Cas clinique Ophtalmologie pédiatrique et strabisme Syndrome de Stilling-Türk-Duane bilatéral de type II Syndrome de Stilling-TürkDuane bilatéral de type II • Syndrome restrictif. O. Tazi, M. Sadaoui, M.A. Espinasse-Berrod Bilateral Duane syndrome type II • Restrictive syndrome. Bilateral Duane syndrome type II (Service d’ophtalmologie, CHU Necker, Paris) Examen ▶▶ Patiente 1 Une jeune femme, âgée de 16 ans, présente depuis la naissance une exotropie. Elle est née par césarienne pour souffrance fœtale et ne présente aucun autre antécédent. Elle n’a aucun signe fonctionnel. Examen clinique L’examen révèle une isoacuité à 10/10. L’exotropie est importante, de 60 Δ avec l’œil droit fixateur (figure 1), mais la patiente peut alterner volontairement. La cycloplégie retrouve une emmétropie. •• Les regards latéraux (figure 2) L’examen des versions révèle la limitation bilatérale de l’adduction dans les regards à droite et à gauche. On note également un abaissement, une rétraction et un rétrécissement de la fente palpébrale de l’œil en adduction. L’étude des ductions confirme la limitation bilatérale de l’adduction (figure 3). •• Les regards verticaux L’angle du strabisme est plus important dans le regard en bas que dans le regard en haut, avec une différence supérieure à 10 Δ, ce qui signifie un syndrome A associé. Imagerie L’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale montre une atrophie relative du nerf abducens (VIe nerf crânien) gauche (figure 4) et une gracilité du muscle droit médial gauche par rapport au droit médial droit (figure 5). Chirurgie L’examen peropératoire montre une exotropie bilatérale (figure 6). Le test de duction forcée retrouve une limitation bilatérale de l’adduction, et il existe une hypo-­ élongation des deux muscles droits latéraux (notée à – 2 mm). Le geste chirurgical consiste en un recul des deux droits latéraux de 13 mm. ▶▶ Patient 2 Un homme, âgé de 34 ans, présente depuis la naissance une exotropie sans aucun signe fonctionnel ni antécédent particulier. L’acuité visuelle est égale à 10/10 pour les deux yeux. On retrouve les mêmes anomalies à la motilité que dans le cas précédent (figure 7). Diagnostic Une étude fine de la motilité permet souvent le diagnostic de syndrome de StillingTürk-Duane. L’atteinte est congénitale. Ce syndrome résulte d’une agénésie partielle ou totale du noyau du VIe nerf crânien avec une innervation aberrante du droit latéral par des fibres du IIIe nerf crânien (par compétition entre les fibres des IIIe et VIe nerfs crâniens) et d’une fibrose des parties de muscle non innervées (droit latéral, parfois médial). 20 Images en Ophtalmologie • Vol. V • n° 1 • janvier-février-mars 2011 Légendes Patient 1 Figure 1. Exotropie de l’œil gauche. Figure 2. Limitation bilatérale de l’adduction avec abaissement et rétraction de l’œil en adduction et rétrécissement de la fente palpébrale de l’œil en adduction. Figure 3. Limitation de l’adduction de l’œil droit (a et c) et de l’œil gauche (b et d). Figure 4. Coupes sagittales obliques et axiales T2 infra-millimétriques dans l’axe du VIe nerf crânien : atrophie relative du VIe nerf crânien gauche. Cas clinique Ophtalmologie pédiatrique et strabisme Patient 1 1 2a 2b 3a 3b 3c 3d VI D VI G 4 Images en Ophtalmologie • Vol. V • n° 1 • janvier-février-mars 2011 21 Cas clinique Ophtalmologie pédiatrique et strabisme Deux mécanismes expliquent les anomalies motrices de l’œil atteint : – la cocontraction ou la co-inhibition des nerfs droits médial et latéral selon la direction du regard, résultat de leur co-innervation par le IIIe nerf crânien ; – la fibrose et/ou la contracture musculaire. Les