République et restauration impériale (1848-1870)

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UNIA 2015-16 conférence n°5
République et restauration impériale (1848-1870)
Durant toute la période que nous avons abordée jusqu’à présent (de 1789 à 1848),
presque sans interruption, la France a été conduite par un pouvoir ayant deux fondements :
- un pouvoir issu ou cautionné par un électorat de notables (un régime censitaire)
- un pouvoir s’appuyant sur Paris au détriment de la province.
A partir de 1848 et durant toute la période qui va jusqu'en 1870 (fin du second empire) les
données de la vie politique sont bouleversées :
- Le pouvoir est désormais assis sur le suffrage universel, traduction de l'esprit
démocratique de 1848. Mais cela va avoir une conséquence essentielle sur la vie politique =
elle est désormais placée sous l'influence des masses provinciales et paysannes qui exercent le
droit de vote.
On pourrait donc s’attendre avec le suffrage universel à un changement radical de la
vie politique. Et bien non.
Paradoxalement c'est le suffrage universel, conçu comme un gage de démocratie, qui
va conduire au second césarisme.
En effet, nous allons le voir, c'est en s'appuyant sur des masses paysannes souvent
illettrées, mais attachées à l'ordre et à l'autorité, que Louis Napoléon Bonaparte va réussir à
confisquer la République, à établir l'Empire, et à conserver ce régime pendant près de vingt
ans.
Autrement, dit, la France a à peine le temps de faire l'apprentissage de la République
et des effets du suffrage universel, qu'un homme réussit à retourner la souveraineté nationale à
son profit pour établir un Empire autoritaire, qui survivra jusqu'en 1870 au prix de quelques
concessions libérales.
Commençons par évoquer, l'apprentissage de la République (1848-1851)
Les journées de 1848 apparaissent aujourd'hui comme la conséquence logique des
impasses dans lesquelles le gouvernement orléaniste s'était enfermé = refus de la réforme,
immobilisme, indifférence face à la misère de la classe ouvrière.
Mais en fait, en 1848, les vainqueur sont aussi étonnés de leur rapide victoire, que les
vaincus le sont de leur débâcle.
La rapidité de l'effondrement de la monarchie surprend les contemporains.
D’autant plus que toute l'Europe va s'embraser à la suite des événements parisiens =
« le printemps des peuples ».
Comment les Révolutionnaires vont-ils régirent une fois au pouvoir ?
Dans la foulée de la proclamation de la République après la fuite de Louis-Philippe se
constitue à l'Hôtel de ville de Paris, le 24 février 1848 au soir un gouvernement provisoire
est constitué.
Il est composé de républicains convaincus et de quelques socialistes = des
journalistes, un avocat Ledru-Rollin, un savant Arago, un socialiste Louis Blanc, placé de
l'égide du poète romantique Lamartine.
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Il s'agit dans l'ensemble de républicains modérés, romantiques, hostiles aux
bouleversements sociaux et ne souhaitant pas porter atteinte à l'Eglise et à la religion.
Geste symbolique : Lamartine réussit à préserver le drapeau tricolore de la République
au détriment du drapeau rouge des socialistes.
Les débuts sont prometteurs. La République naît dans l’enthousiasme. Mais très vite le
gouvernement provisoire va connaître de sérieuses difficultés.
Dans cet esprit quarante-huitard enthousiaste, désintéressé et fraternel, un certain
nombre de mesures démocratiques vont être prises par le gouvernement provisoire. Elles
s'inspirent des grands principes de la Révolution française, liberté, égalité et fraternité :
- rétablissement de la liberté de la presse et de la liberté de réunion (les clubs sont
protégés).
- abolition de l'esclavage dans les colonies
- abolition des titres de noblesse et des majorats
- abolition des châtiments corporels en droit pénal
- et pour prouver que la Révolution de 1848 ne rime pas avec une nouvelle terreur,
pour rassurer Paris et la province, la peine de mort en matière politique est abolie.
Les quarante-huitards entendent démontrer qu'on peut faire la révolution sans
l'imposer par la répression (sans tuer les opposants).
Tout au plus, procèdent-ils à quelques purges républicaines = épuration de
l'administration et de la magistrature = l'inamovibilité des juges est suspendue et on envoie
dans les départements des commissaires extraordinaires de la République pour remplacer les
Préfets du régime précédent.
- Mesure la plus importante au plan politique = instauration du suffrage universel
direct et secret (décret du 5 mars 1848) ce qui fait passer l'électorat de 300 000 personnes à
plus de 9 millions d'électeurs. La France est le premier pays au monde à faire un tel bond en
avant dans le sens de la démocratie.
Mais le gouvernement provisoire, malgré la générosité de son esprit va vite rencontrer de
sérieuses difficultés :
- elles sont liées d'abord aux divisions internes au gouvernement provisoire.
La majorité bourgeoise du gouvernement (Lamartine) est favorable à une démocratie
politique que l'on réalise par le suffrage universel, mais pas plus.
A gauche, au contraire, on souhaite établir une véritable démocratie économique et
sociale.
Poussé par la gauche, le gouvernement proclame le "droit au travail" et commence à
ouvrir des "ateliers nationaux" = Ces ateliers vont vite devenir le réceptacle de milliers de
désœuvrés (100 000!) qui entretiennent malgré cela une propagande hostile au gouvernement.
- elles sont liées ensuite au résultat des élections de l'assemblée nationale
constituante qui ont lieu en avril 1848.
