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COMPLIANCE ET ÉTHIQUE DES AFFAIRES

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ISb
MA NA GE ME N T &
SYSTÈMES D ’ I N F O R M A T I O N
REVUE BANQUE
STRATÉGIE
Co m p l i a n c e et éth iq u e
DES AFFAIRES : LES LEVIERS
D’UNE NOUVELLE GOUVER­
NANCE D’ENTREPRISE (l/2)
Dans ce premier article, l'auteur montre que la compliance
Directeur Groupe
Conformité et
Éthique des affaires
AG2R La Mondiale
est encore trop souvent réduite à une conformité
limitée à la vérification de processus, alors que
la compliance mais aussi l’éthique des affaires sont
en réalité intimement liées à la gouvernance de l’entreprise.
Cela implique que les entreprises et les dirigeants intègrent
dans leurs prises de décisions le paramètre du risque
de non-conformité et son corollaire, le risque de réputation.
Dans un deuxième article, à paraître dans le prochain
numéro, l'auteur détaillera les leviers à mettre en place
poury parvenir.
financier et bancairefi]. Les deux
démarches se sont développées il y a
dix ans, en parallèle, et aujourd’hui,
au moment de souffler les bougies,
il apparaît nécessaire de prendre
conscience qu’en réalité elles sont
toutes les deux étroitement liées.
Ce mariage est encore renforcé par
la prise de conscience de la néces­
sité de mettre en œuvre de bonnes
pratiques d’éthique des affaires, au
[1] L’accord de Bâle III vient compléter l’accord
Matmut
de Bâle II ; il a été publié en décembre 2010.
Président du Club
Recherche/Entreprise
financière de 2007-2008, avec pour objet cfë
Il constitue la réponse du Comité de Bâle
Cercle d’ Éthique
des Affaires
Professeur en droit/
compliance
à l’ École
Supérieure de
la Banque Paris
et en master 2
droit des affaires,
Université Libre
de Lille
Revue Banque
1ya dix ans en 2008, le monde entrait
dans ce qu’il était convenu d’appeler
la crise bancaire et financière. Cette
crise mondiale a conduit plusieurs
établissements financiers américains
à être placés en liquidation de paie­
ment, comme le plus célèbre d’entre
eux, Lehman Brothers.
Ce triste anniversaire a permis tou­
tefois de faire émerger deux dyna­
miques, celle de la gouvernance et
celle de la compliance, dans le secteur
àla crise
renforcer la réglementation, le contrôle et la gestion
des risques dans le secteur bancaire. La directive
Solvabilité 2, adoptée en 2009, modifie en
profondeur le régime existant en assurance. Dans le
prolongement de la réforme Bâle II pour le secteur
bancaire entrée en vigueur en 2008, un nouveau
cadre réglementaire prudentiel au niveau européen
est défini pour les assureurs.
I. L a com pliance :
u n e v a le u r a j o u t é e
p o u r l ’e n t r e p r is e
sem ent, c’est l’arrêté du 3 novem bre
En assu ran ce, c ’e st le d écret 2015/513
d u 7 m ai 2015 [3] q u i d é fin it la fo n c ­
tio n de v érificatio n de la c o n fo rm ité
p a r s o n o b je t q u i e s t d e « conseiller le
directeurgénéral ou le directoire ainsi que
le conseil d'adm inistration ou le conseil
de surveillance, sur toutes les questions
relatives au respect des dispositions légis­
latives, réglementaires et ad m in istra­
tives afférentes à l'accès aux activités de
l'assurance et de la réassurance et à leur
exercice. Cette jonction vise également à
évaluer l'im pact possible de tout chan­
gement de l'environnem entjuridique sur
les opérations de l'entreprise concernée,
ainsi qu’à identifier et évaluer le risque
de conformité » (article R. 354-4-1 du
C o d e d e s a ss u ra n c e s e t R. 356-48-1
d u C o d e de la m u tu a lité ).
