¶ 21-550-A-14 Syndromes de Stilling-Duane M. Goberville, F. Audren Le syndrome de Duane est une atteinte oculomotrice rare mais représentant toutefois 1 à 4 % de l’ensemble des strabismes et revêtant des formes cliniques très variées. Il est lié à une agénésie partielle ou complète du noyau du VI dont l’étiologie exacte n’a pas encore été élucidée. La fréquence des malformations congénitales associées à ce syndrome serait expliquée par une anomalie survenue lors du développement entre la 4e et la 8e semaine de gestation. Ce syndrome est le plus souvent unilatéral et sporadique mais il peut exister des formes bilatérales ou héréditaires avec plusieurs locus déjà identifiés. Le diagnostic est clinique et se fait en général dans la petite enfance même s’il peut parfois être négligé jusqu’à un âge plus avancé. Les signes cardinaux sont la limitation plus ou moins marquée de l’abduction et de l’adduction de l’œil, le rétrécissement de la fente palpébrale lors des tentatives d’adduction et l’association fréquente d’une déviation horizontale modérée de face. Des troubles verticaux peuvent s’y associer lors de l’adduction. Ces anomalies sont expliquées par une cocontraction des muscles horizontaux liée à une innervation paradoxale du muscle droit latéral par des fibres du III. Le traitement, qui est chirurgical, cherche à corriger un torticolis et/ou une dérivation oculaire inesthétique. Il n’est indiqué que dans des cas présentant un torticolis marqué ou un strabisme patent ou encore une rétraction ou une verticalité esthétiquement handicapante. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Syndrome de Stilling-Duane ; Rétraction ; Cocontraction ; Agénésie nucléaire ; Innervation paradoxale ; Strabisme ; Anomalies congénitales ; Torticolis ; Chirurgie ■ Introduction Plan ¶ Introduction 1 ¶ Historique 1 ¶ Épidémiologie 2 ¶ Physiopathologie 2 ¶ Hérédité et génétique 2 ¶ Anomalies congénitales associées 3 ¶ Associations oculaires 3 ¶ Associations extraoculaires 3 ¶ Clinique Description clinique Classifications Bilan ophtalmologique et orthoptique Examen complémentaire et bilan général 4 4 5 6 6 ¶ Diagnostics différentiels 7 ¶ Traitements Traitement médical Traitement chirurgical Âge de l’intervention Indications Résultats chirurgicaux Complications 7 7 7 8 9 9 9 ¶ Conclusion 9 Ophtalmologie Le syndrome de Duane est une atteinte oculomotrice congénitale, pouvant revêtir des aspects cliniques très variés. Les découvertes électromyographiques ainsi que les progrès récents de l’imagerie à haute définition ont permis de mieux comprendre la physiopathologie de cette anomalie. Il s’agit en effet d’une agénésie plus ou moins complète du noyau du VI associée à une innervation paradoxale du droit latéral par les branches du III. Les symptômes peuvent être très différents selon l’importance de l’innervation résiduelle par le VI et de la réinnervation par le III. On estime comme constant, bien que d’importance très variable, le déficit d’abduction et d’adduction ainsi que la rétraction du globe lors des efforts d’adduction. ■ Historique Dès le XIXe siècle, plusieurs publications rapportent des cas d’un syndrome oculomoteur associant une limitation marquée ou une absence d’abduction, une limitation de l’adduction, une rétraction du globe et un rétrécissement de la fente palpébrale en adduction. Ces anomalies étaient souvent associées à une élévation ou un abaissement en adduction. Heuck [1], Stilling [2], Türk [3], entre autres, décrivirent cette anomalie [4]. En 1904, Duane [5] publia une série de 54 cas (dont 16 personnels) de ce syndrome, qui porte depuis son nom. La terminologie anglosaxonne ne retient généralement que son nom (Duane Retraction Syndrome, ou son acronyme DURS), alors que l’on peut trouver des appellations plus variables dans certains pays d’Europe, dont la France : syndrome de Duane, de Stilling, Stilling-Duane, 1 21-550-A-14 ¶ Syndromes de Stilling-Duane Tableau 1. Distribution (sexe et latéralité) de 835 patients atteints de syndrome de Duane (d’après [10]). Femmes Hommes Œil gauche Œil droit Bilatéralité 58 % 42 % 59 % 23 % 18 % Stilling-Duane-Türk. Depuis les descriptions initiales, la littérature concernant ce syndrome a été abondante, et seuls les progrès de l’imagerie cérébrale (imagerie par résonance magnétique [IRM]) ont permis récemment de proposer une explication physiopathologique univoque [6] à ce tableau clinique détaillé depuis environ un siècle. ■ Épidémiologie La fréquence du syndrome de Duane dans la population strabique est estimée à 1-4 % [7-9]. Il est classiquement admis que le syndrome de Duane est plus fréquent du côté gauche, et plus fréquent chez la femme [4]. Les formes bilatérales sont plus rares que les formes unilatérales. La plupart des études trouvent des résultats similaires concernant le sexe et la latéralité (Tableau 1). ■ Physiopathologie La physiopathologie du syndrome de Duane a été l’objet de conjectures pendant presque un siècle. Des anomalies structurelles ont été invoquées par les premiers auteurs : anomalies de l’insertion du droit médial (dont l’insertion postérieure majorerait l’effet rétracteur, qui est minime physiologiquement), manque d’élasticité du droit latéral ; les phénomènes verticaux étaient attribués à une hyperaction de l’oblique inférieur (qui compenserait le déficit d’abduction du droit latéral), etc. L’hypothèse « dysinnervationnelle », suspectée sur des arguments électromyographiques et anatomopathologiques, a bénéficié des progrès de l’imagerie médicale et tout particulièrement de l’IRM. Elle est aujourd’hui celle