Dans un discours prononcé à l’occasion de Maha Shivarathri, en 1955, Bhagavan Sri Sathya Sai Baba raconta une anecdote tirée de la vie du Dr Samuel Johnson, un penseur et écrivain anglais. Quelqu’un s’approcha de celui-ci et lui dit : ‘’Monsieur, je voudrais mener une vie spirituelle à la recherche de Dieu, mais j’ai un problème…’’ ‘’Ah, je vois ! Et quel est votre problème, je vous prie ?’’ ‘’Monsieur, ma journée est remplie d’activités du matin au soir. J’ai une famille dont je dois m’occuper et un travail. Avec mes activités de loisir, ma vie sociale et ma vie professionnelle, même après la nuit tombée, je ne parviens pas à trouver du temps à consacrer à Dieu. C’est le temps qui est mon problème. Je ne sais pas quand penser à Dieu...’’ Avec le sourire et sa gestuelle tremblante caractéristique, le Dr Johnson répondit par une autre question. ‘’Mon ami, j’ai moi aussi un problème et si vous m’aidez à résoudre le mien, je vous aiderai à résoudre le vôtre !’’ ‘’Et quel est donc votre problème, Monsieur, je vous prie ?’’ ‘’Voyez-vous, les ¾ de la surface de la Terre sont recouverts d’’eau et l’espace restant est accaparé par les montagnes, par les déserts, les forêts, les régions glacées, les lits des rivières, les marais, les landes… Avec une telle profusion de régions impossibles, c’est l’espace qui est mon problème et je ne sais pas où habiter !’’ ‘’Vous devez certainement plaisanter, docteur ! Si des millions de personnes ont pu trouver de la place pour vivre sur terre, vous pouvez très certainement en faire autant !’’ Et l’homme éclata de rire. Le sourire du Dr Johnson s’élargit. ‘’Hmm ! Quelle était donc votre question, Monsieur… ?’’ La personne était avisée et elle comprit que se plaindre de ne pas avoir de temps à consacrer à Dieu était aussi absurde que se plaindre de manquer d’espace vital pour vivre sur terre. Cette histoire me revenait souvent à l’esprit, quand on demandait comment trouver du temps pour Dieu ? Comment trouver un équilibre entre la vie matérielle et la vie spirituelle ?’’ Si comme telle, l’histoire paraît répondre à la première question, elle n’entre pas dans les détails et ne répond pas à la seconde question. Alors que des milliards de gens disposent d’un certain espace vital sur terre aujourd’hui, je ne sais pas s’il y en a au moins quelques milliers qui ont du temps pour Dieu ! Je veux dire que personne ne peut réellement dire combien de gens sur terre trouvent du temps à consacrer à Dieu. Ainsi, ce n’est pas comme si seul le manque de temps était juste le problème. Si j’avais été la personne qui s’était adressée au Dr Johnson au 18ème siècle, peut-être lui aurais-je signalé cette lacune dans son argument : ‘’Mais Monsieur, y a-t-il autant de personnes qui consacrent effectivement du temps à Dieu ? Votre comparaison laisse croire que je suis une exception, alors qu’ici, je suis plus dans la règle générale !’’ Et donc, la question de savoir comment parvenir réellement à l’équilibre entre la vie matérielle et la vie spirituelle continua de mijoter dans mon esprit et la solution n’est venue qu’après avoir entendu l’expérience du Prof. H.J. Bhagia, du département de gestion de l’Institut d’Enseignement Supérieur Sri Sathya Sai. Monsieur Bhagia a été pour moi un héros. Je me rappelle chacun de ses cours, non pas à cause des matières inculquées, mais bien à cause de cet amour fort et indélébile pour Swami qu’il a gravé dans nos cœurs. Bien entendu, il nous enseignait les matières de nos examens, mais le plus important, c’est qu’il nous a enseigné ce que Swami considère comme étant Sa matière – à savoir l’amour de Dieu. Et il l’a fait en partageant la plupart de ses expériences les plus personnelles. Encore aujourd’hui, des étudiants qui ont réussi leur MBA il y a plusieurs décennies reviennent le voir et chercher conseil ou du réconfort ou pour recharger leurs batteries d’amour de Dieu. Et cela vaut également pour moi ! Son expérience qui remonte à la fin des années 80 sera certainement une révélation pour beaucoup de monde. M. Bhagia avait toujours été brillant : c’était un enfant brillant, un étudiant brillant et un employé brillant. C’était aussi un ingénieur chimiste de première classe qui avait travaillé dans plusieurs pays avant de décider que Dieu devait être la toute première priorité de sa vie. Il se rapprocha de son but, lorsque Swami le nomma comme enseignant dans sa nouvelle école de gestion commerciale, comptabilité et finance fondée en 1986. Simultanément, il paraissait aussi s’en éloigner, car il devait maintenant étudier et enseigner beaucoup de matières. M. Bhagia avait accepté Swami comme maître spirituel et comme Dieu en la même Personne1, aussi commença-t-il à s’acquitter diligemment de ses tâches d’enseignant tout en attendant patiemment le but ultime de sa vie et c’est durant une entrevue familiale qui eut lieu à Brindavan, en 1987, que Baba parut vouloir aborder la question du progrès spirituel de M. Bhagia. 