2014(2] q u i e n c a d re le c o n trô le
La loi Sapin 2 su r la co rruption [4]
interne des entreprises qui définit
prolonge l’extension de la dém arche
le risque de non-conformité (article 10
(p)), puis fixe l’obligation de vérifier
La compliance, concept anglo-saxon,
la conform ité des activités à travers
de compliance dans l’entreprise dans
la m esure où cette nouvelle régle­
m en tatio n rappelle très clairem ent
regard des nouvelles attentes de la
par des typologies d ’exigence très
société civile et des parties prenantes.
différentes, d ’une p art la définition
En parallèle, d’autres entreprises, quel
du risque de non-conform ité, d ’autre
que soit leur secteur d ’activité, sont
part par l’injonction de m aîtriser ces
confrontées dès leur création, à l’obli­
risques pour l’entreprise par des dis­
gation de résoudre des problèm es de
p ositifs de contrôle, enfin p ar les
compliance dans le cadre de leur acti­
m issions q u ’il convient de confier
vité en France ou à l’international. Il
au directeur de la conform ité. Mais
s ’agira par exemple du respect des
à aucun m o m e n t le législateur ne
em b arg o s ou d ans le dom aine de
prend le risque de dire ce que l’en ­
l’éthique des affaires du contrôle de
treprise doit entendre et com prendre
la chaîne de sous-traitance pour éviter
par compliance ou conform ité, il faut
par exemple le travail forcé ou celui des
en revanche juste q u ’elle le soit.
enfants. Cela pourra encore prendre
l’im pact de l’activité de l’entreprise
L'APPROCHE RÉGLEMENTAIRE
DE LA CONFORMITÉ
su r l’environnem ent.
À titre d ’exemple, dans le secteur de
la form e d ’une prise en com pte de
la banque et des services d ’investis­
est très souvent traduite en France
u n d is p o s itif de co n trô le in te rn e
dans son article 17 que l’obligation
p ar le term e de « conform ité ». La
(article n ) , enfin confie au resp o n ­
de resp e cte r la rég le m e n ta tio n et
term inologie anglaise recouvre en
sable du contrôle de la conform ité le
donc d ’être conform e repose su r les
réalité une dynam ique que sa tra ­
soin de veiller au caractère adapté des
dirigeants de l’entreprise, lesquels
duction française n ’exprim e pas. La
dispositifs et procédures (article 72).
compliance n ’est pas réglem entaire­
m en t définie en ta n t que telle ; elle
[3] JORF n° 0108 du 10 mai 2015, p. 7986, texte,
n° 5 Décret n° 2015-513 du 7 mai 2015 pris pour
[2]
JORF n° 0256 du 5 novembre 2014, p. 18598,
l'application de l'ordonnance n° 2015-378 du
est souvent ap préhendée à travers
texte n° 10, Arrêté du 3 novembre 2014 relatif au
2 avril 2015 transposant la directive 2009/138/CE
les finalités q u ’elle poursuit.
contrôle interne des entreprises du secteur de la
du Parlement européen et du Conseil sur l'accès
banque, des services de paiement et des services
aux activités de l'assurance et de la réassurance
d'investissement soumises au contrôle de l'Autorité
et leur exercice (solvabilité 2).
Cette approche de la compliance se tra­
d u it dans les textes réglem entaires
de contrôle prudentiel et de résolution.
[4] JORF n° 0287 du 10 décembre 2016, texte n° 2,
loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la
transparence, à la lutte contre la corruption et à
la modernisation de la vie économique (1).
9 N°832
Revue Banque
S Y S T E ME S D I N F O R M A T I O N
( ( L a compliance n’est pas
accordé en novem bre 2018, « la régula­
v a n t d ’u n risq u e de n o n -c o n fo rm ité
réglementairement définie
tion s'immisce dans toutes les composantes
à des d isp o sitio n s législatives, régle­
en tant que telle; elle est
de la chaîne de valeur, et par conséquent,
m e n ta ire s , de n o rm e s p ro f e s s io n ­
souvent appréhendée à
implique le contrôle de la c o m p lia n c e
n e lle s c o m m e d é o n to lo g iq u e s o u
travers
les finalités qu’elle poursuit. 99
dans un nombre croissant de domaines :
de n o rm e s in te rn e s o b lig a to ire s. Il
le consumérisme et la DDA, la protection
p e u t d é lé g u e r d a n s l ’e n tre p rise u n e
des données personnelles, viennent com­
p a rtie de ses m is s io n s à c o n d itio n
pléter et renforcer les sujets plus tradition­
d ’en c o n se rv e r le c o n trô le .
