MOOC « Éthique de la recherche » MOOC « Éthique de la recherche» Module 3 - Séquence 2 Les nouvelles formes d’éthique participative 2018 vient d'être marqué en France par les États généraux de la bioéthique, et là, on va démarrer maintenant la révision de la loi. C'est un temps fort, c'est un temps sur lequel finalement il y a une rencontre en France tous les sept ou huit ans entre, d'une part, le politique, qui va construire la loi, les scientifiques, et puis le citoyen et les experts un peu qui réfléchissent autour de l'éthique. Alors, c'est les États généraux qui permettent à chacun de s'exprimer sur les grands sujets qu'on va voir. C'est un exercice un peu de d'intelligence collective. Les experts s'effacent un peu durant ces États généraux, donc c'est une notion que vous devez avoir, c'est qu'à la fois il y a, bien sûr, la science qui avance et puis, de l'autre côté, une vision aussi sociétale de ce qui avance, et pas de dire ce qui est bien ou mal - ce n'est pas le souci - mais de voir comment on peut aussi gérer cette science qui avance. Alors ces États généraux, ils ont comporté bien sûr un site Web, ils ont comporté des débats citoyens, qui ont eu lieu dans toutes les régions de France : il y en a eu plus d'une centaine sur différents sujets, des auditions à la fois des sociétés savantes, mais aussi des associations, des grands courants de pensée religieux, et puis aussi, de la société, des sociétés privées, parce que dans certains sujets de la bioéthique, en particulier sur les nouveaux sujets, en intelligence artificielle, plus de 50 % de septembre 2018 MOOC « Éthique de la recherche » l'activité est menée non pas par des académiques, mais par des biotechs ou de jeunes start up. Tout ça a été construit. On essaie de ramasser un peu ce que pensait finalement le concitoyen de façon aussi - je dirai - ouverte que possible et aussi neutre que possible. Pour accompagner le comité d'éthique qui était en charge de ces États généraux, il y avait un comité citoyen, qui accompagnait le CCNE (Conseil Consultatif National d’Éthique) et qui avait un regard critique sur l'ensemble du processus et qui s'est exprimé d'ailleurs sur l'ensemble du processus, alors même qu'on rendait aussi notre rapport sur les États généraux. Donc c’est un modèle un peu particulier français. Il y a des États généraux de la bioéthique, qui ont eu lieu aussi en 2018 en Inde, par exemple, mais ils n'existent pas du tout aux États-Unis, pas du tout au Canada qui est pourtant très avancé dans ces sujets et ils sont en train de s'interroger s'ils vont le monter dans les pays du nord de l'Europe, en particulier en Norvège et en Suède. Donc, c'est un peu la marque française des États généraux d'une réflexion citoyenne autour de ça. Après, les États généraux, c'était la première étape où le CCNE fait la synthèse de ces États généraux, et puis ensuite les livre aux différentes instances françaises des politiques bien sûr, mais aussi l'Office Parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), et puis il y a bien sûr un avis aussi du conseil d'État sur les aspects plus juridiques de la construction de la loi. Et en fait on voit, je ne sais pas où on va aller. septembre 2018 MOOC « Éthique de la recherche » On est en septembre, je ne sais pas où va aller la loi. Soit c'est une loi du type plutôt de 2009-2011 : c'est une série de points très particuliers qui portent sur « est-ce qu'on peut travailler sur l'embryon plus tard que J7 ? Aller jusqu'à J14? Est-ce qu'on a tel ou tel point sur l'utilisation des outils de la nouvelle génomique par exemple, sur le travail sur l'embryon? Toute une série de points très particuliers. Ou bien est-ce qu'au contraire, il va y avoir une dimension de plus, avec un dialogue de plus, mais il faut que les politiques évidemment nous suivent. C'est-àdire que la science est en train d'exploser beaucoup plus