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Crises des opiodes exposé

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La crise des opioïdes aux USA: à quoi est-elle due et comment s’organise le trafic
d’opioïdes et notamment du Fentanyl qui arrive sur le territoire américain?
Introduction
Comment le légal produit de l’illégal
Tout commence dans les années 1990: en 1995, les antidouleurs tels que l’OxyContin, jusque là
réservés au traitement des douleurs liées à des maladies lourdes telles que le cancer, sont
approuvés par la Food and Drug Administration (FDA), l’autorité sanitaire américaine. Se met alors
en place une campagne commerciale dite agressive, afin de toucher le maxime de possibles
consommateurs. Cela marche très bien, trop bien même, à tel point que le nombre
d’ordonnances pour les opioïdes1 atteint des sommets absurdes: en 2012, on estime que 68
pilules par habitants ont été prescrits par les médecins en Ohio2. Mais lorsque l’on se rend
compte, dès les années 2000 du potentiel addictif de ces antidouleurs, le mal est fait: les
consommateurs ne peuvent plus se fournir de façon légale, et leurs ordonnances arrêtées
brutalement les poussent à chercher une alternative facile d’accès et bon marché, et se tournent
de fait vers le secteur illégal.
« Quatre usagers d’héroïne étasuniens sur cinq disent être passés à l’héroïne car les pilules étaient
devenues trop difficile d’accès »3
Le traffic d’opioïdes se met alors en place pour répondre à la forte demande: si l’héroïne est au
début la substance qui semble le mieux servir d’alternative aux médicaments légaux, elle devient
vite obselète, remplacée par le Fentanyl, puissant analgésique de synthèse, aux effets 50 fois plus
forts que l'héroïne, moins cher et plus lucratif pour les trafiquants.
Retrons le parcours jusqu’aux USA du fentanyl ou de ses dérivés: ces substances proviennent en
premier lieu des laboratoires chinois, parfois de façon légale lorsqu’il s’agit d’une substance
dérivée du fentanyl qui n’a pas encore été interdite. C’est ensuite par le biais du Darknet ou par
des sites spécialisés que les substances sont exportées, le plus souvent au Mexique. Ce trafic
débute aux environs de 2005, mais se diversifie rapidement dans une optique de réductions des
coûts, mais aussi pour contourner la legislation chinoise: en effet, au lieu d’importer le produit fini,
des laboratoires clandestins sur place se chargent de le fabriquer, à l’aide des simples
précurseurs chimiques provenant également de Chine et bénéficiant encore d’un statut légal.
C’est ensuite par le biais des cartels tels que celui de Sinaloa que les opioïdes seront acheminés
vers les USA.
Ainsi, on peut dire que « le désir de réglementer le commerce licite des drogues a entraîné la
formation d'un marché clandestin »4
1
Molécules synthétiques qui ne sont pas dérivées de l’opium mais dont les effets sont similaires
« Opioids prescribed to Ohio patients decrease by 162 million doses since 2012 » (PDF), Board
of Pharmacy, État de l’Ohio, 25 janvier 2017.
2
https://www.samhsa.gov/data/sites/default/files/DR006/DR006/nonmedical-pain-relieveruse-2013.htm
3
4
Bonucci-Macaglia, Atlas des mafias, ed. Autrement, 2009, p. 44
Voici un petit schéma récapitulatif avant de rentrer dans davantage de détails:
CRISE DES OPIOIDES: LE TRAFIC DE FENTANYL ET DE SES DÉRIVÉS
Aux USA, Perdue Pharma crée le problème:
les médicaments sont addictifs, ce qui
donne lieu à une demande massive
Le trafic s'organise afin de fournir aux consommateurs des
opioides, qui vont servir de substitution aux
médicaments: C'est prinicpalement la Chine, l'industrie
chimique va produire du Fentanyl ou des dérivés
Le Fentanyl ou ses dérivés sont importés par des cartels
mexicains, comme celui de Sinaloa
Les cartels vont alors se charger de la coupe et du transport
vers les USA
I-Peut-on trouver dans vos sources des exemples de criminalités (acteurs ou
activités) produits indirectement ou involontairement par le secteur légal?
Par l'action humaine?
