indispensable pour permettre aux bolcheviks de consacrer toutes leurs forces à la lutte contre les
éléments contre-révolutionnaires.
Le lendemain de leur arrivée au pouvoir, le 8 novembre 1917, les bolcheviks adoptent donc le célèbre
“décret sur la paix” qui constitue la première déclaration de politique étrangère du nouveau régime.
“D’inspiration et de langage beaucoup plus wilsoniens que marxistes”, selon l’expression d’E. H.
Carr 1, ce décret représente une proposition de “paix immédiate” adressée à “tous les peuples
belligérants et à leurs gouvernements”.
La paix demandée n’est pas une paix socialiste, mais une paix “juste et démocratique”, sans annexion,
ni indemnité, reconnaissant le droit à l’autodétermination pour tous les peuples, ce qui de fait
signifiait la fin des Empires (centraux mais aussi coloniaux).
Cette proposition de paix a bien sûr une forte dimension tactique: il est intéressant de faire des
propositions raisonnables pour que “le refus devienne embarrassant et compromettant”, ce qui
permettrait de convaincre les peuples de la validité des thèses communistes sur les buts
impérialistes de la guerre.
Mais au-delà de cette dimension stratégique, qui souligne que le but des bolcheviks demeure la
révolution mondiale, il est très intéressant de constater que la convergence entre les vues de Lénine
et celles de l’inspirateur de la SdN, n’est pas totalement superficielle, même si elle est surtout
source de malentendu.
“Le gouvernement soviétique a en effet hérité du gouvernement provisoire la conviction que les Etats-
Unis et la Russie révolutionnaire ont un intérêt commun pour une paix démocratique” et la même
hostilité à l’égard de la diplomatie secrète.
L’utilisation de termes très proches de ceux venant d’outre atlantique constitue donc “un appel calculé à
l’opinion publique américaine” .
C’est d’ailleurs à la suite du refus des Alliés de rédiger un manifeste sur les buts de guerre que, selon le
colonel House, le représentant de la CR américaine en Russie, Wilson se met le 18 décembre 1917
à rédiger lui-même une déclaration complète.
Ce n’est pas non plus un hasard si le premier des “Quatorze points de Wilson” réitère la condamnation
de la diplomatie secrète, alors même que le Commissariat du peuple aux Affaires étrangères
(Narkomindel) dirigé par Trotsky a commencé, le 10 novembre, la publication dans la presse des
traités conclus entre 1914 et 1917.
Mais le décret sur la paix n’éveille aucun écho : les gouvernements allemands et autrichiens comme les
membres de l’Entente ont rejeté toutes les propositions de paix juste et démocratique.
1 Edward Hallett CARR, La révolution bolchevique: la Russie soviétique et le monde, t. 3, Paris, Editions de Minuit, 1974,
p. 22.