COMMUNISME DE GUERRE ET GUERRE CONTRE LE COMMUNISME
Deux faits dominent la politique extérieure soviétique de cette période allant de 1917 à 1921 :
-l’hostilité de l’environnement extérieure, c-à-d des voisins de la jeune République (Finlande, Pologne,
Ukraine, et surtout des grandes puissances (France, Angleterre, Allemagne, Etats-Unis, Japon), qui
obligent la Russie soviétique à se battre pour défendre ses intérêts en tant qu’Etat contrôlant un
territoire, pour succéder en tant que sujet de droit international à l’Empire des tsars.
Cette Hostilité se traduit par la non-recconnaissance des Soviet comme pouvoir légitime, pas de
reconnaissance diplomatique, boycott complet jusqu’en 1921, 1924, 1934 pour les Etats-Unis
-L’existence d’un mouvement communiste international institutionnalisé en 1919 sous le nom
d’Internationale communiste ou Comintern ou IIIe Internationale. Organisation internationale
établie provisoirement en Russie en raison des circonstances et dans l’attente d’une révolution
européenne, l’IC dont les intérêts ne se confondaient pas forcément avec ceux des dirigeants
soviétiques, va néanmoins progressivement perdre son indépendance et s’aligner à partir du milieu
des années 1920 sur les considérations de la politique extérieure soviétique. (thème de la séance 6,
semaine prochaine)
Cette période alterne des phases offensives et des phases de repli, imposées par les circonstances
extérieures c-à-d les interventions étrangères et l’offensive des troupes contre-révolutionnaires
mais aussi par les divergences au sein de la direction du PCR(b).
Deux parties : LA PAIX NECESSAIRE ET LA GUERRE IMPOSEE : INTERVENTIONS ETRANGERES ET
GUERRE CIVILE
I. LA PAIX NECESSAIRE : DU DERCRET SUR LA PAIX A LA PAIX DE BREST-LITOVSK
Lorsque les bolcheviks prennent le pouvoir dans la nuit du 6 au 7 novembre 1917 la résistance à
l’avancée des troupes austro-hongroises et allemande est devenue impossible.
Par dizaine de milliers, les soldats qui ne veulent plus combattre quittent le front pour rentrer chez eux
afin de participer au partage des terres qui a commencé de façon spontanée durant l’été 1917.
En outre l’économie du pays est complètement exsangue et incapable de pourvoir aux nécessités de la
guerre. Ce fut l’une des causes de la révolution de février.
Conscient de cette situation et surtout du rôle du mécontentement populaire à l’égard de la guerre dans
la chute tsarisme, puis du gouvernement provisoire ce dernier n’avait pas pu et voulu retirer la
Russie de la guerre augmentant ainsi le mécontentement à son égard Lénine, qui avait mit au
centre de la propagande bolchevik le slogan de paix immédiate, estime que le retour à la paix est
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indispensable pour permettre aux bolcheviks de consacrer toutes leurs forces à la lutte contre les
éléments contre-révolutionnaires.
Le lendemain de leur arrivée au pouvoir, le 8 novembre 1917, les bolcheviks adoptent donc le célèbre
“décret sur la paix” qui constitue la première déclaration de politique étrangère du nouveau régime.
“D’inspiration et de langage beaucoup plus wilsoniens que marxistes”, selon l’expression d’E. H.
Carr 1, ce décret représente une proposition de “paix immédiate” adressée à “tous les peuples
belligérants et à leurs gouvernements”.
La paix demandée n’est pas une paix socialiste, mais une paix “juste et démocratique”, sans annexion,
ni indemnité, reconnaissant le droit à l’autodétermination pour tous les peuples, ce qui de fait
signifiait la fin des Empires (centraux mais aussi coloniaux).
Cette proposition de paix a bien sûr une forte dimension tactique: il est intéressant de faire des
propositions raisonnables pour que “le refus devienne embarrassant et compromettant”, ce qui
permettrait de convaincre les peuples de la validité des thèses communistes sur les buts
impérialistes de la guerre.
Mais au-delà de cette dimension stratégique, qui souligne que le but des bolcheviks demeure la
révolution mondiale, il est très intéressant de constater que la convergence entre les vues de Lénine
et celles de l’inspirateur de la SdN, n’est pas totalement superficielle, même si elle est surtout
source de malentendu.
“Le gouvernement soviétique a en effet hérité du gouvernement provisoire la conviction que les Etats-
Unis et la Russie révolutionnaire ont un intérêt commun pour une paix démocratique” et la même
hostilité à l’égard de la diplomatie secrète.
