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Pathologie athéroscléreuse des troncs supra aortiques

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EMC-Cardiologie Angéiologie 2 (2005) 459–471
www.elsevier.com/locate/emcaa
Pathologie athéroscléreuse
des troncs supra-aortiques
Atherosclerotic aortic arch
C. Laurian a,*, V. Marteau b, C. Saliou c
a
Service de chirurgie vasculaire, Hôpital Saint Joseph, 185, rue Raymond-Losserand,
75674 Paris cedex 14, France
b
Service de radiologie, Hôpital Saint Joseph, 185, rue Raymond-Losserand, 75674 Paris cedex 14, France
c
Service de chirurgie vasculaire, Hôpital Saint-Brieuc, 22000 Saint Brieuc, France
MOTS CLÉS
Artère carotide ;
Troncs
supra-aortiques ;
Athérosclérose ;
Chirurgie
endovasculaire
KEYWORDS
Carotid artery;
Proximal supra-aortic
trunks;
Atherosclerosis;
Endovascular
procedures
Résumé La pathologie athéroscléreuse des troncs supra-aortiques est dominée
aujourd’hui par les sténoses carotides. L’impact des explorations non invasives
échographie-doppler, imagerie par résonance magnétique (IRM), explique leur large
dépistage. L’évolution des techniques anesthésiques, la reproductivité des techniques
chirurgicales ont permis d’en améliorer les résultats. Les progrès des techniques endovasculaires ont permis leur positionnement dans le traitement des lésions proximales, en
revanche le bénéfice à long terme de ces procédures dans le traitement des lésions
carotides est mal connu. Les indications des corrections des lésions occlusives sousclavières et vertébrales sont devenues mieux ciblées.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract Carotid stenoses are the most frequent lesions of the aortic arch. The development of noninvasive investigation techniques such as Duplex Scan, MRI and Angio-MRI
allowed a better detection of such lesions. The improvement of anaesthetic techniques
and the reproducibility of the surgical procedures have resulted in improved management
and results. Advances in endovascular techniques have made such treatment commonly
considered for proximal stenosis, whereas long-term benefits of endovascular treatment
for carotid lesions remain to be demonstrated. The indications for the treatment of
occlusive lesions of subclavian and vertebral arteries are now better identified.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Introduction
L’intérêt des lésions athéroscléreuses des troncs
supra-aortiques (TSA) est aujourd’hui centré sur les
lésions occlusives de l’artère carotide interne (ACI)
pour trois raisons :
• la place croissante des explorations non invasives ;
* Auteur correspondant.
• l’apport de l’anesthésie locorégionale dans
cette chirurgie ;
• l’émergence des techniques endovasculaires en
compétition avec la chirurgie conventionnelle.
Les lésions proximales des TSA, plus rarement
symptomatiques, relèvent plus largement de techniques endovasculaires. Les indications thérapeutiques sur les lésions occlusives des artères sousclavière et vertébrale sont mieux identifiées. La
chirurgie conventionnelle garde une place domi-
1762-6137/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi: 10.1016/j.emcaa.2005.09.010
460
nante, les procédures endovasculaires, malgré un
risque faible de complications, sont le siège de
fréquentes resténoses.
Lésions anatomiques
Les lésions athéroscléreuses des TSA ne répondent
pas à une distribution anatomique homogène.
Les lésions ostiales proximales (tronc artériel
brachiocéphalique, artère carotide primitive gauche, artère sous-clavière gauche) représentent souvent l’extension des lésions athéroscléreuses de la
convexité de la crosse aortique.
L’artère sous-clavière proximale, et l’origine de
l’artère vertébrale sont précocement affectées par
les lésions athéroscléreuses, mais le risque d’infarctus cérébral associé à ces lésions est considéré
comme faible. Les possibilités de suppléance par
l’artère vertébrale controlatérale ou les anastomoses cervicales expliqueraient la bénignité de ces
sténoses proximales par opposition aux lésions occlusives de l’artère vertébrale intracrânienne.