vite encore qu'auparavant et vous êtes dedans et vous êtes en train de la faire beaucoup bouger et il ne faut pas l'arrêter, il faut à certains moments quand même s'interroger, s'il n'y a pas un certain nombre de questions qu'on doit poser ensemble et que vous, en tant que jeunes scientifiques, vous devez poser aussi à certains moments avec la société. Je ne sais pas si on ira jusque-là, parce que le monde scientifique, même à l'étranger, attend beaucoup de choses de la position française sur des sujets, par exemple sur les nouveaux outils de la génomique, sur les outils génétiques, sur le CRISPR/CAS9, est-ce qu'on va pouvoir travailler sur l'embryon? Est-ce qu'on va pouvoir réinjecter de l'embryon modifié, qui peut être obtenu avec une excision de gènes pathologiques, ça c'est finalement une sorte de nouvel outil thérapeutique des années 2020, mais si on sélectionne à partir de là des grandes, blondes, etc., c'est le début d'une forme d'eugénisme et donc, c'est des vraies grandes questions sur l'utilisation de ces nouveaux outils génétiques, sur les gamètes, et non pas seulement sur les cellules somatiques. septembre 2018 MOOC « Éthique de la recherche » Alors quel a été le périmètre de cette discussion, des États généraux? D'une part, sur des sujets qui sont directement issus de la science et de la science qui avance, et puis, d'autre part, sur des sujets plus sociétaux. Alors, sur les sujets issus de la science c'étaient génomique, nouvelle génomique, les ciseaux génétiques, mais aussi, l'utilisation de génome au niveau individuel. Qu'est-ce que ça veut dire? On peut avoir pour 100 dollars, et probablement très vite pour beaucoup moins, une sorte de profil de notre génome. Jusqu'où va-t-on? Si on les achète sur Internet, les gens se retrouvent avec ça, ils ne comprennent pas, ils vont voir les consultations génomiques, qui commencent à être un peu débordés autour de ça, et puis, ma génération a connu presque, il y a de celà 1015 ans, on dit « on sort en boîte, on peut sortir avec quelqu'un, il faut avoir un test de VIH pour savoir si je continue », et là, est-ce qu'on va lui demander "donne-moi ta séquence génétique pour savoir si tu n'as pas une anomalie sur tel gène". Je pousse un peu le bouchon, mais c'est quand même des vraies questions qui vont se poser. Les couples commencent aux États-Unis à poser ce type de question. Il y aura bien sûr des choses sur l'embryon, sur les cellules-souches : jusqu'où peut-on travailler sur l'embryon? C'est des grandes questions, l'embryon comme une question de recherche. On est très strict en France là-dessus, moins aux US : jusqu'où va-t-on laisser la porte s'ouvrir dans la loi ? Et puis, il y a des sujets autour bien sûr du don, de transplantation d'organes avec un modèle français qui est "le don", c'est gratuit, on donne aux autres. C'est un modèle qui est très isolé, qui était très solide mais qui est assez unique. Ailleurs, ce n'est plus du don, c'est maintenant de la vente d'organes. Il y a même des situations qui posent septembre 2018 MOOC « Éthique de la recherche » des grandes questions éthiques, par exemple, dans un pays comme la Chine, où on prend des organes à partir des condamnés à mort, et on voit bien toutes les questions qui peuvent se poser. Et puis, il y a des aspects plus techniques sur les transplantations aussi qui vont être abordés. L’intelligence artificielle, c'est nouveau dans la révision de la loi, sur à la fois les Big Data, qui sont en train de révolutionner à la fois votre vie de scientifique et la vie des médecins, pas seulement la vie, mais la formation des médecins, on ne veut plus les gens avec la tête pleine, mais plus capables de prendre des décisions. Et puis des choses, que vous connaissez peut-être moins, si ce n'est pas votre domaine, mais par exemple, en neurochirurgie, dans les 5 à 10 années qui viennent, 40% des interventions