408 ● AUTRES MALADIES 2. Excystation Tractus digestif de lʼhôte V Guyonnet V Guyonnet En dehors de l'hôte Fig.64.5: Sporozoïte (microscope électronique à balayage). Fig.64.4: Oocystes sporulés d'Eimeria spp. avec 4 sporocystes contenant chacun deux sporozoïtes. Sporocyste avec des sporozoïtes 1.Sporogonie 3. Invasion cellulaire par le sporozoïte Cellules intestinales Pénétration du sporozoïte Oocyste mature V Guyonnet Développement du premier schizonte Rupture du schizonte libérant les mérozoïtes de première génération I Dinev - Ceva Santé animale 4. Mérogonie ou schizogonie Développement des seconds schizontes Rupture des schizontes libérant les mérozoïtes de seconde génération Fig.64.2: Oiseau atteint présentant des fientes sanglantes, des plumes ébouriffées, une anémie et une apathie. Zygote Microgamonte Macrogamonte HJ Barnes AAAP 7. Transmission 5. Gamétogonie Fig.64.6: Schizonte de première génération présentant des mérozoïtes de première génération (aspect de faucilles aiguisées). Fig.64.10: Poulet atteint de cocci- Fig.64.9: Macrogamétocyte diose intestinale. (cæcum de dinde). AAAP HJ Barnes 6. Fécondation HJ Barnes Fig.64.11: Coccidiose cæcale (Dindon) avec des coccidies à différents stades. HJ Barnes Section IV Fig.64.3: Oocystes non sporulés. Fig.64.8: Schizontes et libération de mérozoïtes. Fig.64.7: Schizontes (iléon de dindon). Fig.64.1: Cycle d'Eimeria tenella: 1) Sporogonie: oocystes non sporulés matures à l’extérieur de l'hôte dans les oocystes sporulés; 2) Excystation: après ingestion par l'hôte, libération des sporozoïtes présents dans les oocystes sporulés (après des actions mécaniques et enzymatiques); 3) Invasion des cellules par les sporozoïtes; 4) Mérogonie ou schizogonie: multiples divisions asexuées des parasites (mérontes de 1ère, 2ème et 3ème générations); 5) Gamétogonie (macro = femelle, micro = mâle); 6) Fécondation: le zygote se transforme en un oocyste; 7) Transmission: libération des oocystes dans la lumière intestinale après la rupture des cellules et excrétion dans les fientes. Manuel de pathologie aviaire C O C C I D I O S E S ● 409 V Guyonnet Autres maladies 64. COCCIDIOSES Les coccidioses sont causées par diverses espèces d'Eimeria affectant principalement le tractus digestif des volailles. Du fait de la répartition mondiale de ces parasites, l'impact économique de cette maladie est estimé à plus de 1 billion de dollars. Ce montant comprend la diminution des productions et les pertes en animaux ainsi que le coût des médicaments prophylactiques et des vaccins. Il est généralement reconnu que l'industrie aviaire n'aurait jamais autant progressé sans la découverte dès le début des années 1950 d'anticoccidiens efficaces. La plupart des recherches sur les coccidioses ayant été effectuées chez les poulets de chair et les reproducteurs, les connaissances concernant les coccidioses chez d'autres espèces comme la dinde, le canard, la pintade, la caille ou le faisan sont plus limitées. ÉTIOLOGIE & ÉPIDÉMIOLOGIE Taxonomie Les coccidies font partie de la famille des Eimeriidae, groupe des protozoaires parasites intracellulaires obligatoires. La structure de l'oocyste sporulé permet la distinction entre Eimeria spp. et d'autres parasites comme Cryptosporidium spp. Les oocystes sporulés du genre Eimeria contiennent toujours 4 sporocystes et chaque sporocyste 2 sporozoïtes. Les Eimeria spp. sont extrêmement spécifiques de leur espèce hôte, avec certaines espèces n'affectant que les poulets et d'autres seulement les dindes ou la pintade. Plusieurs espèces ont été identifiées chez la poule (7), la dinde (5), la caille (1), la pintade (2), l'oie (4), le pigeon (2) et le faisan (4). Cycle parasitaire d'Eimeria spp. Sept phases distinctes ont été identifiées: 1) Sporogonie: Les oocystes éliminés dans les fientes des sujets infectés peuvent rester dans les litières pendant très longtemps. Grâce à des conditions propices de température (15°C à 30°C) et d'hygrométrie, les oocystes vont sporuler dans les 48 heures, c'est-à-dire se transformer en structures contenant 4 sporocystes, chacun contenant 2 sporozoïtes. À ce stade, les oocystes sporulés sont prêts à infecter un nouvel hôte après ingestion; 2) Excystation: libération des sporozoïtes impliquant à la fois l'action mécanique du gésier et l'action enzymatique du tube digestif (bile et enzymes protéolytiques telles la trypsine, la chymotrypsine et les élastases). 