La compagnie Purdue Pharma a crée le problème, en faisant croire à la faible dangerosité du
produit et en menant une campagne commerciale agressive à base de vidéos, brochures, ou
encore visiteurs médicaux). La demande était au début des années 2000 très forte, et l’offre
suivait en conséquence. Mais lorsque la potentiel addictif des antidouleurs sont révélés, les
médecins se voient obligés de réduire les prescriptions. Or, les consommateurs sont déjà
dépendants des substances qu’ils ont consommés pendant parfois plusieurs années. Ainsi, le
demande reste aussi forte, tandis que l’offre décroit, ce qui laisse une place à l’apparition d’un
marché parallèle: le trafic d’héroïne et surtout de fentanyl.
De plus, il a été remarqué que pour se développer, Purdue Pharma aurait agi à la manière d’un
cartel, en identifiant les régions les plus vulnérables du pays, où se côtoient chômage et pauvreté.
De cette façon, on peut dire que c’est le secteur légal, et plus précisément l’action humaine (de
par les dirigeants de la société pharmaceutiques) qui a indirectement incité à la création d’un
marché parallèle, afin que les usagers de drogues au commencement légales puissent continuer à
consommer lorsque l’accès aux antidouleurs tels que l’OxyContin leur a été restreint.
Par la loi ?
Comment le terrain devient propice au trafic ?
Le marché de l’héroïne et du fentanyl est quelque peu encouragé par l’absence
d’accompagnement envers les personnes dépendantes: elles se tournent vers le secteur illégal
pour se fournir en médicaments ou équivalents.
Il aura fallu attendre 2017 pour que cette crise soit reconnue comme telle et que l’état d’urgence
sanitaire soit déclarée, mais sans financement conséquent: le président Trump a déclaré l’état
d’urgence sanitaire le 26 octobre, sans toutefois prévoir de moyens budgétaires à la hauteur des
enjeux d’accès aux soins de la population ne bénéficiant pas d’une couverture médicale
suffisante5. Un rapport du Bureau du Surgeon General de 2016 révélait en effet que seuls 10 %
des Américains souffrant de toxicomanie ont accès aux traitements.
L’absence de coordination entre le l’aide que l’Etat veut apporter et les mesures qui sont
réellement prises prive ainsi une grande partie des consommateurs de soins adaptés, ce qui les
pousse encore une fois a s’approvisionner illégalement, et donc à favoriser les différents trafics
d’opioïdes qui cherchent à répondre à la forte demande.
Une fois le marché établi, comment la loi ou son absence permet le trafic ?
Une fois le marché établi, l’absence de lois ou de coordination entre celles ci va créer un vide
juridique, qui profite à beaucoup de ces substances telles que les opioïdes. Pour faire simple, ces
substances sont souvent obtenues en modifiant la structure d’une molécule déjà connue. Dès
qu’une nouvelle molécule est interdite, une nouvelle sera créée à son tour qui, elle, ne sera pas
répertoriée.
Ainsi, on comprend que la loi ne peut pas interdire tous les opioïdes au même moment, tout
simplement parce que la structure d’une molécule telle que le fentanyl peut se modifier un certain
nombre de fois, et ne peut être prohibée avant même sa création et sa distribution.
II- Peut-on trouver dans vos sources des exemples de criminalités (acteurs ou
activités) produits directement, volontairement, par intérêts, par le secteur légal?
Cela leur profite-il ?
Pour rappel, on se concentre ici sur les trois états concernés par la crise, en terme de production,
de transit et de conséquences: les USA, la Chine et le Mexique. Or, les USA en tant qu’états ne
produisent pas volontairement ou directement de criminalité, on va donc se pencher sur
l’implication de la Chine et du Mexique.
Les entrepreneurs légaux produisent-ils de la criminalité?
En Chine, c’est l’industrie chimique légale qui fabrique et exporte de fentanyl ou ses dérivés,
qu’ils soient licites (pour le moment, car non réglementés) ou illicites, vers des laboratoires
clandestins au Mexique. L’industrie chimique légale chinoise est donc un exemple quant à la
production de criminalité par des entrepreneurs légaux.
Les états produisent-ils de la criminalité?
