Facteurs liés au traitement
La qualité de la réduction conditionne le résultat
anatomique final. Il y avait de façon très significa-
tive trois fois plus de chevilles indemnes d’arthrose
quand la réduction initiale était parfaite. Mais, le
rôle pathogène des imperfections réductionnelles
varie beaucoup selon les modalités thérapeutiques.
La marge de tolérance est considérablement bien
meilleure après traitement orthopédique. En effet,
en cas de réduction imparfaite, il y avait encore la
moitié de chevilles sans arthrose après traitement
orthopédique contre seulement un quart après os-
téosynthèse.
La sélection d’un groupe caractérisé, à consoli-
dation, par un parfait centrage talien, la normalité
de l’interligne et de la syndesmose ont montré que
dans le groupe orthopédique, 80 % des chevilles
étaient vierges d’arthrose, et qu’en présence d’un
ou plusieurs défauts malléolaires, il y avait encore
trois chevilles sur quatre sans arthrose. À l’inverse,
dans les mêmes conditions de sélection, il ne sub-
sistait après traitement chirurgical qu’un tiers de
cheville sans arthrose (soit deux fois moins qu’après
traitement orthopédique). Ceci confirme la notion
qu’après ostéosynthèse un seul défaut chirurgical
peut à lui seul générer une arthrose ultérieure,
même si le centrage talien est initialement bon. À
l’opposé, le centrage talien est le garant d’un bon
résultat anatomique et fonctionnel à long terme
après traitement orthopédique quel que soit l’état
des malléoles collatérales.
L’analyse des arthroses aseptiques les plus sévè-
res a permis de mettre en évidence dans ce groupe
plusieurs points communs :
•traitement chirurgical initial ;
•bon centrage post opératoire du talus ;
•très grande évolutivité des lésions dégénérati-
ves, toutes marquées par l’apparition d’une
chondrolyse localisée périphérique aboutissant
très rapidement à une désaxation talienne
dans le plan frontal précipitant l’évolution
arthrogène. Dans tous les cas, la syndesmose
n’était pas disloquée à consolidation et dans la
période initiale d’évolution.
La sévérité de l’évolution suggère la responsabi-
lité d’une incongruence tibiotalienne par le biais,
en l’absence de dislocation de la pince, d’une
malrotation du dôme à l’intérieur d’une pince
étroite. La cause essentielle est un cal vicieux
malléolaire rétrécissant la pince et provoquant un
conflit talomalléolaire distal. Ce conflit siège le
plus souvent entre l’extrémité distale de la mal-
léole latérale et la facette latérale du talus. C’est
principalement la conséquence d’un vice réduc-
tionnel de la fibula, en varus le plus souvent, mais
aussi en recurvatum ou par allongement (Fig. 1A).
Sur le versant médial, il peut s’agir d’un valgus ou
d’une malrotation malléolaire. Le conflit talomal-
léolaire distal peut entraîner un aspect d’élargisse-
ment de la syndesmose sur la radiographie de face
créant un faux diastasis intertibiofibulaire. Cet as-
pect traduit en réalité une sténose de la pince et ne
doit pas conduire à la mise en place d’une vis de
fixation de la syndesmose (syndesmodèse) sous
peine d’accentuer et de fixer la malrotation du
talus. Il faut au contraire, dans cette circonstance,
rechercher un vice réductionnel et reprendre l’os-
téosynthèse.
Quant aux cals vicieux malléolaires orthopédi-
ques, leur habituelle tolérance est expliquée par un
mécanisme de rattrapage réciproque des différen-
tes composantes du déplacement qui restaure la
congruence talomalléolaire (par exemple un élar-
gissement induit par un éventuel raccourcissement
peut être compensé par un varus et un recurvatum
malléolaire qui ont un effet sténosant).
Différents types d’arthrose
L’analyse des 133 chevilles arthrosiques a permis
d’individualiser plusieurs types d’arthrose et parmi
ceux-ci les arthroses centrées et les arthroses ex-
centrées.
3
Arthroses centrées, à congruence conservée
Elles sont rares et lentement évolutives. Elles sont
secondaires à la réduction isolée de la surface
articulaire sans malrotation ni déplacement du ta-
lus, comme peut l’induire un cal vicieux malléolaire
postérieur isolé et de petite taille ne compromet-
tant pas la stabilité antéropostérieure de la che-
ville. La congruence articulaire globale est respec-
tée.
Arthroses excentrées avec incongruence
Elles sont beaucoup plus fréquentes et comportent
un déplacement du talus ; celui-ci peut s’effectuer
à l’intérieur d’une pince large ou d’une pince
étroite.
Arthrose excentrée sur pince large
Elle fait suite, le plus souvent, à un déplacement
talien linéaire dans le plan frontal et est le terme
des échecs du traitement orthopédique. Elle est
lentement évolutive. Elle est habituellement à
point de départ latéral (« arthrose valgisante ex-
terne »).
Arthroses excentrées sur pince étroite
Elles sont très différentes car leur évolutivité est
très rapide et peut conduire à une arthrodèse en
quelques années. Elles surviennent après cals vi-
345Arthrose de la cheville et de la sous-talienne