3) Invasion cellulaire: Sitôt libres dans la lumière intestinale, les sporozoïtes pénètrent dans les cellules de l'épithélium intestinal ou cæcal, dans une zone bien établie pour chaque espèce. À l'intérieur des cellules, les sporozoïtes se transforment en trophozoïtes. 4) Mérogonie ou schizogonie: Durant ce stade, le parasite (schizonte) se divise selon un processus de division asexuée multiple, encore appelée mérogonie (ou schizogonie) et chaque schizonte libérera, près rupture cellulaire, plusieurs milliers de mérozoïtes. La plupart de ces mérozoïtes vont à leur tour envahir les cellules épithéliales voisines pour répéter ce processus de multiplication. Selon les espèces d'Eimeria, ce processus sera répété entre 2 à 4 fois avec l'invasion de nouvelles cellules épithéliales. 5) Gamogonie: À un certain moment, les mérozoïtes envahissent les cellules hôtes et se transforment en gamétocytes, soit mâles, soit femelles. Les gamétocytes mâles se multiplient par un processus de division multiple asexuée et ces microgamètes sont libérés dans la lumière intestinale. À l'inverse, le gamétocyte femelle effectue sa maturation sans division cellulaire en formant le macrogamète dans la cellule hôte. 6) Fécondation: Suite à la pénétration du gamète mâle à l'intérieur du gamète femelle, une paroi épaisse se forme autour du zygote et forme l'oocyste. 7) Transmission: Les oocystes (non sporulés) sont libérés des cellules intestinales par rupture et excrétés dans les fientes. Généralement, l'ingestion d'un oocyste sporulé peut conduire à la production en 5 à 7 jours d'environ 2 à 3 millions de nouveaux oocystes. Un certain nombre de facteurs, liés soit aux parasites soit à l'hôte, affectent ce cycle parasitaire. En fonction de l'espèce d'Eimeria, les parasites colonisent une région particulière du tube digestif, avec une localisation plus ou moins superficielle. De plus, la durée de la période prépatente (correspondant au temps écoulé entre l'ingestion et l'excrétion d'oocystes) est spécifique pour chaque espèce d'Eimeria. Il en est de même pour la période nécessaire à la sporulation des oocystes (sporogonie). Ces deux éléments constituent une aide à l'identification de l'espèce d'Eimeria impliquée. Cependant la période prépatente peut être également modifiée par une sélection génétique, comme en témoignent les souches précoces (période prépatente plus courte) développées en tant que souches vaccinales. La spécificité des sites d'invasion peut également être modifiée avec quelques espèces capables de se développer dans des œufs embryonnés (à Manuel de pathologie aviaire Chapitre 64 INTRODUCTION 410 ● AUTRES MALADIES Hôte Espèce Site de développement Poulet Eimeria acervulina Eimeria praecox Eimeria maxima Eimeria necatrix Eimeria mitis Eimeria brunetti Eimeria tenella Eimeria adenoides Eimeria gallopavonis Eimeria meleagrimitis Eimeria meleagridis Eimeria dispersa Eimeria bateri Eimeria grenieri Eimeria numidae Eimeria anseris Eimeria fulva Eimeria nocens Eimeria truncata Eimeria columbarum Eimeria labbeana Eimeria colchici Eimeria duodenalis Eimeria phasiani Eimeria pacifica Intestin grêle (duodénum et le premier tiers) Intestin grêle (duodénum) Intestin grêle (vers le diverticule de Meckel) Intestin grêle (milieu), cæcum (oocystes) Intestin grêle (seconde moitié) Intestin grêle (partie distale), gros intestin, rectum Cæcum Cæcum, rectum Intestin grêle (partie distale), gros intestin, rectum Intestin grêle (première moitié) Cæcum Intestin grêle (partie moyenne) Intestin grêle Intestin grêle, cæcum (oocystes) Intestin grêle, gros intestin Intestin grêle (parties moyenne et distale) Intestin grêle (seconde moitié) et cæcum Intestin grêle (seconde moité), cæcum et rectum Rein Intestin grêle (jéjunum et iléum) Intestin grêle Intestin grêle (parties moyenne et distale), cæcum Intestin grêle (duodenum) Intestin grêle et cæcum Cæcum Dindon Caille Pintade Oie Pigeon Faisan Eimeria spp, Poulets E. acervulina E. maxima E. necatrix E. mitis E. praecox E. brunetti E. tenella Dindons E. adenoides E. gallopavonis E. melagrimitis E. meleagridis E. dispersa Période prépatente (h) Temps de