Dans le territoire carotidien, la distribution de
l’athérosclérose n’est pas plus homogène. Le siège
le plus fréquent en est l’origine de l’ACI, s’étendant sur les 2 à 3 cm du bulbe carotidien. La
deuxième localisation en est le siphon carotidien.
Dans ce cadre, les occlusions carotidiennes sont
plus souvent en rapport avec une thrombose occlusive d’une sténose de l’ACI proximale, plus que la
conséquence de la propagation d’un thrombus rétrograde à partir d’une sténose du siphon carotide.
Enfin, le retentissement hémodynamique intracrânien en est variable, en fonction de la disposition
anatomique du cercle de Willis.
Lésions athéroscléreuses de l’artère
carotide interne
Risques
Ces sténoses comportent un double risque :
• un risque local d’infarctus cérébral homolatéral
à la sténose rendant compte de 10 % de l’ensemble des infarctus cérébraux ;
• un risque général d’infarctus du myocarde ou de
décès de cause vasculaire. Elles représentent un
marqueur de la dissémination de la maladie
athéroscléreuse.
Ces sténoses sont aisément décelables par les
explorations non invasives, et accessibles à un trai-
C. Laurian et al.
tement (médical toujours, chirurgical parfois) susceptible d’empêcher la survenue de complications.
Le traitement chirurgical a fait l’objet d’études
randomisées qui ont permis de mieux connaître
l’histoire naturelle de ces sténoses, ce qui autorise
une prise de décision basée sur des preuves.
Ces études ont montré que les deux déterminants principaux du risque d’infarctus cérébral homolatéral à la sténose sont le caractère symptomatique ou non de la sténose et son degré.
La structure de la plaque athéroscléreuse pourrait être aussi un élément déterminant du risque
vasculaire.
Points forts
Les déterminants du risque d’infarctus cérébral sont le caractère symptomatique de la
sténose et le degré de la sténose.
Clinique
La définition du caractère symptomatique d’une
sténose est purement clinique ne tenant pas
compte des infarctus silencieux découverts sur
l’étude du parenchyme cérébral.
Une sténose carotide est symptomatique
lorsqu’elle s’accompagne de symptômes dans le
territoire carotidien homolatéral.
Ils peuvent être :
• hémisphériques : hémiplégie souvent brachiofaciale, troubles sensitifs unilatéraux avec prédominance brachiofaciale, ou aphasie ;
• rétiniens : cécité mono-oculaire transitoire totale ou partielle généralement altitudinale ;
parfois des symptômes oculaires plus atypiques
sont possibles.
Les symptômes vertébrobasilaires ne sont pas
des signes d’ischémie du territoire carotidien.
L’accident ischémique peut être transitoire (AIT)
ou constitué :
• accident ischémique transitoire : déficit neurologique focal durant moins de 24 heures ;
• accident ischémique constitué : déficit neurologique focal durant plus de 24 heures, classé
selon sa gravité en :
C accident rapidement régressif sans séquelle à
1 mois ;
C accident mineur avec séquelles minimes audelà de 1 mois ;
C accident majeur avec un handicap fonctionnel
moyen ou sévère.
Pathologie athéroscléreuse des troncs supra-aortiques
Points forts
La détection des sténoses carotides repose
sur la clinique, l’exploration ultrasonique.
461
L’échographie-doppler reste cependant l’examen reconnu de dépistage, de surveillance et de
contrôle postopératoire des lésions carotides.
Points forts
Degré de sténose.
Explorations non invasives
Dans les études randomisées, la quantification du
degré de sténose a été réalisée sur les données de
l’artériographie.
La méthode américaine est appliquée dans les
études NASCET1 et ACAS,2 la méthode européenne
dans l’étude ECST.3
Il existe une table de correspondance validée
entre les deux méthodes.
Cette appréciation est aujourd’hui remplacée
par les méthodes non invasives dont les résultats ne
sont pas complètement valides : ultrasons, angiographie par résonance magnétique (ARM) ou angioscanner avec reconstruction.
