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TOUT EST UNE QUESTION DE PERCEPTION, DE PERSPECTIVE ET DE POINT DE VUE... - DAVID CARSE

TOUT EST UNE QUESTION DE PERCEPTION, DE
PERSPECTIVE, DE POINT DE VUE ET DE
PROJECTION…
DAVID CARSE
‘’Nous dansons en rond, pleins de suppositions,
Alors que le Secret siégeant au centre, Lui sait.’’
-
Robert Frost
‘’Si nous comprenons, nous nous situons au centre du cercle où nous siégeons,
Tandis que le oui et le non se poursuivent autour de la circonférence.’’
-
Tchouang-tseu
I
Dans un sens, tout est une question de perception, de perspective. La Compréhension ultime
dont parle la sagesse éternelle peut être vue comme un formidable et total changement ou
modification de la perspective, mais à quel point il/elle est formidable ou total(e) est difficile
à imaginer jusqu’à ce qu’il/elle se produise.
Quand j’étais dans le cycle secondaire, à la fin des années 60 et au début des années 70,
Flatland, d’Edwin Abbott devint populaire parmi les étudiants. A la base, ce petit livre fut
écrit en 1884, mais il suscita un nouvel intérêt et il fit l’objet de plusieurs réimpressions, car il
était en résonnance avec la contreculture et avec l’ambiance des années Nixon. Flatland est un
univers à deux dimensions, habité par des êtres à deux dimensions ne connaissant que la
longueur et la largeur, comme des bonhommes allumettes que vous pourriez dessiner sur du
papier. Comme ils existent sur le plan plat du papier, ils ne connaissent rien de la hauteur, ni
de la profondeur qui n’existent pas dans leur monde. Par conséquent, ils n’ont jamais réfléchi
à ces directions, ni à ces dimensions ‘’irréelles’’. Ils n’ont pas de mots pour elles. Nos termes
‘’hauteur’’ et ‘’profondeur’’, ‘’au-dessus’’ et ‘’en-dessous’’ et les idées et les concepts que
ces mots représentent pour nous n’existent pas
dans leur monde.
Le livre raconte les expériences de l’un de ces
êtres à deux dimensions, un carré, quand sa vie
confortable à deux dimensions est un jour envahie
par une créature incompréhensible issue d’une
autre dimension : une sphère. Ce n’est que
graduellement que le carré fut en mesure de
comprendre l’expérience initialement
désorientante d’une troisième dimension. Il est
inutile de dire qu’un grand problème apparut,
lorsque le carré essaya d’exprimer son expérience
à d’autres figures à deux dimensions, comme luimême. Comment décrire ‘’au-dessus’’ dans un
cadre où il n’y a qu’ ‘’en avant’’ ou ‘’en arrière’’
et deux directions sur les côtés ? Le carré essaya d’utiliser des termes existants et il tenta
d’utiliser des nouveaux termes qu’il avait appris de la sphère, mais ‘’au-dessus’’ n’était que
des syllabes dépourvues de sens pour les habitants du plat pays. C’est ainsi que le carré qui
avait connu des expériences réelles de cette troisième dimension fut considéré comme un idiot
qui racontait des inepties.
L’expérience du carré du plat pays sera familière à qui aura vécu une expérience spirituelle ou
mystique de ‘’l’au-delà’’ ou d’une autre dimension qui se situe au-delà de nos trois
dimensions physiques familières et qui tenta ensuite de l’exprimer aux autres dans un langage
compréhensible et elle peut s’avérer utile comme métaphore pour illustrer ou exprimer
comment la Compréhension ne peut pas se décrire en des termes ou des concepts existant ici.
Toutefois, le changement de perspective inhérent à la Compréhension est encore plus radical
et total que l’inclusion d’une autre dimension. Plutôt que la simple addition d’une dimension,
c’est un glissement en dehors de toutes les dimensions, en ce sens que ce n’est pas une
question de voir différemment ou de voir de nouvelles choses ou des choses différentes, mais
la disparition de celui qui voit.
Dans un sens, la Compréhension est à l’opposé de la découverte de la troisième dimension
faite par l’habitant du plat pays à deux dimensions. Dans l’expérience communément partagée
dans le monde de la dualité et de l’évolution, ce que l’on expérimente, c’est toujours la triade
de l’expérimentateur, de ce qui est expérimenté et de l’expérience elle-même. Il paraît y avoir
l’auteur d’une action, ce sur quoi on agit et l’action ; le penseur, ce à quoi l’on pense et la
pensée ; le voyant, ce qui est vu et la vision ; etc. Même celui qui est, ce que l’on est et être
cela.