1 Le lecteur ou la lectrice occidentale ne doit pas s’en étonner. C’est typique de la bhakti (dévotion) indienne depuis des millénaires, et d’autant plus que Sathya Sai Baba est considéré comme un Poorna Avatar, au même titre que Rama ou que Krishna, NDT. ‘’Que faites-vous ?’’, lui demanda Swami. ‘’Je suis sorti avec la plus grande distinction de l’Université de Bombay, Swami. J’enseigne la statistique, la gestion de la production, la recherche opérationnelle, l’administration et le développement rural intégré…’’ ‘’Ne perdez pas votre temps, Monsieur ! Oubliez votre chimie et votre génie chimique. Cherchez plutôt ‘’qui suis-je ?’’ ‘’Swami, Vous êtes le Suprême et Tout-Puissant !’’ ‘’Découvrez ‘’qui suis-je’’. Voilà votre sadhana (discipline spirituelle)!’’ ‘’Découvrez ‘’qui suis-je’’. Voilà votre sadhana. Il était clair pour M. Bhagia que Swami l’avait conduit auprès de Lui pour l’aider à connaître l’expérience ultime… Ainsi se termina l’entrevue familiale. Alors que M. Bhagia sortait de Trayee Brindavan, il fut abordé par un ancien dévot que l’on appelait ‘’Oncle Ratanlal’’ et Oncle Ratanlal lui demanda s’il avait lu des livres de Ramana Maharshi. Il répondit négativement. Oncle Ratanlal lui remit alors un petit livre. Monsieur Bhagia n’était pas chaud à l’idée de ‘’suivre’’ ou même de lire un autre maître spirituel, car Swami était la totalité pour lui, mais par respect pour l’ancien fidèle, il le prit. Imaginez quels furent son enthousiasme et son émotion, lorsqu’il ouvrit le petit livre de Paul Brunton et lorsqu’il vit précisément ces mêmes mots : ‘’Qui suis-je ?’’ ! Pour la première fois, M. Bhagia comprit que pendant l’entrevue, Swami ne l’avait pas interrogé sur Son identité à Lui, mais qu’il le mettait sur la voie de l’atmavichara (la recherche du Soi). C’était quelque chose de totalement neuf pour lui et il s’y plongea de tout son cœur et en toute sincérité. En fait, il se mit à passer la plupart de son temps tranquillement assis dans une contemplation silencieuse. Il s’efforçait d’éclaircir ce que cela voulait dire de ‘’réaliser son vrai Soi’’ ou d’entrer en soi. Chaque fois qu’il trouvait le temps, il se perdait dans de profondes réflexions.2 Le matin, il s’asseyait dans le hall des bhajans du mandir de Prasanthi Nilayam de 6h00 jusqu’à 8h55, moment où il se rendait à l’université et le soir aussi, il s’asseyait dans un coin de la véranda du mandir pour méditer ‘’qui suis-je ?’’. Même s’il aimait voir et communiquer avec Swami, il ne ‘’pourchassait’’ jamais Sa forme physique, comme la plupart des étudiants, des enseignants et des fidèles. Il se contrôlait toujours en songeant : ‘’Si j’étais sensé courir après Swami, Il me l’aurait dit. Il m’a été conseillé d’entrer en moi-même – et non de courir après la forme physique, aussi fascinante soit-elle.’’ Deux années passèrent ainsi. L’EXPÉRIENCE ULTIME C’était un soir de 1989. M. Bhagia était assis à sa place habituelle sur la véranda. Le darshan et la séance des bhajans étaient terminés. Les enseignants avaient reçu l’autorisation spéciale de Swami pour continuer leur sadhana dans le mandir, juste à côté de la salle d’entrevue. Il était passé 19h00. Au bout d’un moment, la porte de la salle d’entrevue s’ouvrit et Swami sortit, accompagné par le colonel Joga Rao. Apparemment, Swami allait partir faire un tour en voiture et même si Swami s’avança dans sa direction, M. Bhagia resta très discipliné, car il n’était concentré que sur la découverte de qui il était. Sans être remarqué, Swami passa juste à côté de lui et M. Bhagia ressentit une tape énergique sur la tête. Quand il se tourna, il réalisa que c’était Swami et qu’Il s’était éloigné. Amusé