Échographie-doppler
Le doppler continu mesure les vitesses circulatoires
sur l’axe carotidien, sa sensibilité permet de dépister une sténose supérieure à 60 % sans préjuger de
sa nature. Il n’existe pas d’étude (hormis les centres experts) ayant comparé les vitesses à d’autres
explorations, notamment artériographiques. Il n’y
a pas de seuil de vitesse validé permettant d’affirmer l’existence d’une sténose et de la quantifier.
L’échographie-doppler pulsé permet la visualisation des parois vasculaires. L’utilisation du codage
couleur du flux circulant permet de coupler l’image
échographique à l’information dynamique du flux
sanguin.
Le doppler énergie est performant pour l’appréciation des sténoses serrées ou pour le diagnostic
de sténose préocclusive.
Les limites de l’exploration en échographiedoppler sont :
• l’existence de calcifications conduisant à sousestimer la sténose ;
• les bifurcations carotides hautes, difficiles à
analyser ;
• le fait qu’il n’existe pas de critères vélocimétriques admis pour mesurer le degré de sténose.
Cependant, l’utilisation des rapports de vitesse
entre carotide interne et carotide commune,
plus qu’un seuil de vitesse, permet de pallier ces
difficultés.
Il n’est pas possible d’évaluer le degré précis
d’une sténose carotide sur la seule exploration
ultrasonore.
L’échographie-doppler :
• est une bonne méthode de détection (sensibilité) ;
• ne comporte pas de critères admis pour mesurer le degré de sténose ;
• est une exploration opérateur-dépendante.
Résonance magnétique nucléaire
L’objectif de cette exploration est d’étudier le
parenchyme cérébral, d’apprécier les suppléances
intracrâniennes (cercle de Willis) et d’évaluer le
degré de sténose.
L’examen se déroule en trois phases.
Étude du parenchyme cérébral
Elle recherche un accident ischémique (Fig. 1) :
• un accident ancien ou récent apparaît en hypersignal sur acquisitions axiales séquences T2 et
FLAIR (fluid attenuated inversion recovery) ;
• en cas d’accident récent, l’acquisition sagittale
avec des séquences en T1 peut montrer un remaniement hémorragique en hypersignal ;
• l’imagerie de diffusion permet de dater l’ischémie, en hypersignal si accident récent (1re semaine), en hyposignal à la phase séquellaire.
Étude du polygone de Willis
(séquence en temps de vol [TOF])
Technique sensible aux flux de vitesse élevée, elle
visualise les siphons carotidiens, le tronc basilaire,
les artères cérébrales proximales et surtout les
communicantes (présence – calibre).
Étude des troncs supra-aortiques
Elle visualise les troncs supra-aortiques proximaux
jusqu’au polygone de Willis avec injection de gadolinium en bolus (ARM) (Fig. 2).
Le post-traitement en 3D MIP permet de dégager
les ostia, les bifurcations et de classer les sténoses
(bas grade < 30 % - grade intermédiaire 30-70 % haut grade > 70 %).
L’ARM avec gadolinium n’est pas artefactée par
l’os et offre une bonne visualisation du système
vertébrobasilaire.4
Angioscanner (ASC) spirale multicoupes
Il permet d’imager en coupes ultrafines un volume
du dôme aortique à l’encéphale, lors d’une injection de produit de contraste iodé en bolus.
462
C. Laurian et al.
Figure 1 IRM cérébrale. Accident vasculaire ischémique sylvien profond gauche récent.
A. Hypersignal sur les séquences pondérées T2 FLAIR et Spin Echo.
B. Isosignal en T1.
C. Le caractère récent est documenté par : l’hypersignal sur la séquence de diffusion, la prise de contraste avec gadolinium.
D. L’ARM en TOF (séquence en temps de vol) montre un flux réduit dans la sylvienne gauche.
L’examen comprend deux temps d’exploration :
• l’étude du parenchyme cérébral intéressant en
cas d’accident ischémique récent. Elle peut
montrer un foyer hémorragique hyperdense
spontanément, et/ou une prise de contraste
témoignant de la rupture de la barrière hématoencéphalique ;
• l’étude des vaisseaux à destinée cérébrale
(Fig. 3).