Toutefois, dans la conscience unitaire de la Compréhension, les dimensions séparées perçues
d’altérité s’effondrent dans l’unité et à la place de la perception de l’expérimentateur, de
l’expérimenté et de l’expérience du mental diviseur, il n’y a que l’expérience de l’Esprit
entier. Pas d’auteur, pas d’objet, pas de chose que l’on fait. Simplement un fonctionnement.
Simplement une vision. Simplement être, pas dans le sens d’un être, mais d’être. Tout ce qu’il
y a, ce n’est pas quelqu’un qui est conscient de quelque chose, mais plutôt simplement, la
Conscience impersonnelle. La Conscience est tout ce qui est et la Conscience est le
fonctionnement, la vision, l’être et l’expérience ― ce qui est perçu comme quelqu’un qui fait
ou qui est quelque chose par le mental diviseur.
Comment ce changement se produit-il ? Comment passe-t-on de la perception du mental
diviseur à la Compréhension de l’Esprit entier ? Eh bien, personne ne passe de l’un à l’autre.
Personne ne comprend jamais, dans ce sens. Il n’y a qu’une seule compréhension et la
Compréhension, c’est qu’il n’y a personne pour comprendre et rien à comprendre ! L’essence
même de la Compréhension, c’est que, tandis que des événements paraissent se produire et
que des actes semblent être posés, ‘’personne ne le fait et rien n’est fait. C’est un agir pur.’’
(Wei Wu Wei) Il n’y a pas d’individu qui fait ou qui comprend quoi que ce soit. Il n’y a rien
qui doit être fait ou compris. En dépit des apparences, il n’y a pas d’individus, ni d’entités
distinctes d’aucune sorte, nulle part. Cette recherche de la compréhension conduit finalement
à l’anéantissement du chercheur, à la réalisation qu’il n’y avait jamais eu de chercheur pour
commencer, que le monde entier qui est perçu par le mental diviseur, y compris celui qui le
perçoit, est une illusion complexe.
Wei Wu Wei :
‘’Il est important de comprendre qu’il n’y a rien à acquérir, mais seulement une erreur à
découvrir, car acquérir implique nécessairement d’utiliser et ainsi de consolider ce faux
‘’je’’ dont la dissolution est requise. Pour cela, seul un réajustement est nécessaire, ce
réajustement étant de renoncer à l’identification à un moi individuel inexistant,
renoncement qui nous laisse dessillé et éveillé dans notre nature éternelle.
Néanmoins, chercher à nous persuader que nous n’existons pas en tant qu’entités
individuelles, c’est comme demander à l’œil de croire que ce qu’il regarde n’est pas là,
mais ce n’est pas uniquement nous qui n’avons aucune existence en tant qu’entités, il n’y
en a aucune, nulle part, dans la réalité du cosmos, il n’y en a jamais eu et il ne pourrait pas
y en avoir. Ce n’est que la Totalité de l’Esprit qui peut révéler cette Connaissance sous la
forme d’une cognition directe qui est évidente, une fois réalisée. C’est le réajustement total
et seul le ‘’Je’’ demeure.’’
Il n’est ni nouveau, ni même inhabituel de penser que tout ce monde et que toute cette vie sont
une illusion ou un rêve. Cette analogie est partout, depuis Shakespeare (‘’nous sommes de
cette substance dont sont faits les rêves’’) jusqu’aux comptines pour enfants (‘’merrily,
merrily, merrily, merrily, life is but a dream’’). Ce que l’on réalise rarement, c’est que celui
qui pourrait penser comprendre ceci est lui-même un personnage du Rêve qui fait partie de
l’illusion, que l’esprit qui pense que ‘’la vie n’est qu’un rêve’’ n’a lui-même aucune existence
en dehors du Rêve et que cette pensée surgit seulement dans le cadre et comme partie
intégrante du Rêve.
Naturellement, cela suffit pour déboussoler la majorité de la race humaine.
II
Deux autres exemples :
Prenez l’avion en Oklahoma et prenez la direction du sud. Que survolez-vous ? Si vous
répondez le Texas, je dois vous dire une chose. Le Texas n’existe pas ! Vous verrez ce qu’il y
a là : du désert aride, des terres agricoles, des montagnes, des rivières, des routes et des villes.
