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Un érythème pigmenté des jambes

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Un érythème pigmenté des jambes
dermatologie-pratique.com/journal/article/0013719-un-erytheme-pigmente-des-jambes
January 6, 2015
S. ABIL, A. EL OUAZZANI, K. SENOUCI, B. HASSAM, Service de dermatologievénéréologie, CHU Ibn Sina, Faculté de médecine et de pharmacie, Université Mohamed
V, Rabat, Maroc
Une femme âgée de 30 ans consultait pour un érythème pigmenté des jambes…
Observation
Une femme âgée de 30 ans consultait pour un érythème pigmenté des jambes. Elle ne
présentait pas d’antécédent particulier, l’examen dermatologique mettait en évidence
une pigmentation réticulée et livédoïde, non infiltrée de la face antérieure des jambes
prédominant discrètement à gauche (figure). Le reste de l’examen physique était sans
particularité. À l’interrogatoire, la patiente reconnaissait s’exposer régulièrement à une
source de chaleur à type de chauffage électrique contre ses jambes pour se réchauffer.
Ainsi, le diagnostic de dermite des chaufferettes ou erythema ab igne des jambes par
exposition répétée d’une source de chaleur est fait cliniquement, aucune histologie
n’était pratiquée sur les lésions pigmentées.
Pigmentation réticulée de la face antérieure
des deux jambes.
Commentaires
La dermite des chaufferettes ou l’erythema ab igne est une éruption réticulée,
érythémateuse puis secondairement pigmentée, asymptomatique, due à une exposition
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répétée et prolongée à des rayons infrarouges émis par diverses sources de chaleur à
une température modérée(1). De nombreux cas ont été rapportés au début du XX e siècle
dans les régions froides d’Asie (Cachemire, Chine, Japon, etc.) où les individus
utilisaient divers dispositifs appliqués à même la peau pour se réchauffer(1,2). En
Europe, cette condition a longtemps été considérée comme l’apanage des femmes,
s’exposant de façon répétée à diverses sources de chaleur (feu de camp, feu de
cheminée, etc.) avec une atteinte caractéristique des cuisses et des membres
inférieurs(1,2). L’apparition du chauffage central a permis une réduction notable de ces
observations. Cependant, n’importe quelle source de chaleur, pourvu que l’exposition
soit longue et répétée, peut être responsable d’un erythema ab igne, et ce, quel que soit
l’endroit de la peau.
La clinique peut ainsi être plus ou moins typique en fonction du site d’exposition, de
l’incidence de la radiation (atteinte asymétrique des membres inférieurs, si le sujet est
sur le côté de la source), des contours de la peau et de la présence ou non de
vêtements(3). La chaleur est connue pour ses vertus antalgiques dans le traitement de
douleurs chroniques bénignes (ulcère, pancréatite, etc.) ou malignes (néoplasies
primitives ou métastatiques) d’où certaines localisations d’erythema ab igne
suspendues au niveau lombaire(3,4). Plus récemment, plusieurs cas ont été rapportés
chez des individus travaillant avec un ordinateur portable posé sur les jambes(5).
L’erythema ab igne est le diagnostic différentiel principal des livédos, mais
l’interrogatoire et l’examen clinique éliminent rapidement ce diagnostic(6). La biopsie
cutanée n’est pas indispensable. Les modifications histologiques comprennent une
atrophie de l’épiderme, une dermatite d’interface avec nécrose kératinocytaire, un
amincissement du derme avec une fragmentation des faisceaux de collagène, des
dépôts de mélanine et d’hémosidérine (responsable de la pigmentation permanente) et
une accumulation de tissu élastique(1,3).
Le pronostic de l’erythema ab igne est excellent si l’exposition est récente et
interrompue rapidement. En revanche, si l’exposition persiste, les lésions prennent
l’aspect d’un placard atrophique pigmenté diffus, dont seules les berges sont encore
caractéristiques. Par ailleurs, il existe au long cours un risque, certes faible, mais
clairement défini de dégénérescence locale en carcinome épidermoïde. La survenue de
lésions verruqueuses ou d’ulcération chronique indolore d’aggravation progressive
justifie alors une histologie cutanée(1,2). L’erythema ab igne est une lésion induite par
une exposition chronique à la chaleur dont le diagnostic est posé par la clinique et
l’interrogatoire. L’évolution est favorable si l’éruption est récente et la source
d’exposition retirée précocement. Un erythema ab igne de topographie inhabituelle (dos,
abdomen), chez un sujet jeune, dû à l’application répétée d’une source de chaleur à but
antalgique doit faire systématiquement rechercher un processus néoplasique
locorégional(3,4).
1. Page EH, Shear NH. J Am Acad Dermatol 1988 ; 18 : 1 003-19.
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2. Peterkin GA. Br Med J 1955 ; 2 : 1 599602.
3. Tan S, Bertucci V. CMAJ 2000 ; 162 : 77-8.
4. MacHale J et al. Pain 2000 ; 87 : 107-8.
5. Bilic M, Adams BB. J Am Acad Dermatol 2004 ; 50 : 973-4.
6. Kluger N et al. Ann Dermatol Venereol 2005 ; 132 : 710-7.
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