Les reconstructions bidimensionnelles offrent les
mesures les plus fiables dans l’évaluation du degré
de sténose de la carotide.
Le scanner permet d’apprécier la densité de la
plaque hypodense ou calcifiée.
En revanche, l’étude des artères vertébrales est
plus difficile.
L’efficacité de chacune des méthodes non invasives pour l’évaluation du degré de sténose de
l’artère carotide interne proximale est bonne,
comparativement à l’artériographie (sensibilité >
80 % - spécificité > 80 %).
Cependant, les résultats de ces deux techniques
d’angiographie non invasive sont étroitement dépendants de la qualité de l’équipement, de la qualité du post-traitement opérateur-dépendant, enfin
de la qualité de l’acquisition.5
Artériographie numérisée « conventionnelle »
Elle fut la méthode diagnostique de référence pour
l’évaluation des sténoses carotidiennes (études
NASCET, ECST, ACAS).
Les progrès des techniques non invasives, la morbidité du cathétérisme artériel, bien que faible,
son coût plus élevé, la font réserver à des indications bien ciblées (Fig. 4).
Ces indications en seraient :
• l’échec technique des méthodes non invasives ;
• la discordance de deux techniques non invasives ;
• un doute sur une lésion associée du siphon carotidien ;
• en cas de doute entre sténose serrée ou occlusion de l’artère carotide interne, elle reste la
méthode la plus performante montrant la persistance d’une lumière circulante en bas débit,
s’opacifiant tardivement.
Points forts
L’évaluation d’une sténose carotide demande
deux méthodes non invasives concordantes.
En cas de discordance, ou de circonstances
bien ciblées, l’artériographie numérisée est
justifiée.
Pathologie athéroscléreuse des troncs supra-aortiques
463
Figure 2 ARM des troncs supra-aortiques – Sténose A. Carotide interne gauche.
A, B. ARM après injection de gadolinium. Reconstruction en 3D MIP (A), en volume rendering (B).
C. ARM en séquence en temps de vol (TOF) : reconstruction en 3D MIP des vaisseaux intracrâniens.
Données épidémiologiques
Elles peuvent se résumer à des données simples,
communes aux différentes études réalisées sur ce
sujet.
Les facteurs de risque de sténose carotide sont :
• l’âge élevé ;
• le sexe masculin ;
• l’hypertension artérielle (HTA), le tabagisme, la
dyslipidémie, le diabète ;
• l’atteinte clinique de l’athérosclérose sur un
autre site.
Les déterminants du risque d’infarctus cérébral
homolatéral sont :
• la sténose symptomatique ;
• le degré de sténose.
Le risque dominant d’une sténose carotide est :
• l’infarctus cérébral homolatéral en cas de sténose symptomatique ;
• la mortalité coronaire en cas de sténose asymptomatique.
Il n’existe pas d’étude de prévalence de sténose
carotide asymptomatique :
• dans la population générale ;
• dans la population à haut risque (autre localisation de la maladie athéroscléreuse).
Traitement
Traitement médical
Justifications
Il n’y a pas d’antinomie mais complémentarité entre le traitement médical et le traitement chirurgical des sténoses carotides.
Aucun essai thérapeutique contrôle n’a été spécifiquement consacré à l’évaluation des traitements médicaux.
464
C. Laurian et al.
Figure 3 Angioscanner – Sténose A. Carotide interne gauche.
A. Reconstruction 2D dans l’axe de l’artère extracrânienne.
B. Coupe perpendiculaire à l’axe artériel : sténose avec une plaque hypodense et calcifiée.
C, D, E. Reconstructions tridimensionnelles en volume rendering.
C. La soustraction des calcifications rend compte de la lumière résiduelle.
D. Superposition des structures osseuses.
E. Exploration des vaisseaux intracrâniens.
Pour les localisations de la maladie athéroscléreuse, il est logique d’appliquer aux sténoses carotides les traitements préventifs des manifestations
thrombotiques de l’athérosclérose, c’est-à-dire le
traitement des facteurs de risque vasculaire et les
antiplaquettaires.