« sont tenus de prendre les mesures destinées
nels de LCB/FT et de la loi Eckert. C'est le
C ette d é fin itio n e s t is su e d u c ro i­
à prévenir et à détecter la commission, en
territoire nouveau de lafonction. Mais ce
s e m e n t d ’u n e p ra tiq u e p ro f e s s io n ­
France ou à
n'est pas tout: lagouvernanceetlagestion
nelle, d ’u n e activité d ’e n se ig n e m e n t
des Conseils, demain, le respect de règles
d e la compliance e t d e la c o n f r o n ­
tion
l'étranger, d é fa its de corrup­
ou de trafic d'influence ».
S o n t a in si listé s u n c e rta in n o m b re
d’investissements EGS (environnement,
ta tio n d ’id é e s a u s e in d ’a s s o c ia ­
d e m e s u re s , te lle s q u e m e ttr e en
gouvernance, society), voire les règles en
tio n s p ro fe ssio n n e lle s. Elle p e rm e t
p lace : u n code de c o n d u ite ; u n d is­
matière de ressources humaines (non-dis­
d e c o m p r e n d re q u e la compliance,
p o s itif d 'a le rte (tuhistleblouring) ; u n e
crimination, harcèlement, égalité hommes/
c o n tra ire m e n t à ce q u e p o u rra it lais­
carto g ra p h ie d es risq u e s ; d es p ro cé­
femmes, mixité et diversité), et en f n, les
se r e n te n d re le m o t de c o n fo rm ité ,
dures d 'évaluation de la situ a tio n des
règles fiscales, avec une logique complexe
n ’e st p as réd u c tib le à u n e tec h n iq u e
clients, fo u rn isseu rs de p rem ier ra n g
de gestion du risque et de c o m p lia n c e
ou une nouvelle m atière juridique que
e t in te rm é d ia ire s ; d es p ro c é d u re s
(faut-il avoir une attitude de non-risque
se ra it u n d ro it d e la compliance. En
de c o n trô le s c o m p ta b le s , in te rn e s
ou une démarche d'optimisation?). Cela
effet, la compliance d a n s l ’e n tre p rise
o u e x te rn e s ; u n d is p o s itif de fo r­
permet de relier la conformité aux ques­
n ’a stric te m e n t a u c u n ra p p o r t avec
m a tio n ; u n ré g im e d is c ip lin a ire ;
tions éthiques. »
la m ise en œ u v re d ’u n « d ro it de la
compliance » que p ro p o se M arie-A nne
en fin , u n d is p o s itif de c o n trô le et
d 'é v a lu a tio n in te rn e d e s m e s u re s
DEFINIR LA COMPLIANCE
F riso n R oche [6]. N o u s so m m e s très
m ise s en œ uvre.
La d é fin itio n de la compliance q u e je
loin de la sim ple exécution de process
p ro p o s e p o u rr a it d o n c être la su i­
q u i tr a n s fo rm e ra ie n t les c o lla b o ra ­
UN PERIMETRE
D'INTERVENTION TOUJOURS
PLUS VASTE
v an te : c’e s t u n e cu ltu re q u i co n siste
te u rs de l ’e n tre p rise en m a c h in e s.
Il a p p a rtie n t d o n c aux e n tre p rise s
co n n a issa n c e ad ap té e des risq u e s de
UN MODE DE PREVENTION DU
RISQUE DE NON-CONFORMITÉ
d e se d o te r d ’u n e d ire c tio n c o n fo r­
n o n -c o n fo rm ité afin de p ré v e n ir la
E n su ite, sa n s n ie r q u e la c o n fo rm ité
m ité p o u r faire face à ces n ouveaux
survenance d ’u n risque de rép u tatio n
co m m e o b jet de rech erch es p e u t être
enjeux. L’u tilité e st q u a si id e n tiq u e
ou de san ctio n s, in d u isa n t des pertes
c o n sid é ré e c o m m e « une technique de
qu e les e n tre p rise s so ie n t so u m ise s
sig n ific a tiv e s p o u r l ’e n tr e p ris e . À
gestion (au double sens defaçon de traiter un
à u n e o b lig a tio n de cré e r la fo n c tio n
cette fin, la d irectio n g én érale confie
problème et de mode d’organisation d’une
c o m m e d a n s le d o m a in e fin a n c ie r
à u n e d ire c tio n de la c o n fo rm ité la
entreprise) » com m e le souligne H ugues
de la b a n q u e e t de l’a s s u ra n c e ou
m issio n de la c o n se ille r q u a n t aux
B o u th in o n -D u m a s [7], m a is elle e st
q u ’e lle s d é c id e n t p a r e lle -m ê m e
m e s u re s à p r e n d r e p o u r a d a p te r
a u ssi e t s u r to u t u n m o d e de pré v e n ­
de la c réer a fin de c o n trib u e r à u n e
l’entrep rise aux évolutions rég lem en ­
tio n d u risq u e d e n o n -c o n fo rm ité
m e ille u re m a îtrise d e ces risq u e s au
taires ou rem édier aux n o n -co n fo rm i­
in tim e m e n t a ss o c ié aux d é c is io n s
re g a rd d e s o n activité n o ta m m e n t à
tés avérées. Le d ire c te u r co n fo rm ité
à p re n d re et d o n c à la g o u v e rn a n c e
l’in te rn a tio n a l.