par ce qui s’était passé, il reprit sa quête intérieure. Swami rentra bientôt de sa promenade avant de se retirer pour la nuit et M. Bhagia rentra lui aussi chez lui. Le lendemain, il était de retour à 6h00 précises pour continuer sa sadhana. Le mandir était silencieux et paisible, comme toujours. Le silence ne fit que s’intensifier avec l’arrivée de Swami. Il régnait un sentiment d’anticipation et chacun se redressa, attentif à la Présence qui les baignerait bientôt dans l’amour et la grâce. Swami termina le circuit de Son darshan et se dirigea vers la salle d’entrevue et M. Bhagia se leva et prit 2 L’expression n’est pas très bien choisie, car il s’agit plutôt de comprendre le mécanisme de la pensée et du mental pour ne plus se laisser piéger par celui-ci et de s’en distinguer. Alors seul demeure le vrai Soi, différent de l’ego constitué par l’identification au corps, aux sens et à l’amalgame personnel de pensées et d’émotions, de nature relative, illusoire et provisoire, NDT. place dans le hall des bhajans. C’est alors qu’une chose complètement inattendue et nouvelle lui arriva. Son mental sembla tout simplement s’éteindre et son Etre s’étendre au-delà de toutes proportions. Il n’était plus du tout assis dans le hall des bhajans, loin de là, c’était le hall des bhajans qui semblait maintenant être une minuscule partie de lui ! M. Bhagia n’était plus ce qu’il avait pensé être. Il pouvait sentir qu’il était lui-même présent en toutes choses. Toute la zone du darshan n’était qu’une petite partie en lui où des dizaines de personnes étaient assises. La porte de la salle d’entrevue s’ouvrit et Swami sortit et le corps de Swami ne semblait lui aussi n’être qu’une petite poupée à l’intérieur de lui-même ! Durant tout ce temps-là, ses yeux étaient grands ouverts. Il ressentit une joie infinie sourdre en lui et déborder de lui-même et comme tout était en lui, cette joie s’écoula partout et dans tout, Swami y compris. Simultanément, ce n’était pas comme si M. Bhagia n’avait pas conscience de ce que le petit corps avec lequel il s’était confondu devait faire. Dans la pleine conscience, le corps que tout le monde identifiait comme H.J. Bhagia se leva et sortit du hall des bhajans. Mais ‘’Bhagia’’ ne bougea pas ! Où pouvait-il aller, alors qu’il était partout présent ? Cette expérience est une chose qui ne peut jamais être captée par des mots et pourtant, il faut s’y efforcer pour que l’histoire avance. Le corps de Bhagia se rendit en classe, enseigna, puis rentra chez lui. C’était l’heure du diner, mais il n’avait pas faim, il n’avait pas soif et il ne ressentait aucune fatigue. Il était simplement bienheureux. Bienheureux pourquoi ? Bienheureux d’être, tout simplement ! Les cours de l’après-midi passèrent également. Le corps de Bhagia jouait simplement le rôle dans le Bhagia cosmique. En ce qui concerne les autres personnes, M. Bhagia irradiait une joie et une paix spéciales. En ce qui concerne M. Bhagia, il était, tout simplement.3 Le soir, le corps de M. Bhagia se rendit au mandir, même s’il n’en avait pas besoin. Il n’avait besoin de rien et ne désirait rien. Comment pourrait-on désirer quoi que ce soit, quand on est tout ? Ce soir-là, le corps de Swami sourit au corps de M. Bhagia. Et c’est alors qu’une chose se produisit soudainement. M. Bhagia fut instantanément ramené à l’anormalité, comme il la désigne lui-même. ‘’Toute cette félicité pétillante et cet afflux de sérénité avaient instantanément disparu. J’étais de retour dans ce monde anormal où je sentais que j’étais mon corps !’’ Il vit que Swami lui souriait. Il pouvait sentir le message que Swami semblait lui communiquer : ‘’Tu as reçu un échantillon de l’expérience ultime et il t’incombe à présent de travailler pour la faire tienne.’’ 