La plupart des infarctus cérébraux dus aux sténoses carotides sont consécutifs soit à la rupture de
la plaque athéroscléreuse (formation de thrombus
mural, source d’embolies distales), soit à la majoration de la sténose.
Ces phénomènes justifient le recours aux traitements antithrombotiques.
Prévention à court terme
À la phase aiguë de l’infarctus cérébral, l’aspirine,
à une dose de 160 à 300 mg/j, diminue le risque de
récidive d’infarctus cérébral ou de décès.
Pathologie athéroscléreuse des troncs supra-aortiques
465
Figure 3 (suite)
Les essais effectués avec les anticoagulants
n’ont pas montré un tel bénéfice.
Cependant, en pratique, l’héparine à dose isocoagulante est utilisée associée à l’aspirine en cas
de sténose carotide avec AIT ou accident constitué
mineur avant la chirurgie.
Prévention à long terme
Pour les sténoses carotides asymptomatiques
Une seule étude non concluante a été consacrée à
ce sujet. Cependant, le risque coronaire associé à
ces sténoses, le bénéfice prouvé de l’aspirine en
prévention primaire de l’infarctus du myocarde fait
qu’il existe un consensus en faveur de ce traitement dans les sténoses carotides asymptomatiques.
Pour les sténoses carotides symptomatiques
L’attitude est celle utilisée dans la prévention secondaire des accidents ischémiques cérébraux liés
à l’athérosclérose, dans lesquels le bénéfice de
l’aspirine, du clopidogrel et de l’association
aspirine-dipyridamole est démontré.
Il n’est pas possible de déterminer l’antiagrégant
plaquettaire le plus efficace, ni de préciser l’amplitude du bénéfice thérapeutique dans cette catégorie de patients.
Traitement chirurgical
Essais randomisés
Dans les sténoses asymptomatiques, l’essai ACAS2 a
seul, la puissance suffisante. Il a été interrompu
après 2,7 années de suivi en raison d’une diminution significative d’infarctus cérébral homolatéral
du côté de la sténose opérée. En projection à 5 ans,
le risque calculé d’infarctus cérébral et de décès
périopératoire était de 11 % dans le groupe médical, contre 5,1 % dans le groupe chirurgical, soit
une réduction du risque relatif à 53 %.
Dans les sténoses symptomatiques, deux grands
essais (NASCET en Amérique du Nord,6 ESCT en
Europe7) ont été réalisés. Ces études ont montré le
bénéfice de la chirurgie pour les sténoses > 70 %
(NASCET), > à 90 % (ECST). Le bénéfice de la chirurgie fut moins important dans le groupe des sténoses entre 50 et 70 %. Cependant, la généralisation de ces résultats est difficile et demande
quelques restrictions.
Traitement chirurgical
Le bénéfice de la chirurgie est fonction du rapport
entre le risque spontané d’infarctus cérébral homolatéral et le risque chirurgical. De nombreux facteurs interviennent avec : le patient, les techniques
anesthésiques, les techniques chirurgicales (expérience du chirurgien).
Facteurs liés aux patients
Deux éléments sont retrouvés significatifs : un événement qualifiant cérébral plutôt que rétinien, et
une occlusion carotide controlatérale.
466
C. Laurian et al.
Figure 4 Artériographie numérisée des troncs supra-aortiques.
A. Vue globale de 4 troncs à destinée encéphalique.
B. Sélective (non indispensable) de la carotide commune. Suspicion de thrombus en aval de la sténose carotide interne.
Procédures anesthésiques
Dans les essais thérapeutiques, seule l’anesthésie
générale (AG) fut utilisée. L’anesthésie locorégionale (ALR) possède plusieurs avantages qui se traduisent par une moindre morbidité neurologique et
coronaire (dans les études monocentriques).
Cette technique permet :
• une surveillance directe de la tolérance neurologique au clampage ;
• le moindre recours au shunt carotidien ;
• une réduction des complications coronaires en
raison d’un meilleur équilibre tensionnel (absence de preuve).