L’utilisation de termes très proches de ceux venant d’outre atlantique constitue donc “un appel calculé à
l’opinion publique américaine” .
C’est d’ailleurs à la suite du refus des Alliés de rédiger un manifeste sur les buts de guerre que, selon le
colonel House, le représentant de la CR américaine en Russie, Wilson se met le 18 décembre 1917
à rédiger lui-même une déclaration complète.
Ce n’est pas non plus un hasard si le premier des “Quatorze points de Wilson” réitère la condamnation
de la diplomatie secrète, alors même que le Commissariat du peuple aux Affaires étrangères
(Narkomindel) dirigé par Trotsky a commencé, le 10 novembre, la publication dans la presse des
traités conclus entre 1914 et 1917.
Mais le décret sur la paix n’éveille aucun écho : les gouvernements allemands et autrichiens comme les
membres de l’Entente ont rejeté toutes les propositions de paix juste et démocratique.
1 Edward Hallett CARR, La révolution bolchevique: la Russie soviétique et le monde, t. 3, Paris, Editions de Minuit, 1974,
p. 22.
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Et les soldats allemands, loin de se soulever contre leur gouvernement, se préparent à marcher sur la
Russie soviétique.
Le gouvernement bolchevik décide donc d’adresser aux puissances centrales une demande d’armistice
séparé.
L’armistice est signé le 15 décembre 1917 à Brest-Litovsk.
Les opérations militaires sont suspendues pendant un mois au cours desquels on négocie pour gagner du
temps.
Le gouvernement bolchevik essaie d’échapper à la honte d’une paix séparée (qui risquait de faire passer
les bolcheviks pour des alliés du militarisme allemand, c’est la naissance du mythe de la collusion
germano-soviétique) en sollicitant en vain une nouvelle fois la participation des Alliés mais c’est
un échec.
Les négociations, qui seront plusieurs fois suspendues, s’engagent donc avec l’Allemagne et l’Autriche.
Pendant un temps l'espoir avoué des bolcheviks est de freiner les négociations pour que les peuples,
désormais conscients des ambitions “impérialistes” de leurs dirigeants grâce à la publication des
traités secrets, suivent l'exemple de la révolution russe en se soulevant contre leur gouvernement.
Mais l’assurance apparente des Russes et l'agacement des Allemands à l’égard de la propagande
communiste diffusée parmi les troupes des empires centraux ne doivent pourtant pas dissimuler la
réalité du rapport de force.
Le 18 janvier, le général Hoffmann lance un ultimatum à la délégation bolchevique qui marque le début
de la première grande crise du régime.
Lorsque la délégation soviétique retourne à Petrograd, l'optimisme des premières semaines n'est plus de
mise.
Dans un texte intitulé Thèses sur la conclusion immédiate d'une paix séparée et annexionniste nine
expose sa nouvelle analyse de la situation:
Si la Russie soviétique se lance dans une guerre révolutionnaire et que «la révolution allemande ne se
produit pas dans les mois qui viennent et que la guerre continue [...] l'armée paysanne, épuisée au
dernier point par la guerre, renversera le gouvernement ouvrier socialiste dès les premières
défaites».2
En attendant la révolution allemande, il fallait donc assurer la pérennité de la révolution russe en
signant la paix.
Jusque-là tous les bolcheviks restaient convaincus de la validité du slogan: paix démocratique ou guerre
à mort contre les puissances impérialistes.
Lénine propose maintenant une nouvelle alternative, en rupture totale avec le programme énoncé avant
la prise du pouvoir.
2Lénine, «Thèses sur la conclusion immédiate d'une paix séparée et annexionniste», OC, T.26, pp.462-462 et
pp.467-458.
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À partir de ce moment et jusqu'à la signature du traité en mars 1918, trois grands courants vont
s'affronter dans le parti sur cette question.
1. Les communistes de gauche qui avec Boukharine refusent la paix, croyant à la possibilité d'une
guerre révolutionnaire conjuguée avec le soulèvement du prolétariat chez autres belligérants.
Si les communistes de gauche surestiment la volon combative des masses paysannes, leur
interprétation de la paix comme une trahison de la révolution mondiale, comme un abandon
consenti de millions de travailleurs allemands à la domination impérialiste, a de nombreux
partisans au sein de la gauche allemande proche de Rosa Luxemburg.