d o it d is p o se r de m o y en s su ffisa n ts,
de l’e n tre p rise .
C o m m e P a tric k T h o u r o tlf ] le s o u ­
de l ’a u to rité , de la c o m p é te n c e , de
lig n a it d a n s le cad re d ’u n e n tre tie n
l ’in d é p e n d a n c e et de l’h o n o ra b ilité
à in t é g r e r d a n s le p r o c e s s u s d e
g o u v e rn a n c e d ’u n e e n tre p rise u n e
p o u r la c o n d u ite de sa m issio n . Il
[5 ]
P r é s id e n t d e F o r s id e s , P a t r ic k T h o u r o t a
c o n s a c ré tr e n te a n s d e s a c a r r iè r e à l ’ a s s u ra n c e ,
c o m m e d ir e c t e u r à la C O F A C E , d ir e c t e u r g é n é r a l d e
p ro p o s e , u n e o u p lu s ie u rs fois p a r
an, u n p ro g ra m m e de co n fo rm ité qui
in tè g re é g a le m e n t les su je ts p ro s ­
Z U R IC H
F r a n c e e t d ir e c t e u r g é n é r a l d é lé g u é p u is
c o n s e ille r d u p r é s id e n t d u g r o u p e S C O R . P a tr ic k
T h o u r o t e s t é g a le m e n t p r o f e s s e u r a s s o c ié a u C N A M
e t c o n s u lt a n t e n r é a s s u r a n c e , d e p u is 2 0 1 0 .
R evue Ba n q u e
n° 832 mai
2019
de la c o m p lia n c e
J e p e n se q u e l'E u ro p e
s u r u n e u i s io n
h u m a n is te
» , e n t r e tie n a v e c O liv ia D u fo u r ,
in L e s P e tite s A f fic h e s n ° 2 2 2 , n o v e m b r e 2 0 1 8 ,
p p . 4 - 7 . F r is o n - R o c h e , « L e d r o i t d e l a c o m p lia n c e » ,
W o r k in g
P a p e r,
2 0 1 6 : h t tp : / /m a f r . fr /f r /a r t ic le /
le - d r o it- d e - la - c o m p lia n c e / .
P F A ( G r o u p e A th é n a ) , d ir e c t e u r g é n é r a l t e c h n iq u e
c e n tr a l d u g ro u p e A X A , d ir e c te u r g é n é ra l d e
[ 6 ] M . - A . F r is o n - R o c h e , «
p e u t e t d o it se c o n s tru ire
p ectifs à traiter. Il e st l ’in te rlo c u te u r
privilégié des a u to rité s de c o n trô le ,
d es o p é ra tio n n e ls e t de la d ire c tio n
g é n é ra le p o u r to u te s m e s u re s re le ­
[ 7 ] B o u t h i n o n - D u m a s H u g u e s , « L a c o m p lia n c e
u n e in fla tio n
« In fla tio n
n o r m a t iv e a u c a r r é » , C a h ie r s p é c ia l
n o r m a t i v e : q u e l m a n a g e m e n t d a n s le s
e n t r e p r is e s e t le s o r g a n i s a t i o n s p o u r y f a i r e f a c e » ,
M anagem ent
& A u e n ir , à p a r a î t r e .