L’ALR associe :
• un bloc du plexus cervical profond et du plexus
cervical superficiel par un mélange de lidocaïne
(Xylocaïne®) et de bupivacaïne (Marcaïne®) ;
• un bloc de la branche maxillaire du V.
Technique anesthésique de choix, l’ALR ne
dispense pas de la surveillance habituelle et nécessite la présence constante d’un médecin-anesthésiste.
Chirurgie
Un traitement antiagrégant plaquettaire par Aspégic® est la règle en préopératoire. Un traitement
par clopidogrel est toujours arrêté.
La chirurgie comporte trois volets :
• l’exposition artérielle ;
• la tolérance au clampage ;
• la technique proprement dite.
Exposition
L’exposition peut être de difficulté variable en
fonction de la hauteur de la bifurcation. Elle permet de :
• préserver les nerfs crâniens (nerf hypoglosse,
nerf pneumogastrique) ;
• d’exposer la bifurcation et de clamper les artères en zone saine.
L’ALR n’en est pas un caractère limitant.
Tolérance au clampage
Elle peut être appréciée en préopératoire (rarement réalisée) en simulant le clampage carotidien
Pathologie athéroscléreuse des troncs supra-aortiques
par compression de l’artère carotide commune au
décours du doppler transcrânien (étude hémodynamique) ou au décours de l’artériographie (étude
anatomique).
Sous ALR, c’est de toute façon l’état neurologique qui guide la mise en place d’un shunt.
Sous AG, la tolérance neurologique est incomplètement appréciée, l’utilisation de shunt peut être
systématique ou il peut être mis en place sur des
critères cliniques ou anatomiques incomplètement
validés.
467
Endartériectomie par éversion
Elle est réalisée après section de l’ACI à son origine.
Le décollement de la plaque se fait par retournement de l’ACI jusqu’à la jonction de la plaque et de
l’intima saine. Le contrôle de l’intima distale est
plus difficile. La reproductibilité en est moins fiable. L’ACI est ensuite réimplantée sur la bifurcation
carotide après une endartériectomie limitée.
Endartériectomie avec transposition de l’ACI
Pour la technique proprement dite, il existe différentes modalités techniques chirurgicales, ces
techniques sont aujourd’hui bien réglées, validées,
elles n’apparaissent pas être les facteurs dominants de morbidité (Fig. 5).
Elle est réalisée à ciel ouvert après section de l’ACI
à son origine, prolongée par un refend sur le bulbe.
Après l’endartériectomie, la transposition de l’ACI
est faite sur une artériotomie remontant de la
bifurcation sur l’artère carotide externe. Elle permet un contrôle réglé de l’endartériectomie et
l’ouverture de l’ostium de l’artère carotide externe.
Endartériectomie conventionnelle
Pontages entre ACP et ACI
Elle est réalisée par décollement de la plaque au
contact du plan externe de la média. L’artériotomie est fermée à l’aide d’une angioplastie étroite
faite par un patch de veine saphène ou de matériel
prothétique.
Ils ne sont qu’une technique d’exception dans les
lésions athéroscléreuses primaires.
Lors des gestes difficiles, l’artériographie ou
l’échographie
peropératoire
permettent
le
contrôle de la qualité du geste effectué.
Techniques chirurgicales
Figure 5 Aspects peropératoires de lésions athéroscléreuses de l’artère carotide interne.
A. Hématome sous-intimal sur plaque.
B, C. Sténose serrée sur une plaque athéromateuse à la pointe du bulbe de l’ACI.
468
C. Laurian et al.
Figure 6 Procédure endovasculaire sur une sténose de l’artère carotide interne (ACI).
A. Sténose de la pointe du bulbe avec une ulcération.
B. Mise en place de la protection dans l’ACI distale (ballon) et du stent.
C. Contrôle après largage du stent.
Un traitement par héparine de bas poids moléculaire (HBPM) et un antiagrégant plaquettaire est
institué en postopératoire.
La surveillance en salle de réveil de 6 à 12 h
semble suffisante. La durée moyenne de séjour
postopératoire est de 4 à 5 jours.