qui est retenue pour rendre compte de l’ensemble du syndrome de Duane [4, 11]. La forme la plus fréquemment rencontrée (type I) est due à une agénésie de la 6e paire crânienne, dont le tronc ne serait jamais visible en IRM [6]. Une innervation aberrante du droit latéral est alors assurée par un rameau de la 3e paire crânienne (« compétition » entre le III et le VI) (Tableau 2), avec pour conséquence le déficit d’abduction (absence de stimulus du droit latéral par les branches du VI) et une diminution de la fente palpébrale en adduction, secondaire à l’énophtalmie due à la cocontraction des droits médial et latéral, tous deux innervés par les rameaux de la banche inférieure du III. Dans les syndromes de Duane de types II et III, les tableaux moteurs sont différents en raison de la variation de la quantité d’innervation aberrante se répartissant entre les droits horizontaux en provenance du III et du VI. En effet, dans une étude de 2005, Kim et al. ont rapporté que le tronc du VI était visible en IRM dans tous les cas de syndrome de Duane de type II (ou l’abduction est bonne mais l’adduction limitée), mais seulement dans une partie des cas de Tableau 2. Synthèse des formes cliniques de syndrome de Stilling-Duane (d’après type III (dont la motilité est variable, probablement en raison d’innervations aberrantes croisées du III vers le droit latéral et éventuellement du VI vers le droit médial) [6]. Les anomalies musculaires rencontrées éventuellement au cours des chirurgies oculomotrices (fibrose musculaire) pourraient s’expliquer par l’autonomisation anatomique de contractures secondaires aux anomalies d’innervation. Les troubles verticaux, quant à eux, seraient à relier à des troubles d’innervation sur les muscles ayant des actions verticales, ou à des effets de bride dus aux muscles horizontaux ne se relâchant pas normalement. Le syndrome de Duane est donc à considérer comme une pathologie de l’innervation des muscles oculomoteurs droits horizontaux par leurs nerfs respectifs, le III innervant anormalement le droit latéral, le VI pouvant faire défaut (tous les types I et certains types III), ou être présent (tous les types II et certains types III) (Fig. 1). La cause initiale du syndrome serait donc souvent une agénésie au moins partielle au niveau du noyau du VI. Une anomalie survenant au cours de son développement (entre 4e et 8e semaine de gestation) en serait responsable ; elle pourrait avoir une cause génétique (comme en attestent les formes familiales du syndrome et les résultats des recherches génétiques), ou toxique (cas rapportés après administration de thalidomide pendant la grossesse), mais dans la majorité des cas le syndrome est sporadique, sans cause retrouvée [4, 10-12]. Miller a récemment rapproché le syndrome de Duane des fibroses oculomotrices congénitales (qui semblent en fait souvent secondaires à des agénésies des noyaux oculomoteurs), les classant au sein d’un cadre nosologique intitulé Congenital Cranial Dysinnervation Disorders (CCDDs) [11]. ■ Hérédité et génétique La possibilité d’un facteur génétique associé au syndrome de Stilling-Duane a été une éventualité envisagée dès la fin du e XIX siècle. Si la grande majorité des syndromes de StillingDuane sont sporadiques, l’incidence des cas s’intégrant dans une histoire familiale est d’environ 20 % (5 % à 23 %) [10]. Plusieurs locus ont été identifiés : DURS 1 (pour Duane Retraction Syndrome 1), en 8q13, et surtout DURS en 2q31. Le locus DURS 1 a été identifié comme codant une carboxypeptidase jouant un rôle possible dans le développement des muscles oculomoteurs et de leur innervation (cette enzyme est connue pour avoir d’importantes fonctions régulatrices dans le processing des protéines et des peptides au niveau du système nerveux central) [13-15]. Le locus de DURS 2 a été très étudié, car retrouvé dans une famille de 188 membres, originaire d’Oaxaca au Mexique [16-19] , chez qui existait une forme héréditaire de syndrome de Duane autosomique dominante (25 membres atteints). Le locus DURS 2 contient un groupe de gènes appelé homeobox d gene cluster, qui sont des gènes de contrôle du développement qui régulent la morphogenèse et la différentiation cellulaire chez l’animal. Ce groupe de gènes est notamment nécessaire au développement normal de la tête, du tronc cérébral et des structures associées, ce qui en fait des gènes candidats importants pour le syndrome de Stilling-Duane. Le troisième locus dont la liaison avec le syndrome de Duane est la plus documentée porte un gène de la famille SALL, SALL4 [12]). Anomalie innervationnelle Œil atteint : abduction Œil atteint : adduction Type I Innervation aberrante du droit latéral par le III : fibrose du droit latéral Co-inhibition du droit médial + latéral : pas de mouvement Cocontraction du droit médial et du droit latéral : adduction + rétraction du globe Type II Innervation double du droit latéral par le III et le VI : droit latéral fonctionnel Contraction isolée du droit latéral : abduction Cocontraction du droit médial et du droit latéral : pas de mouvement + rétraction du globe Type III Innervation ± égale du droit médial et du droit latéral par le III : ± fibrose des deux muscles Co-inhibition du droit médial + latéral : pas de mouvement Cocontraction du droit médial + latéral : pas de mouvement + rétraction du globe Type IV Innervation des deux muscles par le III, mais Co-inhibition du droit médial prédominante pour le droit latéral + latéral : pas de mouvement 2 Contraction du droit latéral : divergence synergique Ophtalmologie Syndromes de Stilling-Duane ¶ 21-550-A-14 Figure 1. Représentation schématique des différentes formes cliniques de syndrome de Duane (M-A Espinasse-Berrod, Strabologie : approche diagnostique et thérapeutique. Paris, Elsevier, 2004. Reproduit avec l’aimable autorisation de l’éditeur). Tableau 3. Anomalies oculaires associées au syndrome de Duane (d’après [10]). Fond d’œil Fréquemment rapportées a Globe Annexes Nystagmus Ptôsis Dermoïde épibulbaire Syndrome des larmes de crocodile Anisocorie Colobome Moins fréquemment rapportées Rarement rapportées c b Hypoplasie optique Cataracte congénitale Syndrome de Marcus Gunn Hétérochromie Anomalies des voies lacrymales Morning glory syndrome Microphtalmie Nævus de Ota Dysversion papillaire Kératocône Ectropion Fibres à myéline Spasmus nutans Lagophtalmie Staphylome Microcornée Syndrome de Claude-Bernard-Horner Persistance de l’artère hyaloïdienne Syndrome de Brown Épicanthus, anomalies caronculaires Ophtalmoplégie externe familiale a multiples cas (plus de 5 rapportés dans la littérature). plus d’un cas rapporté dans la littérature. c généralement un cas rapporté. b (20q13.13-q13.2). Le gène SALL4 a été identifié comme responsable du syndrome d’Okihiro [20, 21] (pour mémoire, des mutations sur ce gène ont également été incriminées chez des patients porteurs de malformations après expositions au thalidomide). On pense actuellement que le gène SALL4 jouerait un rôle critique dans le développement des motoneurones du VI. ■ Anomalies congénitales associées La grande majorité des patients consultant avec un syndrome de Duane sont en parfaite santé, raison pour laquelle des anomalies associées (particulièrement extraoculaires) ne sont en général pas recherchées [10]. Certains auteurs recommandent cependant de les rechercher systématiquement [22]. La plupart des associations sont décrites dans la littérature sous forme de cas isolés. La fréquence rapportée des malformations associées (oculaires ou non) est comprise entre 15 % (Ro et al.) et 33 % (Pfaffenbach). Pour Pfaffenbach et al. [23] la fréquence des anomalies musculosquelettiques, des pieds et des oreilles chez les patients atteints de syndrome de Duane pourrait même être 10 à 20 fois supérieure comparée à la population générale, mais ces anomalies ne sont généralement pas diagnostiquées car asymptomatiques, de la même manière que certaines malformations vertébrales (pour mémoire, la prévalence des malformations congénitales dans la population générale est d’environ 2 %, et de 8 % à 15 % si l’on inclut des malformations mineures). Ophtalmologie ■ Associations oculaires La liste des anomalies oculaires rapportées dans la littérature est présentée dans le Tableau 3. ■ Associations extraoculaires La liste des anomalies extraoculaires rapportées dans la littérature est présentée dans le Tableau 4. De nombreuses anomalies ont été décrites. Nous n’évoquons que les associations syndromiques, qui peuvent se chevaucher (Fig. 2). Le syndrome cervico-oculo-acoustique (SCOA), ou syndrome de Wildervanck, est défini comme l’association : d’une surdité de perception congénitale, d’une anomalie de Klippel-Feil (fusion de vertèbres cervicales) et d’une paralysie d’abduction avec rétraction du globe (syndrome de Duane). Le SCOA est trouvé de façon sporadique dans la grande majorité des cas [24]. L’hérédité serait polygénique avec une limitation aux sujets de sexe féminin [24]. Le syndrome d’Okihiro, dont la transmission est autosomique dominante, est l’association d’un syndrome de Stilling-Duane et d’une hypoplasie congénitale de l’éminence thénar. Le syndrome acro-réno-oculaire s’apparente au syndrome d’Okihiro, et associe des anomalies du membre supérieur (des doigts), des anomalies oculaires diverses (dont le syndrome de Duane), et des anomalies rénales. Ce syndrome se transmet sur un mode autosomique dominant à forte pénétrance et d’expression variable. 3 21-550-A-14 ¶ Syndromes de Stilling-Duane Tableau 4. Anomalies extraoculaires associées au syndrome de Duane (d’après Zone atteinte Fréquent Système nerveux central Surdité de perception [10]). Anomalies cardiaques Moins fréquent a Malformation cérébrale artérioveineuse Anomalies des membres Paralysie faciale Crises convulsives Retard mental Tête et face Oreille externe Anomalies oculaires (Stilling-Duane) Craniosténose Appendices prétragiens Microcéphalie Fente palatine Microstomie/microsomie Asymétrie faciale Anomalies dentaires Surdité Anomalies du rachis cervical Anomalies rénales Hémangiome cutané Palais en arche Iniencéphalie Extrémités/muscles/ Anomalies vertébrales squelette Hypoplasie de l’éminence thénar Spina bifida Phocomélie b Anomalies costales Déformation de Sprengel Anomalies des pieds Anomalies sévères des rayons de la main Dystrophie musculaire Anomalies cardiaques Reflux vésico-urétéral Limitation de l’abduction En général marquée Agénésie du VI Maladie de Hirschsprung Limitation de l’adduction Le plus souvent modérée Cocontraction – hypoélasticité du droit latéral Rétraction plus ou moins marquée du globe avec énophtalmie et rétrécissement de la fente palpébrale Variable mais exceptionnellement absent Cocontraction des droits horizontaux Attitude Souvent présent mais d’importance variable Recherche d’une zone de confort binoculaire ou parfois monoculaire Déviation en position de face En général modérée Élévation ou abaissement en adduction Présent surtout dans les Échappement par types III de la hypoextensibilité du classification de Huber droit latéral et cocontraction Dysplasie rénale Glomérulonéphrite segmentaire et focale Imperforation anale Hernie