Ainsi, comme le souligne Patricia la manière d ’appréhender l’éthique
Foucaud[8] pour l’entreprise Biogen : des affaires peut varier d ’une entre­
« Au-delà de son acception juridique de prise à l’autre.
conformité'auxexigences voulues par leslois, L’éthique des affaires est le partenaire
les règlements, les codes, et les directives, la indispensable à la mise en œuvre
compliance ambitionne de protéger l’en­ d’une gouvernance efficace dans fen ­
treprise contre tout non-respect des normes
internes et externes et de ses ualeurs. Elle a
pour objectifd’euiter les consequences défauorables pour l’entreprise et ses dirigeants, il La compliance est
tantfnancières que de responsabilité' civile un état d’esprit qui promeut
ou penale, ou encore d’atteinte à l’image et le sens de la responsabilité
à la réputation... La compliance est un individuelle et collectine
état d’esprit qui promeut le sens de la res­
ponsabilité' indiuiduelle et collectiveau sein au sein des entreprises
des entreprises et des organisations. C’est et des organisations.
une culture du respect des règles pour assurer C’est une culture du respect
une performance plus solide et pérenne. » des règles pour assurer
IL L’éthique des affaires
est intimement liée
à la compliance
Le Cercle d’éthique des affaires,
dans son Manifeste pour une éthique
des affaires [9], propose la définition
suivante de l’éthique des affaires :
« L’éthique des affaires est contingente et
subjective. Elle définit “ici et maintenant”
le comportement qu’adopte ensemble un
groupe d’individus dans un temps et un
espace donnés. Elle porte sur les arbitrages
faits par les acteurs économiques pour choi­
sir ce qui est bon ou mauvais au dévelop­
pement durable de l'entreprise, prenant en
considération les demandes de l'ensemble
desparties prenantes de l'entreprise (action­
naires, clients, salariés,fournisseurs, société
civile, etc.). En effet, aujourd’hui chaque
décision prise derrière les portes doses des
Conseil d’Administration est inévitablement
soumise aux regards et aux commentaires
des parties prenantes. L’éthique dit ce qui
est bon ou mauvais pour une organisation,
mais n’a pas vocation à définir le Bien et
le Mal. »Cette définition montre que
[8] Foucaud Patricia, « Comment fédérer les
collaborateurs à la compliance ? », Linkedin
Published 2017.
[g] https://w w w .ie-ihedn.org/w p-content/
uploads/20i5/o5/Manifeste-%C3%Agthique_CEA_
Dec14_VF2.pdf.
une performance plus
solide et pérenne.
JJ
treprise. En effet l’éthique des affaires
d’une entreprise repose d’abord sur
les dirigeants et les valeurs de l’entre­
prise qu’ils incarnent. À ce titre, ils
doivent décider des pratiques qu’ils
souhaitent voir mises en œuvre et
du niveau d ’exigence éthique atten­
due dans le cadre de la réalisation
des activités de l’entreprise. C’est
en effet le dirigeant qui d ’une part
à travers l’exemplarité de son com­
portem ent, d ’autre part des choix
politiques qui seront pris vis-à-vis
de ces deux enjeux que sont la com­
pliance e tl’éthique des affaires, ainsi
que du choix du rattachem ent de la
direction conformité et éthique des
affaires dans l’organigramme. Enfin
plus concrètem ent ce sera les choix
d ’affectation de budgets ou pas sur
des projets réglem entaires et sur
la taille de l’équipe en charge de la
conformité et l’éthique des affaires,
qui crédibilisera ou pas la compliance
dans son entreprise.
U ne e n tre p ris e sa n s p o litiq u e
d’éthique des affaires sera peu encline
à favoriser la mise en œuvre d’une
fonction compliance efficace dans son
entreprise. En revanche, une équipe
dirigeante tournée vers le respect de
règles éthiques fortes afin de favo­
riser un développement durable de
l’entreprise pour ses collaborateurs,
ses clients ou ses parties prenantes,
verra un intérêt évident à disposer
d’une direction compliance forte pour
la conseiller sur le niveau de risque de
conformité possible de telle ou telle
décision et l’impact envisageable en
termes de réputation.
Le couple compliance et éthique des
affaires ne doit donc pas être réduit
à un corpus de règles à mettre en
œuvre, qui serait le meilleur moyen
de faire de ces deux leviers un outil
pour générer des contraintes régle­
m entaires supplém entaires dans
l’entreprise.
III. Gouvernance,
compliance et éthique
des affaires la nouvelle
alchimie
La notion de gouvernance, comme
celle de compliance sont des concepts
anglo-saxons qui renvoient aux condi­
tions d ’une bonne organisation et
de bonnes pratiques des instances
dirigeantes de l’entreprise. La gou­
vernance permet de réfléchir aux diffé­
rences de forme que peuvent prendre
les organes de direction de l’entreprise
quant à la répartition des pouvoirs
par exemple entre le président de
Conseil d'administration et le direc­
teur général ou quant au choix de la
nature des organes de contrôle de la
société (Conseil d'administration vs
Conseil de surveillance).
