MOOC « Éthique de la recherche »
septembre 2018
MOOC « Éthique de la recherche »
Module 0
Éthique et science aujourd'hui : Revue de presse
Aujourd'hui, on ne peut plus pratiquer la recherche sans être confronté à
des questions éthiques qui sont au cœur de nos tiers, mais qui aussi
nous débordent largement et auxquelles les citoyens, nos concitoyens
nous renvoient. Ce que nous proposons, c'est de prendre le prisme de la
presse nationale pour voir comment ces questions éthiques apparaissent
dans la vie quotidienne de nos concitoyens et de notre pays et de voir
comment est-ce que les chercheurs sont invités à prendre parole et à
réfléchir sur ces enjeux éthiques.
On commence par un sujet qui est très présent en ce moment dans les
médias, c'est l'intelligence artificielle. Ici, une méthode informatique, ap-
pliquant des principes d'apprentissage profond, donc de l'intelligence ar-
tificielle, permettrait de déterminer mieux qu'un humain, l'orientation
sexuelle, d'un individu, à partir de l'observation des traits de son visage
et les auteurs se justifient en invoquant la découverte d'un fait objectif
qu'il serait dangereux de nier, à savoir la possibilité pour une machine de
faire cette reconnaissance. Notons que les techniques les plus en pointe
servent à catégoriser les individus en classes simplistes, pour la seule
raison que c'est techniquement et approximativement possible.
Deuxième exemple : les neurosciences. encore un domaine en
pointe, et ses usages cette fois-ci dans le droit. Depuis 2011, la loi de la
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bioéthique en France autorise l'utilisation de l'imagerie cérébrale pour
mener à bien une expertise judiciaire. Pour le moment, il n'y a pas de
preuves scientifiques de la fiabilité de l'imagerie cérébrale fonctionnelle
dans le cadre de l'expertise judiciaire, il peut y avoir de faux positifs ou
de faux négatifs. Quelle est alors la valeur en termes de preuves judi-
ciaires ? L'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques (OPECST) veut aujourd'hui remettre en cause cette utili-
sation des neurosciences dans le droit. La question, c'est de savoir si on
peut vraiment différencier un menteur, un psychopathe, un criminel ou
un innocent. Et si ce n'est pas possible, dans ce cas-là, cet usage des
neurosciences irait à l'encontre du principe de présomption d'innocence
et on risquerait de condamner des innocents.
Toutes les disciplines sont touchées par les questions éthiques et on
s'en aperçoit dans la presse. Prenons l'exemple des mathématiques. On
pourrait penser que les mathématiques sont dénuées de questions
éthiques, parce qu'elles représentent la science de l'absolu, de l'objectif.
En effet, s'il y a des faits scientifiques, c'est d'abord en mathématiques.
Comme le montre par exemple cet article, rendant compte d'un livre de
Leila Schneps et Coralie Colmez, "Les maths au tribunal". Les auteurs
racontent comment les calculs mathématiques peuvent être utilisés pour
terminer la culpabilité des accusés sur des bases statistiques. Les ma-
thématiques, pour accéder à la simplicité et à la clarté d'un calcul, ont
besoin de modélisation, d'hypothèse simplificatrice, et ces hypothèses
simplificatrices, on a tendance à les oublier parfois en confondant le mo-
dèle et la réalité.
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Les recherches en sciences humaines et sociales posent également de
nombreuses questions éthiques. L'expression d' « identité nationale »
est récente et d'abord politique. Or, quand les historiens s'intéressent à
la construction de la représentation de l'identité française, il s'agit plutôt
pour eux de comprendre comment cette représentation politique s'est
construite. En 2005, une loi vient réglementer les programmes de re-
cherche universitaire. Face à cette pression, les historiens du supérieur
et du secondaire se sont structurés et ont mis en place un comité de vigi-
lance pour résister contre les pressions pouvant émaner, soit de la so-
ciété, soit des politiques, et permettre de sauvegarder l'autonomie et
l'indépendance de leur discipline. Deuxième exemple, après les attentats
de novembre 2015, le Premier ministre prend à partie les sociologues, je
cite expliquer le djihadisme, c'est déjà vouloir un peu l’excuser, j'en ai
assez de ceux qui cherchent en permanence des excuses et des expli-
cations culturelles ou sociologiques à ce qui s'est passé". Le Premier
Ministre considère que le travail sociologique tend à déresponsabiliser
les terroristes en expliquant leur parcours. Le sociologue n'est ni un juge,
ni un avocat, mais un scientifique. Certes, il peut être confronté à des
enjeux politiques, mais il va les traiter en terme de connaissance objec-
tive et impartiale. Si jamais, il est ameà être expert et à conseiller par
exemple des hommes politiques, il le fera au titre d'expert, et non plus
seulement de scientifique et il veillera à départager ces deux dimensions
de son métier.
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Dans un autre domaine, fin novembre 2017, l'Union Européenne a fina-
lement cidé de renouveler l'autorisation, mis sur le marché du glypho-
sate. Son usage est-il cancérigène et génotoxique? Son exploitant as-
sure que non. Le problème, c'est qu'il y a très peu d'autres études scien-
tifiques indépendantes sur la question et que les experts européens ont
justifié leur décision, notamment à partir des études de Monsanto dont
l'impartialité et l'objectivité ne sont pas garanties. L'Union Européenne
peut-elle alors vraiment prendre une cision éclairée, impartiale et
juste? Cette décision a été contestée notamment à partir du soupçon
d'un lobbying industriel de la part de Monsanto, qui a été racheté ré-
cemment par Bayer.
Pour finir, tous ces cas posent la question de la responsabilité des scien-
tifiques. Quelles conséquences pour un ou une scientifique s'il se
trompe, s'il ment, s'il fraude, s'il dissimule un résultat, s'il produit sciem-
ment ou non une interprétation exagérée à son modèle, comme dans le
cas des erreurs judiciaires ? s'il produit de la recherche nuisible à l'intérêt
général ? si les conséquences de sa recherche au niveau économique
politique ou écologique sont discutables ou s'il est pris dans des conflits
d'intérêts?
La définition des responsabilités n'est pas toujours claire, comme le
montre cette histoire dramatique, qui est arrivée à des sismologues ita-
liens lors du terrible tremblement de terre en 2012 à l'Aquila en Italie. La
veille du tremblement de terre, une équipe de sismologues convoqués à
cause de message alarmiste qu'eux-même considéraient infondé, ont
malheureusement communiqué des messages rassurants à la popula-
tion. Ils ont été jugés, et d'abord condamnés à sept ans de prison, avant
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d'être acquittés en appel. Cette tergiversation judiciaire révèle le flou
dans la finition des responsabilités. Les scientifiques peuvent, d'une
part, faire les experts, en arguant de la solidité des connaissances, qui
sont produites par la science et, d'autre part, se retrancher derrière le
droit à l'erreur et l'incertitude quand le vent a tourné.
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