Le cas de la Chine
Il y a des accusations qui pèsent sur la Chine, qui disent que le trafic illicite de drogues de
synthèses et notamment du fentanyl profiterait économiquement à la Chine, et que ce trafic serait
également une « stratégie afin d’affaiblir les américains » (donc suspicion de fermer les yeux sur la
production par intérêt) en « proposant des drogues de plus en plus dangereuses sur le marché »6 .
Peut-on pour autant dire que la Chine en tant qu’état produit de la criminalité à travers le trafic de
fentanyl ou d’opioïdes du même genre, dans le but de générer du profit ? C’est difficile à dire, car
la Chine dit mener une guerre contre les stupéfiants, mais la fiabilité des données chinoises reste
à nuancer.
Le cas du Mexique
Ivana Obradovic, « La crise des opioïdes aux États-Unis. D’un abus de prescriptions à une
épidémie aiguë », Potomac Papers, n° 35, Ifri, décembre 2018.
5
Olivier Bault, La Chine communiste, une vaste entreprise engagée dans une « guerre du fentanyl
» contre les États-Unis, réinformation.tv, 28/06/2018, https://reinformation.tv/chine-fentanyl-etatsunis-bault-85801-2/
6
Le Mexique produit de la criminalité car le territoire (et plus précisément l'État de Sinaloa qui nous
intéresse particulièrement) est un « narco état », largement impliqué dans le production et le
transport du fentanyl retrouvé aux Etats-Unis.
Narco état: Pour Solís González, on parle de «narco-état» quand on considère qu'il existe « une
alliance ou un accord sur une base corrompue entre le trafic de drogue organisé et l'État dans le
pays respectif dans lequel il se produit, avec une forte présence de représentants du crime
organisé dans ses différents gouvernements, mais aussi l'économie et la finance. Il y a une
relation entre le trafic de drogue et l'État, où le trafic de drogue peut devenir un acteur
économique important, parfois presque indispensable, générant des emplois et des
infrastructures et comblant les lacunes là où l'État n'atteint pas, en devenant un prestataire de
services publics »7.
En bref, un narco-état c’est l’ «omniprésence du narcotrafic et du crime organisé dans les divers
appareils et institutions publics, notamment le système judiciaire , la police et l’armée, ainsi
qu’aux différents niveaux du gouvernement (national, provincial et local) »
C’est le cas du Mexique car, toujours selon Solís González :
-énorme capacité des cartels en terme de corruption et de pénétration des appareils et des
institutions de l’État, au niveau local, régional et national
-contrôle des cartels sur des zones entières du pays
-présence du crime organisé dans les institutions publiques et dans l’économie (à travers des
partenariats et dans la collusion des cartels avec des fonctionnaires gouvernementaux, du plus
haut au plus bas niveau)
Les politiques et la sphère “politico-administrative” produisent-elles de la criminalité?
Oui, car la sphère politico-administrative se compose elle même de membres issus du trafic. Solís
González parle de véritables « partenariats » et d’une « collusion des cartels avec des
fonctionnaires gouvernementaux, du plus haut au plus bas niveau ».
Un des partenariats récent le plus parlant est le pace de « non agression » entre l’ancien chef du
Cartel de Sinaloa, Joaquín Guzmán (alias El Chapo) et Juan Camilo Mouriño, ministre de
l’Intérieur du gouvernement de F. Calderón.
L’économie légale produit-elle de la criminalité?
A travers le blanchiment d’argent, l’économie légale produit de la criminalité: l’argent de la drogue
comme le fentanyl mais pas que, est blanchi via des entreprises légales (exemple: Casa de
Cambio Puebla, entreprise dédiée au blanchiment d’argent du narcotrafic).
Dans le cas du Mexique en tant que narco-état, on peut dire qu’« il n'y a donc pas d'un côté une
économie légale et de l'autre une économie illégale mais une seule économie dont les
composantes sont enchevêtrés et solidaires ».8
Solís González, J. (2012). L'état narco : néolibéralisme et crime organisé au Mexique. Revue
Tiers Monde, 212(4), 173-188. https://doi.org/10.3917/rtm.212.0173
7
8
Bonucci-Macaglia, Atlas des mafias, ed. Autrement, 2009, p. 62.
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