sporulation (h) Taille des oocystes (µm) 97 121 138 93 83 120 115 17 30 18 15 12 18 18 18,3 x 14,6 30,5 x 20,7 20,4 x 17,2 15,6 x 14,2 21,3 x 17,1 24,6 x 18,8 22,0 x 19,0 103 105 103 110 120 24 15 18 24 35 25,6 x 16,6 27,1 x 17,2 19,2 x 16,3 24,4 x 18,1 26,1 x 21,0 Tabl.64.2: Durées minimales de la période prépatente (temps écoulé entre l'ingestion des oocystes sporulés et la production d'oocystes dans les fèces, exprimé en heures), et du temps de sporulation (temps nécessaire pour la transformation des oocystes en oocystes sporulés infectants avec 4 sporocystes, chacun contenant deux sporozoïtes, exprimé en heures) et dimensions des oocystes d'Eimeria spp. de la poule et de la dinde. E. acervulina E. brunetti E. maxima E. necatrix E. tenella Fig.64.12, 64.13, 64.14, 64.15. & 64.16: Taille comparée des oocystes de 5 espèces d'Eimeria spp.pathogènes pour le poulet. Manuel de pathologie aviaire JM Répérant Section IV Tabl.64.1: Principales espèces d'Eimeria chez les volailles. C O C C I D I O S E S ● 411 V Guyonnet Eimeria spp.: hôte et site d'invasion spécifique L'une des caractéristiques des coccidies est leur grande spécificité d'hôte. Les mécanismes impliqués avec cette spécificité peuvent être liés à la nutrition et à la biochimie des parasites, au profil génétique de l'hôte ou à certains mécanismes de défense spécifiques à l'hôte. La spécificité du site de l'infection est une autre caractéristique de ces parasites, avec différentes espèces envahissant des sites différents le long du tube digestif. La répartition des sites d'invasion est souvent suffisamment précise pour permettre l'identification de l'espèce concernée lors de l'autopsie. Certaines espèces se développent le plus souvent superficiellement dans les cellules épithéliales (Eimeria praecox) tout au long de leur cycle parasitaire tandis que d'autres vont envahir les couches plus profondes telles que les cellules des cryptes de Lieberkühn et la lamina propria (Eimeria necatrix et E. tenella). IMMUNITÉ ANTICOCCIDIENNE Les stades asexués de développement sont considérés comme essentiels pour le développement de l'immunité, mais il existe des différences entre les espèces. Chez un hôte présentant une immunité solide contre la coccidiose, les oocystes sporulés libèrent les sporozoïtes qui envahissent les cellules, mais leur développement s'arrête après 24 à 48 heures. Lorsque l'immunité est moins établie, certains cycles de mérogonie et même la gamégonie peuvent se produire. Les oocystes peuvent même être libérés dans les fientes mais survivent moins longtemps (la période patente est réduite). La durée de la protection immunitaire dépend de l'espèce et la fréquence des réexpositions à de nouveaux parasites. L'immunité anticoccodienne est essentiellement à médiation cellulaire. Le stade initial est déclenché lors de la reconnaissance par les cellules lymphocytaires des antigènes parasitaires à la surface des macrophages. Le rôle des lymphocytes CD8+ est complexe, impliquant à la fois une action directe via la sécrétion de lymphokines ou de lymphotoxines et une action indirecte par le recrutement des macrophages. Le rôle des macrophages et des cellules tueuses (NK ou Natural Killer) est aussi important. L'immunité humorale n'a qu'un rôle limité et il n'existe pas de corrélation entre les taux plasmatiques d'immunoglobulines et le degré de protection contre les coccidioses. Seuls les anticorps sécrétoires IgA et IgM semblent jouer un rôle au niveau de la barrière intestinale en protégeant contre l'invasion des cellules. En dépit de nombreuses recherches au cours des 20 dernières années, les mécanismes de l'immunité ne sont pas encore clairement établis. I Dinev - Ceva Santé animale Cette immunité est marquée par une réduction de la gravité des signes cliniques ainsi que d'une diminution de la production de parasites (oocystes). Dans certains cas, la réduction des signes cliniques n'est pas associée à une diminution des aspects lésionnels. L'immunité anticoccidienne est soit innée du fait de la stricte spécificité de l'hôte pour ces parasites, soit acquise. L'immunité aquise est spécifique pour chaque espèce de coccidie, cette spécificité pouvant aussi exister en fonction des souches d'Eimeria acervulina et d'E. maxima. Chaque espèce possède aussi