différentes formes cliniques dépendent de la part d’innervation résiduelle du nerf droit latéral par le VIe nerf crânien et de la répartition de la co-innervation par le IIIe nerf crânien entre le droit latéral et le droit médial : Légendes ▶▶ type I (75 %) La paralysie du VIe nerf crânien est complète. Il existe une tentative plus ou moins complète de réinnervation par le IIIe nerf crânien. Le tableau clinique retrouve : – une limitation marquée de l’abduction ; – une adduction plus ou moins normale ; – une rétraction et un rétrécissement de la fente palpébrale en adduction ; – une élévation ou un abaissement en adduction. ▶▶ type II (7 %) La paralysie du VIe nerf crânien a régressé à peu près complètement. La réinnervation par le III est importante. Le tableau clinique comprend : – une limitation marquée de l’adduction ; – une abduction plus ou moins normale ; – une exotropie de l’œil atteint ; – une rétraction et un rétrécissement de la fente palpébrale en adduction. ▶▶ type III (15 %) La paralysie du VI a régressé à peu près complètement. Les faisceaux du IIIe et du VIe nerfs crâniens se partagent entre les deux muscles horizontaux. Le tableau clinique comprend : – une limitation marquée de l’adduction et de l’abduction ; – une limitation des mouvements verticaux ; – une rétraction et un rétrécissement de la fente palpébrale en adduction. ▶▶ type IV : la divergence synergique (exceptionnelle). Le tableau clinique comprend : – une absence d’adduction ; – une abduction paradoxale de l’œil atteint lors des efforts d’adduction ; – une abduction paradoxale de l’œil atteint lors de l’abduction de l’œil adelphe. Les hypoplasies du nerf abducens visualisées à l’IRM cérébrale ont été rapportées dans les trois types les plus fréquents du syndrome mais de façon variable, de même que les altérations musculaires. La chirurgie des syndromes de Duane repose essentiellement sur de larges reculs musculaires adaptés à l’examen pré- et peropératoire. La chirurgie d’affaiblissement des muscles horizontaux améliore les phénomènes verticaux en adduction en limitant l’effet bride dû à la cocontraction des droits horizontaux. Le diagnostic du syndrome de Stilling-Türk-Duane est essentiellement clinique. Dans notre forme bilatérale, il existe une atrophie relative du VI e nerf crânien gauche malgré la relative symétrie clinique, notamment en peropératoire. Le recul du muscle droit latéral s’avère efficace sur l’abaissement en adduction du globe oculaire. II 22 Images en Ophtalmologie • Vol. V • n° 1 • janvier-février-mars 2011 Patient 1 Figure 5. Coupes axiale et coronale T2 de 2 mm centrées sur les orbites. Asymétrie des droits médiaux : le droit médial gauche est plus grêle. Figure 6. Examen peropératoire : forte divergence bilatérale. Patient 2 Figure 7. Étude de la motilité. Extraits de la vidéo 1 (a et b). Extraits de la vidéo 2 (c et d). Références bibliographiques 1. Mehel E, Quére MA, Lavenant F, ­Pechereau A. Epidemiological and clinical aspects of StillingTürk-Duane syndrome. J Fr Ophtalmol 1996; 19(8-9):533-42. 2. Bourron-Madignier M, Masset-Otto H, Vettard S. Study of abduction in congenital, acquired, and pseudo-paralysis of the 6th nerve. Ophtalmologie 1989;3(2):101-6. 3. Spielmann A. Surgery in Stilling-Türk-Duane syndromes (retraction syndromes considered as restriction syndromes). Bull Soc Ophtalmol Fr 1986;86(5):715-20. 4. Kaufmann H, Milkowitz K. Results of surgical treatment of Stilling-Türk-Duane syndrome. Klin Monbl Augenheilkd 1994;204(2):90-7. 5. Carteret M, Massin M, Cabanis EA. Stilling Duane syndrome and MRI: 2 preliminary results. 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