ombilicale Anomalies génitourinaires Klippel-Feil a Goldenhar Holt-Oram Syndrome d’intoxication alcoolique fœtal Moebius Marfan/Ehlers-Danlos a b Tableau 5. Fréquence et intensité Mécanismes physiopathologiques envisagés Dilatation colique segmentaire Syndromes Figure 2. Syndromes ou anomalies congénitales associées au syndrome de Stilling-Duane (d’après B. Chun, J Pediatr Ophthalmol Strabismus, 2001;38:235-39). Signes cliniques Déformations des doigts Viscères Syndrome d'Okihiro Syndrome acro-réno-oculaire Syndrome cervico-oculo-acoustique (Wildervanck) Syndrome d'Holt-Oram Syndrome de Klippel-Feil composante du syndrome de Wildervanck. composante du syndrome d’Okihiro. Des formes associées de syndrome de Goldenhar et de Wildervanck ont été décrites mais sont probablement très rares. Syndrome alphabétique A, V ou X En ésotropie (type I) ou en exotropie (type II ou III) Innervation du droit latéral par des fibres du III destinées aux droits supérieur et/ou inférieur ■ Clinique Description clinique La symptomatologie des différents types de syndrome de Duane est étroitement imbriquée avec sa physiopathogénie et la variabilité des différents signes cliniques constitue ainsi une difficulté importante à la classification de ce syndrome. Il s’agit en général d’une atteinte unilatérale mais qui peut être bilatérale dans 15 à 20 % des cas [25]. Certains signes cliniques sont constants avec toutefois une intensité très variable. Il s’agit du déficit d’abduction par paralysie du VI, de la limitation de l’adduction par cocontraction des muscles horizontaux et manque d’élasticité du droit latéral, et enfin de la rétraction du globe avec énophtalmie par 4 ce même mécanisme. La rétraction ainsi que le rétrécissement de la fente palpébrale sont quasi pathognomoniques de ce syndrome mais leur absence ne peut réfuter le diagnostic (Tableau 5). L’existence d’une attitude vicieuse de la tête est très souvent observée au cours de ce syndrome et témoigne des possibilités binoculaires du patient dans cette position. Toutefois, même en l’absence de vision binoculaire, le patient peut prendre une position de meilleur confort mécanique, évitant ainsi le regard vers le muscle paralysé et la mise en tension du muscle rétracté. L’importance du torticolis est très variable d’un sujet à l’autre et conditionne l’attitude thérapeutique chirurgicale ou conservatrice ainsi que le type de chirurgie [26]. Ophtalmologie Syndromes de Stilling-Duane ¶ 21-550-A-14 Figure 3. Syndrome de Duane type I. A. Légère attitude tête à gauche regard à droite. B. Adduction normale avec rétraction de la fente palpébrale. C. Très légère ésotropie de face. D. Limitation marquée de l’abduction de l’œil gauche. Le strabisme en position primaire n’est pas constant mais la plupart des auteurs considèrent qu’il existe le plus souvent une déviation modérée en position de face [4, 10]. Il s’agit essentiellement d’une ésotropie mais parfois d’une exotropie ou d’une hypertropie [25, 27] . Un strabisme majeur peut parfois s’y associer ; l’histoire clinique montre parfois dans ces cas une apparition secondaire de ce strabisme, concomitante à une disparition de l’attitude. Dans certains cas de syndrome de Stilling-Duane, il existe une élévation ou un abaissement plus ou moins marqués lors des tentatives d’adduction. Ces anomalies sont responsables d’une déviation verticale qui est gênante sur le plan fonctionnel mais parfois aussi sur le plan esthétique. Ces phénomènes d’échappement sont généralement expliqués par une contraction importante des deux muscles horizontaux les empêchant de garder leur position horizontale et les forçant à devenir soit élévateur par déplacement vers le haut, soit abaisseur par déplacement inverse [4, 10, 28]. Pour quelques auteurs, il peut exister une contraction simultanée du droit supérieur, du droit inférieur ou de l’oblique inférieur lors de l’adduction, par anomalie d’innervation. Dans ces cas, l’élévation en adduction serait beaucoup plus lente et progressive et se différencierait aisément des phénomènes d’échappement qui sont plus brutaux [29]. Il existe parfois dans les formes précoces une réelle hyperaction des obliques inférieurs ou une déviation verticale dissociée (DVD), comme dans les cas de strabismes précoces [30, 31]. Des syndromes alphabétiques en A, en V ou en X peuvent être retrouvés au cours de cette pathologie. Les syndromes V et X semblent les plus fréquents mais dans les formes bilatérales, il existerait une prédominance des syndromes A. Ceci pousserait à rechercher une forme bilatérale très asymétrique si l’on est face à un Duane unilatéral avec un syndrome A [10]. La physiopathologie de ces syndromes pourrait être expliquée par l’origine de l’innervation paradoxale du droit latéral : les fibres du III innervant paradoxalement le droit latéral sont en général issues de la branche destinée au droit médial mais peuvent aussi provenir de celles destinées aux droits supérieur ou inférieur, ce qui expliquerait cette symptomatologie [28]. “ Point fort La symptomatologie des syndromes de Duane associe à des degrés variables : un déficit d’abduction (souvent marqué) et d’adduction (souvent discret), une rétraction du globe avec rétrécissement de la fente palpébrale lors des efforts d’adduction, une élévation ou un abaissement de l’œil lors des tentatives d’adduction, un torticolis et un strabisme en position primaire. Ophtalmologie Classifications Plusieurs classifications ont tenté de schématiser les différentes formes cliniques en se basant sur l’importance des déficits d’abduction et d’adduction