un caractère immunogène propre: E. maxima et E. Praecox sont très immunogènes dès le premier cycle parasitaire; au contraire, E. tenella (3-4 cycles) et E. necatrix (4-5 cycles) le sont beaucoup moins. L'immunité sera d'autant plus solide que l'hôte aura été en contacts répétés avec les parasites, même s'il s'agit d'oocystes en nombre très limité. Chapitre 64 des fins de recherche uniquement) ou chez des hôtes inhabituels. Le statut immunitaire de l'hôte joue aussi un rôle déterminant dans le déroulement du cycle biologique des coccidies. I Dinev - Ceva Santé animale Fig.64.18: La présence de fientes hémorragiques (E. Fig.64.19: Avec des espèces tenella sur la gauche), diarrhéiques ou mucoïdes (E. d’Eimeria moins pathogènes le seul signe peut être un retard de acervulina sur la droite) alerte l'éleveur. croissance. JM Répérant JM Répérant JM Répérant Fig.64.20: Coccidiose. Aspect anémié des organes internes. Fig.64.21: Eimeria dans les cellules épithéliales intestinales (flèches). Manuel de pathologie aviaire HJ Barnes V Guyonnet HJ Barnes Zoetis MT Casaubon Huguenin 412 ● AUTRES MALADIES V Guyonnet AAAP AAAP AAAP Zoetis Section IV Fig.64.22: E. acervu- Fig.64.23 à 64.26: E. acervulina. Lésions le long de l'anse duodénale. Dans les cas graves, les lésions lina. Zone parasitée. s'étendent au jéjunum. Aspects typiques des zones blanchâtres, orientées transversalement (en échelle) le long du duodénum (Fig.64.25). L'épaississement de la muqueuse intestinale observé est dû à l'agrégation des gamétocytes et des oocystes (Fig.64.26). Fig.64.32: E. tenella. Zone parasitée. Fig.64.33 à 64.36: E. tenella est la mieux connue des coccidies aviaires car les lésions sont facilement reconnaissables et les pertes sont spectaculaires chez les poulets (Fig.64.33 & 64.34: poulets âgés de 7 semaines) ou les poulettes (Fig.64.35). Les lésions sont caractérisées par l'épaississement des parois du cæcum et le sang visible dans le cæcum après ouverture (Fig.64.36). Manuel de pathologie aviaire I Dinev - Ceva Santé animale HJ Barnes HJ Barnes Zoetis HJ Barnes Fig.64.27: E. maxima. Fig.64.28 à 64.31: E. maxima. Mucus de teinte orangée caractéristique dans l’intestin. Pétéchies, notées 4 à 6 jours après l'ingestion des oocystes, présentes profondément dans la sous-muqueuse, sont mieux obserZone parasitée. vées à la surface de la séreuse. Macrogamètes, zygotes et oocystes 6 jours après l’inoculation (Fig.64.31). C O C C I D I O S E S ● 413 V Guyonnet Fig.64.37: E. tenella. Les scores lésionnels 1, 2, 3 et 4 sont déterminés en fonction de la sévérité des lésions (de gauche à droite). Eimeria maxima: L'épaississement de la muqueuse observée est dû au développement et à la diffusion des macrogamètes dans les cellules épithéliales de l'intestin. Des pétéchies sont aussi observées, donnant au mucus une couleur orangée caractéristique. Chapitre 64 Eimeria tenella: Les lésions observées sont dues aux schizontes de seconde génération de grande taille (jusqu'à 60 µm) présents dans les cellules migrant vers la lamina propria. La rupture des capillaires sanguins précède la libération des mérozoïtes. Ces hémorragies apparaissent dès la 72ème heure après inoculation et des lésions hémorragiques ou d'aspect blanchâtre (1-5 mm) sont visibles au niveau des cæcums dès le 5ème jour. Si les oiseaux survivent, les lésions disparaissent progressivement mais le contenu cæcal prend souvent un aspect typique caséeux. Eimeria necatrix: Comme pour Eimeria tenella, les lésions sont dues aux schizontes de seconde S Maeder - LDA 22 V Guyonnet Lors de coccidiose, les observations histopathologiques les plus marquantes sont des changements Eimeria acervulina: Les lésions observées dans l'intestin grêle (duodénum et jéjunum) sont dues à une atrophie des villosités et à une hyperplasie cellulaire dans la lamina propria. On observe également une accélération du renouvellement des cellules épithéliales et un ralentissement de la régénérescence des cellules des cryptes. Les traînées blanchâtres, orientées transversalement le long de l'intestin (souvent décrites sous la forme d'une échelle) correspondent à un épaississement de la muqueuse intestinale, résultat de l'agrégation des gamétocytes et des oocystes. Fig.64.38 & 64.39: E. tenella. Le cæcum distendu peut