Le résultat des élections (avec 84% de participation) est à la hauteur des craintes des
socialistes. La France rurale a fait preuve d'un grand conservatisme et a voté pour les notables
traditionnels.
Sur 900 députés, on ne compte que
- 25 ouvriers, une poignée de députés socialistes,
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-
et à gauche une centaine de "radicaux démocrates" favorables à une république
sociale et égalitaire ;
- La grande majorité (environ 500) sont des républicains modérés (Lamartine,
Arago) favorables au suffrage universel mais déterminer à s'opposer aux
socialistes,
- enfin environ 250 monarchistes.
Autrement dit, les artisans de la révolution ("les républicains de la veille") qui se
rattachent à la tradition de 1792, sont supplantés par "les républicains du lendemain",
nettement plus modérés et conservateurs.
Néanmoins, cette assemblée s'empresse de proclamer à nouveau la république,
officiellement cette fois ci (alors qu'elle l'avait été de manière très spontanée le 24 février).
Pour contrer cette république conservatrice qui est en train de se mettre en place,
quelle va être l’attitude de l’extrême gauche ?
L'extrême gauche va organiser une journée révolutionnaire le 15 mai 1848 sous
prétexte de soutenir le soulèvement que le « printemps de peuples » a déclenché en Pologne.
Les émeutiers envahissent le palais Bourbon, déclarent la dissolution de l'assemblée et
proclament même un nouveau gouvernement provisoire. Mais la réaction de Garde Nationale
est immédiate = elle rétablit rapidement la situation, tandis que l'extrême gauche est décapitée
= les principaux inspirateurs de l'insurrection (Louis Blanc, Blanqui) prennent la fuite,
certains sont emprisonnés.
L'échec de cette insurrection politique ne décourage pas les milieux populaires dont
les espoirs réformistes ont été déçus par les élections et par la répression du 15 mai.
Ayant l'impression d'avoir été dépossédés de leur révolution par la bourgeoisie, le
peuple parisien s'insurge le 22 juin 1848. L'est de la capitale se couvre de barricades, et
l’armée est chargée de "nettoyer" Paris.
Systématiquement, durant trois jours de bataille rangée (du 23 au 26 juin = les
journées de juin 1848) il donne l'assaut aux barricades provoquant la mort de plusieurs
milliers de personnes (5 000) de part et d'autre.
Un fossé s'est désormais creusé entre les ouvriers assoiffés de justice sociale et les
conservateurs bourgeois et paysans.
Le général Cavaignac, auteur de cette répression est d'ailleurs nommé président du
conseil des ministres (ce qui confirme l'orientation conservatrice du régime) par l'assemblée
qui va à présent s'atteler à sa fonction primordiale = élaboration de la constitution.
L’élaboration de la constitution est rapide, de même que les discussions qui s’en
suivent et le texte peut être adopté rapidement = le 4 novembre 1848.
* L'organisation des pouvoirs publics repose sur une interprétation rigoureuse du
principe de séparation des pouvoirs.
Le pouvoir législatif est exercé par une assemblée législative unique, nombreuse
(750 membres) ce qui rappelle la période révolutionnaire, élue au scrutin départemental pour
trois ans (suffrage universel direct).
Sont électeurs tous les citoyens de plus de 21 ans, jouissant de leurs droits civils et
politiques, mais sans conditions censitaire.
L'exécutif est confié à un Président de la République, élu directement par le peuple
pour quatre ans (et il n'est pas immédiatement rééligible). C'est le modèle américain qui a
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servi d'exemple, même si on n'a pas manqué de souligner le risque de césarisme lié à cette
origine.
On a beaucoup débattu sur le mode d'élection du PR, mais on a considéré que le faire
élire par l'assemblée diminuait son pouvoir et présentait un risque = l'assemblée est davantage
exposée aux pressions que l'ensemble de l'électorat.
En application du principe de la séparation des pouvoirs, l'exécutif et le législatif, qui
sont tous deux des pouvoirs forts, car issus du suffrage universel, n'ont que des moyens
limités d'agir l'un sur l'autre =
Le président ne peut ni sanctionner les lois, ni dissoudre l'assemblée. Celle-ci ne peut
révoquer le président. Tout au plus les ministres sont choisis par le président au sein de la
Chambre.
En fait rien ce qui manque le plus c'est que rien n'est prévu pour aménager des
relations efficaces entre les pouvoirs, parce que la constitution a été faite pour fonctionner
dans l'atmosphère consensuelle des débuts de la Révolution.
Ce qui fait qu'il n'y a aucune solution en cas de conflit entre les deux pouvoirs = C'est
l'impasse hormis le coup d'Etat.
Par ailleurs, si cette constitution est de manière incontestable un texte démocratique,
cela ne veut pas dire que le régime qu'elle met en place le sera également.
En quelques mois, la France fait l'apprentissage du suffrage universel et on se rend
compte à quel point l'électorat est versatile = il peut, en l'espace de quelques mois élire une
constituante républicaine puis une assemblée législative conservatrice, capable de rétablir un
régime bourgeois.
* La mise en place des institutions débute par l'élection du PR prévue pour le 10
décembre 1848. Sont candidats :
- Cavaignac, qui a réprimé les émeutes du mois de juin n'obtient que 1,5 M de voix,
- un socialiste (Raspail)
- un Républicain radical (Ledru-Rollin)
- Lamartine se partagent 400 000 voix et
- Louis-Napoléon Bonaparte triomphe avec 5,5 M de voix.