Le Texas n’est qu’un concept. Il n’existe que sur la base d’une construction conceptuelle à
propos de laquelle on s’est mis d’accord. Il n’y a rien de ‘’réel’’ concernant la limite entre le
Texas et l’Oklahoma et vous ne la verrez pas si vous la survolez. Le tracé, la différentiation et
la décision d’appeler ce petit bout de Terre le ‘’Texas’’ et quelques pas plus loin d’appeler cet
autre petit bout de Terre l’ ‘’Oklahoma’’ n’existent que dans l’esprit, comme une construction
de la pensée. La division en entités distinctes n’est qu’une couche conceptuelle. Une telle
différenciation, une telle dénomination, une telle division et ces ‘’choses’’, en tant qu’entités
distinctives, n’existent pas, sinon en tant que concepts.
‘’Vous’’ et ‘’moi’’, ‘’nous’’ sommes le ‘’Texas’’.
La prochaine fois que vous irez au cinéma, arrêtez-vous, lorsque vous aurez quitté la salle et
réfléchissez à ce que vous venez tout juste de voir et quand vous vous mettrez à raconter le
film, je vous demanderai de vous interrompre. Vous aurez peut-être vu un film, mais ce n’est
pas ce qu’il y avait là. Vous serez resté dans le cinéma pendant à peu près deux heures et
pendant quasiment tout ce temps-là, vous regardiez fixement un écran et pourtant, si je vous
demandais de me décrire cet écran, vous pourriez bien me regarder avec des yeux qui
clignotent. A cause des rayons de lumière colorée qui étaient tout le temps projetés sur
l’écran, vous n’avez pas vu l’écran, même s’il était là et même si vous le regardiez. Il n’y
avait pas de personnes, pas de paysages, pas d’événements ‘’réels’’ sur l’écran, même si vous
avez probablement été pris par l’histoire et par l’émotion du film, comme si celui-ci était réel.
C’est la raison pour laquelle vous allez au cinéma et si vous aviez passé du temps pendant le
film à penser que ce n’est pas réel, c’est que ce n’était probablement pas un très bon film. La
projection de lumière sur l’écran a provoqué l’apparition de personnes, de lieux et
d’événements qui paraissaient réels et qui suscitaient en vous des réactions mentales et
émotionnelles, mais pendant tout ce temps-là, vous n’avez jamais vu l’écran qui est ce que
vous contempliez réellement pendant deux heures et sans lequel la lumière projetée ne serait
tombée sur rien du tout et vous n’auriez pas pu non plus voir le film.
‘’Vous’’ et ‘’moi’’, ‘’nous’’ sommes le film.
III
Tout est aussi une question de perspective d’une manière encore plus simple, plus subtile. La
façon dont nous percevons les choses et par conséquent, ce que nous appelons ‘’réel’’, ‘’vrai’’
ou ‘’correct’’ a quelque chose à voir avec notre perspective, où nous nous situons dans le
continuum global. C’est élémentaire, mais c’est souvent complètement négligé, oublié ou
ignoré. La tendance est d’absolutiser sa propre perspective, de tout rapporter à cela, alors
qu’en réalité, notre perspective est ce qui est relatif. Toute l’histoire de l’humanité, y compris
le présent, est saturée et gorgée de toutes formes d’exploitation, d’assujettissement, d’injustice
et d’intolérance, tout ceci étant rendu possible par le fait que, depuis une certaine perspective
et d’un certain point de vue, cela semble justifié. Il est clair et évident que les présomptions ou
hypothèses de base par rapport à la manière dont sont les choses sont en fait très relatives et
qu’elles dépendent de la perspective et de la position relative de la personne dans le spectre
global.
La Compréhension entraîne avec elle un vaste changement de perspective. Pour les
personnages du Rêve, les choses de la vie comptent et elles sont importantes. Qu’il soit
question de la dernière guerre en cours, de l’environnement, de ce que vos enfants apprennent
à l’école ou de la manière dont cet homme dans la rue vient juste de vous regarder, vous jugez
que les choses et que les événements ont un sens et qu’ils ont de l’importance. C’est ce qui
paraît faire en sorte que la vie vaille la peine d’être vécue : penser que les choses sont
importantes et qu’elles possèdent de la valeur, des causes, des croisades, des principes, des
valeurs, de l’engagement dans ce que l’on pense être juste, lutter contre ce que l’on pense être
mauvais, rendre le monde meilleur…
Mais dans la Compréhension, il est vu que tout ceci ne fait que prolonger l’illusion et
perpétuer la souffrance. Des valeurs que l’on considère comme absolues dans le Rêve
s’avèrent être arbitraires, après examen. Les valeurs épousées par un corps-esprit dépendent
de la programmation et du conditionnement d’une époque, d’un pays, d’une culture, d’une
race et d’une famille et elles s’opposent à des valeurs qui sont toutes aussi chères pour un
autre corps-esprit.