être fortement agrandi avec le sang coagulé mélangé à des débris de la muqueuse présent dans la lumière. Des boudins de caséum blanchâtres typiques sont observés dans le cæcum lorsque les lésions sont résorbées. V guyonnet La sévérité des signes cliniques et des lésions varie selon les espèces d'Eimeria impliquées (avec souvent plus d'une espèce en cause) et l'étendue des dommages intestinaux. La gravité des signes cliniques et lésionnels dépendra aussi de l'âge de l'hôte, de son état nutritionnel ou de son statut immunitaire et de la présence d'autres agents pathogènes. Une réduction du gain corporel voire une perte de poids est l'un des signes les plus fréquents lors de coccidiose. Cette réduction, précoce et pouvant être observée en l'absence d'autres signes cliniques, est la conséquence d'une diminution de l'absorption et de la conversion des nutriments, ainsi que d'une diminution de la prise alimentaire. La consommation d'eau est souvent réduite 4 à 5 jours après l'infection. Une diminution du pH intestinal peut aussi contribuer à une modification de la flore intestinale, avec une augmentation des coliformes et des bactéries anaérobies comme Clostridium perfringens et une diminution des lactobacilles et de bifidobactéries, conduisant souvent à des signes concomitants de colibacillose et d'entérite nécrotique. Chez les poulets, en fonction de l’Eimeria en cause et de la gravité de l'infection, une diarrhée mucoïde ou hémorragique peut être observée avec un aspect chétif des oiseaux. Chez les dindes, les signes cliniques sont souvent moins visibles et la diarrhée est rarement hémorragique. Les signes ne sont vus que chez les animaux âgés de moins de 8 semaines. Chez les autres espèces aviaires, les signes cliniques ne sont pas caractéristiques de la maladie. d'ordre vasculaire, une infiltration cellulaire, l'hyperplasie épithéliale et des pertes épithéliales. Des variations existent en fonction de l'espèce d'Eimeria: I Dinev. Ceva - Santé animale SYMPTÔMES & LÉSIONS Fig.64.40: E. tenella. Les lésions sont dues à la grande taille des schizontes de seconde génération présents dans les cellules et migrant vers la lamina propria. Manuel de pathologie aviaire HJ Barnes Fig.64.45: E. necatrix. Les lésions sont dues aux schizontes de grande taille et de seconde génération situés dans les cellules de la lamina propria. LDA 22 HJ Barnes AAAP LDA 22 HJ Barnes Section IV Fig.64.41: E. neca- Fig.64.42, 64.43 & 64.44: E. necatrix. Lésions typiques de «poivre et sel» trix. Zone parasitée. (juxtaposition des pétéchies et des plaques de schizontes de deuxième génération plus importants) sur la surface de la séreuse avec gonflement. Du sang et du mucus sont visibles à l'ouverture de l’intestin. HJ Barnes HJ Barnes Zoetis V Guyonnet 414 ● AUTRES MALADIES Fig.64.52: E. brunetti. Importante nécrose de la muqueuse intestinale. Manuel de pathologie aviaire Fig.64.53: Une infection mixte est souvent observée avec la juxtaposition de lésions dues à E. acervulina et E. maxima dans l'intestin supérieur et moyen. Fig.64.54 & 64.55: La coccidiose peut entraîner une déshydratation, une anémie et l’amaigrissement peut être important, comme lors d’atteinte par E. acervulina (Fig. 64.55). HJ Barnes I Dinev - Ceva Santé animale Sanders Zoetis Fig.64.51: E. gallopavonis. Iléite nécrotique. V Guyonnet Fig.64.46 à 64.49: E. adenoeides. Le cæcum (à la fois muqueuse et séreuse) peut apparaître de couleur blanchâtre. Fig.64.50: E. meleagrimitis. Le contenu liquide à solide du cæcum est de couleur blanchâtre et contient un grand nombre d’oocystes. Les lésions Ulcération du jéjunum. sont dues aux importants schizontes de seconde génération situés dans les cellules épithéliales du cæcum (Fig.64.49). C O C C I D I O S E S ● 415 V Guyonnet Eimeria adenoides: Les lésions sont dues à la deuxième génération d'importants schizontes, situés dans les cellules épithéliales des cæcums. Les pétéchies peuvent être observées dès 4 jours après l'inoculation. Un bouchon caséeux, de couleur blanchâtre à grisâtre, est souvent présent dans les cæcums. Eimeria gallopavonis: Les lésions sont dues aux macrogamètes. La muqueuse de l'iléon est œdématiée, ulcérée et présente à sa surface un revêtement nécrotique caséeux contenant de nombreux oocystes. Les