Cette élection est une surprise. Louis-Napoléon Bonaparte était presque inconnu quelques
mois auparavant (il avait été ridiculisé sous Louis-Philippe par deux tentatives de coup d'Etat
qui avaient lamentablement échoué).
Mais il a su mener une campagne adroite axée sur des thèmes très mobilisateurs. Il a
d'abord l'habileté de rassurer l'électorat = il se présente :
- comme un garant de l'ordre pour la bourgeoisie et les paysans,
- mais en même temps comme quelqu'un qui est prêt à écouter les
revendications des plus déshérités.
- Qui plus est, le fait d'être le neveu de Napoléon Ier, fait de lui le vengeur des
humiliations de 1815, prêt à remettre enfin en cause le traité de Vienne.
On retrouve déjà toute l'ambiguïté du bonapartisme, capable de satisfaire des
aspirations contraires.
Mais essentiellement, il est l'élu des masses paysannes, parfois nostalgiques de
l'Empire, hostiles à la "république des riches" et sensibles à son discours sécuritaire.
Marx considère le 10 décembre comme "le coup d'Etat des paysans".
Vient ensuite l'élection de l'Assemblée législative, le 13 mai 1849, qui traduit la
désaffection du corps électoral puisque les abstentions atteignent 40%. Sur les 750 députés :
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- entre 450 et 500 appartiennent à la droite catholique monarchiste = le parti de l'ordre.
- on ne trouve au centre que 75 députés républicains modérés,
- à gauche 180 démocrates dirigés par Ledru-Rollin.
IMP : C'est un véritable revirement de l'électorat par rapport aux élections de la constituante
d'avril 1848 = par crainte du socialisme l'électorat se replie à droite dans un réflexe
conservateurs.
En quelques mois, le parti de l'ordre, qui peut légiférer sans entraves, d'autant plus que
le PR le laisse faire, va produire toute une série de lois conservatrices voire réactionnaires.
On assiste en quelques mois à un véritable reflux des idées républicaines et à la parution de
textes bien éloignés de l'esprit démocratique de 1848. 3 exemples :
- tout d'abord pour museler l'opposition politique, on revient sur la liberté d'association
en interdisant tous les clubs et les réunions politiques (loi du 19 juin 1849), et on restreint
la liberté de la presse (rétablissement du cautionnement et du droit de timbre) = loi du 16
juillet 1850.
- un moyen plus radical est encore de restreindre le droit de vote pour les électeurs
de gauche. La loi électorale du 31 mai 1850, sans revenir sur le principe du suffrage universel,
va limiter le droit de vote.
Elle multiple les cas de déchéance électorale (perdent le droit de vote tous ceux qui ont
été condamnés pour faits de presse, pour outrages ou violences envers des dépositaires de
l'autorité publique...
Mais surtout, elle réserve le droit de vote aux seuls électeurs domiciliés dans la même
commune ou le même canton depuis trois ans = les ouvriers et les journaliers qui constituent
une main d'œuvre instable, mouvante, et qui sont supposés voter à gauche sont ainsi écartés
(le corps électoral diminue d'un tiers environ).
- en matière d’enseignement, la loi Falloux 15 mars 1850 établit un régime de liberté
mais qui est essentiellement favorable à l'Eglise.
Diverses mesures sont prises pour faciliter l'ouverture d'écoles catholiques qui sont
placées sur le même plan que les écoles publiques.
Le but est surtout de permettre d'instaurer un enseignement secondaire chrétien
indépendant, pour assurer aux enfants de la bourgeoisie une éducation préservée des idées
socialistes.
Le caractère conservateur, voire réactionnaire de ces lois inquiète l'opinion, mais il y a
d'autres causes d'inquiétude = les monarchistes qui sont largement majoritaires à
l'assemblée restent très divisés (légitimistes, orléanistes) ; quant au PR, s'il est un gage de
stabilité il n'est en place que jusqu'en 1852 (car il n'est pas rééligible).
L’avenir est donc très incertain.
Et justement, pendant que l’assemblée législative effectue ce travail de déstabilisation
de l'ordre républicain, le Prince-Président reste discret, et laisse l'Assemblée prendre ses
responsabilités.
Mais en même temps, il fait tout de même connaître son opposition = c'est une
période de tension croissante entre le PR et l'Assemblée = en fait le PR se prépare à tirer
parti de la situation. En même temps, par des voyages dans le pays, il cultive sa popularité, en
se présentant çà la fois comme un partisan des réformes sociales et comme un tenant de
l'ordre et de la tranquillité publique.
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Le problème est qu’il n’est au pouvoir que jusqu’en 1852. Pour pouvoir se
maintenir au pouvoir après l'expiration de son mandat, il envisage plusieurs solutions :
- il cherche d'abord à faire modifier la constitution (mais il fallait que les 2/3 de
l'Assemblée soient d'accord),
- puis, comptant sur le soutien des classes populaires à faire abroger la loi électorale
très impopulaire. Mais l'Assemblées à majorité monarchiste s'y oppose. Cette
démarche est très habile de la part du prince-président, parce qu'il apparaît
désormais comme le défenseur des libertés démocratiques (suffrage universel)
contre l'Assemblée réactionnaire.
- Finalement, ne parvenant pas à se maintenir par des voies légales, et la constitution
lui interdisant de dissoudre l'assemblée, Louis-Napoléon Bonaparte choisit la
voie du Coup d'Etat, soigneusement préparé à l'avance.