Procédures endovasculaires
L’angioplastie par ballonnet et surtout le stent
carotidien apparaissent comme une alternative
possible à la chirurgie carotide. Dans les études
monocentriques, le pourcentage de succès technique, au voisinage de 90-95 %, sans mortalité neurologique est une donnée acquise (Fig. 6). Cependant, la pérennité du stent dans cette topographie
laisse persister des interrogations pour lesquelles
aucune étude ne peut aujourd’hui répondre. Les
études randomisées en cours ne concernent que les
sténoses symptomatiques dans lesquelles le bénéfice de la chirurgie est établi et important. Les
résultats ne seront connus que dans 3 à 5 ans.8,9
Points forts
L’anesthésie locorégionale est souhaitable
en l’absence de contre-indication.
La chirurgie carotide par endartériectomie
est le traitement de référence.
Le stent carotidien doit être réservé à des
indications particulières.
Lésions proximales athéroscléreuses
des troncs supra-aortiques
Les lésions occlusives du tronc artériel brachiocéphalique (TABC) et de l’artère carotide commune sont des lésions peu fréquentes. À l’inverse,
les lésions occlusives sous-clavières, notamment de
l’artère sous-clavière gauche, sont fréquentes mais
rarement symptomatiques.
Lésions occlusives du tronc artériel
brachiocéphalique
Lésions peu fréquentes, elles pourraient représenter soit une extension de lésions athéroscléreuses
de la crosse (topographie juxtaostiale), soit une
lésion isolée sur la partie moyenne du TABC.
La lésion ulcérée peut être responsable d’accident embolique oculaire ou hémisphérique.
La lésion occlusive peut se manifester par des
troubles témoins d’une ischémie vertébrobasilaire
transitoire.
Les explorations non invasives en permettent
facilement le diagnostic.
Les procédures endovasculaires (stent) ont pris
une place dans le traitement de certaines lésions
(lésion tronculaire) en raison de la moindre morbidité.
Cependant, la chirurgie (pontage entre l’aorte
ascendante et la partie distale du TABC) garde une
place dans les lésions ostiales.
Pathologie athéroscléreuse des troncs supra-aortiques
469
le plus souvent c’est une asymétrie tensionnelle qui
conduit au diagnostic.
La pathologie embolique est rare mais grave,
nécessitant une prise en charge rapide.
Les lésions occlusives bilatérales peuvent s’accompagner d’une ischémie vertébrobasilaire en fait
rarement invalidante.
Les indications de correction de ces lésions sont
aujourd’hui peu fréquentes. La correction de la
sténose sous-clavière gauche peut être retenue si
elle est symptomatique. Il n’y a pas d’indication de
correction sur les lésions peu ou pas symptomatiques compte tenu du pronostic favorable spontané
de ces lésions. Une exception en est la correction
d’une lésion sous-clavière développée en amont
d’une artère mammaire interne, utilisée dans la
revascularisation coronaire.
Si les procédures endovasculaires ont été retenues pour corriger les lésions sténosantes, l’occlusion de la sous-clavière relève plus souvent d’une
chirurgie conventionnelle (transposition de l’ASC
prévertébrale dans l’artère carotide primitive).
Lésions occlusives des artères vertébrales
Figure 7 Sténose athéroscléreuse de l’artère carotide commune. Endartériectomie chirurgicale - Pièce opératoire.
Lésions occlusives de l’artère carotide
commune gauche
Lésions juxtaostiales le plus souvent, elles représentent l’extension d’un athérome de la crosse
aortique. Habituellement peu symptomatiques, elles sont diagnostiquées lors du bilan des lésions de
la bifurcation carotidienne.
Les lésions sténosantes du segment cervical sont
plus exceptionnelles (Fig. 7).
Les procédures endovasculaires ont aussi pris
une place importante dans le traitement de ces
lésions.
Elles sont le plus souvent traitées au cours de la
chirurgie carotidienne par la mise en place d’un
stent par la même incision cervicale.