vont être réalisées par des robots, parce que le robot est plus fiable, comme intervention sur le cerveau que la main de l'homme. Et, qu'est-ce que ça veut dire un consentement éclairé, vis-à-vis d'un robot? On fait un consentement éclairé vis-à-vis d'un chirurgien, mais vis-à-vis d'un robot? On peut décliner ça de façons multiples. Enfin, il y aura des choses bien sûr sur l'utilisation des Big Data. Jusqu'où se situe finalement cette notion de préservation de l'identité individuelle, alors même qu'on est avec des choses qui dépassent très, très largement les aspects scientifiques, mais qui s'attachent maintenant, où le patient est connecté et où donc il y a tout ce qui est autour de lui, sa vie sociétale, sa vie familiale qui est intégrée dans des données qui sont pas du tout gérées par des systèmes médicaux, mais – vous le savez – par Google, par les grands systèmes chinois de gestion de données, donc une révolution complète qui est en train de se faire. septembre 2018 MOOC « Éthique de la recherche » Et puis il y aura des aspects sur santé-environnement, qui est un élément aussi nouveau, sur les interactions entre santé-environnement, l'homme dans son environnement. Ne pas penser seulement que l'homme est en train de tout dominer, mais qu'au contraire il est dans une situation, où, s'il ne tient pas compte de l'environnement et la nature, la nature ne tiendra pas compte de l'homme, et on le voit bien dans les grandes épidémies actuelles qui sont en train de se passer. Donc, il y a une série de questions éthiques autour de ces grandes questions. Et puis bien sûr, il y a un débat sur les aspects plus sociétaux autour de la PMA (Procréation médicalement assistée) et de la fin de vie qui sont, alors ça peut vous, ça peut vous troubler parce que vous pouvez vous dire finalement la bioéthique en quoi elle s'intéresse à des sujets qui ne sont pas finalement des données de la science : mourir ou aider à mourir, ce n'est pas non plus une révolution culturelle ou une révolution technologique majeure. On n’est plus dans les faits, dans des phénomènes sociétaux. Mais en France, – mais pas seulement en France – ce sont des éléments essentiels issus des révolutions technologiques, et ensuite dans un deuxième temps avec des grandes questions sociétales. Donc, voilà le panorama et sur ce panorama les scientifiques, bien sûr ont leur mot à dire, parce que, un, ils sont des citoyens, deux, parce qu'ils sont, et en particulier les scientifiques français, ils sont à la fois scientifiques et ils sont français, donc ils sont particulièrement râleurs et ils râlent le tout le temps – disons, parce qu'ils sont bloqués par rapport à leurs collègues anglo-saxons pour aller plus loin sur les recherches etc. septembre 2018 MOOC « Éthique de la recherche » ce qui est un peu vrai, je demande vraiment à le voir dans ce qu'on a écouté, c'est plus complexe que ça, il y a des principes de précaution en France qui sont particulièrement marqués, peut-être par rapport aux milieux anglo-saxons, inversement, il y a des espaces de liberté qui ne sont pas nuls, mais il y en a aussi. Ça été le moment pour les scientifiques, les différentes instances, les chercheurs, les jeunes chercheurs de s'exprimer. Ça fait beaucoup de travail d'écoute, beaucoup de discussions, beaucoup de dialogues, et après qu'est ce qui va rester dans la loi? Je ne peux pas vous le dire encore maintenant, parce que la loi ce n'est plus le CCNE, ce n'est plus le débat citoyen, ce n'est plus les États généraux, c'est une série de décisions politiques où le politique, on le comprend bien, il hésite d'abord, il ne sait pas, il dit donc: c'est compliqué, c'est les scientifiques, c'est les médecins qui doivent porter ça. Et puis de l'autre côté sur les sujets sociétaux c'est éminemment politique, on le voit bien sûr avec la PMA (Procréation médicalement assistée). septembre 2018