3 C’est l’expérience de Sat-Chit-Ananda (Etre pur, pure Conscience et pure Félicité, l’expérience divine, NDT. Ce n’était qu’un échantillon de l’expérience ultime. A présent, il vous revient de travailler à la retrouver… On croit souvent que c’est goûter au sang humain qui transforme les tigres et les lions en mangeurs d’homme. Les humains sont des proies faciles et leur sang chaud est si alléchant que les grands félins n’ont plus envie de chasser autre chose. Ils raffolent simplement des humains. Nulle autre analogie n’aurait pu mieux décrire la situation de M. Bhagia. Celui qui a goûté à la divinité en raffole de la même manière. Quand on réalise qu’en réalité, la divinité est facilement accessible et que la joie qu’elle procure est insurpassable et sans égale, on perd alors tout intérêt pour ce que le monde peut offrir. On s’entiche follement de l’expérience ultime. M. Bhagia était maintenant déterminé à obtenir ce dont il avait reçu un échantillon. Et à nouveau, Oncle Ratanlal s’approcha de lui avec un livre concernant Sri Ramana Maharshi. C’était un livre de Sri Sadhu Om intitulé ‘’The Path of Sri Ramana (Part One)’’. Une nouvelle fois, il fut agréablement surpris de voir que le livre était consacré à la voie de la recherche du Soi. Était-ce une pure coïncidence ? Monsieur Bhagia était suffisamment avisé pour ne pas être dupe d’une telle pensée. Il lut et il relut le livre – au rythme d’une lecture par jour ! Il se rendait sur la terrasse du bâtiment de l’institut, chaque fois qu’il avait du temps libre et il s’absorbait dans le livre. Il connaissait par cœur presque tous les mots du livre et il se mit à méditer sur ces paroles en s’efforçant de maîtriser la technique de la recherche du Soi qui précipiterait à tout jamais l’expérience ultime. Dans le même temps, M. Bhagia se mit à éprouver une sorte de dégoût à l’égard du monde. Il sentait qu’il perdait son temps à enseigner des matières ‘’terre-à-terre’’ aux étudiants. Ne serait-ce pas nettement mieux s’il pouvait passer tout son temps à la recherche du Soi ? Il réalisa pourquoi Swami l’avait conduit jusqu’à Lui – pour le faire renoncer à toutes les choses matérielles pour se concentrer uniquement sur l’expérience ultime. Il réalisa qu’il était inutile pour lui d’équilibrer la vie matérielle et la vie spirituelle, parce que la vie matérielle ne valait pas la peine d’être équilibrée. On devait juste y renoncer pour le trésor infini de l’expérience ultime. Son visage s’éclaira avec cette réalisation et son sourire s’élargit. Il semblait être sur le point d’atteindre le but. Il ne pouvait pas se leurrer plus à ce propos et il allait s’en rendre compte durant les prochains mois. M. Bhagia semblait se désintéresser et se détacher de plus en plus des activités quotidiennes ‘’terre-à-terre’’ dont il s’acquittait sur pilote automatique. Tout son être semblait se consumer dans l’attente impatiente de la seule expérience ultime éternelle. L’été 1990 arriva et comme de coutume, Swami déménagea de l’ashram de Prasanthi Nilayam, de Puttaparthi, pour celui de Brindavan, à Bangalore. (Les fidèles trouvaient l’attente du darshan cuisante et accablante, l’été à Puttaparthi, et pour les soulager un peu, Swami déménageait à Bangalore qui est plus fraîche, car elle se situe plus haut géographiquement). Swami se rendit à Brindavan au mois de mars et M. Bhagia le suivit au mois d’avril après la fin de l’année scolaire.4 Il y eut quelques visites d’industries et sorties d’étude sur le terrain à Bangalore que les étudiants en MBA devaient faire dans le cadre de leurs cours et M. Bhagia les accompagnait. C’est pendant cet été-là que Swami décida de restaurer un cours spécial, interrompu depuis plus d’une décennie maintenant – le cours d’été de culture et spiritualité indienne. Ce cours avait été instauré à l’initiative de Swami au début des années 70 dans l’optique d’exposer les étudiants de l’université au riche héritage culturel et spirituel de Bharath (l’Inde). 4 Il faut savoir que la période des grandes vacances des étudiants s’étale du début du mois d’avril jusqu’à la fin du mois de mai à Puttaparthi et qu’elle correspond à la période la plus chaude dans la région avec des températures moyennes à l’ombre qui oscillent entre 35 et 40°, NDT. (Ce cours continue chaque année, aujourd’hui. C’est toujours une expérience mémorable pour tous les participants et particulièrement pour les nouveaux étudiants. Elle oriente les nouveaux étudiants à la philosophie de l’éducation de Bhagavan Sri Sathya Sai Baba et elle leur procure des intuitions profondes et de première main quant à la manière dont ils peuvent directement tirer profit de cette institution unique et les prépare bien à tirer le meilleur parti de leurs futures opportunités). Ce qui emballait M. Bhagia, c’était le sujet que Bhagavan Baba avait sélectionné pour ces ‘’Summer Showers in Brindavan’’ de 1990. Il traitait entièrement du pourquoi, comment et autres modalités qui concernent la recherche du Soi et Swami en dévoilait les mystères par étapes. Swami développait en détail l’esprit, les sens, l’ego, les gunas et l’Atma. C’était incontestablement une aubaine pour tout aspirant recherchant l’expérience ultime dans la vie.5 Il est inutile de dire que M. Bhagia se sentit de plus en plus inspiré au fur et à mesure que les jours passaient. La cerise sur le gâteau vint le dernier jour du cours d’été. Le 3 juin 1990, Swami prononça un long discours de clôture et dit : ‘’Toute votre vie doit devenir une méditation continue.’’ Les prunelles des yeux de M. Bhagia s’élargirent, tandis qu’il buvait chaque parole de Swami et il décida intérieurement que consacrer moins de 24h/jour à la recherche spirituelle serait inacceptable. Etant donné qu’il ne contrôlait encore ni la faim, ni le sommeil, il serait physiquement impossible de passer 5 A titre personnel, c’est l’un des tous premiers livres que j’ai eu la chance de traduire pour l’Organisation Sathya Sai et il est toujours possible de s’en procurer un exemplaire auprès de l’Organisation Sathya Sai de Belgique, NDT. ([email protected]) 24 heures à rechercher l’expérience ultime, mais il y passerait autant de temps que possible. C’est le cinq juin que les professeurs du campus de Prasanthi Nilayam reprirent du service pour la nouvelle année scolaire. M. Bhagia se dirigea directement vers le bureau du directeur après la prière du matin. Il tenait en main une enveloppe qu’il remit révérencieusement au directeur, le Prof. U.S. Rao. ‘’Qu’est-ce que c’est ?’’ ‘’Monsieur, c’est ma lettre de démission !’’ ‘’Quoi ?’’ Le directeur était complètement abasourdi. ‘’Que s’est-il passé ? Pourquoi cette décision radicale ?’’ ‘’Monsieur, Swami a clairement déclaré que la vie devrait être une méditation continue. Je ne peux plus me permettre de perdre mon temps à l’université, maintenant.’’ ‘’Mais…mais ne pensez-vous pas que vous devriez au moins informer Swami avant de prendre une telle décision ?’’ ‘’J’ai déjà reçu une indication de la part de Swami.’’ ‘’Aha ! Moi aussi, j’ai besoin d’une indication de la part de Swami. Je ne peux pas accepter votre démission sans la confirmation de Swami !’’ ‘’Monsieur, je suis sensé donner un préavis de trois mois avant ma démission. Veuillez considérer ce jour comme étant le premier jour de cette période, je vous prie.’’ Et il se mit à attendre que les trois mois se soient écoulés. Quelques jours plus tard, Swami arriva depuis son ashram de Brindavan et quelques jours plus tard encore, le secrétaire général de l’université, Sri K. Chakravarthi convoqua tous les professeurs pour une réunion. C’était le samedi 16 juin. Celui-ci leur dit que Swami avait hâte de parler aux professeurs pour dissiper tous leurs doutes, spirituels ou autres et il leur recommanda de prier et de chercher conseil auprès de Swami. Tout le monde savait pertinemment bien que le secrétaire général ne proposerait pas une telle idée de son propre chef. C’était manifestement Swami qui lui avait dit de s’adresser aux professeurs en ces termes. N’est-ce pas vraiment aimable, de la part de Swami ? Non seulement Il nous prend sous son ombrelle protectrice, mais il nous pousse et nous stimule à faire des choses qui Lui plaisent et qui nous sont bénéfiques ! C’est à ce moment-là que le secrétaire général fut mis au courant de la décision de M. Bhagia. Ce n’était plus qu’une question de temps avant que Swami ne soit informé en personne de celle-ci. Le lendemain, c’était un dimanche et conformément aux instructions du secrétaire général, tous les professeurs se rassemblèrent sur la véranda du mandir. Après le darshan du matin, Swami les aperçut et leur demanda ce qu’ils faisaient là. ‘’Swami, parlez-nous, s’il Vous plaît !’’, répondirent-ils tous en chœur. Swami sourit et Il acquiesça. Il ouvrit la porte de la salle d’entrevue et invita les professeurs à entrer. Il y avait environ 60 professeurs qui se mirent à faire la file pour entrer. Il leur faudrait certainement 3 ou 4 minutes pour s’installer. M. Bhagia était toujours assis, perdu dans sa contemplation, mais sa méditation fut brusquement dérangée par deux voix en lui : ‘’Hé ! Tous les autres professeurs entrent pour une entrevue et pas toi ?’’ ‘’Pourquoi le devrais-je ? Je suis sensé rechercher qui je suis, pas vrai ? Ceci n’est-il pas une distraction ?’’ ‘’Allez ! Vas y ! Tu ne devrais pas rater cette occasion d’être avec Swami !’’ ‘’Mais en ai-je encore le droit ? J’ai déjà remis ma démission au directeur.’’ ‘’Cela signifie que tu continues d’être professeur pour trois mois de plus, pas vrai ? Et n’oublie pas non plus que le directeur n’a pas encore accepté ta démission. Donc, tu as clairement le droit d’entrer.’’ Les derniers professeurs entraient et M Bhagia devait se décider. Il se leva et se dirigea vers la salle d’entrevue. Alors qu’il passait devant Swami et qu’il entrait dans la pièce, Swami lui asséna une tape dans le dos et lui dit : ‘’Paresseux que vous êtes ! Dépêchezvous d’entrer !’’ M. Bhagia s’aperçut qu’il ne restait plus un cm² d’espace libre dans la salle qui paraissait remplie au maximum de sa capacité. En fait, remplie au maximum de sa capacité n’est pas correct, parce que la capacité de la salle d’entrevue est de trente personnes, tout au plus ! Il était miraculeux que 60 professeurs se soient déjà assis là. Swami constata que M. Bhagia n’entrait toujours pas et Lui-même entra. Et dès que Swami entra, une allée se forma depuis la porte jusqu’à Son siège. M. Bhagia suivit Swami jusqu’à Son siège et pendant que Swami s’installait, M. Bhagia s’assit par terre juste à Ses pieds et se retourna pour constater que l’allée qui s’était formée pour Swami s’était refermée comme la Mer Rouge après le passage de Moïse et de ses gens ! Swami se mit à poser des questions aux professeurs concernant les problèmes qu’ils rencontraient et plusieurs professeurs répondirent à Swami qu’il arrivait qu’ils rencontrent des problèmes avec l’administration de l’université. En fait, plusieurs d’entre eux avaient déjà écrit des lettres à Swami concernant leurs problèmes. ‘’Il n’est pas approprié de se plaindre directement à Swami, si quelque chose de ce genre se produit. Une hiérarchie a été mise en place. Si vous avez un problème, adressez-vous au responsable du département. S’il n’est pas résolu, alors adressez-vous au directeur. Et si ce n’est toujours pas le cas, adressez-vous au vice-recteur. Et enfin, en derniers recours et si tout le reste a échoué, vous pouvez venir voir le recteur.6 Il faut suivre ce protocole.’’ Si Swami, en tant que Seigneur7, ne désirait aucun intermédiaire, le recteur respectait et se conformait à tous les règlements et à tous les protocoles mis en place à l’université. Au milieu de la discussion, Swami demanda soudainement : ‘’Qu’est-ce que la sadhana ?’’ Plusieurs réponses furent proposées, mais aucune d’entre elles ne donna satisfaction à Swami. Il poursuivit : ‘’Selon moi, ni la sadhana (l’effort spirituel), ni sadhyam (le but) n’existent indépendamment, séparément. Sadhana et sadhyam sont un. C’est un tour du mental que de faire de la sadhana le moyen d’atteindre sadhyam. La véritable sadhana consiste 6 7 C’est-à-dire, Sathya Sai Baba, Lui-même, NDT. Le Seigneur du bhakta, du dévot, NDT. à renoncer à l’idée ou au sentiment que l’on n’est pas l’Atma ou le Soi, mais le corps physique. Détourner la vision du physique vers le spirituel constitue la véritable sadhana. On doit œuvrer à l’unification du sadhaka (aspirant), de la sadhana (effort spirituel) et de sadhyam (but).’’ (Plus tard, au cours de la même année scolaire, dans Son discours du Nouvel-An 1991, Swami continua d’élaborer la question pour expliquer magnifiquement ce qu’est la sadhana et la connexion intime entre karma, bhakti et jnana.8) En regardant M. Bhagia, Swami devint brusquement très sévère. Ses yeux semblèrent s’agrandirent et il demanda d’une voix très ferme : ‘’Bhagia ! Quelle sadhana aimeriezvous accomplir ?’’ ‘’Swami, je voudrais beaucoup pratiquer atmavichara (la recherche du Soi). C’est pourquoi je désire être libéré de tous les devoirs matériels. Je ne veux plus donner cours à l’université. C’est quand je fais ces choses terre-à-terre que mon esprit se détourne de l’Atma…’’ Alors que M. Bhagia était occupé à répondre, le visage de Swami se métamorphosa et de fâché qu’il était, il devint carrément furieux ! ‘’Bhagia ! Si vous divisez les choses entre matérielles et spirituelles, même après mille naissances humaines, Je ne vous donnerai pas ce que vous cherchez !’’ Toute la salle fut ébranlée par cette explosion ostensible et manifeste. M. Bhagia saisit immédiatement l’importance de cette déclaration. Swami n’avait pas parlé de mille années, mais de mille naissances humaines. Une naissance humaine venait en récompense de 8 399 999 naissances. Mille naissances humaines voulaient dire un minimum de 8 400 000 000 d’années en faisant l’hypothèse d’une moyenne d’un an par naissance sous la forme d’une créature. Swami avait également dit qu’Il n’exaucerait pas son vœu, ce qui signifiait qu’Il était l’autorité en la matière.9 M. Bhagia plongea immédiatement à Ses pieds pour demander pardon. ‘’Swami, je Vous prie de me pardonner. Je ferai tout ce que Vous direz…Je ne me rendais pas compte de l’erreur que je faisais. ‘’ 8 C’est-à-dire les trois grandes voies du yoga : le karma yoga (yoga de l’action ou yoga des œuvres) ; le bhakti yoga (yoga de la dévotion ou yoga de l’amour) et le jnana yoga (yoga de la connaissance ou yoga de la sagesse). Les lecteurs seront peut-être intéressés par la synthèse de quelques pages que j’ai rédigée concernant ces yogas et que j’ai intitulée ‘’Mon chemin vers le bonheur’’. Elle est aussi consultable et téléchargeable gratuitement sur Scribd, et cette synthèse m’a été inspirée pendant un voyage à Puttaparthi en 2008, NDT. 9 Ici, Swami représente le Soi suprême ou le Paramatma, NDT. (Il ne faut pas prendre à la lettre les nombres qui sont symboliques, mais qui veulent bien dire ce qu’ils veulent dire. Ils font partie de la tradition hindoue.) Beaucoup de bhaktas indiens (dévots) ont l’habitude de s’agenouiller devant leur maître spirituel ou Celui qu’ils considèrent comme le représentant de la divinité, ce qui est parfois difficilement tolérable ou même compréhensible pour les Occidentaux modernes, mais c’est une coutume millénaire à laquelle on s’habitue vite, puisque le Maître représente notre Soi supérieur, alors que nous, nous sommes toujours au niveau de l’ego, le moi inférieur…(NDT) Et rappelons-nous par ailleurs que dans l’expérience cosmique de M. Bhagia, le corps de Swami n’était qu’une toute petite poupée dans sa Conscience globale et omniprésente... Swami rappela à M. Bhagia ce qu’Il venait tout juste de dire concernant la sadhana. Il ajouta encore : ‘’La véritable sadhana consiste à sanctifier votre temps, vos connaissances et vos sens. Elle ne consiste pas à renoncer à vos devoirs, mais à sanctifier vos devoirs. Vivre dans l’harmonie, c’est la sadhana. Partager vos expériences avec les autres avec une humilité totale, c’est la sadhana. Chercher moksha (la libération) pour vous-même ne suffit pas. Faites preuve de désintéressement et prenez dix personnes avec vous sur la voie. Votre rédemption réside dans la rédemption de vos semblables.’’ Ensuite, Swami fit une révélation qui les laissa bouche bée : ‘’Tous mes étudiants10 sont des Maharishi tattvas (des graines de grands sages, en quelque sorte), comme mes enseignants. Si les étudiants doivent recevoir un gros potentiel, les professeurs ont le gros potentiel pour donner. Et qu’est-ce que Je veux que vous leur donniez ? Les étudiants sont comparables à des grains de riz dans un sac. Ils doivent être vannés et nettoyés. C’est ce que Je veux que vous fassiez, puisque Je les utiliserai pour nourrir et nettoyer Prakriti (le monde matériel, la nature). Vous m’aidez à purifier leur personnalité. Je vous ai donné la charge de ces étudiants et si vous faites cela, ce sera votre sadhana. Alors, Je vous donnerai ce que vous désirez.’’11 Et c’est précisément ce que M. Bhagia continue de faire, encore aujourd’hui. Il est assurément à la recherche de la réponse à la question ‘’qui suis-je ?’’, ce qui ne l’empêche pas de s’acquitter diligemment de tous ses devoirs d’enseignant, de mari, de père, de citoyen et d’être humain. La voie de la recherche du Soi n’est pas distincte de 10 Par-là, Swami n’entend pas nécessairement les étudiants de Ses institutions, mais ceux qui étudient et qui mettent réellement en pratique Ses enseignements, NDT. 11 A l’étudiant que je suis (Swami a des étudiants qui peuvent être jusqu’à centenaires !), Swami a spécialement donné l’opportunité de traduire le livre intitulé ‘’Purifying the heart’’ du Dr John Goldthwait qui vise précisément cet objectif. Je l’ai traduit sous le titre ‘’Purifie ton cœur !’’ et il est consultable et téléchargeable librement et gratuitement sur Internet. Il complète très bien le ‘’Summer Showers in Brindavan 1990’’ et il est ème tout à fait indiqué et adapté pour l’Occidental du 21 siècle, son mode de vie et son conditionnement psychique, NDT. la voie de la dévotion ni de la voie de l’action. Dans plusieurs discours, Swami a magnifiquement décrit l’unité des trois voies. L’esprit de M. Bhagia se remémora brusquement un épisode de l’année précédente où Swami avait clairement donné le même message. Il n’avait pas été suffisamment alerte pour le saisir et c’est ainsi qu’un moyen plus ‘’dramatique’’ pour transmettre le même message avait été adopté par Swami qui lui avait demandé : ‘’Quel est le sens du mot Bhagia ?’’ ‘’Cela veut dire ‘’bonne fortune’’, Swami !’’ ‘’C’est pris trop littéralement. ‘Bha’’ veut dire bhakti et ‘’gya’’ gyana (jnana). Bhakti (la dévotion) et jnana (la connaissance) sont les deux rives entre lesquelles le fleuve du karma (l’action) doit couler sans interruption. Le fleuve peut provoquer des dégâts, s’il n’est pas délimité par ses rives et si le fleuve ne coule pas, les rives sont inutiles !’’ C’est un message que les Maîtres ont donné à plusieurs aspirants. Même Paramahansa Yogananda rapporte son expérience de Conscience cosmique (dans ‘’Autobiographie d’un yogi’’), où son Maître l’a obligé à revenir au niveau ‘’matériel’’ pour continuer ses activités et son karma. Il n’est pas question ‘’d’équilibrer’’ le matériel et le spirituel, car il n’y a pas de chose distincte et séparée comme le matériel et le spirituel. La spiritualité n’est pas compartimentable. Elle fait partie intégrante de la vie. Elle devrait être le centre de la vie de la personne, le fondement de toutes ses actions, les rives qui délimitent ses pensées, ses paroles et ses actes. C’est la raison pour laquelle chaque fois que nous nous sommes rassemblés aux pieds de Swami en tant que Son ‘’personnel’’ et que nous lui avons dit ‘’Swami, nous voudrions faire quelque chose de spécial pour Vous pour Votre anniversaire, que pouvons-nous faire ?’’, la réponse de Swami a toujours été : ‘’Acquittez-vous de vos devoirs de la meilleure façon possible ; c’est un cadeau suffisant pour Swami.’’ Imaginez simplement que vous vous approchiez d’une personne et que vous lui demandiez : ‘’Hé, toi ! Que fais-tu comme travail ?’’ ‘’Moi ? Je suis chauffeur !’’ ‘’Oh, ce n’est qu’un chauffeur’’, pensons-nous presque avec condescendance. ‘’Je conduis la Porte de Swami, vous savez, tous les jours pendant le darshan…’’ Là, notre attitude change instantanément. Nous joignons les mains respectueusement et nous disons avec un brin d’admiration dans la voix : ‘’Aah ! Vous êtes le chauffeur de Dieu en personne…Vous êtes vraiment béni !’’ 12 Imaginez un autre scénario. ‘’Hé, toi. Quel travail fais-tu ?’’ ‘’Moi, je m’occupe des plantations.’’ ‘’Oh, ce n’est qu’un jardinier’’, songeons-nous, légèrement condescendant. ‘’Je m’occupe des pelouses du Yajur Mandir…’’ (la résidence de Swami) Là, instantanément, notre attitude change. Nous joignons respectueusement les mains et nous disons, admiratifs : ‘’Aah ! Vous êtes le jardinier de Dieu en personne. Comme vous êtes béni !’’ Ceci nous donne une indication sur la manière de mener une vie réellement spirituelle. Comme le dirait Swami : ‘’Il faut tout faire – en pensées, en paroles et en actes – pour rendre le Seigneur heureux.’’ ’’Puis-je être l’ingénieur de Dieu, le rédacteur de Dieu, le médecin de Dieu, l’artiste de Dieu, le comptable de Dieu, le chanteur de Dieu, la femme de ménage de Dieu, le chauffeur de Dieu, etc, etc. ? Puis-je m’acquitter de mes devoirs avec le seul désir de plaire au Seigneur ? Le travail se transforme alors en adoration. Le devoir devient Dieu. Il n’est plus nécessaire de chercher un équilibre entre la vie active et la spiritualité, car alors, la sadhana cesse d’être un travail et tout le travail que je fais devient ma sadhana. Voilà ce que M. Bhagia a appris et il est heureux, parce que Swami lui a promis : ‘’Ce sera votre sadhana et alors, Je vous donnerai ce que vous désirez !’’ Source : aravindb1982.blogspot.in 12 Encore une fois, c’est typique de la bhakti indienne, même si cela peut faire sourire un Occidental !, NDT.