Lésions occlusives des artères
sous-clavières
Leur localisation est assez homogène dans le segment pré- et juxtavertébral de l’artère sousclavière (ASC). L’atteinte du segment médiastinal
de l’ASC gauche est la plus précoce et est souvent
peu symptomatique.
La symptomatologie clinique en est diverse. Les
signes d’ischémie du membre supérieur sont rares,
Les lésions des artères vertébrales sont fréquentes
dans la pathologie athéroscléreuse mais la correction de ces lésions n’a pas toujours fait la preuve de
son utilité.
Les lésions ostiales fréquentes sont considérées
comme étant de pronostic favorable, à l’inverse
des lésions distales qui peuvent être responsables
d’accident constitué vertébrobasilaire.
L’ischémie vertébrobasilaire est souvent la
conséquence de lésions occlusives bilatérales ou
associées à une hypoplasie de l’une d’entre elles.
Les symptômes les plus fréquents en sont les
troubles de l’équilibre intermittents puis progressivement permanents et invalidants.
L’ischémie vertébrobasilaire est habituellement
hémodynamique, en rapport avec une démodulation des flux dans l’artère vertébrale distale et le
tronc basilaire, habituellement retrouvée lorsqu’il
n’existe pas de suppléance par le territoire antérieur carotidien.
Pour faire la preuve d’une telle ischémie, les
explorations doivent être précises et performantes :
• échographie-doppler cervicale et transcrânienne ;
• IRM afin d’explorer le parenchyme sus- et soustentoriel ;
• artériographie des TSA, indispensable pour faire
un bilan lésionnel correct.
Le traitement en est chirurgical.
470
C. Laurian et al.
Figure 9 Revascularisation d’une occlusion de l’artère vertébrale. Pontage veineux sur l’artère vertébrale distale en C1-C2.
A. Occlusion de l’AV en C1-C2.
B. Revascularisation de l’AV en C1-C2 à partir d’une greffe
veineuse implantée sur l’artère sous-clavière.
Le traitement des sténoses de l’ostium vertébral
par les procédures endovasculaires n’a pas fait la
preuve de son efficacité, malgré un risque faible de
complications, les resténoses sont fréquentes.10
Points forts
• Lésions proximales des TSA.
Procédures endovasculaires de 1re intervention pour lésions TABC – A. Carotide C.
• Chirurgie de 1re intention pour lésions sousclavières et vertébrales.
Figure 8 Sténose de l’artère vertébrale proximale.
A. Sténose préocclusive. Le produit de contraste moule un
thrombus proximal.
B. Vue peropératoire d’une artère vertébrale à son origine sur
l’artère sous-clavière.
Deux types d’intervention peuvent être discutés
en fonction du bilan lésionnel :
• la revascularisation de l’artère vertébrale proximale. La transposition de celle-ci dans l’artère
carotide primitive est le geste de référence
(Fig. 8) ;
• la revascularisation de l’artère vertébrale distale. La revascularisation de l’artère vertébrale
en C1-C2 est souvent retenue dans les occlusions
vertébrales bilatérales.
La revascularisation par un pontage avec du matériel veineux est réalisée entre l’artère carotide
primitive et l’artère vertébrale dans l’espace C1C2 abordé par une incision pré-sternocléidomastoïdienne. Cette revascularisation a une bonne
pérennité mais les indications en sont exceptionnelles dans cette pathologie (Fig. 9).
La chirurgie associée carotide et vertébrale n’est
plus que rarement pratiquée en raison de la morbidité neurologique rapportée dans les gestes combinés (correspondant à une diffusion importante de la
maladie athéroscléreuse).
Conclusion
La prise en charge et le traitement des lésions
carotides dominent largement les lésions athéroscléreuses des TSA. Un dépistage et une surveillance de meilleure qualité de ces lésions
conduit à poser de nombreuses indications préventives. En effet, l’impact de l’anesthésie locorégionale, le caractère bien réglé de cette chirurgie en
ont banalisé la réalisation. La chirurgie carotide
représente aujourd’hui la meilleure prévention des
accidents ischémiques cérébraux, associée au traitement médical.
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