ainsi que l’existence d’une déviation verticale. La classification de Huber, qui est la plus utilisée, se base en plus sur des informations électromyographiques [32]. Type I Limitation marquée de l’abduction et minime de l’adduction. Rétraction de la fente palpébrale en adduction et élargissement de celle-ci lors des efforts d’abduction. Les enregistrements électromyographiques révèlent un comportement normal du droit médial mais une contraction du droit latéral en adduction avec relâchement en abduction ce qui explique l’élargissement de la fente palpébrale (Fig. 3). Type II Limitation marquée de l’adduction et minime de l’abduction avec rétraction de la fente palpébrale lors des efforts d’adduction. L’électromyogramme (EMG) montre une contraction du droit latéral à l’abduction mais aussi à l’adduction alors que le droit médial a une activité normale. Le droit latéral ne peut se décontracter et par conséquent il survient une exotropie en position primaire (Fig. 4). Type III Limitation de l’abduction et de l’adduction. Le droit latéral a la même innervation que le droit médial ce qui veut dire que les deux muscles se contractent en adduction et se relâchent en abduction. Le globe bouge seulement en verticalité. Il y a une rétraction aux efforts d’adduction et une protrusion aux efforts d’abduction. Dans de rares cas, l’innervation du droit latéral lors des efforts d’adduction peut être plus forte que celle du droit médial. Il survient alors une abduction paradoxale lors des efforts d’adduction. Il s’agit de la « divergence synergique » décrite par Wilcox et al. et considérée comme le type IV [33]. Des classifications plus complexes ont cherché à compléter la classification de Huber, en particulier celle de Ahluwalia qui distingue pour chaque type, trois sous-groupes en fonction du type d’anomalie horizontale en position de face : ésotropie, exotropie ou orthophorie [7]. Mais celle-ci est nettement moins utilisée d’autant plus qu’elle n’apporte pas de simplification pour le choix du traitement chirurgical. Pour Kaufmann, la classification aidant au choix de la technique chirurgicale doit être basée sur le torticolis [26]. Pour le protocole chirurgical il distingue : • syndrome de rétraction avec torticolis en adduction de l’œil atteint (type I de Huber). Il y a en général une ésotropie tête droite. Cette forme est la plus fréquente et constitue 58 % des syndromes de Stilling-Duane. Elle touche le plus souvent l’œil gauche et les sujets de sexe féminin ; • syndrome de rétraction avec torticolis en abduction (certains type II et III de Huber). Le patient a une exotropie tête droite. 5 21-550-A-14 ¶ Syndromes de Stilling-Duane Figure 4. Syndrome de Duane type II bilatéral (photographies docteur C. Bok). A. Strabisme divergent, OD fixant en abduction. B. Strabisme divergent, OG fixant en abduction. C. Difficultés de l’OG pour reprendre la fixation de face-rétraction palpébrale. D. Difficultés de l’OD pour reprendre la fixation de face-rétraction palpébrale. E. Regard à gauche, limitation franche de l’adduction de l’OD avec rétraction palpébrale modérée et abaissement de l’OD. Abduction de l’OG normale. F. Regard à droite, limitation franche de l’adduction de l’OG avec rétraction palpébrale marquée et abaissement de l’OG. Abduction de l’OD normale. Dans ce groupe, on observe souvent une déviation verticale marquée. Il n’y a pas de prédominance de côté. “ Point fort La classification actuellement la plus utilisée est celle de Huber qui tient compte de la distribution des anomalies d’innervation. On peut toutefois estimer que la classification la plus utile pour la décision chirurgicale est la classification en fonction du torticolis : torticolis en adduction de l’œil atteint ou torticolis en abduction de l’œil atteint. Bilan ophtalmologique et orthoptique L’examen clinique ophtalmologique complet recherche les anomalies sensorielles fréquemment associées aux anomalies motrices précédemment décrites ainsi que d’éventuelles malformations oculaires. L’examen de l’acuité visuelle après cycloplégie est très important car comme dans tout trouble oculomoteur, chaque œil doit bénéficier de la meilleure correction possible. On note en effet dans la littérature une incidence de l’hypermétropie d’environ 71 % et un taux d’anisométropie de 23 % [10]. Il existe une discordance dans la littérature quant à la fréquence de l’amblyopie au cours de cette pathologie. Certaines études font état d’une incidence plus importante de l’amblyopie au cours des syndromes de Stilling-Duane, et en particulier pour les formes bilatérales [34]. Pour DeRespinis et al., la revue des différentes séries de la littérature ne semble pas montrer une différence significative par rapport à celle de la population générale [10]. En effet, le sujet adopte dans la grande majorité des cas une attitude vicieuse de la tête permettant d’utiliser ses deux yeux. L’existence d’une anisométropie favorise toutefois l’apparition de l’amblyopie. 