Le 2 décembre 1851 (jour anniversaire du sacre de l'Empereur et de la victoire
d'Austerlitz), il annonce la dissolution de l'assemblée pour "défendre la
République" et sauver le pays.
Il annonce également, l'élaboration d'une nouvelle constitution et le retour au
suffrage universel = l'usurpateur se présente ainsi comme plus respectueux de la
souveraineté nationale que les parlementaires eux mêmes.
Le lendemain à l'appel de quelques députés républicains (Victor Hugo...) des
barricades s'élèvent dans Paris (et l'agitation gagne même quelques villes de province =
centre, sud-ouest et surtout dans le sud est = Var, Drôme, Basses Alpes = la préfecture de
Digne tombe même aux mains des républicains). Mais l'armée va écraser méthodiquement
l'émeute, et surtout l'émeute parisienne (plusieurs centaines de personnes sont fusillées aux
champs de Mars) puis près de 20 000 opposants politiques, républicains et socialiste sont
déportés en Algérie, internés ou exilés. Le coup d'Etat que Louis Napoléon Bonaparte voulait
pacifique s'est transformé en une sanglante répression.
Malgré cela, à la fin décembre (les 20 et 21 décembre 1851), un plébiscite lui donne les
pleins pouvoirs pour établir une nouvelle constitution par 7,5 M de voix contre 650 000.
Bonaparte considère cela comme une absolution des français pour être sorti de la
légalité : "Je n'étais sorti de la légalité que pour entrer dans le droit. Plus de sept millions de
suffrages viennent de m'absoudre".
L'usurpateur disposant d'une large légitimité, rien ne s'oppose plus à une restauration
impériale.
Malgré le succès que vient de remporter, Louis-Napoléon Bonaparte, on ne lui épargne
pas de nombreuses critiques (de droite comme de gauche) = pour beaucoup il reste une sorte
d'aventurier sans scrupules, un idéologue confus et ridicule, une sorte de pantin = bref une très
pâle réplique de son oncle ("Napoléon le petit" selon Victor Hugo).
Qui est réellement Louis-Napoléon Bonaparte ? il est né en 1808 = il est le fils de
Louis Bonaparte, le frère de Napoléon 1er.
Il a été élevé en Suisse par sa mère et est devenu officier d'artillerie.
Après la mort de l'Empereur en 1821 et après la mort de son fils unique en 1832, il
devient le chef du clan Bonaparte et commence à bénéficier de la légende napoléonienne qui
est en train de se construire (notamment grâce au mémorial de sainte Hélène, ouvrage publié
en 1823) = peu à peu il commence à apparaître comme l'héritier spirituel de Napoléon 1er.
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Et d’ailleurs, par deux fois, en 1836 et en 1840, il tente de s'emparer du pouvoir (il a
même appartenu à des sociétés secrètes = charbonnerie), mais ses deux coups d'Etat échouent
lamentablement.
Lorsqu'il n'est pas en prison où il lit énormément, où il écrit également, il voyage en
Amérique, en Angleterre. C'est cette double expérience qui forge un personnage rempli de
contradictions ("c'est l'énigme, le Sphinx" dira de lui Zola).
C'est un esprit curieux, intelligent, cultivé, très intéressé par les questions économiques
et sociales (il a consacré un petit ouvrage à "l'extinction du paupérisme").
Il pense que le développement industriel est capable de répandre le progrès matériel et
que c'est la solution pour résoudre la question sociale.
C'est un personnage complexe = un homme « de gauche », en raison de cette
sensibilité sociale ; mais c'est aussi un Bonaparte, un dictateur autoritaire, hostile à la
démocratie parlementaire, convaincu que le destin lui a donné une grande mission à
accomplir.
En réalité, il rêve d'établir un compromis entre césarisme et démocratie = une sorte de
démocratie autoritaire. Durant tout le Second Empire il va essayer d'allier politique
autoritaire et politique libérale
Il est classique de présenter le Second Empire comme une évolution historique, en
deux phases successives, une phase autoritaire et une phase libérale, sauf que personne n'est
d'accord sur le moment où ce tournant libéral est accompli (1857, 1860, 1867,1 869 ...?).
Nous retiendrons que c'est au cours des années 1860.
- D’abord l’organisation autoritaire.
- ensuite, l'échec du tournant libéral.
Du point de vue juridique, cette période comprend deux phases.
- Durant un an exactement, du coup d'Etat du 2 décembre 1851 au 2 décembre 1852,
la République subsiste théoriquement sur la base de la constitution du 14 janvier
1852.
- Après le 2 décembre 1852 c'est juridiquement le Second Empire.
Par conséquent, avant de rétablir l’Empire, Louis Napoléon Bonaparte a posé les bases d’un
régime qui se veut paradoxalement à la fois autoritaire et libéral.
La constitution du 14 janvier 1852, très rapidement élaborée et elle s'inspire
directement des réflexions de Napoléon III, nées durant l'exil ou l'emprisonnement.
Quels sont les grands principes sur lesquels elle repose ?
- Elle se réfère avant tout à la Révolution, en reconnaissant et garantissant les
grands principes proclamée en 1789. Comme son oncle, Louis-Napoléon se veut l'héritier et le
garant de la Révolution.
La constitution rejette non seulement l'Ancien Régime, mais aussi toutes les mesures
bâtardes de la monarchie censitaire.