Correct, incorrect, bon, mauvais, important ou non, mais selon qui ? A partir de quelle
perspective ? C’est ainsi que partout sur la Terre, la plupart des gens ressentent que les choses
qui sont les plus proches d’eux sont ce qu’il y a de plus important. Depuis votre perspective, il
est probable que vous vous sentirez plus bouleversé par la mort d’un membre de votre famille
que par la mort de milliers de personnes dans un pays étranger que vous n’avez jamais vu.
Suivant une perspective, un acte de terrorisme est l’évidence du mal et suivant une autre
perspective, c’est la preuve que Dieu est grand. Ce n’est ni l’un, ni l’autre. Tout ceci apparaît
simplement dans la globalité de la Conscience qui est totalement impersonnelle et
parfaitement neutre. Bon ou mauvais, important ou pas ne sont que vos projections à partir de
votre perspective.
Mais la perspective, pour ainsi dire, de la Conscience impersonnelle est
incompréhensiblement vaste ― un nombre incalculable de formes de vie dans d’innombrables
systèmes solaires, de la matière, de la vie et de l’énergie dans des formes que nous ne pouvons
pas imaginer et sur une échelle qui rend toute la vie que nous connaissons, toute cette planète
elle-même, tout l’univers que nous connaissons ou que nous pouvons imaginer à peine
remarquables. La beauté est qu’en réalité, tout ce que nous connaissons est plus que remarqué
et n’est rien d’autre que la Conscience, la Conscience Elle-même qui est perçue par nous
comme étant ces choses. Mais que quoi que ce soit que nous puissions penser être ou que
nous pensons connaître ou que nous croyons vouloir ou que nous croyons être juste revêt une
importance particulière relève simplement de notre perspective extrêmement limitée.
Celui qui écrit ou parle à propos de ce sujet sera à un moment ou l’autre envahi de questions
qui tournent autour de cette matière de l’importance et de la valeur, du juste ou de l’injuste, du
bien et du mal. Comment peut-il y avoir du mal dans le monde ? Comment peut-il y avoir des
catastrophes naturelles ? Comment peut-il y avoir des guerres ? Comment un Dieu peut-Il
permettre la pauvreté ou la violence ? Comment un Dieu ou la Présence ou la Conscience
peut-Il/Elle permettre que des enfants souffrent ?
Nous avons tous fait l’expérience d’une forme ou l’autre de tragédie, d’une forme ou l’autre
de violence, de perte, d’infortune ou de peine, et certains plus que d’autres, ou nous avons au
moins été proches de quelqu’un ayant fait une telle expérience. Il est impossible d’y échapper.
Il est de la nature de cette ‘’réalité’’ imaginaire qu’elle contienne ce qui est expérimenté
comme le plaisir et la douleur, les bonnes et les mauvaises choses et personne ne sait ce que
l’instant suivant va lui apporter, ni quel(le) sera la combinaison ou le dosage intégral pour
chacun des corps-esprits. Il n’y a pas de réponse, ni de raison depuis l’intérieur, le sein du
Rêve.
‘’La souffrance est un appel à l’investigation. Toute peine ou toute douleur nécessite une
investigation.’’ (Nisargadatta Maharaj)
La souffrance, la peine et la douleur soulèvent des questions comme rien d’autre ne le fait.
Investiguez-les ! Investiguez la souffrance. Qui est-ce qui souffre ? Depuis quelle perspective
est-ce inacceptable ?
Le Bouddha a déclaré que le samsara est dukkha. Prendre le Rêve pour la Réalité n’est pas ce
qui cause la souffrance, c’est la souffrance. La seule solution possible à la question du mal et
de la souffrance, c’est de voir à travers l’illusion. Sous toutes ses formes, la souffrance est la
plus grande invitation à s’éveiller, et elle n’est jamais bien loin…
(Référence : David Carse, Perfect brilliant stillness)
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