6 L’étude de la vision binoculaire doit se faire dans l’attitude. Les patients ne se plaignent spontanément pas de diplopie et tendent à négliger ou neutraliser la deuxième image. Dans la majorité des cas, la vision binoculaire est bonne dans la position vicieuse mais Sloper et al. montrent que cette vision stéréoscopique est souvent de moins bonne qualité que celle de la population normale [35, 36] . Ceci serait expliqué par les épisodes de neutralisation fréquents lorsque le sujet n’est pas dans sa position vicieuse et pendant la période critique de la maturation de la vision binoculaire. Chua et al. trouvent une altération de la vision binoculaire chez 20 % de leurs patients [37]. Dans certains cas, un strabisme constant avec un angle de déviation important s’ajoute au tableau clinique. Dans ces cas, il n’y a plus de zone avec possibilité de vision binoculaire et le sujet peut perdre son attitude. À noter quelques cas publiés associant un syndrome de Duane à un strabisme précoce et une DVD [31]. Le bilan orthoptique détaillé est d’une importance majeure afin d’évaluer au mieux la forme clinique et de savoir si un traitement chirurgical adapté peut être envisagé. Outre les mesures de la déviation de loin et de près dans les neuf positions du regard et l’évaluation de l’état sensoriel du sujet, le bilan doit être complété par une étude coordimétrique [10]. Cet examen permet une visualisation rapide des différentes limitations et hyperactions qui sont parfois masquées à l’examen clinique. Son utilisation est indispensable dans les cas de syndrome de Duane complexes lorsqu’il existe une correspondance rétinienne normale. L’étude du champ de vision binoculaire est aussi d’un grand intérêt afin d’évaluer l’apport de la chirurgie au confort visuel du patient. Le chirurgien vise en effet d’élargir et de recentrer au maximum la zone de fusion du sujet. En pratique, cette étude peut se faire en utilisant la coupole de Goldmann, le tableau de coordimétrie de Hess-Weiss ou encore la paroi tangentielle de Harms. Examen complémentaire et bilan général Le diagnostic de syndrome de Stilling-Duane est un diagnostic clinique et dans la grande majorité des cas aucun examen Ophtalmologie Syndromes de Stilling-Duane ¶ 21-550-A-14 “ Conduite à tenir Avant de poser une indication opératoire, une analyse soigneuse du torticolis est indispensable. complémentaire n’est nécessaire pour le confirmer. Les examens neuroradiologiques sont actuellement surtout utilisés pour mieux comprendre la physiopathogénie de ces anomalies [38, 39]. Les publications concernant l’IRM à haute résolution permettent de mettre en évidence des anomalies variées de l’innervation des muscles oculomoteurs dans cette pathologie mais ces signes ne semblent pas constants et ne peuvent être mis en évidence dans tous les cas de manière reproductible [6, 40]. L’électromyographie ne présente qu’un intérêt historique dans le syndrome de Duane car en plus des difficultés de réalisation chez l’enfant, elle pose le problème de ne tester que les fibres en regard desquelles les électrodes ont été posées. La mesure des saccades est plus facile à réaliser et plus instructive pour la compréhension de la physiopathogénie mais elle ne se pratique pas de manière courante [41]. Étant donné la fréquence des anomalies générales associées à ce syndrome, un bilan pédiatrique doit être demandé. Pour son examen clinique, le pédiatre a recours à d’éventuels examens complémentaires. ■ Diagnostics différentiels Il existe une très grande variété de syndromes de rétraction et pour certains types, des difficultés diagnostiques peuvent être évoquées : • la paralysie du VI et le syndrome de Duane de type I avec ésotropie peuvent présenter des caractéristiques communes : déficit de l’abduction et attitude vicieuse de la tête. Il existe toutefois dans la paralysie du VI une hyperaction du droit médial et non une limitation, et de plus la rétraction palpébrale à l’adduction n’est pas fréquente bien que possible. Il est d’une grande importance de dissocier ces deux entités du fait de la stratégie chirurgicale : au cours des syndromes de rétraction, il est fortement déconseillé de pratiquer une résection ou un pli sur le droit latéral ; • le syndrome de Moebius associe une paralysie congénitale du VI et du VII mais il n’existe pas habituellement d’innervation paradoxale au cours de ce syndrome ; • l’ésotropie précoce peut parfois poser un problème de diagnostic surtout dans les formes bilatérales de syndrome de rétraction type I. Chung et al., au sein d’une grande famille porteuse de syndrome de Duane héréditaire, relèvent dans un cas un aspect clinique plus évocateur de strabisme précoce. L’étude génétique de ce cas révèle qu’il s’agit bien d’un syndrome de rétraction [17] ; • les formes acquises de syndrome de rétraction ne sont pas exceptionnelles : une atteinte locorégionale inflammatoire, traumatique ou iatrogène peut simuler un syndrome de Duane. ■ Traitements Il n’y a actuellement pas de traitement permettant de guérir la cause pour obtenir une innervation normale du droit latéral ou une disparition des phénomènes de cocontractions. Le but du traitement au cours des syndromes de rétraction est d’éliminer autant que possible l’attitude vicieuse de la tête, de réduire l’angle de déviation en position primaire, de diminuer une rétraction inesthétique et de corriger un éventuel trouble vertical associé. Traitement médical Comme dans tout strabisme, les troubles de la réfraction doivent être rigoureusement corrigés, en particulier s’il existe Ophtalmologie “ Conduite à tenir Dans de nombreux cas de syndrome de rétraction, aucun traitement chirurgical n’est à entreprendre car le sujet a un torticolis minime qui lui permet une très bonne vision binoculaire, sans rétraction inesthétique, ni facteur vertical majeur. une anisométropie. Dans les cas où une amblyopie est retrouvée à l’âge sensible, son traitement est indispensable avant d’envisager tout autre type de traitement. Il faut aussi insister sur l’inutilité de l’utilisation des secteurs et en particulier des secteurs binasaux dans le syndrome de Duane de type I étant donné que l’œil ne peut, pour des raisons