Se voulant démocratique, cette constitution maintient le suffrage universel et reconnaît
au peuple le pouvoir constituant, puisqu'elle acceptée par plébiscite.
- Mais, malgré ces principes démocratiques, c'est une véritable démocratie
césarienne qu'elle vise à instaurer (une sorte de "régime présidentiel plébiscitaire").
Elle ne cache pas ses origines = elle s'inspire officiellement de la constitution de l'an
VIII (Consulat) qui associe souveraineté populaire et pouvoir personnel.
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Le raisonnement de Napoléon III est simple = il constate que la France fonctionne depuis 50
ans en vertu de l'organisation administrative, judiciaire, militaire, religieuse et financière du
Consulat et de l'Empire. La meilleure solution est d'adopter également les institutions
politiques de cette époque.
- Et pour asseoir son pouvoir personnel, Napoléon III est prêt à faire une large place au
plébiscite (d'où le "césarisme") qu'il considère comme un moyen privilégié de l'expression
de la souveraineté populaire.
Le plébiscite marque le retour à la tradition napoléonienne et la rupture avec tout ce
qui a été fait depuis 1814.
- De même si le suffrage universel est confirmé, et si le principe est rigoureusement
démocratique, il n'en va pas de même de son application : l'organisation de l'élection
minimise considérablement la portée du principe, par divers moyens applicables aux élections
législatives, destinés à "domestiquer le suffrage universel". Plusieurs moyens pour limiter le
suffrage universel :
-
d'abord le scrutin repose sur des circonscriptions très étroites, sur lesquelles il est
plus facile d'exercer des pressions administratives. Les fonctionnaires ne se privent
pas de faire des recommandations aux électeurs = on justifie cela par l'inexpérience
des électeurs.
-
autre moyen, le découpage des circonscriptions électorales : il permet de diviser ou
de noyer les centres d'opposition dans une circonscription favorable. Le
remaniement des circonscriptions électorales devient une pratique courante.
-
autre moyen : la candidature officielle = les candidats du gouvernement sont
officiellement soutenus par les Préfets et l'administration départementale.
-
le serment de fidélité à la constitution qui est exigé de chaque candidat, constitue
un obstacle moral supplémentaire.
-
les campagnes électorales sont sources de tracasseries sans fin (en ce qui concerne
les réunions, impressions des tracts, affichages...) = il n'y a pas de campagne
électorale proprement dite puisqu'on multiplie les obstacles autour des candidats de
l'opposition et on favorise les candidats officiels.
Voilà pour les orientations générales du régime.
Pour ce qui est de l'organisation des pouvoirs publics, la constitution du 14 janvier
1852 elle est marquée par la place éminente accordée à l'exécutif.
Le Président de la République, Louis-Napoléon, est nommé par la constitution ellemême pour une durée de dix ans.
Il possède toutes les attributions classiques de l'exécutif et les exerce dans une
indépendance totale vis à vis du corps législatif.
En ce qui concerne les ministres, ils ne dépendent que du chef de l'Etat ; ils ne peuvent
être pris dans le corps législatif ni même y pénétrer ; ils ne peuvent être mis en accusation que
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par le Sénat, la constitution exclut clairement le régime parlementaire et, en principe, toute
possibilité de l'introduire en pratique.
Le corps législatif est composé d'une assemblée unique, titulaire du pouvoir législatif.
C'est une assemblée réduite (270 députés) pour éviter les tumultes toujours dangereux
et contagieux. Elle est élue pour six ans au suffrage universel direct et secret et tire de cette
origine populaire une indépendance virtuelle. Mais en réalité, elle se trouve dans une
situation de subordination, de dépendance vis à vis de l'exécutif, puisque :
- elle n'a pas l'initiative des lois, qui appartient au gouvernement, et ses amendements
aux projets de loi du gouvernement doivent être acceptés par l'exécutif pour pouvoir être
discutés.
- elle n'a ni le droit d'adresse, ni le droit d'interpellation.
- les lois ne deviennent définitives qu'après avoir été sanctionnées par le PR.
- C'est le PR qui convoque, ajourne proroge les sessions, qui nomme le Président de
l'Assemblée et qui peut la dissoudre.
Bref c'est une véritable assemblée de muets, d’autant plus que les débats ne peuvent
être publiés que sous forme de résumé officiel établi par son président.
En marge du législatif, un Sénat de 150 membres, comprend toute les "illustrations du
pays" (certains membres de droits, cardinaux, maréchaux, amiraux) et les autres nommés à vie
par le PR = il représente les élites du pays et joue un rôle de pondérateur, de gardien de la
constitution (comme le Sénat du Directoire =
Les lois doivent d'office lui être soumises, et il peut les modifier, tout comme il peut
modifier la constitution par Sénatus-consulte.
Enfin, le Conseil d'Etat (une cinquantaine de membres nommés et révoqués par le
PR) retrouve le rôle qu'il jouait sous Napoléon 1er. Il prépare les lois proposées par le PR, et
envoie ses membres les défendre devant le corps législatif.
Avec de pareilles institutions, il ne sera pas difficile à Louis-Napoléon Bonaparte de
faire évoluer le régime vers une véritable dictature. Il le fera en rétablissant l’Empire.
Au bout de quelques mois de pouvoir, c’est un Sénatus-Consulte du 7 novembre
1852 vient rétablir la dignité impériale, mais en fait il ne fait que consacrer une situation
déjà existante.
