Dr. GHASSEN KHEMAKHEM JEPTAV /ISBAS colloque – 03/2020
L’œuvre artistique se caractérise dès lors par un déplacement, un style nomade, l’errance dans
l’espace pour s’aventurer au-delà des frontières de l’infini.
En faisant le choix de faire une peinture inachevée, l’artiste donne vie à une pensée en
mouvement, ou le pinceau donne naissance à une infinité de déconstruction et de reconstruction,
abolissant ainsi l’univocité du langage artistique et l’interprétation unique. Cette esthétique
place l’œuvre dans un perpétuel mouvement et le rend atemporel comme une victoire sur le
temps et l’espace, la rendant ainsi inclassable et immortelle.
Si l’artiste est limité dans sa forme, ses capacités, ses facultés motrices et son existence,
l’inachevé lui donne la possibilité de triompher de la mort, de l’existence, des affres du temps
et de toutes les limites.
La notion de l’esthétique de l’inachevé permet à l’artiste de nuancer et de tempérer, mais aussi
de promouvoir une singularité artistique et une manière d’exister unique et irréductible à toutes
les autres formes de pensée et d’actions. « Agir par soi-même en se donnant ses propres règles
», telle est la promesse de l’esthétique de l’inachevé.
À une période où les règles se multiplient concernant les questions du faire, de l’acte, de la
matière et de la forme au point d’assujettir l’art en lui créant des limites, l’inachevé dans l’art
concilie l’essence de l’art et l’authenticité artistique. Il permet d’instaurer un renouvellement
dans le cadre d’une finalité sans fin à la fois constituante et instituante.
En nous basant sur les sculptures de Michel Ange, nous constatons que l’inachèvement
représente une nouvelle forme de création. Avec Michel-Ange, le non-finito acquiert le statut
de pratique artistique maitrisée à part entière. En nous penchant sur la genèse de l’œuvre, nous
pouvons mieux comprendre les modalités de l’œuvre artistique et l’évolution de son processus
créatif au lieu de nous intéresser au produit fini. L’ébauche et la formation de la prenne sont
des traits d’études importants car ils peuvent nous renseigner sur le processus créatif, les
difficultés techniques et esthétiques rencontrées mais également le traitement du mouvement et
du temps. Di Cagno (1996) considère l’inachevé chez Michel Ange comme repère comme une
conception riche en significations « Chez Michel-Ange, le terme ‘inachevé’ désigne des œuvres
de sa maturité pour la plupart, délibérément interrompues à un stade intermédiaire. Au– delà
de cet aspect technique, cette approche de la sculpture revêt une signification profonde liée à
l’esprit même de l’artiste : l’image qui émerge laborieusement du carcan de la pierre brute
indique, comme le veut la pensée platonicienne, que la perfection totale est impossible. D’autre