TD HERMENEUTIQUE. OK...

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INTRODUCTION
Dès l’antiquité, l’herméneutique a été définit comme l’art de l’interprétation. Elle était exercée dans
la philologie classique, l’exégèse biblique et la jurisprudence. Cependant avec la conception moderne, elle
se désolidarisera des autres sciences pour se constituer comme discipline scientifique autonome à part
entière. Elle sera considérée comme une science de la compréhension. Dans son projet de porter la
compréhension à une universalité scientifique, l’herméneutique se déclinera en plusieurs sous disciplines ;
à savoir l’herméneutique historique, l’herméneutique philosophique, l’herméneutique littéraire, etc. Ces
deux dernières constituant l’objet de notre sujet de réflexion, nous invitera à réfléchir sur la nature de leur
rapport. Pour analyser notre travail, nous allons le structurer en trois points ; d’abords nous ferons une
analyse conceptuelle de ces différentes notions, ensuite nous ressortirons la spécificité de leurs différentes
approches scientifiques, enfin nous montrerons en quoi consiste leur unicité.
2
I. APPROCHE CONCEPTUELLE
1. L’herméneutique
L’herméneutique est l’art d’interpréter ou la science de l’interprétation. Ce concept provient du mot
grec hermeneuein qui signifie parler ou s’exprimer. De ce fait, il désigne en premier lieu une pratique guidée
par un art. Ce dernier est compris comme celui de la traduction, de l’explication et de la compréhension.
Ainsi s’est développé dans l’hellénisme plus tardif le sens strictement cognitif d’hermeneia (l’interprète) et
d’hermeneus (le traducteur) pour designer « l’explication savante » ou encore « l’interprète » et « le
traducteur ». Il désigne donc un art dont les sentences font autorité, parce qu’il permet de comprendre et
d’exposer quelque chose de mystérieux. L’herméneutique a en ce cas une validité régionale : « Il s’agit
pour elle d’écarter, par le travail de l’interprétation, les éventuelles erreurs de la compréhension, quelle
qu’en soit la cause. De ce point de vue, l’interprétation a pour fin la compréhension : si l’on interprète, c’est
pour comprendre, de sorte que lorsque la compréhension advient il n’est plus besoin
d’interpréter »
1
. Cependant, lorsque nous parlons aujourd’hui d’herméneutique, nous nous situons dans la
tradition scientifique des temps modernes. L’usage du terme herméneutique apparait en même temps que
le concept moderne de méthode et de sciences. Dorénavant une sorte de conscience méthodique sera
toujours impliqué au concept herméneutique. C’est ce qu’atteste Hans-Georg GADAMER lorsqu’il
affirme : « au moment où l’échelle des valeurs du monde homérique conçue par une société des nobles a
perdu sa force d’adhésion, il est devenu nécessaire de développer un nouvel art d’interpréter la tradition. »
2
Ainsi, l’herméneutique se définit comme la théorie de la lecture, de l’explication et de l’interprétation des
textes, de la poésie, de la Bible, des mythes, etc. Dans cette même logique, André Lalande défini
l’herméneutique comme étant une science de l’interprétation des textes philosophiques ou religieux, et
spécialement de la bible
3
.
D’autre part, l’herméneutique est non seulement comprise comme science de l’interprétation mais
aussi comme « science qui définit les principes et les méthodes de l’interprétation des textes »
4
. Dans son
souci de compréhension, l’herméneutique s’appliquera à plusieurs domaines notamment la philosophie et
la littérature.
2. L’herméneutique philosophique
Deux concepts apparemment opposés de par leur différence sémantique mais complémentaires.
L’enjeu de ces concepts, est de révéler le sens originel d’un texte, eu vue de sa compréhension. Ainsi, il
faut rappeler que les premiers textes philosophiques sont composés des dialogues de Platon et les écrits
1
Guy Deniau, Gadamer, Paris, Ellipses, 2004, p. 5.
2
Hans-Georg GADAMER, La philosophie herméneutique, Paris, PUF, 1996, p.88.
3
André LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, Quadrige/PUF, 2002, p.412.
4
Theo. Encyclopédie catholique pour tous, Paris, Droguet-Ardent /Fayard, 1992 P.216a
.
3
doctrinaux d’Aristote, écrit en grec, ce qui pose déjà immédiatement le problème herméneutique
fondamental de l’écriture. L’écriture qui met déjà enjeux « ipso facto », le lien entre la pensée et le langage.
Et pour Gadamer, c’est ce lien entre la pensée et le langage qui a obligé l’Herméneutique à devenir une
philosophie. D’où l’Herméneutique philosophique, qui est une science fondée sur une pratique, celle de
l’interprétation et de la compréhension, aspirant ainsi à l’universalité. Ainsi donc, l’herméneutique
philosophique se distingue de l’herméneutique comprise comme méthodologie des sciences humaines, mais
se rattache aux traditions de rhétoriques et de la philosophie pratique. Ce qui n’est pas le cas pour
l’herméneutique littéraire.