En pratique, le régime antérieur n'est pratiquement pas retouché sauf en ce qui
concerne le nouveau titre du chef de l'Etat = le PR devient l'Empereur des français sous le
nom de Napoléon III.
L'Empire est héréditaire, et, faute de descendant mâle, l'empereur peut procéder à des
adoptions dans la lignée masculine des frères de Napoléon 1er.
Avant cela il a tenté de rassurer les inquiets (discours de Bordeaux 9 octobre 1852, au
cours d'un voyage destiné à prendre le pouls du pays) Il promet que l'Empire sera synonyme
de paix de sécurité, de confiance, de progrès et de prospérité.
Le sénatus-consulte est ratifié par un plébiscite (80% de votants = 7,8 M de oui,
250 000 non et 2 M d'abstentions).
L'Empire est officiellement rétabli le 2 décembre 1852 (le choix de la date est
encore une fois le symbole de sa volonté de renouer avec son grand ancêtre).
* La mise en place des nouvelles institutions est une mascarade.
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- Lors des élections législatives de février 1852, il n'y a aucun député d'opposition sur
270 députés.
- En juin 1857, sur 257 sièges à pourvoir, il y 250 candidats recommandés par le
gouvernement = ils sont tous élus ! Après un ralliement au régime, quelques refus de prêter
serment à l'Empereur et deux élections complémentaires l'opposition se réduit à un groupe de
7 députés = ce sera la seule opposition jusqu'en 1863.
Autrement dit, durant de nombreuses années, l'Empire va être gouverné de manière
autoritaire.
L'empereur gouverne seul, notamment en matière de politique extérieure.
Ses ministres sont réduits à des fonctions de simples techniciens, de simples
exécutants.
L'empereur leur demande bien leur avis, mais il reste seul juge ; il n'accepte pas qu'ils
se concertent entre eux de manière à éviter toute coalition qui pourrait lui être contraire.
De la même façon qu'il contrôle la haute fonction publique, il fait surveiller toute
l'administration.
C'est d'autant plus important, que l'administration est devenue un véritable instrument
de la domination que le régime exerce sur le pays. Les individus, les associations sont placés
sous le contrôle étroit de l'Administration, une administration dont les effectifs vont plus que
doubler en une quinzaine d'années. Si on ajoute les fonctionnaires civils et les militaires on
obtient plus de 600 000 personnes au service de l'Empereur.
Parmi ces fonctionnaires, le Préfet est sans doute l'agent le plus actif et celui qui
détient les pouvoirs les plus importants.
Il exerce surtout pour le compte de l'Empereur des fonctions de police et de
surveillance.
Cette surveillance pèse sur tout le monde :
- sur la vie politique d’abord (contrôle des élections)
- sur les établissements d'enseignement, qui sont soigneusement épurés (épurations touchent
surtout l'enseignement supérieur)
- également sur la presse (organisée par un décret organique du 17 février 1852). Il s'agit à la
fois d'un contrôle préventif pour ceux qui veulent fonder un journal (timbre, autorisation
préalable, cautionnement...) et des mesures répressives.
Quelle est la conséquence d’une telle surveillance sur le plan politique ? De tels
moyens permettent à l'Empereur de museler totalement l'opposition au moins jusqu'à 1860
et de rendre la vie politique terne et médiocre.
- L'opposition monarchiste est très faible.
- Beaucoup d'Orléanistes ont rallié le régime (Guizot s'est retiré de la vie
politique, et Thiers vit également en retrait en attendant de pouvoir à nouveau jouer un rôle).
- Quant aux légitimistes, le prétendant (le comte de Chambord, petit fils de
Charles X) vit en exil en Autriche et ne constitue pas une réelle menace.
- Pour ce qui est de l'opposition républicaine, elle a été décimée par les déportations et
les condamnations qui ont suivi le Coup d'Etat.
Tout au plus quelques manifestations silencieuses accompagnent-elles les obsèques de
quelques anciens dirigeants républicains.
D’ailleurs, pour briser définitivement le mouvement républicain, Napoléon III va
profiter d'un attentat dont il est victime (l'attentat d'Orsini, un patriote italien, le 14 janvier
1858) pour voter une loi de sûreté générale.
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La loi du 19 février 1858 destinée au maintien de l'ordre est une arme supplémentaire
pour poursuivre les derniers républicains.
Avec une opposition aussi affaiblie, Napoléon III a peu de choses à craindre.
Comment expliquer l’affaiblissement du régime ?
Au fond les difficultés que va rencontrer le régime ne sont pas liées à l'existence d'une
forte opposition, mais plutôt au fait qu'il n'y a pas véritable doctrine homogène, cohérente
du bonapartisme.
Il fait tantôt figure de mouvement de gauche, démocratique, hostile aux notables
censitaires et au clergé, et indispose alors la droite, tantôt de mouvement de droite
conservateur, clérical, défenseur de la propriété, et exaspère alors la gauche.
De ce fait il manque d'une véritable assise politique = le bonapartisme se révèle
incapable de donner naissance à une nouvelle classe politique. Bien sûr il s'appuie
essentiellement sur les grandes forces conservatrices, bourgeoisie d'affaires, industriels et
catholiques = mais cette base s'avérant insuffisante, Napoléon va rechercher de nouveaux
appuis, et pour ce faire va tenter d'imposer au régime un tournant libéral.
L'ouverture du débat politique s'amorce dès les années 1860-61 avec une évolution
assez nette des pratiques politiques.