Dans le domaine de l’assurance[io],
c’est la réglementation avec la direc­
tive européenne Solvabilité 2 [n] qui
[10] Silva Do Carmo, « Le cadre ju ridiqu e
européen de la conform ité dans les organismes
d’assurance : de l’obligation de conform ité à la
gestion prudentielle du risque de conform ité » RTDF
n°20i7.
[ n ] Directive 2009/138/CE du Parlement européen
et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès
aux activités de l'assurance et de la réassurance
et leur exercice (solvabilité 2).
MAI 2 0 1 9 N° 832
Revue Banque
81
lïli
MA N A GE ME N T &
SYSTÈMES D I N F O R M A T I O N
REVUE BANQUE
fixe le cadre de la gouvernance d’en­
treprise. Et l’Autorité de Contrôle
Prudentiel et de Résolution (ACPR)
précise notammentles contours des
relations entre la fonction confor­
mité et la gouvernance d’entreprise
dans une notice du 2 novembre
20l6[l2].
Comme le souligne Daniel Tricot[i3] : « L'émergence de la notion
de gouvernance est allée de pair avec la
recherche debonnes pratiques d'entreprise,
essentielles pour accroître 1'effcacité de
celle-ci. Il s'agit alors de rechercher la créa­
tion de valeur pour les parties prenantes
de l'entreprise via le développement d'un
capitaljrnancier, mais aussi humain. »
Àtitre d’exemple, cela conduit désor­
mais les directions des entreprises à
s’interroger sur les bonnes pratiques
à mettre en œuvre dans le cadre de
la transparence de la rémunération
des dirigeants, ou encore à mettre
en œuvre des règles pour éviter la
survenance des conflits d’intérêts et
des bonnes pratiques à adopter pour
les gérer ou encore des principes
d’intégrité auxquels l’entreprise est
attachée qui pourront être affichés
dans un code d’éthique des affaires.
LA G O U V E R N A N C E FACE
A U R IS Q U E DE R É P U T A T IO N
Cela implique donc une nécessaire
prise de conscience de la gouver­
nance qu’une décision ne peut plus
reposer sur le seul arbitrage de la
rentabilité et de la recherche d’un
équilibre entre satisfaction du client
et maîtrise des risques financiers
pour l’entreprise. Il convient désor­
mais d’ajouter une autre dimen­
sion, avec le même poids que les
deux premières, celle du risque de
non-conformité et son corollaire
immédiat le risque de réputation.
Cette prise en compte du couple com­
pliance-éthique des affaires apparaît
nécessaire :
- d’une part, parce que les clients
et la société civile attendent de leurs
entreprises qu’elles soient éthiques
ce qui implique au minimum de res­
pecter la réglementation ;
- d’autre part, parce que le risque de
réputation est extrêmement sensible
pour une entreprise avec la mondia­
lisation et l’échange d’informations
en temps réel avec les nouvelles
technologies et les réseaux sociaux ;
-enfin, parce que les sanctions
financières prononcées par les auto­
rités de contrôle sont de plus en
plus lourdes pour les entreprises ;
aUne entreprise sans politique
d’éthique des affaires sera peu
encline à favoriser la mise en
œuvre d’une fonction compliance
efficace dans son entreprise.
99
- et que la responsabilité person­
nelle des dirigeants sera dans les
années à venir très certainement
recherchée de plus en plus faci­
lement.
DES S A N C T IO N S DE PLU S
EN P LU S L O U R D E S
Ainsi, l’Autorité de contrôle et de
résolution (ACPR) a prononcé en
2018, dix décisions de sanctions
dont neuf portent sur la défaillance
des dispositifs de lutte contre le
blanchiment de capitaux d’assu­
reurs avec des sanctions prononcées
jusqu’à 50 millions d’eurosfiq]. Et
dès qu’une entreprise effectue des
transactions en dollars, elle s’ex­
pose aux foudres de l’administration
américaine, par exemple en cas de
non-respect des embargos. L’admi­
nistration américaine s’appuie en
effet sur le principe d’extraterrito­
rialité des lois américaines qui lui
permet de sanctionner des entre­
prises étrangères commerçant avec
des pays sous embargo, dès lors
qu’elles échangent également avec
les États-Unis ou utilisent le dollar
dans leurs transactions. C’est au
nom de ce principe que la banque
française BNP-Paribas s’est vu infli­
ger une amende de 8,9 milliards de
dollars [15].