nodules blanchâtres sur la muqueuse sont similaires aux lésions observées avec E. acervulina. Eimeria meleagrimitis: On observe une congestion de la muqueuse de l'intestin grêle (duodénum), conséquence de la colonisation des villosités. Ces lésions sont similaires à celles observées avec E. maxima. Les lésions observées chez les volailles comme le faisan, la pintade ou le pigeon sont souvent celles d'une entérite mucoïde ou nécrotique. DIAGNOSTIC Bien que les signes cliniques ne soient pas caractéristiques, certaines lésions relevées lors de l'autopsie sont suffisamment spécifiques pour conclure au diagnostic d'une coccidiose et à l'identification de l'espèce impliquée. La présence d'oocystes doit être associée à l'observation des symptômes ou des lésions pour conclure au diagnostic positif de coccidiose. Le principal problème pour le clinicien consiste souvent à établir si la coccidiose est la cause primaire de l'entérite ou la conséquence d'une autre pathologie. Le diagnostic différentiel sera nécessaire avec les entérites d'origine parasitaire (Cryptosporidium spp, Histomonas, Ascaris, Capillaria), virale (entérovirus, rotavirus, reovirus, adénovirus), bactérienne (Salmonella spp, Escherichia coli, Clostridium perfringens, Clostridium colinum, Mycobacterium avium) ou toxique (nitrofuranes, sel, toxines, mycotoxines, amines biogènes). Dans de nombreux cas, les coccidioses sont rapidement suspectées lors d'une baisse des performances zootechniques, essentiellement de la conversion alimentaire. Cependant d'autres facteurs liés à l'alimentation, l'environnement et l'état de santé du troupeau peuvent aussi affecter ce paramètre et doivent être analysés. Le diagnostic de certitude résultera de l'examen nécropsique (observation des lésions intestinales spécifiques et des oocystes non sporulés). La taille des oocystes (longueur et largeur) permet de différencier les Eimeria spp. en cause. TRAITEMENT & CONTROLE Traitement Peu de produits sont disponibles pour le traitement d'une coccidiose. Tout traitement ne sera efficace que s'il est précoce. L'apport de vitamines (A, E et K) peut faciliter la guérison. Contrôle Prophylaxie sanitaire: L'enlèvement des litières, le nettoyage et la désinfection du matériel et des bâtiments ainsi que l'application d'un vide sanitaire contribuent à réduire le niveau de contamination de l'environnement. Seuls quelques désinfectants souvent toxiques pour l'Homme ont une action sur les oocystes. Une bonne hygiène des troupeaux constitue un excellent atout pour le contrôle des coccidioses mais ne peut en aucun cas remplacer un programme de prophylaxie médicale. Chimioprévention: Traditionnellement, les anticoccidiens ont été répartis, selon leur mode d'action, en produits coccidiostatiques (arrêt du développement sans mort des parasites) ou coccidiocides (mort des parasites). Comme certains produits présentaient les deux types d'activité selon la durée de la médication ou l'espèce d'Eimeria, une nouvelle classification de ces produits est apparue, fondée sur leur mode d'action ou de production. Ils sont ainsi qualifiés soit de produits chimiques ou de synthèse, soit de produits ionophores ou de fermentation. De nombreux produits sont disponibles actuellement dans le monde, présentant chacun des avantages et des inconvénients. Leur autorisation d'emploi et les dosages utilisés chez certaines espèces ou types de production varient selon les pays et il convient de vérifier les législations en vigueur. Les anticoccidiens sont utilisés soit en programme unique (le même produit pour la durée de la vie d'une bande), soit en programme dit de «shuttle» ou «navette» (plusieurs produits, généralement deux, sont administrés l'un à la suite de l'autre durant la vie d'une bande). Pour les programmes uniques, les ionophores, meilleurs compromis entre le contrôle Manuel de pathologie aviaire Chapitre 64 génération de grande taille presents dans les cellules de la lamina propria. Ces lésions sont plus développées 5 jours après l'inoculation, donnant à l'intestin un aspect «poivre et sel», juxtaposition de pétéchies et de points blanchâtres (schizontes de grande taille). Les oocystes sont formés dans les cæcums où ils ne produisent aucune lésion. 