Cette évolution de la pratique constitutionnelle, s’amorce dans les années 1860-61, pour se
poursuivre ensuite avec des accélérations et des ralentissements (trois vagues de réformes
1860-61, 1867-68 et 1869-70).
En quoi cette pratique évolue-t-elle ? L'Empereur commence par rendre au corps
législatif un certain nombre de prérogatives :
- le droit d'adresse qui est rendu au corps législatif (décret du 24 novembre 1860) et
étendu au Sénat, et qui est la réponse de la chambre au discours du Trône.
- la présence de certains ministres (ministres sans portefeuille) lors des séances de
l'assemblée. Ils peuvent y défendre la politique du gouvernement, mais également permettre
au corps législatif de la critiquer et de faire connaître son opinion.
- Le sénatus consulte du 2 février 1861 autorise la publication intégrale (et non plus
résumée) des débats parlementaires au journal officiel, qui est de nature à réhabiliter le rôle
politique de l'assemblée.
- le vote du budget section par section (à partir de 1861), et non plus en bloc pour
chaque ministère, ce qui permet un contrôle accru sur les dépenses de l'Etat.
- enfin en 1866 réapparition du droit d'amendement, qui ouvre lieu à délibération,
même si l'amendement n'est pas accepté par l'exécutif.
Grâce à ces réformes qui permettent à nouveau un certain contrôle de l'action
gouvernementale par le parlement, la vie politique commence à renaître = ce qui a pour
effet d'entraîner la reconstitution de formations partisanes en plus des fidèles de
l’Empereur.
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En vue des élections de 1863, l'opposition de droite, catholique et conservatrice
s'associe à l'opposition de gauche, laïque et républicaine, pour présenter, au bout de diverses
tractations, des candidats communs sous l'étiquette Union libérale.
Malgré toutes les mesures mises en œuvre par le gouvernement pour influencer
l'élection, les candidats du gouvernement obtiennent 5,3 M de voix, mais l'opposition 2 M de
voix (les voix de l'opposition ont triplé de 1857 à 1863), ce qui se traduit par 32 sièges de
députés sur 283 = l'orléanistes Thiers ou le socialiste Jules Simon sont élus.
En 1863, est formé un parti "le Tiers parti" animé par Emile Ollivier (un républicain
rallié à l'Empire) qui tout en restant attaché à l'Empire qui, en souhaite la libéralisation
("l'Empire dans la liberté" est d'ailleurs le titre du recueil de leurs revendications).
Ce qui fait évoluer les choses c’est également qu’à partir du milieu des années 1860, le
régime commence à connaître des difficultés d'origines diverses :
l'Empereur est malade, un certain nombre des proches, des ministres, fervents
bonapartistes meurent et surtout, l'Empire commence à connaître certains revers sur la scène
internationale.
Jusque là, il avait obtenu de nombreux succès. Napoléon III avait réussi à briser l'étau
que le traité de Vienne (1815) avait établi autour de la France, à réduire la puissance de la
Sainte Alliance.
Surtout, fervent défenseur du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, il s'était
comporté comme le défenseur des nationalités opprimées par les tyrans d'Europe = c'est en
partie grâce à l'appui militaire de la France que l'Italie s'était dégagée de l'emprise
autrichienne et avait réussi son unité.
A présent, rien ne va plus :
- L'unité italienne n'a pas eu que des aspects positifs : réduisant les Etats pontificaux,
elle mécontente l'opinion catholique qui commence à se détacher de l'Empereur.
- En 1866, la Prusse a battu l'Autriche (Sadowa) et elle affirme ainsi sa prédominance
et son dynamisme en Allemagne = la Prusse sera le principal artisan de la défaite française en
1870 et de l'unité allemande en 1871.
- De même Napoléon s'est engagé dans une folle expédition au Mexique pour défendre
de vagues intérêts financiers. En février 1867, il est contraint de rapatrier le corps
expéditionnaire.
Pour compenser ces difficultés, Napoléon III va faire, à partir de 1867 d'autres
concessions libérales, ce qu'il appelle des "réformes utiles" et une "extension nouvelle des
libertés publiques" : 2 exemples :
- En matière politique, un décret du 31 janvier 1867 transforme le droit d'adresse en
droit d'interpellation, beaucoup plus facile à mettre en œuvre =
Sur simple demande écrite de 5 députés acceptée par les bureaux du Sénat et du corps
législatif, un ministre est amené à s'expliquer sur sa politique, mais aucun moyen n'est prévu
pour la sanctionner. Cette réforme est la preuve que le régime est entrain d'évoluer dans la
voie du parlementarisme.
- L'extension des libertés publiques va concerner essentiellement la presse et la
liberté de réunion.
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- Une loi du 11 mai 1868 abolit certaines mesures répressives concernant la
presse (avertissement) mais en maintient d'autres (cautionnement, compétence des
tribunaux correctionnels pour les délits de presse).
- Une loi du 6 juin 1868 dispense d'autorisation préalable les réunions sauf si
elles ont trait à des questions religieuses ou politiques.
C’est un premier pas, mais en réalité ces concessions sont trop modestes pour
satisfaire réellement l'opinion et les journaux qui recommencent à paraître critiquent
sévèrement le gouvernement, souvent avec une grande ironie.
En tous cas, ce dernier tournant libéral arrive trop tard, et qui sera balayé par les
événements.
Les élections législatives de mai 1869, suscitent une passion qu’on n’avait jamais
atteinte jusque-là et elles donnent le ton d'un véritable changement de climat politique.
