO3 O Base + O O Base OR O P O O O H _ OH O 91/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH La Dynemicine A, un Enediyne CHO Les enedyines, comme la dynemicine A, sont des antibiotiques qui ont été isolés de différents microorganismes dans les années 80. Ce sont des agents antitumoraux présentant un motif enediyne macrocyclique et ils ont aussi en commun deux modes d’action. Dans un premier temps, ces molécules s’intercallent dans le petit sillon de l’ADN, puis, en général via une activation bioréductrice, un thiol ou NADPH déclenche une réaction qui permet à la cyclisation de Bergman de s’effectuer pour donner lieu à la formation d’un biradical phényle, qui clive l’ADN. B 3.54 Å OH O HN CO2H O OMe OH O OH Dynemicine A _ 2e 2 H+ H OH O HN CO2H O OMe OH OH OH 92/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH Cyclisation de Bergman CHO OH O HN 3.17 Å CO2H OH O HO H+ HO OMe H OH O HN OH CO2H HO Bergman OMe H OH O CO2H OMe OH OH OH OH O HN Clivage de l'ADN OH 93/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO The End 94/95 OH Stéphane Quideau, Ph.D. OMe OH CHO 95/95