anatomiques, améliorer son abduction. Il en va de même pour la rééducation orthoptique car celle-ci ne peut agir sur des muscles anormalement innervés. Les prismes, pour être efficaces, doivent en général être de forte puissance et sont de ce fait non supportables [27]. “ Conduite à tenir La prescription de la correction optique totale et la lutte contre l’amblyopie constituent la première étape du traitement des syndromes de Duane, même si les troubles de la réfraction et l’amblyopie ont une incidence similaire à celle de la population générale. Traitement chirurgical But Les buts du traitement doivent être clairement expliqués au patient car il est important qu’il connaisse les limites des techniques actuellement envisageables. Le but principal de la chirurgie est de réduire le torticolis [30]. La chirurgie peut aussi être proposée pour réduire une déviation importante de face ou pour diminuer une rétraction ou une verticalité inesthétique. Obtenir un champ d’excursion plus important du globe est bien sûr toujours souhaité mais il ne constitue pas un motif suffisant pour poser l’indication chirurgicale car les résultats sont en général décevants. Techniques décrites Plusieurs concepts différents sont présentés dans la littérature selon le type de syndrome de rétraction mais aussi le but recherché : diminuer le torticolis, la rétraction, la déviation verticale ou encore élargir le champ d’excursion horizontal. Techniques de recul simple (Fig. 5) Au cours des syndromes de Duane, une partie des symptômes y compris la déviation verticale peut être rapportée à la tension entre les deux muscles droits horizontaux. Une diminution de cette tension est donc toujours nécessaire. La majorité des auteurs proposent donc un recul des droits horizontaux du côté atteint selon le type du syndrome et le sens du torticolis. En effet, un recul du droit médial ou du droit latéral peut être pratiqué selon qu’il existe un torticolis en adduction ou en abduction. Les tests de duction forcée et d’élongation musculaire permettent d’évaluer l’importance de la rigidité du muscle à opérer. Un geste de recul d’un droit horizontal sur l’œil sain peut être proposé uniquement dans les cas avec strabisme majeur. Il s’agit le plus souvent de cas où le sujet neutralise et n’a plus de torticolis. 7 21-550-A-14 ¶ Syndromes de Stilling-Duane Figure 5. Syndrome de Stilling-Duane type III de l’OD en préopératoire (A-C). A. Limitation de l’abduction de l’œil droit avec élargissement de la fente palpébrale. Adduction de l’œil gauche normale. B. Divergence avec œil droit fixant en abduction. C. Limitation franche de l’adduction de l’OD avec rétraction palpébrale et élévation en adduction. Syndrome de Stilling-Duane type III de l’OD en postopératoire après recul simple du droit latéral (D-F). D. Persistance de la limitation de l’abduction de l’œil droit. E. Recul simple du droit latéral : disparition de la divergence en position primaire. F. Recul simple du droit latéral : disparition de l’élévation en adduction avec amélioration de l’adduction. Rétraction palpébrale modérée persistante. Un recul des deux muscles horizontaux de l’œil atteint est proposé de manière systématique pour certains [30] et seulement en cas de rétraction importante pour d’autres [4]. Le dosage du recul de chacun des muscles doit alors être fait en fonction du sens du torticolis. La plupart des auteurs mettent en garde contre les gestes de résection car ceux-ci aggravent de manière importante la rétraction déjà existante. Certains suggèrent toutefois la possibilité de pratiquer une résection du droit latéral dans le cas de torticolis majeur avec une rétraction minime et en l’absence de déviation verticale [26, 42]. Ces cas demeurent exceptionnels. Techniques de transposition Plusieurs auteurs insistent sur les bénéfices d’une intervention de transposition des muscles verticaux pour améliorer l’attitude et l’excursion du globe [43-46] . En effet, ils reprochent à la technique de recul simple du droit médial de ne pas améliorer le champ d’excursion en apportant peu de bénéfice pour l’abduction et entraînant un déficit d’adduction mais aussi de la convergence. Leurs résultats varient selon les séries et les techniques : transposition simple, transposition renforcée, transposition associée à une fixation du droit latéral au périoste [45, 47-49]. Dans un grand nombre de cas ces techniques sont associées à un recul du droit médial et comportent donc de forts risques d’ischémie du segment antérieur. Des déficits d’adduction sont décrits malgré l’utilisation de cette technique [43] . Pour la majorité des auteurs, les bénéfices de la transposition ne justifient pas la complexité de celle-ci ainsi que les risques d’ischémie du segment antérieur, en tout cas pas dans un premier temps opératoire [4, 50]. Correction des facteurs verticaux De nombreuses autres techniques ont été proposées en fonction du type de syndrome de Duane pour corriger les anomalies verticales : • Mohan et al. proposent un recul des droits verticaux pour réduire l’élévation en adduction. Ils distinguent deux mécanismes d’élévation ou d’abaissement en adduction : par échappement mécanique ou par co-innervation des droits supérieur ou inférieurs avec le droit latéral. Dans ce deuxième cas, le recul des droits verticaux donnerait de bons résultats [51]. Pour d’autres auteurs, l’action sur les droits verticaux 8 ou les muscles obliques est inefficace dans cette pathologie [52]. Il peut toutefois exister dans certains cas une réelle hyperaction des muscles obliques nécessitant un