L'opposition républicaine radicale est désormais conduite par un jeune et brillant
avocat, Léon Gambetta qui résume les grandes lignes du programme politique = liberté
individuelle, de réunion, de la presse, suffrage universel, séparation de l'Eglise et de l'Etat,
instruction primaire laïque obligatoire... le tout relayé par la presse qui connaît un essor
extraordinaire.
Aux élections les candidats favorables au régime obtiennent 4,6 M de voix tandis que
toutes les oppositions réunies 3,3 M surtout dans les grandes villes. En nombre de sièges,
- une centaine de bonapartistes irréductibles ; bonapartistes autoritaires ("mameluks"),
- 120 sièges aux bonapartistes libéraux = tiers parti (Emile Ollivier = le Tiers parti est
formé de députés dynastiques mais libéraux dont la candidature avait été soutenue par le
gouvernement par crainte d'un échec électoral).
- Aux deux extrêmes, 30 sièges pour les républicains radicaux
- et 40 pour les orléanistes de Thiers.
Face au succès du Tiers parti, libéral, Napoléon III se voit dans l'obligation de faire de
profondes concessions = un sénatus-consulte du 8 septembre 1869 modifie en profondeur la
constitution. 3 modifications importantes :
- Les pouvoirs du corps législatif sont considérablement renforcés = il reçoit
l'initiative des lois et son droit d'interpellation est confirmé sans restrictions. Quant à la
procédure des amendements, elle est assouplie pour faciliter le travail de l'Assemblée qui
étend également ses prérogatives en matière budgétaire.
- Quant au Sénat il est transformé en une véritable chambre législative (son
approbation devient indispensable à la loi) même s'il continue à se distinguer par son mode de
recrutement.
- Pour ce qui est du gouvernement, on assiste à son renforcement = les ministres
peuvent désormais être choisis dans les chambres, et y entrer quand ils le désirent pour y être
entendus.
Ils forment un cabinet collectivement responsable, mais le fait qu'ils ne soient
responsables que devant l'Empereur et non devant les chambres, interdit que l'on puisse parler
d'un véritable régime parlementaire, bien que la pratique soit déjà en train de l'introduire.
Mais les républicains, considérant que ces concessions sont insuffisantes et croyant
que la chute du régime est proche, intensifient leur opposition, et Napoléon III, dont Emile
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Ollivier est devenu le premier ministre (le 27 décembre 1869), poursuit la libéralisation du
régime.
Un autre sénatus-consulte du 20 avril 1870 ratifie une nouvelle constitution, qui
tout en restant ambiguë, semble plus libérale que la précédente.
On retiendra :
- que les nouvelles attributions législatives du corps législatif sont confirmées
- que le Sénat achève sa transformation = il perd ses attributions constituantes, mais
acquiert l'initiative des lois, ce qui se traduit par une sorte de bicamérisme inégalitaire.
Mais surtout, il est prévu que les ministres sont responsables. Même s'il n'est pas dit
devant qui ils le sont, il semble logique qu'ils le soient politiquement devant les chambres.
L'esprit du régime est donc radicalement changé par l'introduction du système
parlementaire.
L'opposition libérale (Tiers parti) inquiète en raison de la virulence de l'opposition
républicaine, décide d'accepter cette réforme et le plébiscite du 8 mai 1870 auquel elle est
soumise est un véritable triomphe pour l'Empire libéral = 7,3 M de oui et seulement 1,5 de
non = malgré l'opposition républicaine, les campagnes ont massivement fait confiance à
l'Empereur.
La constitution est publiée le 21 mai 1870 = avec de pareils résultats l'Empire
semble donc consolidé et il semble pouvoir se maintenir et même prospérer sur ces bases
nouvelles.
La chute du régime est en fait liée à des circonstances extérieures.
Depuis quelques années, la Royaume de Prusse, dont la puissance ne cesse de
s'accroître, constitue une menace pour la France sur le plan européen.
Conduit par un chancelier dynamique et sans scrupule (Bismarck) la Prusse a d'abord
accru considérablement son influence en Europe par de nombreuses conquêtes territoriales et
surtout en rabaissant la puissance de l'Empire Austro-hongrois son ancien allié.
Pour achever l'unité de l'Allemagne, rien de mieux qu'une guerre nationale, pense
Bismarck, une guerre à conduire contre l'ennemi héréditaire, la France.
Pour provoquer le conflit, il suffit à la Prusse de faire connaître ses prétentions pour la
succession au trône d'Espagne (candidature d'un prince prussien) pour que la France tombe
dans le piège et réagisse face à cette menace et déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet
1870.
En quelques semaines les combats tournent au désastre = La nation et l'armée les plus
puissantes du monde sont battues = encerclé à Sedan, Napoléon III capitule le 2 septembre
1870.
Bismarck obtiendra le résultat escompté puisque le 18 janvier 1871, l'Empire allemand
est proclamé, à Versailles dans le Palais des glaces.
Mais entre-temps, deux jours après la défaite et profitant du choc qu'elle provoque, les
républicains soutenus par la foule parisienne prononcent la déchéance de l'Empire français, et
à l'Hôtel de Ville, Gambetta proclame la République le 4 septembre 1870.
Mais cela ne marque pas seulement un changement de régime.
C’est un autre changement radical de notre histoire politique et institutionnelle.
Nous en reparlerons peut-être l’année prochaine.
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