416 ● AUTRES MALADIES Molécule Amprolium Amprolium + Clopidol Mécanisme d'action Avantages Sécurité d'emploi: utilisé Antagoniste de la thiamine 125-250 chez les pondeuses et les reproducteurs Antagoniste de la thiamine 125-250 La combinaison améliore le spectre d'activité danger pour pluInhibiteur du transfert 125-250 Sans sieurs espèces animales d'électron Clopidol + Inhibiteur du transfert Méthylbenzoquate d'électron Inhibiteur du transfert Décoquinate d'électron Section IV Posologie (ppm) 100 8.35 30 Diclazuril Analogue du nucléoside 1 Halofuginone Inconnu 3 Nicarbazine Inconnu 100-125 Robénidine Inhibiteur de la phosphorylation oxydative 33 Toltrazuril Analogue du nucléoside 25-75 Sulfamides Antagonistes et inhibiteurs de l'acide folique variée Zoalène Inconnu 40-125 Inconvénients Activité limitée sur certaines espèces; problème de résistance Problème de résistance Problème de résistance; faible activité contre E. acervulina Sans danger pour pluProblème de résistance lors d'utisieurs espèces animales lisation en programme continu de résistance lors d'utiIndice de sécurité élevé Problème lisation en programme continu Activité tardive contre E. Spectre d'activité; sans maxima; résistance lors d'admidanger pour plusieurs nistration prolongée; résistance espèces animales croisée avec le toltrazuril Résistance lors d'administration continue; faible activité contre E. Spectre d'activité acervulina Activité contre E. tenella; Performances zootechniques réduction de la production réduites; effet sur la résistance à la chaleur; baisse de la ponte; d'oocystes; décoloration des coquilles peu de résistances de résistance; car Contrôle des lésions; réduction Problème présentant une odeur de de la production d'oocystes casse poisson à doses élevées Sécurité d'emploi; soluble Activité tardive contre E. maxima; dans l'eau (traitement) résistance croisée avec le diclazuril Spectre d'activité; solubles Toxicité; résistance dans l'eau (traitement) activité contre E. Bien toléré chez le poulet; Faible acervulina E. brunetti; utilisé chez les poulettes problème deetrésistance Tabl.64.3: Molécules, mécanisme d'action, posologie, avantages et inconvénients des principaux anticoccidiens chimiques chez les poulets. Dans chaque pays, consulter la législation concernant l'autorisation sur le marché pour une espèce donnée et la dose recommandée. de la maladie et les performances de croissance des oiseaux, sont utilisés dans la majorité des cas. Dans les programmes «navette», une grande variété de combinaisons sont apparues au fil des ans avec l'utilisation de deux à quatre produits différents. Un des programmes les plus populaires est la combinaison d'un produit chimique pendant les 2 à 3 premières semaines, suivie d'un produit ionophore pendant 2 à 3 semaines, mais l'option inverse est également fréquemment utilisée. La combinaison de deux produits donnés en même temps est également utilisée, comme moyen d'améliorer le contrôle anticoccidien et limiter les problèmes de performance. Souvent, les programmes uniques seront utilisés pour une période de l'année et les programmes «navettes» pour le reste de l'année. Tous ces programmes mettent en évidence la complexité de la prévention de la coccidiose. Le suivi de la performance de ces programmes est essentiel pour leur efficacité à long terme car les parasites peuvent développer une résistance aux anticoccidiens (souvent observée avec les produits chimiques) ou une tolérance accrue aux Manuel de pathologie aviaire anticoccidiens (souvent notée avec les ionophores), leur permettant de terminer un cycle parasitaire complet. Chez les dindes, les anticoccidiens sont généralement administrés pendant les 8 premières semaines de vie. Dans les autres espèces, l'utilisation des anticoccidiens n'est pas souvent autorisée (voir la législation locale pour plus de détails). Vaccins: Les premiers vaccins anticoccidiens sont apparus dans les années 50 et leur utilisation se limitait surtout aux élevages sur sol de poulets de chair, des pondeuses ou de reproducteurs et de dindes. Actuellement, l'utilisation de vaccins a augmenté de façon spectaculaire en particulier dans les élevages de poulets de chair. Les vaccins sont généralement composés de plusieurs souches vivantes d'Eimeria spp. présentant un pouvoir pathogène atténué (E. acervulina, E. maxima et E. tenella sont les plus couramment utilisées). Il s'agit soit de souches naturelles isolées sur le terrain soit de souches à développement précoce obtenues par une sélection répétée des premiers oocystes pour chaque espèce d'Eimeria C O C C I D I O S E S ● 417 V Guyonnet Mécanisme d'action Posologie (ppm) 80 (Japon) 100-121 (Europe) 90-121 50 (Japon) 40-66 (USA) 60 75 (Japon) 75-125 (USA) Avantages Inconvénients Toxique (chevaux, chiens & chats); réduction de la prise alimentaire à doses élevées; interaction nutritionnelle (Na) Excellent spectre d'acti- Toxique (dindes, chevaux & vité; bonnes performances chiens); efficacité limitée contre de la production E. tenella en dessous de 50 ppm Bonne activité contre E. A l'origine de litières humides; tenella; augmentation de problèmes de performance la consommation d'eau lors d'utilisation prolongée spectre d'activité; Faible activité contre E. 60-80 (USA) Bon mieux toléré que la tenella; toxique pour les 70 monensine dindes et les chevaux Activité limitée contre E. acerExcellente activité 4-6 vulina et E. maxima; peut être à contre E. tenella l'origine de litières humides Monensine Déséquilibre osmotique Na+/K+ Salinomycine Déséquilibre osmotique Na+/K+ Lasalocide Déséquilibre osmotique Na+/K+ Narasin Déséquilibre osmotique Na+/K+ Maduramicin Déséquilibre osmotique Na+/K+ Semduramicin Déséquilibre osmotique Na+/K+ 20-25 Nicarbazine + Narasin Inconnu Déséquilibre osmotique Na+/K+ 30-50 30-50 Nicarbazin + Maduramicin Inconnu Déséquilibre osmotique Na+/K+ 40 3,75 Posologie flexible; sans danger chez la dinde Excellent spectre d'acti- Réduction de la prise vité; sans danger pour alimentaire à des doses plus la dinde et les chevaux élevées Paramètres des performances affectés; diminution de la Activité contre des résistance au stress thermique, souches résistantes diminution de la ponte; décoloration des coquilles d'œuf Activité contre des souches résistantes Identiques à l'association nicarbazine + narasine Tabl.64.4: Molécules, mécanisme d'action, posologie, avantages et inconvénients des principaux ionophores anticoccidiens chez les poulets. Dans chaque pays, consulter la législation concernant l'autorisation sur le marché pour une espèce donnée et la dose recommandée. spp. La plupart des vaccins sont administrés au cours de la première semaine de vie, par aérosol dans le couvoir, par administration dans l'eau de boisson, par pulvérisation sur les aliments ou par incorporation dans une matière gélatineuse placée au couvoir dans les boîtes de livraison des poussins. Quelle que soit la méthode, il convient par la suite d'appliquer une gestion stricte des troupeaux afin de permettre la propagation des souches vaccinales assurant le développement de l'immunité sans affecter les performances zootechniques. Parfois, un traitement dans l'eau de boisson peut s'avérer nécessaire pour réduire la prolifération des parasites. Les vaccins tués ou les vaccins sous-unitaires ont été étudiés au cours des dernières décennies sans grand succès et ne sont pas utilisés dans le commerce du poulet de chair. CONCLUSION En raison des caractéristiques des parasites et des conditions d'élevage des volailles, l'éradication de la coccidiose n'est pas possible. Avec le coût croissant pour le développement de nouvelles molécules et la pression conduisant à utiliser moins de médicaments chez les animaux de production destinés à l'alimentation humaine, le contrôle de coccidiose doit s'appuyer sur les méthodes prophylactiques actuelles associées à une bonne gestion du troupeau. RÉFÉRENCES Chapman, H.D. et al., Sustainable coccidiosis control in poultry production: the role of live vaccines, Int J Parasitology, 2002,32:617-629. Johnson J & Reid WM. Anticcodial drugs: lesion scoring techniques in battery and floor-pen experiments with chickens. Experimental Parasitology, 1970, 28: 30-36. Lillehoj H & Okumura M. Host immunity and vaccine development to coccidian and Salmonella infections in chickens, J Poultry Sci, 2003,40:151193. Long, PL, In “Coccidiosis of man and domestic animals”, CRC Press, pp. 1-349. McDougald L, Fitz-Coy SH. Coccidiosis. In “Diseases of Poultry-12th edition”, Blackwell Publishing, p. 1068-1091. Manuel de pathologie aviaire Chapitre 64 Molécule