Quant à la responsabilité person­
nelle des dirigeants, elle est par­
fois expressément prévue comme
dans le cadre de la loi Sapin 2 sur
la corruption déjà citée, où le diri­
geant doit sous peine de sanctions
administratives et pénales, prendre
des mesures destinées à prévenir et
à détecter les faits de corruption ou
de trafic d'influence. La loi Sapin
2 vise les dirigeants suivants : les
présidents, directeurs généraux
et gérants (art. 17, I-al. 1) ; selon
les attributions qu'ils exercent, les
membres du directoire des sociétés
anonymes (SA) (art. 17, I-2°)[i 6].
À titre d’exemple, Vincent Bolloré a
été placé en garde à vue pour « cor­
ruption d'agents publics e'trangers » le
24 avril 2018. Il a été convoqué pour
des soupçons de corruption pesant
sur les conditions d'obtention de
concessions portuaires au Togo et
en Guinée. Plus récemment, c’est
Carlos Ghosn, président de Nissan,
qui estsoupçonné par la justice japo­
naise d'avoir minoré ses revenus sur
5 ans dans des documents remis aux
autorités boursières japonaises, et
d'abus de confiance.
[15] http://www.rfi.fr/econom ie/2018050gsanctions-iran-entreprises-concernees-risques-
Décision de la Commission des sanctions
encourus.
[12] https://acpr.banque-france.fr/sites/default/
[14]
files/2ûi6iio2-notice_gouvernance-post-ccap_o.
du 21 décembre 2018 à l’égard de La Banque
[16] « À quels dirigeants la lutte contre la corruption
pdf.
Postale, procédure n° 2018-01 (gel des avoirs)
incombe-t-elle dans les SA et SAS ? », Communication
[13] Daniel Tricot, « Gouvernance et compliance,
- (établissement de crédit, lu tte contre le
Ansa, comité juridique n° 17-057 du 6 décembre 2017:
les nouveaux défis de l'entreprise », 20 ja nvier 2017,
blanchiment des capitaux et le financement
https://www.efl.fr/actualites/affaires/societes/details.
Affiches parisiennes.
du terrorism e).
html?ref=ui-i272ffi4e-5a22-4f5d-8dgf-fofd7342i2ca.
Revue Banque n° 832 mai 2019
La garantie d ’une bonne gouvernance
des n o tio n s au cœ u r du RGPD, le
U
de l’en tre p rise p asse donc par une
nouveau rè g le m e n t e n c a d ra n t la
et de l’éthique des affaires
p o litiq u e de m aîtrise et de g estion
protection des données. Som m aire­
des risq u es de n o n -co n fo rm ité. Ce
m ent, c’est un con cep t qui im pose
so n t à la fois des enjeux o rg a n isa ­
aux en trep rises d ’in tég rer les p rin ­
culture d’intégrité, établie
tio n n els, financiers et politiques.
cipes du RG PD[i7] dès la co n cep ­
sur la base de règles claires
tion d ’un projet, d ’un service ou de
prônées par la direction
tout autre outil lié à la m anipulation
générale.
IV. La culture
de la compliance
et de l’éthique
des affaires, leviers
de la gouvernance
La culture de la conformité'
est donc une authentique
99
de don n ées p ersonnelles.
F A IR E É V O L U E R
LES C O M P O R T E M E N T S
Une attention particulière devra être
La c u ltu re de la compliance e t de
apportée au m an ag em en t qui est le
l’éthique des affaires est d onc un
relais le plus efficace de la straté­
La compliance et l’éthique des affaires
moyen efficace de faire évoluer les
gie de l’entreprise et fait respecter
s o n t des d é m a rc h e s vivantes qui
com portem ents et les perceptions
au qu o tid ien les procédures et les
faço n n en t la culture de l’entreprise
dans l’entreprise. Cela passe par une
règles d ’éthique et de conform ité de
et reposent sur ses valeurs. Les colla­
im plication de la direction générale,
l’entreprise. Mais le m anagem ent ne
borateurs, quel que soit leur domaine
des dispositifs de form ation et d ’in ­
« jouera réellem ent le jeu » que s ’il a
d ’activité, doivent être im p rég n és
formation efficaces qui redonnent du
la conviction que la direction générale
d an s un e culture de la conform ité.