affaiblissement de ces muscles comme dans les cas de strabismes infantiles concomitants [30] ; • Scott propose une myopexie postérieure du droit latéral ou des deux droits horizontaux [53] pour éviter les troubles verticaux liés à l’échappement. Mais cette technique est en général difficile chez les sujets atteints de ce syndrome et peut aggraver la rétraction [4, 30] ; • Rogers et al. préconisent un splitting du droit latéral avec ou sans recul afin de réduire l’élévation ou l’abaissement en adduction [52]. Autres techniques La myopexie postérieure sur des droits horizontaux de l’œil sain a été proposée afin d’améliorer le champ d’excursion de l’œil atteint [54, 55]. En réalité celle-ci permet surtout de réduire l’incomitance dans les regards latéraux en bloquant les mouvements de l’œil sain. Enfin, certains auteurs proposent une chirurgie réglable afin d’obtenir une meilleure précision dans les résultats [30]. ▲ Mise en garde Les résections ou plicatures musculaires doivent être évitées au cours des syndromes de Duane au risque d’aggravation des phénomènes de rétraction. Âge de l’intervention Le syndrome de Duane peut être opéré à tout âge, mais il est en général souhaitable d’attendre que l’enfant soit suffisamment grand pour analyser la motilité et le torticolis de manière satisfaisante et fiable. Ophtalmologie Syndromes de Stilling-Duane ¶ 21-550-A-14 Indications La majorité des auteurs propose le recul simple d’un seul droit horizontal selon le sens du torticolis. Ce recul est dosé en fonction de l’importance de la déviation mais aussi des tests de duction forcée. Pour Kaufmann le protocole suivant est le plus adapté [26] : • syndrome de Duane avec torticolis en adduction : recul du droit médial. L’examen préopératoire de la convergence et l’évaluation des risques de diplopie en vision de près par prismation sont nécessaires pour la quantification de ce recul ; • syndrome de Duane avec torticolis en abduction : recul du droit latéral ; • syndrome de Duane avec rétraction palpébrale et déviation verticale très importante : recul des deux droits horizontaux avec un ajustement de la quantité en fonction de la direction du torticolis. Il faut toutefois attirer l’attention sur des cas de surcorrection initiale ou secondaire survenus après un recul important du droit médial [56, 57]. Le recul associé d’un droit horizontal sur l’œil sain peut être utile dans les déviations importantes mais va à l’encontre de la correction du torticolis. Cette association peut aussi être justifiée dans les syndromes de Duane de type I si l’adduction est limitée et ne permet pas un recul important du droit médial du côté atteint, afin de réduire l’ésotropie en position primaire. Les résections sont à éviter au maximum dans cette pathologie. Les autres techniques chirurgicales peuvent être proposées selon l’expérience des différentes équipes mais il n’y a pas de consensus quand à leur supériorité. Résultats chirurgicaux Ils dépendent de l’importance des symptômes mais il y a presque toujours une nette amélioration du torticolis ainsi que de la déviation en position primaire [37]. L’angle du strabisme de loin et de près est réduit dans 80 % des cas à moins de 10° et dans 60 % des cas à moins de 5°. Plus de 70 % des patients opérés ont un torticolis inférieur à 10° [26]. La rétraction, le rétrécissement de la fente palpébrale et la déviation verticale s’améliorent avec le geste chirurgical. L’élargissement de l’excursion oculaire est le plus difficile à obtenir quelle que soit la technique utilisée. Il semblerait toutefois que la transposition puisse légèrement améliorer celle-ci [46]. identifiés. Le traitement commence par la prescription de la correction optique et la lutte contre l’amblyopie. Une prise en charge chirurgicale n’est envisagée que s’il existe un torticolis flagrant, un strabisme marqué, une rétraction palpébrale majeure ou encore une verticalité importante. . ■ Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] Complications Il est certain que la chirurgie ne peut normaliser l’état oculomoteur du patient mais des sous-corrections peuvent exister et justifient alors une reprise chirurgicale. Des cas de surcorrection après recul important du droit médial ont été rapportés avec parfois des difficultés importantes d’adduction [56, 57]. Le risque d’ischémie du segment antérieur existe lors des interventions de transposition totale associées à un recul d’un droit horizontal [58, 59] et ceci d’autant plus que le patient est âgé et présente un terrain vasculaire. Il faut donc calculer le rapport bénéfice/risque avant d’envisager ces techniques. [16] [17] [18] [19] [20] ■ Conclusion Le syndrome de Duane est un trouble oculomoteur lié à une agénésie plus ou moins complète du noyau du VI, associée à une innervation paradoxale du muscle droit latéral par les fibres du III. La proportion d’innervation résiduelle et d’innervation paradoxale explique la variabilité des symptômes cliniques. L’analyse clinique des composantes motrices et sensorielles est donc d’une grande importance afin de pouvoir classer les patients et leur proposer le traitement le plus adapté. Ce syndrome est souvent associé à des malformations systémiques survenues à la même période de gestation. Les formes héréditaires sont en cours d’étude et plusieurs locus ont déjà été Ophtalmologie [21] [22] [23] [24] Heuck G. Uber angeborenen vererbten Bewegglichkeitsdefect der Augen. Klin Monatsbl Augenheilkd 1879;17:253. Stilling J. Untersuchungen über die Entstehung der Kurzsichtigkeit. 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