3. L’herméneutique littéraire
L’herméneutique dans sa généralité se veut une science d’interprétation et de compréhension du sens
caché des textes ou de l’existence. Mais l’herméneutique littéraire à un sens plus rétrécie et plus précis. Et
lorsque nous parlons de l’herméneutique littéraire, nous nous intéressons à l’interprétation littéraire et
poétique. Que voulons-nous signifions par- ? L’herméneutique littéraire revoie à l’art de manifester ou
d’interpréter le sens littéral des textes. En effet c’est cette technique qui décrit le processus de saisie du sens
d’un texte littéraire. Il y a ainsi un retour à la littéralité d’où la naissance de la philologie. C’est donc une
science qui s’intéresse ou qui privilégie le sens littéral d’un texte. Ce dernier produit lui-même son propre
sens qu’il faut révéler. Alors, il est question ici de retrouver ces textes en leur pureté en détruisant les ajouts
des autres. L’herméneutique littéraire concerne donc l’explication ou la compréhension du sens, du texte.
Cependant, quel rapport pouvons-nous faire entre cette technique et l’herméneutique philosophie ? Quelle
est leur spécificité ou leur particularité ?
II. SPECIFICITE DE DEUX APPROCHES SCIENTIFIQUES : leurs différentes démarches et
leur objet d’étude
L’herméneutique littéraire et l’herméneutique philosophique sont deux approches différentes quant à
leurs démarches et leurs objets. Elles constituent la manifestation de deux paradigmes proches, mais
indépendantes dans la quête de vérité. Notre analyse visera à montrer leurs différentes démarches et objets
d’études.
1. L’herméneutique littéraire
En ce qui concerne l’herméneutique littéraire, il faut signaler qu’elle émane du débat entre
compréhension et interprétation. A l’époque de Dilthey, explication et compréhension, étaient deux notions
différentes. Expliquer, renvoyait aux sciences de la nature, et comprendre, aux sciences de l’esprit. Mais
avec l’évolution de la pensée, le concept d’explication, est devenu une démarche propre de la linguistique.
C’est en ce sens que Paul Ricœur affirme que : « la notion d’explication s’est, en effet, déplacée ; elle n’est
plus héritée des sciences de la nature, mais de modèles proprement linguistiques »
5
.
5
Paul RICOEUR, Du texte à l’action, Essais d’herméneutique II, Paris, Du Seuil, 1986, p. 137.
4
Ainsi donc, l’objet d’étude, la matière première de l’herméneutique littéraire est le texte, en tant que
discours fixé par l’écriture. Dans cette approche littéraire du texte, ce qui est important, c’est le texte lui-
même dans sa nudité. Toute référence du texte est « interceptée », c’est-à-dire voilée, cachée, oblitérée.
L’arrière-monde du texte, la référence n’est pas recherchée, non pas volontairement, mais par l’absence de
l’auteur et des circonstances de rédaction. Car, comme le dit Paul Ricœur, dès l’instant que le texte s’institue
comme texte, le mouvement de la référence vers la monstration se trouve intercepté, en même temps que
le dialogue se trouve interrompu par le texte. Les évènements circonstanciels de rédaction du texte sont
absents. Ils ne peuvent exister que par le dialogue avec l’auteur. Par-là, ce qui se présente au lecteur, à
l’herméneute, c’est l’écrit. Et la démarche face à cette textualité est proprement linguistique. Alors, nous
pouvons nous demander, en quoi consisterait justement cette démarche linguistique de l’herméneutique
littéraire ?
Il faut noter que, tout écrit, tout texte possède en soi un vouloir-dire, une manifestation cachée de
l’intention originelle de l’auteur. La distanciation qui nous sépare de l’auteur, rend difficile ce contact
directe avec lui. Ainsi l’herméneutique littéraire, ne cherchera pas à réveiller ce contact, ce dialogue avec
l’auteur, mais analysera le texte tel qu’il se présente à nous. C’est une analyse linguistique, voire
sémantique, sémiologique, avec les méthodes, les techniques d’analyses du langage. En fait, c’est expliquer
le texte à partir de sa structure. Et pour Paul Ricœur, « ce comportement explicatif, à la différence de ce
que pensait Dilthey, n’est aucunement emprunté à un autre champ de connaissance et à un autre modèle
épistémologique que celui du langage lui-même »
6
. Pour cela, les mots cessent de s’effacer devant les
choses, devant leurs désignations. Les mots écrits deviennent mots pour eux-mêmes. Ainsi, l’analyse
sémantique constitue l’objectivité même du texte, et que Paul Ricœur structure en quatre petits points. A
savoir, la fixation de la signification, la dissociation du texte d’avec l’intention de l’auteur, le déploiement
de références non ostensives, et l’éventail universel de ses destinataires. De cette situation littéraire, le texte
s’ouvre ainsi aux autres œuvres littéraires, aux autres récits. Ce rapport de texte à texte, dans l’effacement
du monde sur quoi parle l’auteur, engendre le monde de la littérature. De ce statut épistémologique,
l’herméneutique littéraire, dans son approche analytique, fait appel à l’imagination et à la créativité de
l’herméneute. Ce caractère imaginaire est le propre de l’herméneutique littéraire, et qui fait advenir un
monde propre à la littérature, avec son langage, ses mondes imaginaires qui stimulent et fascinent par la
beauté qu’elles présentent.