sens aux réglem entations, enfin et
est to talem en t partie p renante sur
Cela signifie concrètem ent q u ’ils ont
surtoutau quotidien un accom pagne­
les évolutions dem andées et atten ­
p o u r devoir d ’ad o p ter une attitu d e
proactive dans le cadre de l’exercice
m en t et une pédagogie des équipes
compliance de tous les in stan ts dans
dues. C’est l’exem plarité de la g o u ­
vernance qui em portera la cohésion
de leu r activité et d ’in té g rer cette
le cadre des contacts avec les direc­
et la cohérence des com portem ents
cu ltu re d a n s leu r q u o tid ie n , afin
de l’ensem ble des collaborateurs de
de s ’in te rro g e r su r la co n fo rm ité
tions opérationnelles, les instances
dirigeantes et les adm inistrateurs de
l’entreprise.
de le u r d is p o s itif et l’é th iq u e de
l’entreprise.
La cu ltu re de la co n fo rm ité et de
leurs p ratiq ues. La conform ité doit
La culture de la compliance, p o u r être
l’éthique des affaires est donc une
être un élém ent de la création de la
efficiente doit s’appuyer sur une coo­
authentique culture d ’intégrité établie
chaîne de valeur de l’entreprise. Elle
p ératio n transversale, une in telli­
su r la base de règles claires prônées
d o it être p ensée le plus en am o n t
gence collective et le partage efficace
par la direction générale, relayées
p ossible, afin d ’être intégrée de la
de l’in form ation dans l’entreprise
p a r le m an ag e m en t, et déployées
m an ière la plus cohéren te et o p ti­
(intranet, com m unication régulière,
sous la direction et la coordination
m ale p o u r l’en trep rise, le client et
films d ’anim ations pédagogiques,
du directeur conform ité et éthique
les p arties p ren a n tes. La compliance
et les équipes qui la représentent ont
interventions en réunion, affichages
des affaires. ■
alors p o u r m ission d ’accom pagner
ces d irectio ns o p ératio n n elles afin
interne d ’entreprise, e-learning...).
Elle im plique de coordonner, d ’an i­
de les aid er à p ren d re les m esures
ad ap tées en les sécurisant.
La notion d ’adaptation possible des
procédures présente dans l’arrêté du
3 novem bre 2014 déjà cité perm et
des possib ilités de m od u latio n des
règles à m ettre en œuvre en fonction
dans l’entreprise, m agasine ou lettre
m er toutes les forces en présence,
quel que soit leur niveau hiérarchique
dans l’entreprise (direction générale,
adm inistrateurs, m anagem ent, col­
laborateurs, prestataires de services,
parties prenantes...).
des spécificités de chaque situation.
C ’e st l’in te llig en ce collective des
p arties p ren a n tes en collaboration
avec la compliance qui fait ém erger
les so lu tio n s les plus o p tim isé es
et efficientes p o u r l’entreprise. Par
exemple, le Privacy by Design est l’une
[1 7 ] R è g le m e n t (U E ) 2 0 1 6 /6 7 9 d u P a rle m e n t
LIRE A U S S I, DU M EM E A UTEUR
■ « La conform ité, nouvel enjeu dans le secteur
de l’assurance », Revue internationale de l a c o m p l i a n c e
et de l’e'thique des affaires, comm. n° 30, 2016
■ « Gouvernance dans les compagnies d ’assurance
- La fonction de vérification de la conform ité »,
Analyse financière, n° 61, 2016, p. 83 et s.
e u ro p é e n e t d u C o n s e il d u 2 7 a v r il 2016 r e l a t i f
à la p r o t e c tio n d e s p e rs o n n e s p h y s iq u e s à l'é g a r d
d u t r a it e m e n t de s d o n n é e s à c a r a c tè re p e rs o n n e l
e t à la lib r e c ir c u la tio n d e ces d o n n é e s , e t a b r o g e a n t
la d ir e c t iv e 9 5 /4 6 /C E ( r è g le m e n t g é n é ra l s u r
■ « H onorabilité, compétence et expériences et
expériences - Les nouvelles agilités de la fonction
de vérification de la conform ité dans le secteur
de l’assurance », Revue Banque n° 809, ju in 2017, p. 70.
la p r o t e c tio n d e s d o n n é e s ).
MAI 2019 N° 832
R ev u e Ba n q u e
83
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