2. Ceux qui avec Trotsky ne croyaient pas à la possibilité d'une guerre révolutionnaire mais considérent,
compte tenu de l'imminence de la révolution en Europe, qu'il ne faut pas signer la paix tout de
suite, quitte à prendre le risque d'une paix moins favorable plus tard. Leur slogan est « Ni paix, ni
guerre ».
3. et enfin, autour de Lénine, les partisans d'une paix immédiate pour sauver la révolution russe, même
au prix de conditions humiliantes.
Ainsi se trouve posée pour la première fois l’alternative « révolution permanente ou coexistence avec le
monde capitaliste » que nous retrouverons ultérieurement dans le débat opposant Trotsky à Staline,
partisan de l’édification du socialisme dans un seul pays.
Les thèses de Lénine sont au début très minoritaires et c’est la position de Trotski ni guerre, ni paix
qui est adoptée.
Fin janvier 1918, la nouvelle que des troubles ont éclaté à Budapest, Berlin, Kiel (flotte) et Vienne
stimule à nouveau l'optimisme des soviétiques.
Mais la révolution allemande n’a pas lieu.
Et lorsque en fin février est annoncée l'entrée des troupes allemandes en Ukraine et sur le front de la
baltique, menaçant ainsi à brève échéance la capitale, la motion de Lénine est adoptée par sept voix
contre quatre Boukharine, Ouritski, Boubnov et Lomov grâce à l'abstention de Trotsky,
Joffé, Krestinsky et Dzierjinski.
Les conditions de la paix de Brest-Litovsk signée le 3 mars 1918 sont très dures pour la Russie : perte
de la Pologne, des Pays Baltes, évacuation de l’Ukraine et de la Finlande. Abandon du Caucase.
La révolution, bien que cantonnée à un espace réduit, était sauve, mais Brest-Litovsk fut pour les
dirigeants bolcheviks une dure prise de contact avec les rapports de force internationaux, qui
marquera fortement l’avenir et l’orientation de la politique extérieure soviétique. Celle-ci
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témoignera dorénavant d’une remarquable capacité d’adaptation, sous la forme de l’abandon
provisoire des principes.
Pour de nombreux auteurs la signature du traité témoigne pourtant de l’abandon par les dirigeants
bolcheviks de sa politique révolutionnaire au profit des intérêts nationaux de la Russie, fut-elle
rouge.
Dès l’origine les communistes russes ont donc été confronté au problème de la contradiction possible
entre les intérêts de l’Etat soviétique et ceux du mouvement révolutionnaire international.
Cette contradiction constituera l’une des constantes de la politique extérieure soviétique, connue sous
l’expression de double politique.
II. LA GUERRE IMPOSEE : INTERVENTIONS ETRANGERES ET GUERRE CIVILE
La signature du traité de Brest-Litovsk en mars 1918, un trai“imposé un revolver à la main” selon
l’expression d’un communiste de gauche, ne fournit pas aux bolcheviks le répit espéré par Lénine
pour consolider leur régime.
Dès le printemps 1918, la Russie soviétique est en effet confrontée à la guerre civile et aux
interventions étrangères.
La guerre civile dépasse la simple opposition rouge contre blancs : il s’agit d’un phénomène complexe.
Les rouges sont facilement identifiables. Il s’agit des partisans du régime : les bk et les SR de gauche.
Mais les Blancs : des monarchistes, des KD, des SR (Savinkov), des mencheviks.
Il y a aussi les verts : des anarchistes paysans, très implanté en Ukraine,
Et les armées étrangères : les troupes de l’entente, la légion tchèque, l’armée polonaise de Pilsudski, les
troupe du Baltikum.
Quatre facteurs vont peser sur les orientations de la guerre :
1.-Les conditions économiques et financières qui restent désastreuses pendant toute la période.
Les mesures du communisme de guerre réquisition des grains, nationalisation des entreprises de plus
de 10 salariés, le travail obligatoire après 16 ans pèsent lourdement sur l’économie dont les
condition ne vont cesser de s’aggraver, aboutissant à la dramatique famine de 1921, qui amenèra
les bolchevik aux compromis de la NEP en 1921.
2e facteur :- les conditions politiques sont relativement plus favorable, la menace contre-révolutionnaire
provoquant un sursaut d’enthousiasme révolutionnaire.
La peur du retour des anciens maîtres, qui refusent le partage des terres, favorise le soutien des paysans
au régime des Soviets.
Le communisme de guerre et la propagande permettent la mobilisation de l’ensemble des énergies.
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