En somme, nous pouvons dire que, l’herméneutique littéraire a pour démarche d’analyse,
l’explication par les procédés linguistiques. Sa méthode s’arrête au niveau de la clarification des textes.
Cependant, si l’herméneutique littéraire a pour démarche, l’explication linguistique des récits, qu’en est-il
de l’herméneutique philosophique ?
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Paul RICOEUR, Du texte à l’action, Essais d’herméneutique II, Paris, Du Seuil, 1986, p. 146.
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2. L’herméneutique philosophique
Si pour Dilthey, la compréhension est le propre des sciences de l’esprit, cette compréhension s’est
délocaliser et est devenue la démarche même de l’herméneutique philosophique. La notion de
compréhension renvoie à une communication vivante avec l’auteur. A ce sujet, Gadamer affirme que : « La
philosophie de l’herméneutique est d’abord fondée sur une pratique, celle de l’interprétation et de la
compréhension »
7
. Ainsi, dans sa démarche de compréhension, le premier lieu l’herméneutique
philosophique s’exercera sera assurément le langage et, plus particulièrement le langage écrit. Dans son
ambition d’atteindre l’universalité, l’herméneutique philosophique sera confrontée aux problèmes du
langage et de la pensée de l’auteur. Du coup, avec Schleiermacher, le père de l’herméneutique moderne,
tout le travail consistera à désobstruer, à dérégionaliser la compréhension d’un texte, qui est toujours vue
sous un angle épistémologique. Mais pour y parvenir, il faudra s’élever non seulement au-dessus de la
particularité des textes, mais aussi de la particularité des règles, des recettes entre lesquelles se disperse
l’art de comprendre. Ainsi, le problème de l’herméneutique philosophique avec lequel Schleiermacher s’est
battu est celui du rapport entre deux formes de l’interprétation : l’interprétation grammaticale et
l’interprétation technique. « L’interprétation grammaticale s’appuie sur les caractères du discours qui sont
communs à une culture ; l’interprétation psychologique, qu’il appelle encore technique, s’adresse à la
singularité, voire la génialité, du message de l’écrivain »
8
.
Pour Paul Ricœur, c’est dans la seconde interprétation que s’accomplit le projet même d’une
herméneutique. Il s’agit d’atteindre la subjectivité de celui qui parle. Par-là, l’herméneutique grammaticale
est une médiation pour arriver à cette finalité. Entrer dans la pensée de l’auteur, voilà l’enjeu de
l’herméneutique philosophique que Schleiermacher tentera de fonder difficilement.
Toutefois, dans sa démarche, dans sa méthode d’approche, l’herméneutique philosophique va subir
l’influence de Wilhelm Dilthey. Il est avant tout l’interprète de ce pacte entre herméneutique et histoire. Il
ajoutera la conscience historique, c’est-à-dire la vie de l’auteur à comprendre ; car « l’homme n’est
radicalement un étranger pour l’homme, parce qu’il donne des signes de sa propre existence. Comprendre
ces signes, c’est comprendre l’homme »
9
. Du coup, l’objet de l’herméneutique philosophique est sans cesse
déporté du texte, de son sens et de sa référence, vers le vécu qui s’y exprime. On passe ainsi de la génialité
à la conscience historique de l’auteur. Ce dynamisme de l’herméneutique s’ouvrira finalement à une
dimension ontologique de la compréhension.
Avec Heidegger, nous quittons la dimension épistémologique de la compréhension pour son caractère
ontologique. La première fonction du comprendre chez Heidegger, c’est de nous orienter dans une situation.
Le comprendre ne s’adresse donc pas à la saisie d’un fait, mais à l’appréhension d’une possibilité d’être. Et
comme le dit Paul Ricœur au sujet de l’herméneutique heideggérienne : « comprendre un texte, dirons-
nous, ce n’est pas trouver un sens inerte qui y serait contenu, c’est déployer la possibilité d’être indiquée
7
Hans-Georg GADAMER, la philosophie herméneutique, Paris, PUF, 1996, p.5.
8
Paul RICOEUR, Du texte à l’action, Essais d’herméneutique, II, Paris, Du Seuil, 1986, p.80.
9
Ibidem, p.83.
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